Algérie. Les murs ont pris la parole

COLLECTIF BAROUD/SALIM REZZOUG

Depuis la période de la guerre pour l’indépendance, les graffitis abondent sur les murs de la capitale, offrant à la population un espace de libre expression.

“Hassou bina” (Pensez à nous), “Nouridou ettarhil fawrane” (Nous voulons être relogés en urgence), “Koullouna Ghazza” (Nous sommes tous Gaza), “Nouridou ziyada lil mouâquine” (Nous voulons une augmentation pour les handicapés), “Je t’aime, Chouchou”, “Tupac love”, “La Glacière cinima”… C’est un florilège de graffitis que l’on peut voir en longeant les murs dans les quartiers de la capitale. Certains datent un peu. D’autres sont plus frais. Ils disent avec des mots crus, sans langue de bois, le mal-être, la mal-vie, la précarité sociale, le désir d’ailleurs, la misère affective, les sens interdits…

Bref, nos murs sont bien plus parlants qu’il n’y paraît. Et, malgré la concurrence féroce du “mur” de Facebook, les “écritures urbaines” continuent à s’accrocher, à résister, à contester les récits dominants dans une proximité charnelle avec la cité, avec le réel. Elles racontent les convulsions d’une Algérie en mouvement, en perpétuelle mutation. Non, les murs n’ont pas que des oreilles, ils ont aussi une langue.

Exutoire

Durant la guerre de libération nationale, les murs de l’espace public étaient rarement des espaces neutres, soumis, sans voix. Ils servaient souvent de tribune, de relais, aux mots d’ordre du Front de libération nationale (FLN).

Les sigles FLN, ALN [Armée de libération nationale], peints en toutes lettres, étaient déjà en eux-mêmes un haut acte de subversion anticoloniale. L’un des graffitis phares de cette époque est le fameux “Un seul héros, le peuple”. Retenons aussi “Vive le FLN”, “Vive l’ALN”, “Le FLN vaincra”, et tous les graffitis rageurs qui accompagnèrent le référendum pour l’autodétermination du peuple algérien, comme l’illustre cette consigne gravée dans les rues d’Alger : “Votez pour l’indépendance !”

Après 1962, les murs seront sollicités au gré des tensions, des remous, des conflits idéologiques, sociaux, sociétaux, qui agitent la nouvelle nation en construction. “Durant les périodes de tension politique, on assiste souvent à la prolifération de ce phénomène dans la sphère publique”, souligne Karim Ouaras, maître de conférences à l’université de Mostaganem, spécialiste des sciences du langage et qui a consacré sa thèse de doctorat aux graffitis.

Le soulèvement populaire d’octobre 1988 [manifestations spontanées sévèrement réprimées qui conduiront à un changement de Constitution et au multipartisme] constitue à ce propos un tournant en ce qu’il a permis une libération de l’espace public et, par ricochet, une libération de la parole. “Les événements sanglants d’octobre 1988 constituent le moment clé de l’appropriation de l’espace public et de la libre expression en Algérie”, souligne Karim Ouaras. Cependant, le chercheur estime que “ces événements n’ont fait que ‘booster’ la pratique du graffiti dans le contexte algérien. D’autres conjonctures politiques antérieures et postérieures à octobre 1988 ont leur lot de graffitis également. La guerre de libération nationale et la crise de l’été 1962 ont joué un rôle majeur dans l’expansion de cette pratique en Algérie.”

La période post-octobre 1988, marquée par l’ouverture du champ politique et la consécration du multipartisme, a vu la prolifération de sigles partisans, en l’occurrence ceux des formations politiques nouvellement agréées. Les antagonismes idéologiques, qui opposaient principalement le courant islamiste et le courant progressiste, transformeront les murs de nos villes en un véritable champ de bataille.

La violence politique et le terrorisme de masse des années 1990 ne feront qu’exacerber cette “guerre des murs”, notamment après l’interdiction du parti d’Abassi Madani et d’Ali Benhadj [le Front islamique du salut, FIS, dissous en mars 1992]. “L’arrêt du processus électoral en janvier 1992, suivi de la dissolution de l’Assemblée nationale, a eu entre autres conséquences la multiplication des graffitis appelant à la violence”, note Karim Ouaras. Le chercheur cite à l’appui le graffiti emblématique de cette époque chaotique : “Ya toghat, mawtana fil djanna, ya koffar, mawtakoum fi ennar” (O apostats, nos morts sont au paradis, ô impies, vos morts sont en enfer).

Corpus

Autre moment clé de notre histoire contemporaine : les événements du printemps noir en Kabylie (2001-2003). Là aussi, les graffitis éclatent à foison. Ils sont le plus souvent assortis du Z berbère, décliné en tifinagh, symbole par excellence de la revendication identitaire amazighe. On se souvient aussi de ce slogan-graffiti qui a marqué les esprits : “Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts”.

Aujourd’hui, quand on parcourt les murs de nos villes, ce qu’on constate à première vue, c’est que les graffitis “citoyens”, les graffitis anonymes, ont déserté les grandes artères principales. Les murs y semblent clean. Pourtant, si on s’immisce dans les interstices de la ville, dans les petites ruelles adjacentes aux grandes avenues quadrillées par la police et les édifices publics, si on “lit” les murs des cités enclavées, des cages d’escalier et des toilettes publiques, force est de constater que les graffitis demeurent un médium très convoité, un mode d’expression privilégié, notamment pour les jeunes.

Nous avons recueilli, en ce mois de septembre 2015, une cinquantaine de graffitis répartis sur une dizaine de quartiers de la wilaya d’Alger (Alger-Centre, Bachdjarrah, Oued Ouchayeh, la Glacière, Belcourt, Bab El-Oued, El Biar, Chéraga, Bologhine, Aïn Bénian). Ce que l’on peut dire d’emblée en examinant ce corpus, c’est que les graffitis proprement politiques sont assez discrets dans l’ensemble. Parmi ceux qui ont retenu notre attention sous ce registre, cette inscription relevée sur un mur bordant les escaliers menant du Telemly vers la rue du Docteur-Saâdane en longeant la fac centrale. “Pas de vote avec les voleurs et les voyous”, tonne cet écrit, qui résume à lui seul la très grande désaffection populaire vis-à-vis des cérémonies électorales quelle que soit la période.

Il est à signaler au passage l’absence de toute trace de la présidentielle de 2014. Hormis quelques posters de Boutef rongés par l’humidité, il faut croire que la dernière formalité électorale qui a offert sur un plateau un quatrième mandat à un Abdelaziz Bouteflika fortement diminué n’a pas laissé de trace impérissable dans la mémoire collective. Au demeurant, partout où nous sommes passés, Boutef n’est cité nulle part ni en bien ni en mal. Comme s’il était mort depuis longtemps.

Autre enseignement : les graffitis à la gloire de l’ex-FIS dominent dans les inscriptions murales à caractère politique. L’un d’eux proclame : “Le FIS ne meurt jamais”. Si ce graffiti reste passablement visible, d’autres écrits du même acabit n’ont pas connu la même fortune. L’un deux martèle : “Dawla islamiya, votez FIS” (Etat islamique, votez FIS). Le slogan-graffiti est maladroitement escamoté à la chaux, mais le trait est aisément déchiffrable.

Maux et mots

Autre type de graffitis “islamisants” : ceux de la dernière campagne anti-Charlie Hebdo. Au fameux “Je suis Charlie”, slogan mondialement relayé au lendemain de l’attentat qui a décimé la rédaction du célèbre hebdomadaire satirique français le 7 janvier 2015, les auteurs de cette campagne répondaient : “Koullouna maâ Mohammed” (Tous avec le prophète Mohammed). Sur un mur à Oued Ouchayeh, ce graffiti tracé en rouge : “Illa Rassoul Allah ya âda’Allah” (Ne touchez pas au Prophète, ennemis de Dieu). A quelques pas de là, sur le fronton d’un taudis encastré dans un décor à l’urbanisme chaotique, cette injonction : “Ansourou Rassoul Allah ya oummata Mohammed” (Soutenez le Prophète, ô nation de Mohammed).

Dans le registre social, nous avons noté un certain nombre de graffitis au contenu revendicatif très explicite et bien précis. L’un des thèmes qui reviennent le plus souvent sous ce chapitre est celui de la “rahla”, l’exigence d’un logement. Ces graffitis sont apparus peu après le séisme du 1er août 2014. Autre doléance explicite : l’appel à une prise en charge plus digne des personnes handicapées.

Certains tags et graffitis sont un concentré de la colère populaire contre nos dirigeants et attestent d’un rejet viscéral de l’incurie, de l’injustice, de l’incompétence et de la corruption à grande échelle érigées en mode de gouvernance sous nos cieux. Ce graffiti cinglant repéré sur un petit mur, à quelque 200 mètres de la mairie de Boufarik, résume parfaitement ce sentiment : “Samhouna ki rana aychine. Akhtiwna !” (Pardonnez-nous d’être en vie. Fichez-nous la paix !). Une autre inscription murale gravée sur la façade d’un immeuble décrépi de Belcourt, près d’un commissariat, témoigne de ce marasme généralisé : “Hassou bina” (Pensez à nous).
Des mots poignants qui dénoncent en filigrane le manque d’empathie de nos “mas’ouline” [responsables] envers les plus fragiles de leurs gouvernés. L’un des graffitis qui ont fait florès sur le thème de “el-harga” [l’immigration] assène avec humour : “Adjayez Roma wala entouma” (Les vieilles chipies de Rome plutôt que vous). Nous ne sommes pas près d’oublier non plus cet autre coup de gueule : “Yakoulna el hout ou mayakoulnache eddoud” (Nous donnerons notre chair aux poissons plutôt qu’aux asticots).

Revue de presse

Et le foot dans tout cela ? Les usagers de la ville que nous sommes le voient tous les jours : notre sport roi est également le roi incontesté des graffitis. Les sigles des clubs de foot sont partout, changeant au gré des quartiers, épousant scrupuleusement la cartographie des domiciliations sportives.

Dernière rubrique de cette “revue de presse murale” non exhaustive : le registre moral et civique. En tête de liste, les graffitis exhortant les usagers à ne pas jeter les ordures sur la voie publique ou encore à ne pas utiliser les cages d’escalier comme urinoirs. Parfois, ces appels au civisme n’hésitent pas à rudoyer les contrevenants potentiels d’un tonitruant “Matarmiche zeblek h’na ya h’mar !” (Ne jette pas tes déchets ici, bourricot !). Les graffitis “hygiéniques” sont d’ailleurs les plus partagés sur le mur de la ville.

Sans parler de tous ces graffitis et autres pictogrammes “anticouples” enjoignant aux jeunes tourtereaux de ne pas roucouler dans tel ou tel endroit, même soustraits aux regards. Un graffiti hilarant qui a beaucoup circulé sur Facebook décrète : “Mamnou moumarassate al romancia” (Interdit de pratiquer le romantisme). Les “romantiques pratiquants”, eux, ne s’en laissent pas conter.

“Moi, je ne me prive pas de crier mon amour pour une fille qui me plaît sur les murs de Sidi Aïssa”, confie Taha. Ce beau gosse de 20 ans est aiguiseur de couteaux occasionnel. Notre fringant rémouleur poursuit : “Une fois, j’ai écrit : ‘I Love Basma’ et la fille a vu mon graffiti. Elle passait par là et elle a lu ça. Elle était gênée.” “Hach’mate” [Elle a rougi], sourit-il malicieusement.

Mustapha Benfodil
Source El Watan 07/11/2015
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Le Chili reconnaît pour la première fois que Neruda a pu être assassiné sous Pinochet

 Photo datée du 21 octobre 1971 de l'écrivain, poète et diplomate chilien, Pablo Neruda, alors ambassadeur du Chili en France, répondant aux questions des journalistes, au côté de son épouse, à l'ambassade chilienne, après avoir reçu le prix Nobel de littérature. AFP

Photo datée du 21 octobre 1971 de l’écrivain, poète et diplomate chilien, Pablo Neruda, alors ambassadeur du Chili en France, répondant aux questions des journalistes, au côté de son épouse, à l’ambassade chilienne, après avoir reçu le prix Nobel de littérature.
AFP

Le gouvernement chilien reconnaît pour la première fois la possibilité que Pablo Neruda ait été assassiné, selon un document officiel auquel le quotidien espagnol El Pais a eu accès.

« Il est clairement possible et hautement probable qu’un tiers » soit responsable de la mort du poète chilien, affirme le document du ministère de l’intérieur envoyé au magistrat chargé de l’enquête sur sa mort, daté du 25 mars.

Une information révélée dans la nouvelle biographie du poète chilien, écrite par l’historien Mario Amoros Alicante et intitulée Neruda.

Prix Nobel de littérature en 1971, Pablo Neruda est mort deux ans plus tard à l’âge de 69 ans, le 23 septembre 1973. Soit douze jours après le coup d’Etat qui a renversé le président socialiste Salvador Allende et installé la dictature d’Augusto Pinochet qui a fait plus de 3 200 morts jusqu’en 1990.

Injection mystérieuse

Selon le certificat de décès rédigé par la junte militaire, le poète est mort d’un cancer de la prostate, mais selon son chauffeur de l’époque, Manuel Araya, il a succombé à une mystérieuse injection faite la veille de son départ pour le Mexique, où il envisageait de s’exiler pour y diriger l’opposition au général Pinochet.

De nouvelles analyses de la dépouille de Pablo Neruda avaient révélé en mai la présence importante de bactéries infectieuses, sans qu’il soit toutefois possible de déterminer s’il avait été empoisonné.

Source : Le Monde.fr avec AFP et AP |

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“ Informer n’est pas un délit ” : 5 façons d’intimider les journalistes sans en avoir l’air

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Projet de loi, pression économique, tout est bon pour museler la presse. Sortir la moindre affaire est de plus en plus difficile. Seize reporters contre-attaquent dans leur livre collectif “Informer n’est pas un délit”. Et révèlent les grandes techniques de la censure.

Ils sont seize. Seize journalistes d’investigation, pour certains très connus comme Denis Robert, Fabrice Arfi (Mediapart) ou le tandem du Monde Gérard Davet-Fabrice Lhomme – leur nom rime avec Clearstream, Cahuzac ou Bettencourt. D’autres sont à l’origine de révélations sur les affaires de Vincent Bolloré au Cameroun, le système Estrosi à Nice ou les méthodes musclées du Front national. Ils se connaissent souvent, certains s’apprécient, d’autres se détestent… Tous ont décidé de ravaler un temps les rancoeurs pour défendre le droit des citoyens à l’information. Dans le livre Informer n’est pas un délit, ils racontent chacun à leur tour les difficultés, obstacles et pièges rencontrés au cours de leurs enquêtes les plus sensibles.

Le prolongement d’un combat mené depuis quelques mois par une partie de la presse, réunie au sein du collectif Informer n’est pas un délit, contre le projet de directive européenne sur le « secret des affaires ». Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, ce texte, actuellement discuté au Parlement européen, dresse une barricade juridique entre le journaliste et l’entreprise. Une véritable arme de dissuasion massive : quiconque s’aventure à révéler des informations économiques s’exposerait à des poursuites, les amendes pouvant atteindre des centaines de milliers d’euros, voire plus. Résultat : adieu scandale de l’amiante, Mediator, Tapie-Crédit Lyonnais et autre affaire Karachi ! Cette censure serait inédite en Europe. C’est pour parer cette nouvelle attaque contre la liberté de la presse que ces journalistes aguerris ont décidé de prendre la plume. Harcèlement judiciaire, campagnes de dénigrement et de déstabilisation, rétention d’informations, pression psychologique, violences physiques… A partir d’expériences tirées du livre, Télérama fait l’inventaire des principales techniques pour museler la presse.

Discréditer le journaliste

Devoir parfois justifier son travail devant les tribunaux, quoi de plus normal ? La loi de 1881 sur la presse a été créée pour réglementer les droits et devoirs des journalistes, et les obliger à répondre de délits spécifiques, notamment la diffamation. Le hic ? Utilisée de manière abusive, cette procédure vire au harcèlement. Denis Robert en sait quelque chose. Pour s’être échiné, pendant dix ans, à démontrer l’existence d’un système de blanchiment au sein de la chambre de compensation Clearstream, il a fait l’objet de soixante-deux plaintes en diffamation de la part de la « banque des banques » et a reçu la visite d’un nombre incalculable d’huissiers. « La justice ne sert plus à rendre la justice, mais est utilisée pour faire plier les journalistes », déplore l’enquêteur dans le livre. S’il a finalement obtenu gain de cause – sa démarche ayant été reconnue comme légitime par la Cour de cassation –, Denis Robert aura vu la suspicion jetée sur son travail des années durant. Surtout, les manœuvres procédurières de Clearstream auront permis de faire diversion en détournant l’attention.

Pour avoir enquêté sur les activités du groupe Bolloré au Cameroun (gestion de ports, rail, plantations), le reporter de France Inter Benoît Collombat a, lui, été poursuivi pour la quasi-totalité de son reportage et non sur des points précis. Ultra procédurier, le milliardaire breton dégaine la diffamation aussi vite qu’il censure un doc sur Canal+. Un harcèlement destiné à décourager les journalistes de mettre le nez dans ses affaires.

En dehors des prétoires, la décrédibilisation mise sur la rumeur et la désinformation. Et le meilleur ennemi de la presse s’avère parfois… la presse elle-même. Gérard Davet et Fabrice Lhomme (Le Monde) ont fait les frais de ces crocs-en-jambe confraternels au moment de l’affaire dite « des écoutes Sarkozy » (corruption à la Cour de cassation et mise sur écoute de l’ex-président). Alors qu’ils enquêtaient sur le sujet, Le JDD a publié un extrait de l’agenda privé de François Hollande dans lequel apparaissait un rendez-vous avec les deux journalistes. « Le but est de semer le trouble […] et de nous faire passer pour des agents à la solde du pouvoir », expliquent-ils. Valeurs actuelles n’a pas hésité à les présenter comme les « valets d’un cabinet noir contre Sarkozy ». Faire du journaliste un militant est l’arme la plus souvent utilisée pour délégitimer le travail d’investigation.

Traiter le journaliste et ses sources comme des délinquants

Abuser de la loi de 1881, c’est contestable. Mais faire comme si elle n’existait pas, c’est pire. Depuis quelques années, un glissement subtil s’est opéré. Au lieu de poursuivre le journaliste sur le fondement du droit de la presse – qui définit les conditions du libre exercice de sa profession –, on préfère le traiter comme n’importe quel délinquant, en utilisant les ficelles du droit commun. Ainsi Fabrice Arfi (Mediapart) est-il accusé, dans l’affaire Bettencourt, de « recel d’atteinte à l’intimité de la vie privée ». Situation ubuesque : le tribunal qui lui reproche d’avoir utilisé les enregistrements du majordome a pourtant exploité ces mêmes bandes comme « preuves judiciaires pour condamner huit personnes dans l’affaire Bettencourt », note-t-il. Un contournement de la loi sur la presse qui permet « d’ôter au journaliste les armes de sa défense […] et à la police et à la justice d’user de moyens d’enquêtes plus intrusifs, susceptibles de mettre à mal le secret des sources ». Sources qui, elles aussi, se voient de plus en plus souvent criminalisées. A la suite d’un article de Mathilde Mathieu (Mediapart) sur le train de vie des parlementaires, le Sénat a déposé plainte contre X pour « vol de documents » et « abus de confiance ». Une dizaine de fonctionnaires, considérés comme de possibles « taupes » de la journaliste, ont ainsi été embarqués par la PJ. Même chasse aux sources dans une affaire sur les notes de frais d’un élu socialiste. « Le Palais a préféré cibler les lanceurs d’alerte qui ont pris le risque de dénoncer un délit potentiel », explique Mathilde Mathieu. Manière de décourager le zèle citoyen et de bloquer les possibilités d’enquête.

Verrouiller l’info

Que fait un journaliste qui n’a pas accès aux éléments nécessaires à son enquête ? Réponse : pas grand-chose. Certains l’ont bien compris. La loi sur le renseignement votée en juin dernier, qui, au nom de la lutte antiterroriste, met le « secret défense » à toutes les sauces, rend désormais très difficile toute enquête sur les services secrets. « Jamais nos services de renseignements n’auront été aussi opaques, aussi difficiles à contrôler », estiment dans le livre Christophe Labbé et Olivia Recasens, du Point. Concrètement, si ce texte avait été en vigueur à l’époque, jamais on n’aurait entendu parler du Rainbow Warrior. Autre nouveauté de la loi : la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, ex-DCRI) peut désormais mettre sur écoute appartements, voitures, etc., et explorer les ordinateurs en dehors de toute procédure judiciaire. Un risque de dérives façon NSA aux Etats-Unis.

L’ouvrage pose aussi la question de l’accès aux documents administratifs. En France, contrairement à la Suède ou à la Grande-Bretagne, il est encore impossible au citoyen de vérifier les notes de frais d’un ministre ou d’un maire. Après le scandale Cahuzac, l’Etat a pourtant exigé des élus qu’ils déclarent leur patrimoine. On peut effectivement les consulter en préfecture… mais en aucun cas les publier, comme l’a constaté Mathilde Mathieu lors de ses enquêtes sur l’utilisation de l’argent public au Parlement. Pour fuir les questions qui fâchent, la stratégie la plus efficace est celle de l’évitement. Après plusieurs articles sur lui jugés négatifs par le maire de Nice Christian Estrosi, la journaliste indépendante Hélène Constanty s’est vue interdite de communiqués, de conférences de presse, de discours. Blacklistée ! Une technique très en vogue aussi chez les grands patrons. Lorsqu’il enquêtait sur Vincent Bolloré, Benoît Collombat n’a jamais pu l’interroger. « Ça s’appelle la “censure par abstention”, explique le journaliste. Dans toute enquête, vous êtes tenu au contradictoire. Si vous ne le faites pas, ça peut vous être reproché au tribunal. » Compliqué à respecter quand le principal intéressé ne veut pas parler.

Exercer une pression économique

Sucrer la pub pour faire pression sur un journal ? C’est vieux comme la réclame. Selon un article du Canard enchaîné évoqué dans le livre, Vincent Bolloré (encore lui), qui contrôle l’agence de pub Havas, aurait fait supprimer plusieurs millions d’euros d’achat d’espaces dans Le Monde (propriétaire de Télérama), à la suite de deux articles qui lui ont profondément déplu. Les médias réfléchissent à deux fois avant de s’attaquer à un annonceur puissant. Situation aggravée par la crise, qui fragilise encore un peu plus les journaux. En Région, c’est pareil. Dans le livre, le fondateur du site Montpellier Journal, Jacques-Olivier Teyssier, raconte comment mairie, département et Région sont devenus les principaux annonceurs des journaux locaux. En 2009, il a ainsi évalué l’investissement des collectivités locales à environ huit millions d’euros, dont quatre millions et demi pour les seuls titres de Midi Libre. Fâché par un papier critique sur son bilan, Georges Frêche, alors président du conseil régional, avait coupé la pub au journal. Tout simplement.

Menaces, voire plus si affinités

Lorsqu’on manque d’arguments, reste la violence. Physique et psychologique. Au fil de leurs enquêtes, Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont eu droit au grand chelem : menaces de mort, cambriolages, « lettres, balles, excréments, poudre explosive, cercueils » reçus par la poste… Dans la fachosphère, on tape sur les journalistes comme Obélix sur les Romains. En 2010, à l’occasion d’une commémoration de l’extrême droite radicale, Caroline Monnot et Abel Mestre, du Monde, ont essuyé menaces, crachats et intimidations. En février 2015, Marine Turchi et Karl Laske (Mediapart) ont été violemment pris à parti par des responsables de Jeanne, le microparti de Marine Le Pen. Lors du défilé du 1er mai 2015 du FN, des équipes de France 5 et du Petit journal sont agressées par des militants, sous les insultes… Comme l’expliquent Caroline Monnot et Marine Turchi dans Informer n’est pas un délit, une dizaine de journalistes ont été violentés lors d’événements frontistes depuis que Marine Le Pen est présidente du parti. Beaucoup moins paraît-il que du temps de son père. Vraiment de quoi se réjouir ?

Informer n’est pas un délit, éd. Calmann-Lévy, 300 p, 17 €.

Bonnes feuilles Lisez un chapitre d’“Informer n’est pas un délit”

Source : Télérama 06/10/2015

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Mentir au travail, par Duarte Rolo

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Duarte Rolo : «Dans les centres d’appels, les salariés expérimentent la trahison de soi»

Pour le psychologue clinicien, qui a enquêté dans des call centers, la tromperie généralisée, devenue une pratique managériale, génère non seulement «des formes de souffrances assez graves» pour les employés, mais aussi une rupture de confiance avec les clients.

Comment les salariés réagissent-ils à un environnement de travail basé partiellement sur le mensonge ? Psychologue clinicien, docteur en psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers, Duarte Rolo a enquêté avec Stéphane Le Lay pendant plusieurs années dans des centres d’appels téléphoniques. Il en publie les conclusions dans un livre qui vient de sortir, Mentir au travail.

Comment en être venu à étudier le mensonge dans ce centre d’appels ?

J’ai été alerté par une déléguée du personnel inquiète de la multiplication des manifestations de mal-être dans son entreprise : crises de larmes, recrudescence des arrêts maladies, notamment pour dépression, accident cardio-vasculaire. Très vite, les discussions se sont focalisées sur «les chiffres», en fait les indicateurs de performance qui rythment le travail des opérateurs. Pour y répondre, les salariés avaient l’impression de désobéir aux règles de leur métier, de pratiquer des ventes forcées, de devoir duper le client. Ce que notre enquête a montré, c’est qu’aujourd’hui, dans certaines situations, les salariés sont confrontés à l’injonction de mentir. Au risque de générer des formes de souffrances assez graves.

Comment en sont-ils arrivés là ?

Dans beaucoup d’entreprises – comme à La Poste, France Télécom ou EDF -, le cœur du métier des centres d’appels a changé. Alors que les conseillers devaient à l’origine répondre à une réclamation du client, créer une relation de confiance pour les fidéliser, ils se transforment aujourd’hui en vendeurs soumis à des objectifs commerciaux. Si le service marketing a lancé une campagne commerciale autour des Blackberry par exemple, ils doivent vendre le plus possible de ces téléphones, tant pis si le papi qui appelle ce jour-là ne verra pas ses touches parce qu’elles sont trop petites pour ses yeux fatigués. L’entreprise où j’ai enquêté organise régulièrement des challenges qui récompensent celui qui vendra le plus en lui offrant une pause PlayStation. L’infantilisation évite à beaucoup de se poser des questions sur leurs méthodes.

C’est selon vous un mensonge d’un type nouveau…

Ici, ce ne sont plus les salariés qui prennent l’initiative de mentir, mais l’organisation qui les y pousse. Dans les centres d’appels, l’injonction au mensonge est parfois explicite : on se présente sous un faux prénom – souvent un prénom francisé pour rassurer les clients français. Il y a aussi toute une série de mensonges explicitement demandés par la hiérarchie, mais sous forme d’euphémisme : «On va omettre de donner cette information aux clients», «on va minimiser». Mais ce sont surtout les méthodes d’évaluation comme le benchmarking – établir un étalon de performance pour dresser des classements entre salariés sur lesquels sont indexées les primes – qui imposent aux salariés de mentir pour vendre plus. Quand ils voient que la réclamation de tel client va être trop longue à régler, certains leur raccrochent au nez pour que l’appel soit rebasculé sur le poste d’un collègue. Les contraintes organisationnelles font du mensonge une pratique nécessaire et banale.

Dans une entreprise, quelles conséquences peuvent avoir ce mensonge ?

Le problème, c’est qu’on ne peut plus faire confiance à personne. On sait que si untel est un bon vendeur, c’est qu’il ment bien, et qu’il peut donc nous mentir à nous aussi. De gros conflits se trament sur la plateforme entre les salariés qui acceptent de jouer le jeu et ce

ux qui refusent,«killers» contre «fonctionnaires», comme ils s’appellent. Les conseillères m’ont aussi décrit une évolution dans l’attitude des clients. Alors qu’ils appelaient autrefois avec une certaine bonhomie, ils sont désormais plus méfiants, refusant les conseils des conseillers, réclamant systématiquement un geste commercial. Les conseillers décrivent une évolution en miroir : des salariés qui profitent des clients, qui à leur tour veulent profiter des salariés.

Le mensonge rend-il malade ?

Les salariés qui souffrent de cette situation ne sont ni plus idéalistes ni plus moraux que les autres. Mais ils ont l’impression de trahir leur éthique personnelle et professionnelle. Le mensonge prend alors une dimension de conflit psychique : les conseillers expérimentent la trahison de soi. Ce mensonge imposé par l’organisation du travail amène à se conduire d’une manière qu’on désapprouve : c’est ce qu’on appelle la souffrance éthique. Certains vont tenter de l’oublier en se jetant dans une frénésie de travail. D’autres résistent à l’injonction à mentir. D’autres, encore, peuvent ressentir une haine de soi, jusqu’au dégoût, qui peut amener au suicide. C’est ce qui est arrivé à l’un des conseillers du centre d’appels où j’enquêtais. Il s’est suicidé alors qu’il avait sa déléguée du personnel au bout du fil.

Source : Libération, le 23 septembre 2015.

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«L’arrogance démocratique de l’Occident, c’est d’ignorer le désenchantement de ses citoyens»

file6mwkn9032bkxqbwpfw7Pierre Rosanvallon recevra, samedi 31 octobre, les honneurs de l’Université de Neuchâtel lors de son «Dies Academicus». Dans son dernier livre, il met en garde contre la colère engendrée par la «crise de la représentation» et contre les impasses de la démocratie directe

Après son intervention, samedi, lors du «Dies Academicus» de l’Université de Neuchâtel, Pierre Rosanvallon, 67 ans, s’envolera pour l’Argentine et les Etats-Unis. Au programme du professeur titulaire de la Chaire d’histoire moderne et contemporaine du Politique au Collège de France Une série de conférences sur le fil conducteur de son œuvre: vivre dans un régime dit démocratique ne signifie pas être gouverné démocratiquement, y compris en Suisse.

Son dernier livre, « Le Bon gouvernement », paru au Seuil, complète la fresque brossée au fil de ses trois précédents ouvrages: «La Contre-démocratie», «La Légitimité démocratique» et la «Société des égaux». Entretien avec un observateur engagé, inquiet de la montée des populismes alimentée par le désenchantement des citoyens occidentaux et par la forte dégradation du rapport de confiance entre gouvernants et gouvernés, dans les pays dits démocratiques.


 Le Temps: Impossible, après avoir lu «Le bon gouvernement», de ne pas s’inquiéter sur l’état de nos démocraties occidentales…

Pierre Rosanvallon: Je nuancerai. L’histoire de la démocratie est celle d’une crise permanente et de citoyens perpétuellement désenchantés. La recherche d’une bonne représentativité découle des limites du principe majoritaire. Entre l’idée de base démocratique, qui consiste à déléguer le pouvoir pour œuvrer à l’intérêt général, et la réalité qui aboutit à l’exercice du pouvoir par le parti majoritaire – ou par le parti arrivé en tête dans les urnes – la source de frustration est évidente. Cette logique majoritaire se justifie bien sûr par un principe d’action et de décision. Il faut pouvoir trancher.

Mais elle illustre ce que j’appelle la souveraineté intermittente des électeurs, et la contradiction inhérente entre la validation démocratique d’un pouvoir, et le permis de gouverner accordé à celui-ci. C’est pour cela que l’on a progressivement doté nos systèmes démocratiques d’institutions présumées indépendantes et impartiales, comme les Cours constitutionnelles. Il faut toujours garder à l’esprit cette «fiction démocratique» originelle.

La démocratie directe, telle que pratiquée en Suisse, ne préserve-t-elle pas, justement, une plus grande souveraineté des électeurs ?

Cela se discute. Historiquement, la Suisse paraît en effet rimer avec démocratie. La preuve, En 1788, soit un an avant la révolution française, la démocratie est définie dans les livres comme un mot «vieilli», faisant référence «à la gestion de quelques cantons helvétiques»! Mais je ne crois pas que les citoyens rêvent de démocratie directe, au sens strict du terme. Ils acceptent la division du travail entre gouvernants et gouvernés si les premiers font correctement leur travail. Regardons les faits: la Confédération accorde avant tout une plus grande importance que la moyenne des Etats démocratiques aux décisions prises par référendum. Elle fonctionne donc totalement sur le principe majoritaire, ce qui nourrit de sérieuses questions. Le citoyen y reste avant tout un électeur.

Or la démocratie ne peut pas être qu’un ensemble de décisions sorties des urnes. Pourquoi ? Parce que la réalité politique est complexe, donc difficile à résumer par des questions simples. Parce que le temps de délibération et d’information, mais aussi les circonstances au moment du vote, pèsent lourd sur les résultats. Et parce que le référendum ne prend pas en compte les conditions juridiques d’application de ces décisions lorsqu’elles contreviennent, par exemple, aux règles que la Suisse a adoptées et aux accords qu’elle a signés. Le citoyen, l’histoire le montre, tend à aimer les solutions et les décisions simples. Or la démocratie ne va pas de pair avec les idées simples.

Le lien a longtemps été fait entre prospérité économique et bon fonctionnement démocratique. Vous le contestez ?

Je constate que la croissance économique, lorsqu’elle s’accommode de trop grandes inégalités ou pire, quand elle contribue à les creuser, engendre un «mal à vivre la démocratie». C’est, entre autres, le problème que doivent affronter les Etats-nations européens, où les fractures sociales, sur fond de relatif bien-être économique, nourrissent un désenchantement démocratique. Un autre élément perturbateur est, en Europe, la question de la souveraineté. A force d’insister sur la souveraineté démocratique à l’intérieur des frontières nationales et de refuser une forme de fédéralisme qui correspondrait aux nouvelles frontières de l’économie européenne, on aboutit à une impasse.

Tout mon travail consiste par conséquent à réfléchir aux moyens pour mettre en œuvre une démocratie qui ne soit pas seulement intermittente, limitée aux élections. Mettre l’accent sur la lisibilité des décisions, la transparence, la réactivité, le parler vrai, l’intégrité, ce que j’appelle la «démocratie d’exercice», est aujourd’hui indispensable. Pour perdurer, la démocratie doit améliorer la qualité de son fonctionnement. C’est un impératif.

Les Occidentaux donnent pourtant des leçons de démocratie au monde entier…

– Vous soulevez un réel problème. Il y a une arrogance démocratique de l’Occident, aveugle sur le désenchantement croissant de ses propres citoyens. L’insistance mise sur l’organisation d’élections est révélatrice, car elles aboutissent souvent à donner la parole à un peuple introuvable.

L’Europe doit réapprendre à parler de sa démocratie comme une expérience, pas comme un modèle. Nous ferions mieux, parfois, d’enseigner nos échecs démocratiques, nos tâtonnements problématiques. Le pire est de favoriser, dans des pays en transition, des situations où l’emballement des promesses démocratiques est suivi d’un retrait désenchanté et brutal, de la part de citoyens déboussolés.

Conséquence: l’émergence de régimes «illibéraux», ces régimes autoritaires qui se maintiennent au pouvoir via des élections plus ou moins contrôlées, tout en laissant ouvertes quelques «fenêtres démocratiques». Cela vous rend pessimiste sur l’avenir de la démocratie ?

A court terme, il y a en effet des raisons d’être pessimiste. L’exercice du pouvoir en Russie, en Turquie ou en Chine, pour parler des grands pays à la fois partenaires et rivaux de l’Occident, pose de sérieuses questions. Tout comme le vent mauvais des populismes et des extrémismes en Europe. En Chine, les citoyens ne peuvent pas être des électeurs démocratiques car ils mettraient à bas, sinon, l’oligarchie au pouvoir. Pékin n’est pas près d’accepter des élections pluralistes et concurrentielles.

N’empêche: face aux pressions citoyennes, le Parti communiste chinois doit couper des branches et se résoudre à des mœurs plus démocratiques dans un certain nombre de domaines. Mais ne nous laissons pas abuser par la propagande de ces régimes: la liberté de la presse, la transparence, le principe de responsabilité demeurent les conditions indispensables d’une vraie «démocratie d’exercice».


Aux côtés de Pierre Rosanvallon, trois autres personnalités du monde académique recevront samedi le titre de docteur honoris causa à l’Université de Neuchâtel: Georges Lüdi, professeur de linguistique, John Anthony Cherry, professeur émérite d’hydrogéologie à l’Université de Waterloo (Canada), et James Richard Crawford, juge à la Cour internationale de justice et professeur de droit international.

Richard Werly

 

Source : Le Temps 29/10/2015

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