Afrique du Sud: les manifestations pour une éducation gratuite se poursuivent

Des étudiants défient la police à l'université de Witwatersrand, à Johannesburg, le 4 octobre 2016. Photo Reuters Siphiwe Sibeko

Des étudiants défient la police à l’université de Witwatersrand, à Johannesburg, le 4 octobre 2016. Photo Reuters Siphiwe Sibeko

En Afrique du Sud, certaines universités sont toujours fermées comme la plus grande fac de Johannesburg, Wits, qui a dû à nouveau fermer ses portes cette semaine après des heurts entre étudiants et forces de l’ordre. Le mouvement national de contestation agite les universités du pays depuis deux semaines, lorsque le gouvernement a recommandé une augmentation des frais universitaires limitée à 8%. Alors que les étudiants demandent purement et simplement une éducation gratuite.

La contestation étudiante ne faiblit pas et a relancé le débat sur le droit à l’éducation gratuite. L’Afrique du Sud peut-elle et doit-elle offrir une éducation gratuite pour tous ? Une année de frais universitaires coûte au minimum 2 000 euros. Les universités se plaignent du manque d’argent. Le budget de l’Etat pour l’éducation supérieure ne représente que 0,75% du produit intérieur brut.

Et pour la première fois, le ministre sud-africain des Finances, Pravin Gorhan a suggéré que le gouvernement n’avait pas les moyens de rendre l’éducation supérieure gratuite. « Le gouvernement fait au mieux pour répondre au besoin immédiat. Nous devons travailler ensemble pour répondre aux attentes de tous. Pour l’instant, il est impossible de dire quand il sera possible d’avoir une éducation gratuite pour tous. En tout cas, une éducation gratuite pour les plus pauvres est sur la table », a-t-il souligné.

Le gouvernement s’est toutefois engagé à prendre en charge l’augmentation des frais universitaires pour les étudiants les pauvres. Mais selon les manifestants, ces mesures excluent encore des milliers d’étudiants noirs. Ils rappellent que l’éducation gratuite était une promesse de l’ANC (Congrès national africain) quand le parti est arrivé au pouvoir. Mais là aussi les autorités tempèrent et précisent qu’il a toujours été question d’éducation gratuite pour les plus pauvres et non pour tous.

Source RFI 06/10/2016

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En Inde, les intouchables se rebellent et font grève

Le leader des dalits, Jignesh Mewani,  septembre 2016. © Sam Panthaky/AFP

Le leader des dalits, Jignesh Mewani, septembre 2016. © Sam Panthaky/AFP

Selon la Constitution de 1950, le régime des castes a été supprimé en Inde. Or, la ségrégation est toujours de mise notamment dans les métiers. Ceux qui sont hors caste, les dalits, pauvres parmi les pauvres, nettoient le pays des cadavres et des excréments. Suite à une énième humiliation, ils se sont mis en grève dans l’Etat du Gujarat, celui du Premier ministre Narendra Modi.

On les appelle «intouchables», eux utilisent le terme de Dalit, ce qui signifie «brisé» ou «opprimé». L’Inde compte 200 millions de dalits sur 1,2 milliard d’habitants. Malgré la Constitution, la discrimination de caste est toujours aussi vive en Inde. Les dalits n’ont droit à rien. Ni dans les campagnes, ni dans l’Inde moderne qui envoie ses enfants à l’université et des fusées dans l’espace.

Le dalit reste cantonné aux tâches ingrates. Equarisseur de vaches sacrées ou nettoyeur de latrines. Qui plus est, les dalits sont des boucs émissaires faciles, subissant la haine de la société pour un rien. En quatre ans, les crimes contre les dalits ont augmenté de 40%. Ainsi fin juillet dans la ville d’Una au Gujarat, des miliciens se proclamant défenseurs des vaches sacrées, s’en sont pris à quatre dalits, les accusant d’avoir tué un de ces bovins.

Sur le reportage de l’AFP, on peut voir les quatre malheureux passés à tabac à coup de barres de fer. Une humiliation de trop pour les dalits qui ont multiplié les manifestations souvent violentes dans l’Etat du Gujarat. Un policier y a même trouvé la mort.

Parallèlement, ils ont cessé leur travail depuis deux mois, refusant de ramasser les cadavres de vaches dans les rues. Selon le leader du mouvement, Jignesh Mevani, la communauté dalit se réveille et refuse désormais toute discrimination. Plus récemment, une femme enceinte et sa famille, qui participaient au mouvement de grève des dalits, ont été attaquées à coup de bâtons par des membres de la haute caste des darbars.

Que cela se déroule dans l’Etat du Premier ministre Narendra Modi n’est sûrement pas le fruit du hasard. Nationaliste et conservateur, il a souvent été accusé de faire le jeu du fondamentalisme hindou avant son élection en 2014. Les «ultras» fleurissent un peu partout dans le pays, réclamant notamment de remettre à l’honneur le régime des castes.

Jacques Deveaux

Source : Geopolis 04/10/2016

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Embarassant soutien de la «brigade Krasucki» aux salariés d’Air France

Depuis la Syrie, le soutien de la «brigade Krasucki» aux salariés d’Air France

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«Liberté pour les 16 d’Air France ! Victoire pour la CGT !» ont écrit sur un muret de la ville de Manbij les membres de ce groupe, qui ont rejoint un bataillon de syndicalistes britanniques luttant contre l’Etat islamique.«Syndicalistes, pas voyous ! Antifascistes, pas terroristes !» Ainsi se conclut le message de combattants français en Syrie, posté mardi sur la page Facebook de la CGT Cheminots Versailles. Sur la photo accompagnant le message, cinq hommes en tenue militaire, armés de fusils d’assaut, prennent la pose sur le toit d’un immeuble délabré, avec derrière eux ces mots écrits sur un muret : «Liberté pour les 16 d’Air France ! Victoire pour la CGT ! Brigade Henri Krasucki.» La date de la publication n’est pas anodine : mardi s’ouvrait le procès de quinze salariés (et non seize, mais l’un d’eux est mis en cause deux fois) d’Air France dans le cadre de l’affaire dite «de la chemise arrachée».

Source Libération :

Procès Air France : le soutien inattendu de la « brigade Krasucki » en Syrie

15511617Cest un soutien pour le moins inattendu. Les 15 salariés d’Air France, qui comparaissaient mardi et mercredi devant la justice dans l’affaire des « chemises arrachées », ont reçu un message de solidarité de la part de combattants alliés aux milices kurdes en Syrie.

Sur une photographie, on voit cinq hommes cagoulés, Kalachnikov au poignet. Les combattants posent devant un mur marqué de ce slogan :

« Liberté pour les 15 d’Air France. Victoire pour la CGT. »

Les inscriptions sont signées « Brigade Henri Krasucki ».

La photo peut paraître surréaliste, ou anachronique. Pourquoi ce message en français sur un mur de Syrie ? Et pourquoi une brigade de combattants porte-t-elle le nom d’un ex-dirigeant du syndicat français CGT ?

Est-ce un photomontage ? Non, le reporter Nicolas Hénin, spécialisé dans les conflits, assure qu’il n’y a aucun doute sur l’authenticité de la scène. « On avait déjà vu des photos et vidéos de ce groupe par le passé », explique-t-il à « l’Obs ».

D’où vient la photo ?

La photo est d’abord diffusée sur le compte Facebook de la CGT cheminot Versailles, qui a obtenu l’image via leurs homologues d’outre-Manche : « Nous sommes liés au syndicat cheminot britannique RMT. Au sein des Bataillons Internationalistes de Libération, s’est constituée la brigade ‘Bob Crow’, contenant des membres du syndicat anglais », explique à « l’Obs » le secrétaire de la CGT Cheminot Versailles qui a reçu la photo mardi, « c’est un responsable du RMT qui m’a envoyé la photo. »

Un message accompagne la photo et révèle les revendications de ce bataillon :

« Nous, combattants français, de la Brigade Henri Krasucki, du Bataillon Internationaliste de Libération, soutenons la journée de mobilisation contre la répression du 27 septembre à l’initiative de notre syndicat, la Confédération Générale du Travail ; et apportons notre soutien aux syndicalistes d’Air France et à toutes celles et ceux qui luttent. »

A la fin du communiqué, la brigade fait la corrélation entre leur lutte en Syrie et celle de la CGT en France :

« Si nous luttons ici, loin de chez nous, pour le peuple syrien opprimé par les années de guerre et successivement par les régimes dictatoriaux et fascistes djihadistes, si nous luttons aux côtés du peuple kurde pour sa libération et son indépendance, si nous luttons contre l’organisation terroriste fasciste DAECH, notre but n’est pas différent du vôtre : LIBERTE ET JUSTICE ! »

Enfin, le message conclut par :

« VIVE LA CGT ! SYNDICALISTES, PAS VOYOUS ! Antifascistes, pas terroristes ! »

Krasucki et l’esprit brigadiste

Les brigades internationalistes viennent de participer à la bataille de Manbij. Ils ont libéré la ville de Daech, d’où les inscriptions qui apparaissent sur le bâtiment de la photo. Ils combattent au Rojava, la région kurde du nord de la Syrie, auprès du YPG, émanation syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) en Turquie. L’idéologie du PKK est issue du marxisme-léninisme et la région du Rojava s’est tournée vers un système confédéral, une gestion décentralisée de la politique et de l’économie. En théorie, une approche peu éloignée du syndicalisme.

Le secrétaire de la CGT cheminot de Versailles estime pour sa part:

« Ils honorent la CGT en ayant cet esprit brigadiste, progressiste et en prenant le nom d’Henri Krasucki. Ce qui n’est pas un hasard. »

Henri Krasucki était une grande figure du syndicalisme français et secrétaire général de la CGT. Résistant pendant la Seconde guerre mondiale, il fut membre actif de la section juive des FTP-MOI et membre du Parti communiste. Ses actes de bravoures face à l’occupation allemande, sabotages, lancement de tracts depuis le métro aérien, actions militaires ou encore recrutement, explique pourquoi la brigade internationaliste française a choisi un tel nom pour la représenter.

Bob Crow, lui, était un responsable syndical anglais, ancien secrétaire général du syndicat RMT. La brigade « Bob Crow » est composée d’Anglais, d’Irlandais et de Canadiens. Elle a, tout comme le bataillon français, choisi de se ranger derrière une bannière internationaliste, à l’instar de la guerre d’Espagne. Ces combattants prennent part au conflit syrien pour lutter contre Daech, qui incarne « le fascisme ».

Charles Thiefaine

Source l’Obs 28/09/16

la CGT publie un « démenti« , en fin d’après-midi sur son site internet.

cgt-confederationC’est avec stupeur et consternation que la Confédération Générale du Travail et ses militants ont découvert sur les réseaux sociaux une publication d’une brigade, membre du bataillon international de libération, faisant référence à la CGT et à son ancien premier dirigeant Henri KRASUCKI.

La CGT tient à affirmer que ces individus agissent en leur nom propre et sans aucun mandat d’une organisation de la CGT.

Non seulement nous réfutons tout lien avec ce groupuscule mais surtout nous condamnons l’utilisation des valeurs de fraternité et de paix entre les peuples qui ont guidé notre ami et camarade Henri KRASUCKI tout au long de sa vie notamment au cours des heures les plus difficiles de sa jeunesse.

Montreuil, le 28 septembre 2016

 

Réponse de la brigade Henri-Krasucki à la confédération CGT, publié le 29 septembre 2016 sur la page Facebook du Bataillon international de libération du Rojava :

Camarades et amis,

Nous sommes étonnés du démenti qu’a dû fournir la direction de la CGT suite à notre message de soutien aux syndicalistes d’Air France en procès. La photo prise de la ville de Manbij et notre déclaration n’étaient destinés qu’aux camarades en procès pour leur assurer que, même a l’autre bout du monde, ils avaient du soutien, et aucun cas entraîner la CGT dans une quelconque polemique.

Non ce n’est absolument pas le syndicat qui nous a envoyés combattre en Syrie et ce n’est pas lui qui nous a organisés. Ce n’est pas le but de la CGT. C’est de notre propre chef que nous nous sommes rendu en Syrie pour combattre l’organisation fasciste Daech au côté du peuple kurde.

C’est ici même que nous nous sommes rendus compte que nous étions plusieurs à être syndiqués à la CGT, ce qui a renforcé notre lien, et c’est simplement de camarades à camarades que nous avon voulu apporter notre soutien aux syndicalistes en procès.

Même d’ici nous pouvons suivre l’actualité de notre pays et nous sommes fiers du travail effectué par la CGT, particulièrement lors des dernières grèves contre la loi Travail. Cependant nous n’avons aucun droit à nous exprimer au nom de la CGT. Nous nous excusons auprès de nos camarades si cela les a entraînés dans une polémique.

Cependant nous souhaitons répondre ceci à la direction de la CGT :

  • tout d’abord nous ne pouvons être considérés comme un « groupuscule » car nous ne sommes pas une organisation politique,
  • ensuite nous avons choisi le nom du camarade Henri Krasucki pour notre Brigade (ou takim ici) car nous pensons notre combat dans la continuité du sien. Internationaliste il a combatu l’occupant nazi en France dans les rangs des FTP-MOI, puis a continué son combat au sein du Parti communiste et à la direction de la CGT pour défendre les droit des tavailleuses et des travailleurs. Ses valeurs de fraternité et de paix, nous les portons ici contre l’organisation fasciste Daech et pour la liberté des peuples de Syrie écrasés par tant d’années de guerre.

Durant la guerre d’Espagne ce sont par centaines que l’on pouvait compter les membres de la CGT partis combattre le franquisme aux côtés des républicains espagnols.

Nous continuons leur combat.

 

brigade Henri-Krasucki

 

Notes

Henri Krasucki jeune     Lors de son arrestation, en mars 1943. © coll. Préfecture de Police de Paris

Henri Krasucki jeune
Lors de son arrestation, en mars 1943. © coll. Préfecture de Police de Paris

Henri Krasucki a combattu le fascisme les armes à la main. Résistant sous l’Occupation, membre de la FTP-MOI, arrêté par la gestapo, torturé, déporté en camp de concentration, puis partie prenante de l’insurrection de Buchenwald, le 11 avril 1945.

* « Brigade Henri-Krasucki » est le nom que se s’est donné un groupe de cégétistes français engagés au sein du Bataillon international de libération du Rojava, qui accueille les volontaires venu.es de l’étranger pour participer à la lutte révolutionnaire au Kurdistan. Le bataillon est intégré aux Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance arabo-kurde se battant pour l’instauration du confédéralisme démocratique en Syrie.

Voir aussiActualité Internationale, Rubrique Société, Travail, Arcelor Mittal : 2 intérimaires ont chuté dans la fonte en fusion. La presse préfère parler de 2 chemises déchirées, Justice, rubrique Livre, Orwell un cran à gauche, Badiou Organiser une critique de la démocratie,

Grand malaise à la rédaction de la radio France info

Newsroom de FranceInfo le 31 août 2016. / Bertrand Guay/Afp

Newsroom de FranceInfo le 31 août 2016. / Bertrand Guay/Afp

Le nouveau média franceinfo est dans la tourmente. Un conflit sur le recours à des journalistes multitâches (texte et montage vidéo) pour la chaîne d’info publique est sur le point de se résoudre avec la signature promise par FO et la CGT (mais pas le SNJ) d’un accord avec la direction de France Télévisions.

Mais un autre front s’est ouvert lundi 19 septembre 2016 à la Radio France Info. Une soixantaine de journalistes (sur environ 130), dont plusieurs rédacteurs en chef et la majorité des chefs de service, ont signé une « motion » intitulée « la naissance de franceinfo met en danger la crédibilité de notre station ».

Les signataires ont afflué après un épisode survenu samedi 17 septembre. « À 16 h 30, la chaîne franceinfo annonçait, sans employer le conditionnel, qu’une prise d’otages était en train de se dérouler dans l’église Saint-Leu à Paris, sur la base du témoignage d’une commerçante du quartier citant les réseaux sociaux », détaille Celia Quilleret, déléguée du personnel du Syndical national des journalistes (SNJ). Un quart d’heure plus tard, nous démentions sur la radio la rumeur d’une prise d’otages, en parlant de fausse alerte ». Sans être repris par la chaîne.

« Peur de perdre nos sources »

« Nous avons déjà relevé de nombreux exemples d’incohérence éditoriale entre les informations données sur notre radio et celles circulant sur la chaîne et le site franceinfo, poursuit la journaliste. Mais, là, nous craignons de perdre notre crédibilité. Plusieurs sources ont alerté des journalistes qu’ils pourraient cesser de leur donner des informations, si le site et la chaîne du même nom traitaient le même sujet de façon erronée ».

« Nous avons développé sur notre radio une culture de précaution, de vérification, à laquelle nous tenons et qui s’est encore renforcée » après les attentats de janvier 2015, confie un autre journaliste signataire. Lors de l’attentat du 13 novembre, nous avions bloqué beaucoup d’informations en attendant de les vérifier. Et les faits nous ont donné raison ». Une « agence de vérification », créée au sein de la radio, devait être le « centre névralgique » de la radio, de la télévision et du site franceinfo. Or ce ne serait pas le cas selon des journalistes de la station.

« Le vrai problème, c’est le nom »

« Le vrai problème, c’est le nom. Nous ne sommes pas cohérents avec nous-même puisque nous ne diffusons pas les mêmes infos sur la radio, la télévision et le site du même nom?!, résume Celia Quilleret. Notre grand souci est de sauver la crédibilité de notre station. Il y a une grande inquiétude. Et notre mobilisation est inédite ».

À cette fin, les journalistes signataires demandent « une plus grande coordination et davantage de mainmise éditoriale de la radio sur le site et la télévision ». Ils souhaitent aussi « une présence réelle » des contenus de la radio sur le site et l’application franceinfo. Précisons que la Radio France Info ne dispose plus de site spécifique depuis la fin août, et que ses contenus sont peu repris, selon la rédaction, sur le site commun avec France Télévisions.

D’autres dispositions portent sur les modalités d’une contribution des journalistes de la radio à la chaîne de télévision (droit à l’image et pige rémunérée pour un travail supplémentaire).

« Une véritable harmonisation »

« Il n’y a pas d’opposition globale à l’existence d’un média qui nous permet de devenir plus grand », souligne un journaliste de la station. Mais il y a un vrai problème de mise en œuvre?: des rédactions (l’ancienne équipe de francetvinfo, les rédactions des chaînes de France Télévisions, la trentenaire Radio France Info…), fonctionnent avec des cultures et des traditions différentes, sans jamais se concerter ».

Plusieurs journalistes soulignent que les rédactions de Radio France et de France Télévisions ne disposent d’aucun moyen pour se parler directement. Il est surtout prévu que leurs responsables puissent se concerter en cas de conflit important.

Les signataires de la motion ont obtenu un rendez-vous avec leur directeur Laurent Guimier ce vendrdei 20 septembre 2016. Ils souhaitent qu’un processus d’harmonisation puisse s’engager pour que « toutes les antennes parlent d’une même voix ». Les différentes directions (radio, chaîne et site) ont fait savoir que des groupes de travail, avec recueil des suggestions des salariés, seraient prochainement mis en place. Mettront-ils rapidement et suffisamment d’huile dans les rouages de franceinfo ?

Aude Carasco
Source  La Croix 20/09/1016

Comment le système éducatif français aggrave les inégalités sociales

OurEducationSystemDes inégalités sociales à l’école, produites par l’école elle-même… C’est la démonstration que fait le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), en rendant publiques, mardi 27 septembre, les conclusions d’une vingtaine de rapports. Tout un spectre de la recherche – des sociologues aux économistes, des didacticiens aux psychologues, français et étrangers – a été mobilisé deux années durant, pour interroger ce mythe de l’égalité des chances dans notre système éducatif. Et rendre plus transparente la fabrique de l’injustice scolaire.

Ce n’est pas la faute de l’enseignement privé, dont la responsabilité a encore été pointée du doigt, récemment dans nos colonnes, par l’économiste Thomas Piketty, en tout cas concernant Paris. Pas non plus celle des stratégies familiales ou de la crise économique. Ce vaste travail met en cause trente ans de politiques éducatives qui, au lieu de résorber les inégalités de naissance, n’ont fait que les exacerber.

On le sait maintenant depuis plusieurs années : d’élève moyen dans les années 2000, l’école française est devenue la plus inégalitaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’enquête internationale PISA, dont on attend la prochaine mouture en décembre, vient le rappeler tous les trois ans. Baisse des résultats des élèves défavorisés, amélioration du niveau des élites : le fossé se creuse.

L’éducation prioritaire, cause de discrimination négative

Et c’est là une singularité française : la plupart des pays, à commencer par l’Allemagne, la Suisse ou les Etats-Unis, un temps considérés, eux aussi, comme très inégalitaires, ont su mener, ces quinze dernières années, des politiques volontaristes. Encaisser le « choc PISA » et en tirer des conséquences. Pas la France.

La synthèse du Cnesco détaille une « longue chaîne de processus inégalitaires » qui se cumulent et se renforcent à chaque étape de la scolarité : inégalités de traitement, inégalités de résultats, inégalités d’orientation, inégalités d’accès au diplôme et même inégalités d’insertion professionnelle. Limités à l’école primaire, les clivages explosent à partir du collège. C’est, par exemple, à ce niveau-là de la scolarité que les élèves des établissements les plus défavorisés, en fin de 3e, ne maîtrisent que 35 % des compétences attendues en français contre 80 % dans un contexte privilégié. A même niveau scolaire, ils ont deux fois moins de chances d’intégrer le lycée général.

Voilà pour le diagnostic. Mais le Cnesco va au-delà en interrogeant les responsabilités. En premier lieu, la politique des ZEP en prend un coup. Fondée en 1981 sur le principe de la discrimination positive – « donner plus à ceux qui ont moins » –, l’éducation prioritaire aboutit, aujourd’hui, à produire de la discrimination négative : on donne moins à ceux qui ont moins. « Au départ pensé comme temporaire, le dispositif s’est étendu, les moyens se sont dilués, avec des effets de stigmatisation assez forts : dès lors qu’un établissement passe en éducation prioritaire, il y a une désertion des familles pour scolariser leur enfant dans un autre collège », résume Georges Felouzis, sociologue à l’université de Genève.

En éducation prioritaire, la taille des classes n’est pas suffisamment réduite pour avoir un impact : seulement 1,4 élève en moins au primaire ; 2,5 élèves de moins au collège. Les enseignants y sont moins expérimentés : 17 % ont moins de 30 ans dans le secondaire, contre 9 % hors éducation prioritaire. Et beaucoup ne font qu’y passer.

Réquisitoire sévère

Mais là où un tabou tombe, c’est sur la qualité et le temps d’enseignement dispensés. Ainsi, au collège, les enseignants de ZEP estiment consacrer 21 % du temps de classe à « l’instauration et au maintien d’un climat favorable », contre 16 % hors de l’éducation prioritaire et 12 % dans le privé. C’est autant de temps en moins dédié à l’enseignement. Les 4 heures de français par semaine programmées en 3e deviendraient 2 h 30 en ZEP, 2 h 45 hors ZEP et 3 heures dans le privé. Problèmes de discipline mais aussi exclusions, absences d’élèves et d’enseignants, pèsent sur les emplois du temps.

Qualitativement, aussi, le réquisitoire est sévère.

« Les élèves de milieux défavorisés n’ont pas accès aux mêmes méthodes pédagogiques que ceux de milieux défavorisés, souligne la sociologue Nathalie Mons, présidente du Cnesco. En mathématiques par exemple, les tâches sont moins ambitieuses, les attentes plus basses, l’environnement pédagogique moins porteur. »

Et cette différence de traitement est plus importante en France qu’ailleurs.

Pour réduire son noyau dur d’échec scolaire, la France a, au fil du temps, toujours avancé les mêmes recettes par-delà les alternances politiques : plans de relance de l’éducation prioritaire, dispositifs dits de « compensation », ou encore formes diverses d’aide individualisée. Peu efficaces, ces aides ont été malgré tout reconduites dans le temps, faute d’évaluation, explique Nathalie Mons.

Lire aussi :   Le système éducatif français de nouveau très mal classé

La mixité sociale, grande absente

L’organisme qu’elle préside en a dressé une frise chronologique impressionnante : depuis le « soutien aux élèves » de 6e et 5e institué en 1977, jusqu’à « l’aide personnalisée » instaurée par la réforme du collège de 2016, en passant par « l’aide individualisée » dans années 1990-2000, l’aide au travail personnel, etc. Leur limite est qu’elles « travaillent à la marge de l’école et des heures de cours, soutient le Cnesco, sans changer le quotidien des élèves ni insuffler une véritable pédagogie différenciée au sein de la classe ».

Que penser de ce qui se joue depuis le début du quinquennat, alors que la lutte contre les inégalités a été inscrite au cœur de la loi de refondation de l’école (2013) ? Si le Conseil reconnaît des orientations « encourageantes » – scolarisation des enfants de moins de 3 ans, nouveaux programmes, heures dédiées au travail en petits groupes dans le « nouveau collège » –, il tacle « un défaut de mise en œuvre ».

Surtout, toute politique restera peu efficace si « les écoles et les collèges les plus ségrégués ne font pas l’objet d’une politique volontariste de mixité sociale », estime le Cnesco. Or, la lutte en faveur de la mixité reste le grand absent des politiques scolaires depuis trente ans. Et ce ne sont pas les expérimentations à petite échelle engagées en fin de quinquennat, dans une vingtaine de territoires volontaires, qui sont de nature à amorcer un virage.

Aurélie Collas

Source : Le Monde 27.09.2016

Voir aussi ; Rubrique Education, rubrique Economie, rubrique Politique, Politique de l’éducation,