Tobin or not Tobin: la taxe sur les transactions financières s’éloigne

L'économiste James Tobin dans son bureau de l'université de Yale en 1981 © AFP Photo

L’économiste James Tobin dans son bureau de l’université de Yale en 1981 © AFP Photo

Les ministres des Finances de la zone euro ont annulé le 22 mai une réunion consacrée à la taxe sur les transactions financières (TTF). Cette taxe Tobin, qui pourrait rapporter plus de 10 mds d’euros en année pleine à la France, est sur la table de négociation depuis la crise financière de 2008. Alors que les Britanniques bloquaient son adoption, le Brexit éloigne un peu plus son application.

La taxe Tobin, du nom du prix Nobel d’économie qui l’a théorisé dans les années 70, consiste à prélever une commission minime sur chaque échange d’action ou produit financier. Après la grave crise financière de 2008, elle avait pour première fonction de limiter la spéculation. Avec la crise des subprimes, les Etats et les contribuables avaient déboursé des centaines de milliards d’euros pour sauver les banques. Il pouvait donc sembler légitime d’associer les marchés financiers aux lourds coûts des crises.

Réduire la spéculation
Concrètement, il s’agit de prélever une commission de 0,1 % sur chaque échange d’actions ou de produits dérivés, afin de réduire les transactions financières et limiter la spéculation.

Après les premiers blocages, notamment britanniques, une dizaine de pays européens ont lancé en 2013 une «coopération renforcée». Une coopération renforcée ne peut se faire que si au moins un tiers des Etats membres de l’UE (28 actuellement) y participent, soit 9 au minimum.

L’Allemagne, la France, la Belgique, le Portugal, la Slovénie, la Grèce, l’Italie, l’Espagne et la Slovaquie prévoient de taxer les actions et obligations à hauteur de 0,1% et les contrats dérivés à un taux de 0,01%.

#TTF ça coince sur la taxe Tobin…premier accroc en Europe pour Macron ? >> https://t.co/XXvFjdte8u https://t.co/LHTPORxeYf
— Nicolas Raffin (@Nico_Raffin) 22 mai 2017

Réu #TTF annulée sur demande @EmmanuelMacron @BrunoLeMaire qui reculent… pr mieux sauter? https://t.co/9h7pqq2cQC #Climat #Solidarité2017

— Oxfam France (@oxfamfrance) 22 mai 2017

Nouvelle donne
Paradoxalement, le Brexit, qui aurait dû faciliter les choses, semble aujourd’hui les compliquer. Depuis l’annonce du départ britannique, la Belgique rechigne à adopter le compromis. Mais pour le Premier ministre belge Charles Michel, son pays n’est pas le seul fautif. «En Allemagne, il existe des craintes depuis le Brexit. En France, Emmanuel Macron a également énoncé des doutes». Chacun est accusé de traîner les pieds face à cette réforme. Populaire dans l’opinion, la taxe Tobin semble de plus en plus dans l’impasse.

Avec le Brexit, des places financières comme Francfort (Allemagne) ou Paris espèrent en effet récupérer une partie des activités de la City de Londres. La mise en place d’une taxe sur les transactions financières serait un mauvais signal pour attirer les institutions financières britanniques (qui risquent de perdre leur passeport européen).

Depuis l’annonce du Brexit Paris, Francfort et Dublin rivalisent pour attirer les banques britanniques et des milliers d’emplois à la clé.
La compétition est vive et les trois capitales européennes sont prêtes à mettre la taxe Tobin sous le boisseau.

Concurrence européenne
Pour Alexandre Naulot, de l’ONG Oxfam, l’argument ne tient pas : «La taxe prévoit d’appliquer le principe de résidence. A partir du moment, où par exemple, une banque britannique fait une transaction avec une banque française, elle paiera la taxe. Or, les établissements financiers de la City ou d’ailleurs ne peuvent pas se couper des pays qui veulent mettre en place cette taxe, car ces Etats représentent 90 % du PIB de la zone euro. Les banques n’abandonneront jamais ce marché.»

Emmanuel Macron, qui veut attirer les activités financières en France, a émis des doutes sur l’adoption de la taxe Tobin. Si la France et la Belgique décidaient de se retirer du groupe de coopération, celui-ci disparaîtrait, car il doit rassembler au moins neuf Etats membres. Sur ce dossier, comme sur d’autres, les pays européens sont en concurrence au lieu de présenter un front uni.

Michel Lachkar

Source : Géopolis 24/05/2017

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Finance, Les spéculateurs devraient être jugés pour crime contre l’humanité, Rubrique  Politique, Politique Economique, , Un nouveau droit à l’opacité pour les multinationales, rubrique UE,

SFR va disparaître au profit d’Altice

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Le milliardaire français Patrick Drahi va créer une marque unique, Altice, pour tous ses actifs dont l’opérateur télécoms français SFR pour mieux poursuivre sa politique d’acquisitions et de chasse aux coûts.

Seuls les médias (BFM, RMC, Libération, L’Express, i24 news …) et les marques Red en France, Mocho, Uzo et Sapo au Portugal et Next TV en Israël vont garder leurs noms lors de cette transformation devant être opérée d’ici fin juin 2018, a annoncé mardi à New York l’entreprise.

Ce changement est censé refléter la présence mondiale de l’entreprise et lui donner une meilleure visibilité à l’international au moment où elle prépare l’introduction à Wall Street de ses activités américaines, appelées à générer à moyen terme la moitié des revenus.
« Altice entre aujourd’hui dans une nouvelle ère suivant notre transformation en un leader mondial des télécoms, des contenus et de la publicité », a déclaré le directeur général, Michel Combes.

SFR (société française de radiotéléphone), créée en 1987 par la Compagnie générale des eaux rebaptisée depuis Vivendi et rachetée en 2014 par Patrick Drahi, va devenir Altice. Son célèbre carré rouge sera remplacé par un « a » représentant un chemin, nouveau logo du groupe Altice.

Ce changement de nom permettrait de faire oublier les critiques liées à la qualité du réseau de SFR: selon l’association française des utilisateurs de télécoms, plus de la moitié des plaintes déposées contre un opérateur en 2016 ciblaient SFR.
La holding financière Altice va se fondre dans le nouveau groupe, tandis que Teads, jeune pousse en compétition avec Facebook et Google dans la pub vidéo en ligne, va maintenir son identité propre.L’impact sur les clients devrait être limité au départ mais Altice prévoit d’améliorer, simplifier et étoffer ses offres commerciales.

« Nous allons fournir réseaux, médias, informations, sport, divertissement (…) services et plateformes pour aider nos clients à transformer leurs rêves en réalité », a déclaré Patrick Drahi dans un discours prononcé à Bethpage, à l’est de Manhattan.

En mettant ses actifs sous une bannière unique, le dirigeant espère faire d’importantes économies d’échelle, en réduisant les coûts marketing et de création. Le nombre des agences pub va passer de dix à une.

 

Emplois pas affectés

Altice assure que cette transformation ne devrait pas avoir d’impact sur l’emploi.
Créée à Luxembourg en 2001, la société s’est développée à grande vitesse à partir de 2002, principalement grâce à des prises de participations dans des entreprises et des acquisitions (Numericable, SFR, Cablevision, Suddenlink, Portugal Telecom, Hot) dans différents secteurs allant du câble à la production de contenus en passant par les télécoms, les médias, la publicité vidéo en ligne et l’analyse des mégadonnées.

Le groupe, présent dans sept pays (France, Israël, Etats-Unis, Portugal, Suisse, Luxembourg et République dominicaine), dans les Caraïbes (Guyane, Martinique, Guadeloupe) et à La Réunion, a également acquis d’importants droits sportifs tels que la diffusion exclusive de la prestigieuse Ligue des champions de football de 2018 à 2021 en France.< L’an dernier, Altice, dont la colossale dette de 50 milliards d’euros soulève des questions sur la solidité de son modèle basé sur l’endettement, a réalisé un chiffre d’affaires de 23,52 milliards d’euros.

Le changement de nom s’inscrit dans la stratégie de convergence entre les réseaux, les télécoms, les médias et les contenus voulue par Patrick Drahi. Altice entend proposer des produits similaires sur tous ses marchés et envisage ainsi de lancer prochainement aux Etats-Unis une « Box », produit inexistant sur ce marché.

Il devrait s’accompagner de la modification des adresses internet des salariés et aura des conséquences cosmétiques sur l’organigramme.

L’ex-banquier d’affaires Dexter Goei conserve la présidence du conseil d’administration et la direction des activités américaines. Michel Combes reste le directeur général du groupe, tandis que le patron de SFR devient le dirigeant d’Altice France, idem pour les responsables des activités par pays. Alain Weil va, lui, devenir le patron d’Altice Médias.

Le chantier apparaît colossal au vu des multiples cultures et métiers qui coexistent au sein du groupe, même si Altice envisage d’encourager les passerelles. Il avait fallu près de dix ans à France Télécom par exemple pour finalement réunir en 2013 toutes ses activités sous la bannière Orange.

Source : AFP 23/05/2017

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La justice enquête sur la vente de sous-marins français au Brésil

La justice française s'intéresse à la vente en 2008 de cinq sous-marins par la France au Brésil (Reuters)

La justice française s’intéresse à la vente en 2008 de cinq sous-marins par la France au Brésil (Reuters)

Le parquet national financier s’intéresse au contrat de 6,7 milliards signé avec le Brésil en 2009 pour la livraison de cinq navires. DCNS assure au JDD avoir « respecté les règles de droit ».

e parquet national financier a très discrètement ouvert une enquête préliminaire sur la vente de sous-marins français au Brésil. Signé en 2009 par DCNS, le géant français des constructions navales, le contrat, d’un montant total de 6,7 milliards d’euros, pourrait avoir donné lieu au versement de commissions occultes à des politiciens locaux via le partenaire brésilien, le groupe de BTP Odebrecht, déjà largement impliqué dans un gigantesque scandale, l’opération « Lava Jato » (« lavage express »). « Des cadres d’Odebrecht mis en cause auraient cité la société française, il s’agit de procéder à des vérifications », confie une source informée.

La chef du PNF, Éliane Houlette, accompagnée de trois magistrats de son parquet ainsi que de Thomas de Ricolfis, directeur de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (Oclciff), se sont rendus au Brésil la semaine dernière. Officiellement dans le but de « renforcer la coopération judiciaire » entre les deux pays, ils ont rencontré le président de la Cour suprême et le procureur général du Brésil. Mais selon nos informations, en marge de ces discussions protocolaires, les enquêteurs français ont également tenu de discrètes réunions de travail avec les investigateurs brésiliens en charge de l’affaire Odebrecht.

200 élus auraient touché des pots-de-vin

L’enquête initiale a commencé il y a un peu plus de deux ans par le volet Petrobras, du nom de cette entreprise pétrolière liée à Odebrecht où sont apparus les premiers pots-de-vin. Depuis, plus de 70 cadres de cette gigantesque entreprise du BTP ont été impliqués, dont le PDG, Marcelo Odebrecht, déjà condamné à dix-neuf ans de prison. Avec son père Emílio, lui aussi épinglé, ils « coopèrent avec la justice » en échange de remises de peine. « La corruption est institutionnalisée depuis trente ans », a expliqué Emílio Odebrecht sous serment. Depuis leurs accusations, plus de 200 élus brésiliens sont désormais soupçonnés d’avoir touché des pots-de-vin. C’est apparemment suite à ces aveux internes que la vente des sous-marins français a fait son apparition dans le tentaculaire dossier de corruption. « Par définition, il faut être prudent avec des déclarations de repentis », pondère une source proche du dossier.

La vente remonte à 2008. Depuis plusieurs années, le Brésil, avec ses 8.500 km de côtes, cherchait à se doter d’un sous-marin nucléaire. « Lors de la guerre des Malouines en 1982, un seul sous-marin nucléaire britannique a bloqué toute la flotte argentine… Depuis, en Amérique latine, tout le monde en veut un », confie un expert naval français. Le Brésil aurait d’abord cherché à s’équiper auprès des Américains, mais ces derniers n’exportent pas leur technologie nucléaire. Pas plus que les Russes et les Anglais, liés à des équipements sous embargo US. Restaient les Chinois et les Français…

En 2007, après l’échec de la vente des avions Rafale, la vente de submersibles français se serait conclue dans le bureau du président Lula avec Nicolas Sarkozy. Le contrat global signé en 2009, baptisé Prosub, prévoit la livraison de quatre sous-marins conventionnels de type Scorpène (pour remplacer les quatre sous-marins brésiliens livrés par les Allemands à la fin des années 1990) et d’un sous-marin à propulsion nucléaire. Sur demande des autorités locales, DCNS a monté un partenariat sur place avec Odebrecht. Le géant brésilien du BTP a eu pour mission de construire toute l’infrastructure du site d’Itaguaí, un énorme complexe de près de 5 km2, à 70 km au sud de Rio, prévu pour accueillir le chantier des sous-marins puis, à terme, leur servir de base navale. Mais le  premier submersible conventionnel, qui devait être lancé cette année, ne le sera pas avant 2018. Quant au chantier du sous-marin nucléaire, prévu pour être opérationnel en 2021, il accuse cinq ans de retard.

Un trésor de guerre évalué à 3 milliards d’euros

L’opération de 2009 a-t-elle donné lieu à des versements de commissions occultes? Selon les enquêteurs brésiliens, tous les chantiers d’Odebrecht (la plupart des stades pour la Coupe du monde, le parc olympique de Rio notamment) ont donné lieu à des surfacturations pour abonder un trésor de guerre déjà évalué à 3 milliards d’euros. « Partout où l’on a une présence forte, il y avait des dessous-de-table, c’est clair », a confessé Marcelo Odebrecht. L’entreprise française DCNS a-t-elle ou non été liée à de quelconques surfacturations ou à des versements de fonds ? A-t-elle pu ignorer les pratiques de son partenaire local? Les vérifications lancées par le PNF vont tenter d’y voir clair. « DCNS déclare n’avoir rien à voir avec l’affaire Lava Jato et assure respecter scrupuleusement, partout dans le monde, les règles de droit », a sobrement répondu hier matin au JDD un porte-parole du géant industriel français.

Laurent Valdiguie

Source JDD 21/05/2017

Voir aussi : Actualité Internationales, Rubrique Amérique Latine , rubrique Brésil, rubrique Politique, Affaires, rubrique Economie, rubrique Société, Justice,

Edouard Philippe, un chef de gouvernement pas très « vert »

12485589image_defaut_3Ancien cadre d’Areva, le premier ministre a voté comme député contre les lois sur la transition énergétique et sur la biodiversité.

Le chef de l’Etat, qui n’a guère fait campagne sur les thématiques environnementales, s’est choisi un premier ministre, Edouard Philippe, lui-même peu sensible à l’écologie. Le maire du Havre (depuis 2010), diplômé de Sciences Po et de l’ENA, n’a pas vraiment manifesté, dans son parcours professionnel pas davantage que dans ses mandats électifs, d’attrait pour les questions environnementales.

Les ONG écologistes s’alarment de son passé – à leurs yeux de son passif – au sein du groupe Areva, alors fleuron du nucléaire français, dont il a été directeur des affaires publiques de 2007 à 2010. « Cette nomination est extrêmement inquiétante au regard des enjeux actuels, écrit le réseau Sortir du nucléaire. Aucune complaisance ne saurait être tolérée envers l’industrie nucléaire de la part de l’exécutif. Mais cette nomination d’un ancien VRP d’Areva laisse craindre le pire et en dit long sur l’intérêt d’Emmanuel Macron pour la transition énergétique. »

L’Observatoire du nucléaire, de son côté, affirme que chez Areva M. Philippe a eu pour activité principale de « s’assurer de la collaboration de parlementaires acquis au lobby de l’atome ». Et qu’à ce titre, il n’a pas été étranger, en 2008, à l’« accord signé entre Areva et le pouvoir du Niger concernant l’exploitation de l’uranium, accord immédiatement contesté par le Mouvement des Nigériens pour la justice ».

« Lobbyiste professionnel »

A l’Assemblée nationale, le député (UMP puis LR) de Seine-Maritime n’a pas brillé par son engagement pour l’écologie, quand il n’a pas œuvré contre. A l’unisson de sa famille politique, il y a voté en défaveur de la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte, de même que contre la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Sur l’épineux dossier du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, il appelait à passer aux actes, dans une interview sur France Info en octobre dernier. Celui qui était alors le porte-parole d’Alain Juppé pour la primaire de la droite et du centre espérait « qu’on pourrait engager les travaux avant mai ou juin 2017 ».

« Je souhaite au premier ministre de réussir, mais je ne saute pas de joie à la nomination d’un homme qui a voté contre la loi sur la transparence de la vie publique, contre les lois en faveur de l’écologie, et qui est un lobbyiste professionnel », réagit la députée PS des Deux-Sèvres Delphine Batho, ancienne ministre de l’écologie, de juin 2012 à juillet 2013, dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Elle « ne garde pas souvenir d’intervention marquante » sur les questions environnementales de M. Philippe durant cette période, pendant laquelle il était pourtant membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.

A cette époque, le maire du Havre avait suscité l’espoir, dans sa ville, de s’engager dans la voie de la transition énergétique. En 2011, un an après son accession à la mairie à la suite de la démission de son prédécesseur, il annonçait qu’Areva, son ancien employeur, allait implanter sur le port deux usines de fabrication de pales et de nacelles d’éoliennes offshore. Le projet s’inscrivait dans le cadre de l’appel d’offres du gouvernement pour développer l’éolien marin le long des côtes, avec notamment l’implantation de 600 turbines au large du Tréport et de Fécamp. Las, en 2016, Areva, confrontée à une crise économique sans précédent, se sépare de son activité dans l’éolien en mer, qu’elle cède à la société Adwen (Siemens-Gamesa). Les usines pourraient dorénavant retrouver des vents favorables alors que les permis de construire ont été déposés par le consortium en avril, dans l’espoir de déboucher sur la création de 750 emplois.

Une des dernières centrales au charbon

« Pour le reste, Edouard Philippe a fonctionné pendant sept ans avec un vieux logiciel productiviste tourné vers les énergies sales, juge Alexis Deck, le seul conseiller municipal havrais d’Europe Ecologie-Les Verts. Il m’a dit un jour : “Entre l’emploi et l’environnement, je choisirai toujours l’emploi.” Cela résume bien sa position, qui ne comprend pas que les deux peuvent aller de pair. » Une préférence qu’il l’a notamment conduit à défendre à tout prix la centrale au charbon de la ville, qui emploie 180 salariés, l’une des quatre dernières de France.

Alors que l’Hexagone s’était engagé à sortir de cette énergie fossile des plus nocives, lors de la conférence sur le climat de Paris en novembre 2015, le maire a fait pression auprès de la ministre de l’environnement avec les autres élus locaux, de gauche comme de droite, et les syndicats. Ils ont obtenu de Ségolène Royal qu’elle revienne sur sa décision de fermer le site en 2023 au lieu de 2035. « On a en a pris pour treize ans de charbon supplémentaires, alors que la centrale émet chaque année des milliers de tonnes de polluants atmosphériques », dénonce Alexis Deck.

Economie circulaire et zéro-phyto

Une critique que réfute Marc Migraine, l’adjoint au maire chargé de l’environnement, qui rappelle que « l’industrie a fait des progrès considérables pour limiter les émissions » et que « près de 200 millions d’euros ont été dépensés en 2014 et 2015 pour moderniser la centrale ». Pour lui, Edouard Philippe a compris que « le développement durable était un enjeu pour transformer l’image de la ville ». Au titre de ses réalisations, il cite la réduction des émissions de dioxyde de carbone de 3 % par an, la baisse de la consommation d’eau de 40 % en six ans, l’interdiction des produits phytosanitaires dans les jardins publics depuis 2013 ou encore un projet d’économie circulaire, avec la réutilisation de l’énergie résiduelle de la zone industrielle pour chauffer un quartier de 15 000 habitants.

« Son bilan est mitigé, juge malgré tout Annie Leroy, vice-présidente de l’association Ecologie pour Le Havre. Le maire, qui est aussi président de la communauté de communes, a amélioré le tri des déchets en nous dotant d’une centrale de tri performante. Mais il n’a pas développé les mobilités douces. » « Certes, il y a des nouvelles pistes cyclables, mais leurs trajets, leurs agencements, s’adaptent aux routes, et non l’inverse. Il n’est pas prévu de questionner l’usage de la voiture », regrette Stéphane Madelaine, du collectif Le Havre Vélorution. Si Edouard Philippe a inauguré deux lignes de tramway fin 2012, il s’agit d’un projet de son prédécesseur, Antoine Rufenacht, de même que pour la création des emblématiques jardins suspendus.

« Edouard Philippe a finalement eu peu de considération pour l’environnement au Havre. Je suis très inquiet qu’il reproduise cette attitude au niveau national », prévient Alexis Deck. Et Mme Batho de conclure : « La question est de savoir si ce qu’incarne le premier ministre sera contrebalancé par une vraie place accordée à l’écologie dans le dispositif gouvernemental global. »

Audrey Garric et Pierre Le Hir

Voir aussi : Rubrique Ecologie, rubrique Politique, Face au lobby nucléaire, Ségolène Royal capituleUn accident nucléaire, c’est la fin de la démocratie, rubrique Economie,

Source Le Monde 16/05/2017

Présidentielles en Iran

Zahra, l'héroïne de bande-dessinée créée par Amir Soltani était candidate à l'élection présidentielle iranienne en 2013

Zahra, l’héroïne de bande-dessinée créée par Amir Soltani était candidate virtuelle à l’élection présidentielle iranienne en 2013

Les Iraniens seront appelés vendredi à élire un nouveau président. Le duel opposera l’actuel président Hassan Rohani au religieux conservateur Ebrahim Raïssi. Beaucoup d’observateurs voient dans ce scrutin un test de la politique d’ouverture à l’Occident pratiquée par Rohani, dont l’accord sur le nucléaire a été un important jalon. Les commentateurs conjecturent sur l’avenir du pays.

LA POPULATION NE PROFITE PAS DE L’ACCORD SUR LE NUCLÉAIRE

Le peuple ne ressent pas vraiment les retombées positives de l’accord sur le nucléaire, explique le politologue Valentin Naumescu sur la plate-forme de blogs Contributors :

«Selon un sondage du mois d’avril, 72 pour cent des Iraniens estiment que le ‘Joint Comprehensive Plan of Action’ n’a pas généré de changement significatif de leur niveau de vie. Ils n’ont pas ressenti non plus le bénéfice de la levée progressive des sanctions, même si la croissance annuelle de l’Iran était de l’ordre de cinq à huit pour cent en 2015 et 2016. Le chômage reste élevé aujourd’hui. Il atteint 12 pour cent dans l’ensemble et près de 25 pour cent chez les jeunes. C’est l’une des raisons pour laquelle le scrutin ne devrait pas pouvoir être scellé à l’issue du premier tour et qu’un second tour devrait être nécessaire – pour la première fois depuis 1981.»

Valentin Naumesc

Source Contributors 16/95/2017

 

A QUAND LE PROCHAIN COUP D’ETAT ?

Le risque de coup d’Etat en Iran est imminent, redoute Taimoor Aliassi, représentant à l’ONU de l’Association pour les droits humains au Kurdistan iranien, dans Le Temps :

«La génération d’après la révolution, déçue de trente-sept ans de règne sans partage du clergé, a du mal désormais à croire à un avenir meilleur sous l’égide des ayatollahs. Nombreux sont les intellectuels, politologues, journalistes, activistes et artistes pour qui la question n’est plus de savoir quand il y aura un coup d’Etat, mais quelles en seront les modalités et les conséquences, à savoir : un bain de sang et un embrasement généralisé comme en Syrie ou en Irak ? Ou bien une reprise en main encore plus autoritaire et centralisée, plus ou moins téléguidée de l’étranger par certaines puissances occidentales, Etats-Unis en tête, qui n’ont aucun intérêt à voir le pays s’embraser, et sont prêtes à sacrifier leurs prétendus idéaux sur l’autel de la stabilité de la région.»

Source Le Temps 16/95/2017

 

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Moyen Orient, Iran, Législatives : poussée des alliés du président Rohani , pas de majorité claire, rubrique Politique internationale, Paris et Téhéran jouent l’ouverture économique et diplomatique,