Manuel Valls et Justin Trudeau plaident à l’unisson pour le traité de libre-échange Canada-UE

1280823-premier-ministre-francais-manuel-valls

Le CETA est l’enjeu principal de la première visite officielle du premier ministre au Canada.

Ils semblent s’entendre comme deux larrons en foire, se donnent du Justin par ci, du Manuel par là, en pleine conférence de presse à Ottawa, dans le grand « foyer » de la Chambre des communes. Jeudi 13 octobre, pour le début de sa première visite officielle au Canada – avant de poursuivre jusqu’à vendredi à Montréal et Québec –, le ton est donné : pas de zone d’ombre entre la France et le Canada, non plus qu’entre le premier ministre français et son homologue Justin Trudeau, à la tête du gouvernement fédéral depuis tout juste un an. Entre les deux hommes, le courant passe très bien, apparemment. Ils se sourient, s’écoutent, se renvoient gentiment la balle mais surtout abondent dans le même sens sur des sujets comme le libre-échange, la lutte au terrorisme ou les questions climatiques.

Malgré leur bonne différence d’âge – l’un a 54 ans et l’autre dix ans de moins – et de taille, Manuel Valls et Justin Trudeau ont l’air de deux gamins efflanqués sortis d’une cour d’école. S’ils sont sérieux comme des papes à l’extérieur du Parlement pour les traditionnels honneurs militaires au petit matin, avec fanfare et coups de canon, la suite est plus joyeuse. Avec Justin Trudeau à ses côtés, Manuel Valls signe les livres d’or du Sénat et de la Chambre des communes, y inscrivant ces mots : « Merci de la chaleur de votre accueil et vive notre amitié » dans l’un, « Le Canada et la France, deux grandes démocraties qui partagent les mêmes valeurs », dans l’autre.

De l’entretien privé que M. Valls aura ensuite avec M. Trudeau, on apprendra qu’ils sont sur la même longueur d’ondes sur les sujets de l’heure. A un mois de l’anniversaire de la tragédie du Bataclan, le premier évoque le terrorisme qui a durement frappé la France, en soulignant que les deux pays sont « déterminés à renforcer la coopération antiterroriste et à réfléchir ensemble aux moyens de prévenir la radicalisation ».

« Esprit d’ouverture »

Le Canada ne peut que se réjouir aussi du formidable coup de pouce qu’a donné Manuel Valls à l’Accord économique et commercial global (CETA), conclu entre le Canada et l’Union européenne. Il doit être officiellement signé à Bruxelles le 27 octobre mais continue à susciter des réserves dans certains pays européens. Ottawa fait des pieds et des mains pour que cet accord de libre-échange soit enfin mis en œuvre en 2017. M. Valls l’appuie sans équivoque : « C’est un bon accord, exemplaire, qui n’a rien à voir avec celui dans lequel s’embourbe l’Union européenne avec les Etats-Unis et qu’il faut mettre en œuvre rapidement. » Et d’ajouter que « l’un est équilibré, gagnant-gagnant, mutuellement bénéfique aux deux parties » ; l’autre est « déséquilibré », autant dire voué selon lui à l’échec.

M. Valls en profite pour saluer « l’esprit d’ouverture » du Canada qui a fait beaucoup d’efforts par exemple pour ouvrir tous ses marchés publics à la concurrence européenne et accepter le principe d’une cour de justice publique qui préservera la souveraineté des Etats en cas de différends commerciaux. Il serait dommage, insiste-il, que cet accord qui offre un énorme potentiel d’accroissement des échanges canado-européens reste « pris dans le tourbillon de la contestation entourant le TAFTA ».

Un baume que ces paroles pour le premier ministre canadien qui rappelle pour sa part que le CETA est « un accord ambitieux avec un pays progressiste », qui jette les bases d’une nouvelle approche de libre-échange et dont la mise en œuvre, ou l’échec éventuel, aura valeur de test sur la capacité d’ouverture de l’Europe, voire sur son « utilité ». La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a aussi offert l’occasion à M. Valls de dire à M. Trudeau que « la France veut désormais être le partenaire européen de référence pour le Canada ».

Dans ce jeu de ping-pong amical, M. Trudeau a encore salué le « leadership exemplaire » dont la France a fait preuve en matière de lutte aux changements climatiques, tandis que M. Valls applaudissait la signature de l’Accord de Paris par Ottawa et la récente annonce de M. Trudeau d’introduire une taxe carbone nationale en 2018.

Sur la scène internationale, « le Canada est de retour », est l’une des phrases préférées de Justin Trudeau que Manuel Valls aime à répéter. « Nous avons besoin de vous au Moyen-Orient, en Afrique, aux Nations Unies », a-t-il dit à son vis-à-vis, tout en appelant à un renforcement de la coopération franco-canadienne à l’échelle de la planète, notamment dans les pays francophones du Sahel et la lutte contre Boko Haram.

Anne Pélouas

Source Le Monde AFP 13/10/2016

Voir aussi : Actualité Internationale Rubrique UE, Belgique, Le rejet wallon du traité commercial CETA ,rubrique Canada, Rubrique Economie, Politique, Politique économique, Rubrique Société Réglementation du travail. Une attaque généralisée en Europe, On line, Tout comprendre au CETA, le « petit-cousin » du traité transatlantique , Accord CETA : « On ne peut pas nous dire “ce traité est parfait, vous avez le choix entre oui et oui” »

Le rejet wallon du traité commercial CETA avec le Canada plonge l’UE dans le désarroi

Défilé à Bruxelles contre le traité commercial avec le Canada. | AFP

Défilé à Bruxelles contre le traité commercial avec le Canada. | AFP

Le gouvernement de la région belge a maintenu son opposition au projet d’accord de libre-échange, et bloque ainsi la ratification.

Pour l’Union européenne (UE), la négociation sur le traité de libre-échange avec le Canada (CETA) s’apparente décidément à un long chemin de croix, à l’issue toujours incertaine. Jeudi soir 20 octobre, la Wallonie, hostile au texte en son état actuel, a rejeté une nouvelle proposition de la Commission de Bruxelles, suscitant visiblement le désarroi de celle-ci, qui espérait pouvoir confirmer la signature du traité le 27 octobre.

« Il y a des progrès, mais ils ne sont pas suffisants », a expliqué Paul Magnette, ministre-président socialiste de la région, qui a indiqué qu’il rencontrerait, vendredi, la ministre canadienne du commerce international et son négociateur.

« Le Canada considère qu’il reste des marges pour une négociation ; je suis au regret de constater qu’il est plus ouvert que l’UE », a poursuivi M. Magnette. Ce dernier devait, ensuite, informer son Parlement, ainsi que le Conseil européen et la Commission « pour explorer s’il reste encore une chance de trouver un accord ».

Le dossier du CETA a, du coup, focalisé toute l’attention du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, qui s’ouvrait à Bruxelles jeudi après-midi. A l’ouverture, le président du Conseil, le Polonais Donald Tusk, avait accentué la pression sur la Wallonie, estimant qu’un échec pourrait signifier la fin des accords de libre-échange négociés par l’UE. « J’espère que la Belgique prouvera une fois encore qu’elle est une vraie championne en matière de compromis », ajoutait le président.

Avancées insuffisantes

Le premier ministre fédéral belge, Charles Michel, favorable à l’accord mais contraint de décrocher l’approbation de tous les Parlements de son royaume pour l’entériner, disait, lui, regretter que la Wallonie soit « le dernier endroit en Europe où l’on s’oppose à ce qui est sur la table ».

Le dernier ? Pas tout à fait. Car la Roumanie et la Bulgarie, dissimulées derrière le refus des Wallons, continuaient, elles, d’exiger du Canada qu’il exempte ses citoyens de visas. Une requête totalement opportuniste : l’accord commercial sur la table n’aborde pas ces sujets. Une réunion extraordinaire des ambassadeurs a, en tout cas, été convoquée dans la soirée pour tenter de dégager des solutions.

Campant sur son refus, le ministre-président wallon juge que des progrès ont été accomplis au cours des derniers jours. Dans un entretien avec Le Monde, jeudi après-midi, il évoquait des « avancées » sur divers points (clauses sociales et environnementales, principe de précaution, droits de l’homme) mais les jugeait insuffisantes dans le domaine agricole, les services publics, ou les mécanismes d’arbitrage en cas de conflit entre les Etats et des multinationales.

« Cheval de Troie »

M. Magnette exige, par ailleurs, que la « déclaration interprétative » du texte initial soit « incluse dans le traité et possède une valeur juridique pleine et entière ». Il détaille un autre point très sensible à ses yeux : « Comment s’assurer que le CETA ne sera pas le cheval de Troie du TTIP [ou Tafta], l’éventuel traité de libre-échange avec les Etats-Unis ? Comment faire en sorte que des multinationales ayant un siège au Canada n’utilisent pas le CETA pour bénéficier de tous les avantages qu’offrirait celui-ci et anticiper le TTIP ? »

« Il n’y a pas de calendrier formel, les échéances ne sont que politiques et la question est de savoir si l’on veut prendre, ou non, le temps de discuter avec nous. Or, on ne peut qu’avoir l’impression que l’on a tenté de nous forcer la main », poursuit le ministre-président.

« La particularité wallonne, c’est que notre Parlement a voulu utiliser ses prérogatives. Et que cela plaise ou non, cette assemblée a le même pouvoir constitutionnel qu’un Etat membre », poursuit le ministre-président, soulignant que « ce qui alimente aujourd’hui la crise de l’Europe, c’est la manière de négocier des textes d’une telle importance ».

Les francophones belges n’ont-ils pas trop tardé à exprimer leurs griefs ? « Non, affirme l’intéressé. Nous avons reçu la version définitive il y a moins d’un an et j’ai alerté la commissaire sur tous les problèmes qu’il nous posait dès le 2 octobre 2015. La première réaction m’est parvenue le 4 octobre… 2016, à vingt-trois jours du sommet avec le Canada. »

« Nous ne sommes pas contre le libre-échange ou les traités commerciaux, insiste M. Magnette. Mais notre niveau d’exigence est élevé. S’il est illégitime, il ne fallait pas nous donner un pouvoir de ratification nationale. On ne peut pas nous dire : Ce traité est parfait, vous ne comprenez rien, vous avez le choix entre oui et oui. »

Incompréhension

« Jusqu’où va aller M. Magnette ? Il a obtenu à peu près tout ce qu’il demandait dans la note interprétative », se demandaient des diplomates, jeudi, surpris par la « résistance » du patron de l’exécutif wallon. Et d’espérer qu’il « cède » durant le week-end. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau – très favorable au CETA –, a indiqué, selon plusieurs sources, qu’il pourrait attendre jusqu’au lundi 24 octobre avant de prendre la décision de venir (ou pas) pour signer l’accord à Bruxelles, comme prévu de longue date.

La résistance wallonne, si elle cristallise une partie de la société civile, notamment en France, en Espagne et en Belgique, suscite largement l’incompréhension des membres « libre-échangistes » de l’UE : Suède, Finlande, Danemark, etc. « Chez nous, tout le monde est pour le CETA, et même pour le TTIP [l’accord, plus controversé, avec les Etats-Unis], même les syndicats », assurait le diplomate d’un de ces pays, jeudi.

Cécile Ducourtieux et Jean-Pierre Stroobants

Source Le Monde 20/10/2016

Voir aussi : Actualité Internationale Rubrique UE, Belgique, Rubrique Economie, Politique, Politique économique, Rubrique Société Réglementation du travail. Une attaque généralisée en Europe, On line, Tout comprendre au CETA, le « petit-cousin » du traité transatlantique , Accord CETA : « On ne peut pas nous dire “ce traité est parfait, vous avez le choix entre oui et oui” »

Pour une protection européenne des lanceurs d’alerte : signez la pétition

Crédit photo : Bruno Mariani

Crédit photo : Bruno Mariani

Le 17 octobre, une plateforme initiée par Eurocadres (le conseil des cadres européens) appelant l’Union Européenne à protéger les lanceurs d’alerte a été lancée par les 48 premiers signataires, dont la Fédération européenne des journalistes (FEJ), lors d’une conférence de presse. La FEJ encourage ses partenaires, ses membres ainsi que tout citoyen ou organisation à signer la pétition. Des représentants d’Eurocadres, de la Confédération européenne des syndicats (CES), de la Fédération syndicale européenne des services publics (EPSU), de Transparency International et de la FEJ ont rappelé l’importance de s’unir sur ce sujet.

A la suite du débat sur la directive sur le secret des affaires et du procès LuxLeaks, le manque de protection des lanceurs d’alerte au niveau européen a été dénoncé à plusieurs reprises. Ils risquent souvent de payer le plus haut prix pour révéler des informations d’intérêt public – par exemple des activités illégales, qui menacent la santé, la sécurité publiques ou des faits de corruption.

Le Parlement européen est majoritairement favorable à la mise en place d’une législation européenne sur les lanceurs d’alerte. Le député européen (Verts) Benedek Javor soutient cette action : “Ce n’est pas une campagne pour les lanceurs d’alerte, mais une campagne pour nous, pour le public » a-t-il affirmé lors de la conférence de presse. Le groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) organise par ailleurs une conférence ce jeudi 20 octobre. Mais la Commission européenne est toujours en train d’étudier la base légale la plus appropriée pour légiférer.

Renate Schroeder, directrice de la FEJ, a fait le lien entre protection des lanceurs d’alerte et liberté de la presse, et a réaffirmé que cette question va de pair avec la protection des sources journalistiques. “Nous sommes fiers des récents scandales, LuxLeaks et les Panama Papers, car ils ont montré l’importance du journalisme d’investigation et de la coopération transfrontalière. Cela n’aurait pas été possible sans lanceurs d’alerte.” Renate Schroeder a également mentionné l’étude du Centre pour le pluralisme et la liberté des médias (CMPF) sur les lois protégeant les lanceurs d’alerte dans les différents pays européens. Elle montre que seuls quelques pays ont mis en place une législation spécifique.

Antoine Deltour, le lanceur d’alerte condamné dans l’affaire LuxLeaks a également rappelé dans un message vidéo pourquoi il est important que cette protection soit européenne. Pour voir ou revoir la vidéo, cliquez ci-dessous.

Watch live on #periscope #whistleEU https://t.co/aHlKVV89Sq

Source FEJ Eurocadres 17/10/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Médias, Main basse sur l’Information, rubrique Politique, Société civile, rubrique Société, Justice, rubrique Europe,

Le Pentagone aurait dépensé 540 millions de dollars pour produire de fausses vidéos djihadistes

Le Pentagone

Le Pentagone

Selon une enquête menée par un collectif britannique de journalistes d’investigation, le Pentagone aurait dépensé plus d’un demi-milliard de dollars, afin de réaliser de fausse vidéos d’Al-Qaïda. Tout cela dans le cadre d’une campagne de propagande entre 2006 et 2011 lors de la guerre en Irak.

Le scandale des fausses vidéos d’Al-Qaïda va-t-il surgir dans la dernière ligne droite de la présidentielle américaine ? C’est le Bureau of Investigative Journalism, un collectif britannique de journalistes d’investigation, qui a révélé dimanche 2 octobre que le Pentagone aurait dépensé plus de 540 millions de dollars afin de produire une campagne de propagande dans le cadre de la guerre en Irak entre 2006 et 2011.

C’est la société britannique de communication et de relations publiques Bell Pottinger qui aurait bénéficié de ce juteux contrat estimé à 120 millions par an. Leur mission ? Produire les contenus d’un programme de propagande classé « top secret ».

De fausses vidéos d’Al-Qaïda

Un ancien salarié de cette entreprise habituée à travailler avec les régimes les plus contestés (Syrie, Sri Lanka, Biélorussie…) a révélé l’envers du décor au Bureau of Investigative Journalism qui ont été relayés par le Daily Beast et le Sunday Times le 2 octobre.

Le réalisateur Martin Wells explique ainsi que la société Bell Pottinger -qui a employé jusqu’à 300 personnes en Irak- avait produit plusieurs vidéos tout en étant supervisé par des militaires du Pentagone. Au delà des films publicitaires anti-Al-Qaïda, qui étaient bien officiels, d’autres, beaucoup plus secrets, étaient fabriqués.

Selon son témoignage, des reportages vidéos étaient réalisés et produits de manière à faire croire qu’il s’agissait de « productions de télévisions arabes ». Ils étaient ensuite vendus, puis diffusés sur les chaînes locales, en omettant de signaler que le Pentagone en était le commanditaire.

Des appâts numériques

La révélation la plus fracassante de cet ancien employé réside dans le pistage des fausses vidéos. Toujours selon cet ancien employé de la firme britannique, de fausses vidéos de propagande signées Al-Qaïda aurait été crées par l’entreprise Bell Pottinger. Leur but ? Piéger et traquer les personnes qui les auraient visionnées.

Lord Bell said he was « proud » of Bell Pottinger’s secret propaganda work for the Pentagon in #Iraq https://t.co/IIvHhME8BT

— The Bureau (@TBIJ) 2 octobre 2016

Les vidéos, gravées sur CD, se transformaient ainsi en appâts numériques. La CIA pouvait localiser l’ordinateur « grâce à son adresse IP », précise L’Obs, car elles étaient encodées afin de se connecter automatiquement à internet lors du visionnage. Selon Martin Wells, certains de ces CD se seraient retrouvés en Iran, en Syrie, voir même aux Etats-Unis. La société aurait rendu des comptes au Pentagone, à la CIA, et au Conseil de sécurité national américain.

Un étrange écho

Le Pentagone, bien loin de réfuter les dires de Martin Wells ou l’article du BIJ, a confirmé avoir eu recours aux services de la société Bell Pottinger. Aussi, Tim Bell, l’ancien directeur de l’entreprise a confirmé au Sunday Times, que sa société avait signé un contrat en relation avec des opérations militaires, « protégé par plusieurs clauses de confidentialité ».

Comme l’écrivent nos confrères de France 24, « ces révélations trouvent un écho particulier aujourd’hui ». Nombreux spécialistes de la mouvance djihadistes estiment que le processus de radicalisation se fait aussi à travers le visionnage de vidéos de propagande. Indirectement, le Pentagone a peut-être contribué à promouvoir Al-Qaïda et à inspirer d’apprentis réalisateurs djihadistes de l’organisation EI.

 Brice Laemle

Source : I télé 05/10/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Etats-Unis, rubrique Politique«Radicalisations» et «islamophobie» : le roi est nu, Politique Internationale, rubrique Société, Propagande, La première victime de guerre c’est la vérité, Radicalisation, On LineLien vidéo,

RDC: heurts à Kinshasa entre la police et des manifestants de l’opposition

A Limete, à Kinshasa, des milliers de personnes se sont réunies autour de l'échangeur et la place Lumumba, RDC, ce lundi 19 septembre 2016. © RFI/Sonia Rolley

A Limete, à Kinshasa, des milliers de personnes se sont réunies autour de l’échangeur et la place Lumumba, RDC, ce lundi 19 septembre 2016. © RFI/Sonia Rolley

En RDC, des affrontements ont éclaté ce lundi 19 septembre à Kinshasa avant une manifestation pour réclamer le départ du président Joseph Kabila à la fin de son mandat, que les autorités ont finalement décidé d’interdire. Le dernier bilan donné par le ministère de l’Intérieur fait état de 17 morts, dont 3 policiers, et 14 civils blessés par balles.

Officiellement, la manifestation devait commencer à 13h. Mais dès le début de la matinée, des heurts ont éclaté entre manifestants de l’opposition et forces de l’ordre. « La police voulait nous empêcher de nous regrouper », affirment des militants joints par téléphone.

A Limete, par exemple, où siège le premier parti d’opposition UDPS, la tension est montée très vite avec jets de pierre d’un côté, et gaz lacrymogènes de l’autre. Quelques dizaines jusqu’à plusieurs centaines de jeunes avançaient aux cris de « Kabila dégage ! » ou « Kabila doit partir », jusqu’à ce que tout dégénère. Arrivés au point de départ du cortège, avenue Triomphal, des tirs à balles réelles ont éclaté.

Les autorités, de leur côté, dénoncent des pillages ciblés et des bâtiments du parti au pouvoir incendiés ainsi que trois policiers lynchés. Des actes qui les auraient obligés à intervenir, disperser et interdire la manifestation.

Selon un bilan du ministère de l’Intérieur, ces heurts ont fait 17 morts, dont trois policiers, et 14 blessés par balle parmi les civils.

Une marche « parfaitement pacifique » pour l’opposition

Parmi les personnes blessées, se trouve Martin Fayulu, membre de la dynamique de l’opposition. Joint par RFI, il affirme avoir été touché à la tête par un projectile envoyé par des éléments des gardes républicaines alors qu’il se trouvait dans un dispensaire du centre-ville.

Selon lui, la marche était parfaitement pacifique quand, arrivée sur le boulevard qui mène au Parlement, les forces de l’ordre ont commencé à réprimer la manifestation violemment. « Il y avait un monde énorme et une fois sur le boulevard Triomphal, la garde républicaine est entrée en jeu et a commencé à nous lancer des grenades lacrymogènes et même des balles réelles. Des amis qui sont avec moi ici ont été touchés par des balles réelles, rapporte Martin Fayulu. On ne comprend absolument pas pourquoi ils se sont comportés comme ça. Nous étions sur le terrain comme ça a été convenu. Une marche pacifique et on nous empêche de réaliser notre action convenue avec les autorités locales ».

« Schéma de guerre civile » pour le pouvoir

Du côté de la majorité, Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, explique que la manifestation n’était pas pacifique. C’est la raison pour laquelle les autorités ont finalement décidé de l’interdire. « Ce qui se passe à Kinshasa, c’est qu’on vient de se rendre compte que ce n’était pas une manifestation que l’opposition avait préparée, contrairement à ce qu’ils avaient dit aux autorités municipales. C’était vraiment un schéma de guerre civile qu’ils voulaient répandre dans la grande agglomération, avec des destructions, des actes de vandalisme, des meurtres de policiers, affirme Lambert Mende. Nous avons pris comme décision d’annuler cette manifestation, parce qu’elle visait simplement à perturber l’ordre public et à détruire le maigre tissu économique de ce pays qui n’a que trop souffert ».

Lambert Mende ne confirme pas les tirs à balles réelles sur les manifestants ni les blessés et les morts du côté des protestataires, mais indique que de deux agents de police ont été tués à Limete devant le siège du PPRD par des manifestants « Les auteurs ont été arrêtés. On recherche maintenant ceux qu’ils dénoncent comme les ayant manipulés pour perpétrer ce crime », fait savoir le porte-parole du gouvernement.

Le ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, parle lui d’un mouvement insurrectionnel avec pour objectif la prise du pouvoir par la force.

Inquiétude des ONG

Des manifestations similaires avaient été interdites à Lubumbashi ou à Kisangani notamment. Dans ces deux localités, il n’y a donc pas eu de rassemblement et la police et l’armée sont se déployées aux points stratégiques. En revanche à Goma, dans le Nord-Kivu, la manifestation a été autorisée.

Ces tensions inquiètent vivement les ONG. Human Rights Watch appelait les autorités congolaises à respecter la liberté d’expression. Pour l’ONG de défense des droits de l’homme, le pays est « au bord du précipice ». Même préoccupation pour la Fédération internationale des droits de l’homme qui appelle les autorités à la retenue, à garantir les libertés d’expression et de manifestation.

C’est dans ce contexte qu’on attendait ce lundi la plénière du dialogue national consacré à la question du calendrier des élections. Une plénière qui devait être retransmise à la télévision, mais la facilitation vient d’annoncer son report à demain. Sur cette question, la France appelle à accélérer la préparation transparente de la présidentielle. « Il est nécessaire que le report soit aussi court que possible », dit un communiqué du quai d’Orsay.

Source RFI 19/09/2016

REP-DEM-CONGO_drapeau-[Converti]_0Chronologie Voir aussi : Actualité International, Rubrique AfriqueEn Afrique, le retour des présidents à vie, rubrique RDC, Joseph Kabila, Mobutu light ?, rubrique Congo Brazaville,