Tueries de Toulouse et Montauban : « l’Oslo » de la France

Stage commando de l'équipe de France

Les crimes de Toulouse, Montauban, et de nouveau Toulouse, coïncidant avec la campagne électorale, risquent de générer emballements et récupérations de toutes sortes. Il y a suffisamment d’horreur dans ces drames pour tenter d’échapper à ces pièges qui sont tendus aux Français et à leurs représentants politiques.

Un caractère « communautaire »

Le lien a été établi par les enquêteurs entre ces trois actes criminels.

Il y avait déjà un point commun à toutes les victimes de cette série noire de meurtres froids : elles ont toutes un caractère « communautaire », issues de « minorités » au sein de la communauté nationale. Les tués sont d’origine maghrébine, ou antillais, musulmans ou juifs

Qu’ils portent l’uniforme de l’armée française, ou qu’il s’agisse d’enfants, cette « différence » en a fait semble-t-il des cibles, et c’est déjà en soi insupportable.

Sans tenter, à ce stade, d’identifier le ou les auteurs, ni de tirer trop vite des conclusions, cet événement m’a immédiatement fait penser à la tuerie d’Oslo l’été dernier, la vengeance contre la société d’un extrémiste isolé, allé jusqu’au bout de sa folie.

Oslo, c’était une agression terrifiante contre la société norvégienne toute entière, et celle-ci a réagi avec force, unité, sans récupération de la douleur ou tentative de tirer la couverture à soi. Elle en est sortie meurtrie mais pas affaiblie.

Une épreuve et un test

Il faut espérer, malgré le contexte électoral qui exacerbe toutes les passions, que la réaction sera de même nature : une solidarité sans faille avec les victimes et leurs familles, toutes les victimes sans choisir la « sienne », une cohésion autour des valeurs de la République, une réaffirmation du refus de l’exclusion de ceux qui seraient « différents ».

Ces meurtres sont une épreuve et un test. Pour la société française autant que pour les candidats à la présidence qui seront jugés, jaugés, à l’aune de leurs réactions, de leurs émotions, de leurs positionnements passés ou présents.

Comme à Oslo, il faut espérer que le pays en sortira plus fort, et saura mettre en échec le ou les tueurs de Toulouse et Montauban, quelles que soient leurs véritables motivations.

Pierre Haski (Rue 89)

Voir aussi : Rubrique Norvège Démocratie après les attentats d’Oslo,

Crise financière et émeutes de Londres : des signaux d’alarme

Le mouvement du Caire

C’est le choc des images : celles de Londres en proie aux pires émeutes de mémoire de Londonien, et celles de la Bourse et de ces visages atterrés de traders sous le choc. Qu’est-ce que ces deux scènes sans rapport apparent nous disent sur notre monde ?

La crise financière et la violence urbaine : le rapprochement est hasardeux, et pourtant, inévitable, ne serait-ce que parce que ces deux sujets se disputent la une des journaux sans qu’il soit aisé de les analyser à chaud.

Le rapprochement, pourtant, s’impose, car réduire les émeutes de Londres, comme le font de nombreux politiciens et journalistes britanniques, à de simples actes criminels, sans prendre en considération le contexte économique et social dans lequel elles se produisent, relève de l’aveuglement. Même si les scènes de pillage, la dégradation gratuite, et la violence sans but évident brouillent le sens et facilitent les analyses réductrices, comme en France en 2005, lors de l’explosion des banlieues.
« Observez et pleurez pour notre avenir »

C’est dans le Daily Telegraph, le vieux quotidien conservateur, pourtant, qu’à côté des éditoriaux « law and order », on trouve cette analyse de Mary Riddell, chroniqueuse du journal :

« Ce n’est pas une coïncidence si les pires violences que Londres a connues en plusieurs décennies se déroulent dans un contexte d’économie mondiale en train de s’effondrer.

Bien que l’épicentre de l’actuelle crise soit dans la zone euro, les gouvernements britanniques successifs se sont employés à cultiver la pauvreté, les inégalités, et l’inhumanité qui sont aujourd’hui exacerbées avec la crise financière.

L’absence de croissance de la Grande-Bretagne n’est pas un sujet de discussion ni même un argument pour accabler George Osborne [le chancelier de l’échiquier ou ministre de l’Economie et des Finances britannique, ndlr], pas plus que notre force de non-travail sans formation, démotivée et sous-éduquée, n’est une variable d’ajustement de notre bilan national.

Observez les équipes de casseurs à l’action dans les rues de nos villes, et pleurez pour notre avenir. La génération perdue s’entraîne pour la guerre. »

Excessif ? Réaction trop émotionnelle sous le coup des images des bâtiments en flamme et de l’« anarchie » qui monte, comme le titrent plusieurs quotidiens ? Toujours plus d’austérité ?

La crise sociale a bon dos pour justifier des pillages insensés, répondent les apôtres de la répression et du « Kärcher » pour régler les problèmes. Mais la répression suffirait-elle pour résoudre la question du chômage massif (en Grande-Bretagne comme dans les quartiers défavorisés de France, comme en Espagne ou en Grèce), l’absence de perspective, des budgets sociaux décroissants, de l’insécurité ?

C’est là que la crise financière et la panique actuelle entrent en jeu. La crise financière, centrée sur la question de la dette et des équilibres budgétaires, pousse tous les gouvernements européens à plus d’austérité, à des réductions de dépenses publiques, à rogner et à diluer le modèle de société bâti dans l’après-guerre.

Comme l’ont joliment exprimé les « indignados » de Madrid, « nous ne sommes pas contre le système, c’est le système qui est anti-nous »…

Ces politiques, présentées comme inévitables pour « rassurer les marchés » et mettre fin à l’« esclavage » de la dette et du déficit, sont perçues par une part croissante de la population, en Europe, comme le prix payé par les pauvres pour un système qui est devenu fou, celui de la finance-reine.

En 2008-2009, les citoyens ont assisté au sauvetage des banques qui avaient participé au système et avaient manqué d’y laisser leur peau ; en 2011, c’est à eux qu’on présente l’addition.

Les émeutes de Londres ne sont pas directement liées aux derniers épisodes de la crise financière, qu’il s’agisse des soubresauts de la zone euro ou de la dégradation de la note de la dette américaine… Mais elles font assurément partie du paysage social d’une Europe ultra-libéralisée et paupérisée (c’est en particulier vrai en Grande-Bretagne après les périodes choc de Thatcher et Blair), en train de subir des électrochocs (Irlande, Portugal, Grèce…) peut-être insupportables.

Les dirigeants politiques européens actuels, concentrés sur l’objectif prioritaire de sauver ce qui peut l’être du système monétaire et de leur crédit, comme ceux qui aspirent à diriger leurs pays demain, auraient tort de négliger les signaux qui sont envoyés par les populations. Sous la forme éminemment sympathique des « indignados » de Madrid, ou sous celle, sinistre, des émeutiers de Londres.

Pierre Haski Rue 89

 

Voir aussi Rubrique, Grande Bretagne, Nouvelle envolée du chômage chez les jeunes Espagne, Spanish révolution, Irlande les irlandais sanctionnent leur gouvernement libéral, Portugal, Crise de la dette démission du socialiste Josè Socrates, rubrique UE, Nouvelles donnes pour les mouvement sociaux, Extension du domaine de la régression,

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