Les réalités flottantes de Ralph Gibson au Pavillon populaire

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Montpellier expo photo
« Ralph Gibson. La trilogie, 1970-1974 »

Le Pavillon populaire présente pour la première fois l’ensemble des tirages des trois tomes de l’emblématique photographe américain. Près de 130 images composent cette oeuvre incontournable qui flirte avec le cinéma et la littérature.

Né en 1939 à Los Angeles, Ralph Gibson fut l’assistant de Dorothea Lange, puis de Robert Frank. Désirant s’éloigner de la photographie documentaire pour donner libre cour à son expression artistique, il part  à New York en 1966.  Pensionnaire du mythique Chelsea hôtel, évoqué par Jean-Claude Carrière comme « une grotte féérique », il côtoie des artistes venus de tous les mondes. Gibson vit de façon précaire, se consacrant entièrement à la prise de vue, il ne peut rester insensible à l’élan créatif de son environnement. Et notamment à celui de  la Nouvelle Vague, (Godard, Resnais) et du nouveau roman, (Butor, Robbe Grillet). Son projet de livre photographique d’un nouveau genre ne rencontre pas l’agrément des maisons d’édition traditionnelles, ce qui pousse le jeune photographe à fonder son propre label Lustrum Press qui publie en trois volumes, The Somnambilist (1970), Déjà-Vu (1973) et Days at Sea (1974) ses travaux regroupés sous le nom The Trilogy.

The  Somnambilist
Dans le premier des trois ouvrage, The Somnambilist, Ralph Gibson produit un texte qui s’attache à révéler les forces de l’inconscient par le dérèglement des formes habituellement perçues. En guise de propos liminaire, l’artiste invite «le gentil lecteur» à un voyage entre rêve et réalité.  « En dormant, un rêveur réapparaît ailleurs sur la planète, se transformant en au moins deux hommes. Les rêves qu’il fait dans son sommeil fournissent la matière de cette réalité tandis que ses rêves éveillés deviennent ce qu’il pensait être sa Vie...»  Pour Gibson, les images aspirent à visualiser les rêves et les désirs des hommes. « Dès l’origine de son projet, Ralph Gibson souhaite aller plus loin, donner à son livre photographique une ambition bien plus large, telle qu’on la trouve dans la littérature ou au cinéma, où l’effet de sens globale porte sur la totalité de sa production », souligne Gilles Mora, fin connaisseur de la photographie américaine et commissaire de l’exposition.

Ralph Gibson Déjà-vu : rapprochement visuel opéré en une image double étant lu comme unifiée.

Ralph Gibson Déjà-vu : rapprochement visuel opéré en une image double étant lu comme unifiée.

Déjà -vue
Le second livre de Ralph Gibson, Déjà Vu, traduit davantage son refus de s’intéresser à la réalité.  L’artiste pénètre plus avant dans le monde onirique pour instruire sur le monde caché. Ces photographie se promènent avec une imagination ininterrompue sur les nouveautés d’un monde qui s’offre au regard. Au-delà du temps présent, telle cette double page où la main qui tient le revolver et le corps de celui qui est censé tirer appartiennent à des géographies et des dates différentes. Le rapprochement visuel opéré en une image double étant lu comme unifiée. La vision souple et rapide plonge dans la découverte pour révéler les dessous de l’âme. Le texte a disparu derrière  ce titre paradoxal Déjà-vu alors que le photographe contribue à faire éclater la pratique photographique en jouant avec le  rapport à l’espace qu’il entretien avec son sujet comme avec l’oeil du spectateur. A moins qu’avec ses gros plans sur des objets décontextualisés, le photographe se soit rapproprier le procédé de la nouvelle vague consistant à désigner de l’art dans ce qu’il n’est pas. Si l’artiste construit son imaginaire sur la représentation il nous invite manifestement à le suivre sur ce chemin.

Ralph Gibson Day at Sea : les photographies érotiques en noir et blanc transforme le lecteur en lecteur-voyeur.

Ralph Gibson Day at Sea : les photographies érotiques en noir et blanc transforme le lecteur en lecteur-voyeur.

Days at Sea
Le dernier opus de sa grande oeuvre, Day at Sea s’ouvre sur la sphère intime des pulsions sexuelles. Fidèle à une esthétique héritée de Man Ray et d’un certain surréalisme qui peut évoquer l’univers de Buñuel, les photographies érotiques en noir et blanc de Gibson transforme le lecteur en lecteur-voyeur. Le langage s’épure, l’artiste parvient à faire sortir de la chambre noire les vraies formes lumineuses non dénuées d’ambiguïté.

Gilles Mora évoque à raison The Trilogy comme une oeuvre ouverte. La chronologie des trois livres peut se lire comme un cheminement vers l’abstraction. Dont la conclusion discrètement glissée par l’auteur au bas d’une page blanche en français, serait : « La Trilogie est achevée. Quel désir impossible.»

 Jean-Marie Dinh

Ralph Gibson, «La Trilogie, 1970-1974 », dernière exposition de la saison américaine au Pavillon Populaire, jusqu’au 7 janvier 2018, entrée libre.

Source : La Marseillaise 11/11/2017

Voir aussi ;   Rubrique Artrubrique PhotoLes voyages subtils et coupables de William Gedney, Cap sur l’Amérique au Pavillon Populaire, rubrique Exposition, rubrique Littérature, rubrique Cinéma, rubrique Montpellier, rubrique Etats-Unis, rubrique Société,

ZAL. La couleur directe de l’univers des auteurs

Natyot ouvre le bal de la ZAT

Natyot ouvre le bal de la ZAT

Littérature
La Zone d’Autonomie Littéraire (ZAL) ouvre son territoire aujourd’hui à Montpellier salle Pétrarque de 14h30 à 23h

En matière littéraire, il y a un degré, un paroxysme de tension que l’on ne parvient pas toujours à dépasser.  La frontière entre l’auteur et son lecteur qu’il faut avoir franchi, pour s’émanciper une bonne fois pour toute des cadres bourgeois du roman du XIXe siècle   et remodeler une dimension fertile de la littérature.

« L’idée de la Zone d’Autonomie Littéraire,  est  de proposer une mise en scène du texte à travers une restitution événementielle de la littérature, explique Renaud Vischi, un des membres fondateurs, Ces formes de rencontres entre les auteurs et leurs lecteurs sont plus nourrissantes que lorsqu’on installe des écrivains à une table derrière des piles de livres

Alors,  se rendre à la ZAL, c’est comme si nous nous jetions par dessus bord, affrontant sans scrupule et sans honte le spectre que nous continuons à orner de fleurs rhétoriques à l’occasion des remises de prix littéraires. Ce que parvient à démontrer cette initiative qui célèbre cette année sa 7e édition, c’est que non seulement les livres et les auteurs existent hors des sentiers traditionnels de l’édition, mais aussi les lecteurs ; qui parlent, pensent, et s’amusent en dehors des lignes comptables recensant les chiffres de vente.

« L’ambition de la ZAL est de populariser une forme  innovante, conviviale et décomplexée parmi les manifestations littéraires. A la ZAL, les auteurs mettent leurs écrits en scène et livrent, au public, via une lecture augmentée ou nue, performée ou non, la couleur directe de leur univers. A la ZAL, un grand bar délie les langues et quelques stands triés sur le volet proposent des objets littéraires non identifiés et des livres rares. »

Innovation des formes
Performance lecture, lecture musicale, théâtralisée, poétiques, des alliances se tissent au grès d’un enchaînement de courtes présentations. L’exercice proposé aux écrivains, de parvenir à restituer le mieux possible l’univers de leur texte, est une forme de défi.

« Tous les auteurs ne sont pas prêt à monter sur scène, indique Renaud Vischi, L’année dernière, Perrine Le Querrec s’est mise dans la peau d’un metteur en scène en faisant lire son texte à une comédienne tout en assurant la direction d’acteur. Le cadre reste propice à l’innovation. Il peut aussi offrir des débouchés potentiels aux auteurs qui expérimentent d’autres types d’interventions que les traditionnelles séances de dédicace.« 

L’idée séduit, de Paris à Marseille, de Nantes à Toulouse, les auteurs qui seront présents à Montpellier arrivent des quatre coins de l’hexagone. D’année en année, la manifestation rayonne de plus en plus au niveau national. « Nous intervenons sur différents réseaux aux sein des communautés culturelles pour programmer les auteurs dans un souci de mixité  explique Renaud Vischi également impliqué dans la revue Squeeze, une publication périodique de textes d’auteurs qui propose des contenus littéraires en ligne en format court. La revue compte une moyenne de 3 700 lecteurs par numéro.

« La ZAL porte l’esprit littéraire de demain, soutiennent les organisateurs, celui d’un monde où tout à chacun pourrait entrer dans les livres comme dans une salle de cinéma.» Ce qui peut s’entendre, dans le cadre des ZAL qui ajoutent au texte la corporalité de l’objet, en rajeunissant sérieusement le public des manifestations littéraires.

JMDH

Auteurs programmés  Natyot Raymond Penblanc, Frifo-Maudit, Pierre Tilman, Murièle Modèly, Rémi Checcchetto ÉMI  , Jean Azarel (Spoken Words Music), Laurent Buisset, Schultz et Èlg (Conférence mutante & et poésie régressive), Raphaëlle Bouvier, Tristan Felix  (Animale poésie), Cie Jow Blob (Ciné-concert-blagues), Isabelle Simon, , Bololipsum (Live electro bricolé).

Source La Marseillaise 18/11/2017

Voir aussi Actualité Locale : rubrique Livre, LittératureFormes littéraires non identifiées, Poésie rubrique EditionEditions Espaces 34,   rubrique Théâtre, rubrique Montpellier,

Simon Starling et Maxime Rossi contre les fantômes au MRAC

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Simon Starling et Maxime Rossi à découvrir au MRAC.  Un reflet des temps nouveaux qui tisse des liens alternatifs avec le monde d’hier pour que le courant passe entre les cultures.

Plus qu’un simple reflet du passé, les deux artistes présents au Musée Régional d’Art Contemporain (MRAC) de Sérignan proposent un flirt poussé avec la machine. Ils usent tous deux d’un parcours musical, comme si la meilleure façon de conserver un moment qui semble révolu était de la placer dans l’actualité, dans un temps habité de son et de silence.

« Le travail de Maxime Rossi se plait à convoquer des icônes musicales qui peuplent notre imaginaire collectif « , souligne  Sandra Patron, la directrice du MRAC qui assure le commissariat des deux expositions. Né en 1980 l’artiste parisien dont le travail a été présenté au Palais de Tokyo, au Museo Madre de Naples  ainsi qu’à la Biennale de Sydney en 2014, a conçu Chrismas on Earth Continued spécifiquement pour le MRAC. L’installation s’inscrit dans la lignée du travail que développe l’artiste autour du rapport émotionnel que la musique engage avec le spectateur, des procédés scéniques, et des techniques de sample.

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Chrismas on Earth Continued

Thriller psychédélique
Chrismas on Earth (1963) est l’unique film achevé de la figure légendaire de l’underground américain, Barbara Rubin, inspirée du recueil de poèmes Une saison en enfer d’Arthur Rimbaud. Une ode à la jeunesse et à ses tourments, au sexe et au Rock’n roll… Dans son installation, Maxime Rossi évoque cet événement qu’il  juxtapose avec le festival Chrismas on Earth continued qui eut lieu en 1967, au cours duquel Pink Floyd reprit le fameux morceau Louie Louie.

« J’ai cherché à faire des connexions entre ces deux événements au coeur de la contre culture des années 60, explique Maxime Rossi, si le festival resta dans les mémoires comme un naufrage commercial, financier, et artistique avec la déchéance physique de Syd Barret et d’Hendrix, il fut aussi l’objet de manipulations politiques. Dans un moment d’intense paranoïa aux Etats-unis, lié au contexte de la guerre froide,  les paroles de la chanson Louie Louie étaient vécues par le FBI comme un vecteur de pornographie. Ce qui n’était pas le cas, mais les agents du FBI ont passé des mois à chercher et retourner le texte de la chanson dans tous les sens pour y trouver un sens obscène. Tant et si bien que face à leur insuccès ils ont fini par inventer des paroles violentes

L’installation invite à une immersion corporelle dans un vaste espace sombre, où se mêlent faits réels, rumeurs colportées et faits alternatifs. Le visiteur pénètre dans un monde hallucinatoire qui reste cependant très référencé. La musique et les images sont mixées dans un système de rotation aléatoire sans fin et sans répétition. L’artiste ayant confié l’écriture spatiale et de sa partition à un ingénieur chargé de la finaliser avec la création d’un algorithme. « Quand on évoque l’époque psychédéliques, on pense souvent à des personnes défoncées mais c’est aussi une esthétique, une présence vague, une chose qui module sans cesse…»

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Simon Starling Photo Jmdi

Ghost stories
L’artiste anglais Simon Starling centre depuis vingt ans son oeuvre sur l’histoire dont il revisite les formes et la façon dont elles mutent à travers les époques et les cultures. Le MRAC propose quatre de ses derniers projets sous le titre A l’ombre du pin tordu.

Au XVIII e siècle l’inventeur Joseph Marie met au point les premières cartes perforées pour les métiers à tisser technique reprise au milieu du XIX par Charles Babbage pour la conception des premiers ordinateurs. Simon Starling qui a du nez, découvre à Turin dans une fabrique de textile un piano et une partition en hommage au son produit par les machines à tisser. De là naîtra  Red Green Blue, Loom music en 2015 à découvrir au 1er étage du MRAC.

Le deuxième projet présenté réinvestit la pièce At the Hawk’s Well montée par le poète dramaturge irlandais W.B Yeat au coeur des horreurs de la Grande guerre. Dans cette pièce se croisent le folklore Irlandais, le mouvement moderniste occidental et le Théâtre Nô. Cette fusion, issue de multiples collaborations inspire At Twilight (au crépuscule). Simon Starling rejoue la vive dramatisation du théâtre Nô en offrant une représentation saisissante des êtres présents qui infusent nos actes et nos pensées.

Avec El Eco, l’artiste nous entraîne au musée de Mexico City où une fresque murale réalisée en 1953 rend hommage à la fête des morts. Une réflexion sur le temps qui passe à travers un saisissant aller-retour entre passé et présent.

Le parcours se conclue en musique avec The Liminal Trio Plays the Golden Door, une installation qui imagine la rencontre possible entre trois musiciens migrants qui ont débarqué d’Europe à Elis Island aux Etats-Unis au début du XXe siècle. Un travail d’une grande force et d’une absolue poésie.

 Jean-Marie Dinh

Au MRAC Occitanie à Sérigan jusqu’au 18 mars 2018.
Rens : 04 67 32 33 05

Source : La Marseillaise 07/11/2017

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Art, Art contemporain, La cosmologie Kiefer, Keith Haring, L’art on the beat, Leila Hida, Nicolas Fenouillat, rubrique Exposition,

Juif irakien et chercheur sur le théâtre arabe en Israël

Dessin de Ramses, Cuba.

Chassé d’Irak, Sami Moreh a passé sa vie en Israël à faire des recherches sur la littérature arabe. Il s’est éteint cette année, sans jamais pouvoir revoir Bagdad.

Il est mort, l’écrivain juif d’origine irakienne Shmuel Moreh, ou “Sami Al-Muallem”, comme on l’appelait jadis à Bagdad. Ce chercheur, spécialiste du théâtre arabe, a écrit de nombreux ouvrages, aussi bien en arabe qu’en anglais et en hébreu, sans parler de ses traductions, ses préfaces pour d’autres livres, ses centaines d’articles pour des revues et ses collaborations à des ouvrages importants.

Avant d’entreprendre des études universitaires, le jeune homme, à l’instar des autres Juifs irakiens qui venaient d’arriver en Israël, a dû se confronter à la dureté de la vie. C’est de là que date l’expérience du contraste entre la vie facile [en Irak] et la vie dure [en Israël], du choc entre l’aspect sentimental (irakien) et la réalité (israélienne).

Son livre “Bagdad mon amour, les Juifs d’Irak, souvenirs et afflictions” fit grand bruit en Israël. Il s’ouvre sur un poème dédié à “toutes mes sœurs et tous mes frères irakiens partout”, et qui est intitulé “Ma mère m’a dit, les yeux tristes” :

Ma mère m’a dit : ils nous ont opprimés en Irak.
Il n’y a plus de place mon fils pour nous.
À quoi nous sert-il de prendre sur nous??
Allons, il faut partir.
Au seuil de la porte,
Ma mère m’a dit : ne sois pas triste.
Ne regrette pas celui qui te rejette.

Mais avant son dernier voyage,
ma mère, le cœur brisé, m’a dit :
“Je me languis de l’Irak, mon fils.
Je me languis de la brise de l’Euphrate,
Qui murmure dans les feuilles du palmier.

Si tu retournes au pays
Après tant d’années,
Salue les bien-aimés,
et tous les gens du quartier
Et oublie ce qu’ils nous ont fait et ce qu’on leur a fait.”

Dans ce livre, Moreh relate son enfance à Bagdad, puis ce que les Juifs fils d’Irak ont subi sous la monarchie et les autres régimes qui se sont succédé, du farhoud [pogrom antijuif de 1941 à Bagdad] jusqu’au départ contraint. Il y exprime également sa douloureuse nostalgie pour l’Irak et pour Bagdad.

Réfutant les thèses dominantes des orientalistes

Mais son œuvre principale est Le théâtre vivant et la littérature dramatique dans le monde arabe du Moyen Âge” [non traduit en français]. Il se penche sur le monde musulman à l’époque médiévale, prouvant que, bien avant le XIXe siècle, un théâtre vivant dans le monde arabe a bel et bien existé, réfutant ainsi les thèses jusqu’alors dominantes des orientalistes, qui affirmaient le contraire.

L’auteur explique que sa recherche “a commencé par l’envie de savoir si le théâtre de Yacoub Sanu [auteur égyptien juif, du XIXe au début du XXe siècle] a été une imitation du théâtre européen ou la continuation du théâtre populaire égyptien. [Selon les descriptions de] l’orientaliste britannique Edward William Lane, [ce théâtre populaire] était proche du théâtre européen en ce qui concerne le jeu des acteurs. J’ai pu démontrer que le terme utilisé [pour désigner cette forme de jeu] était connu dès le Moyen Âge. C’était une forme de représentation théâtrale avec des acteurs en costumes évoquant l’histoire ancienne pour faire revivre le passé devant le public, à des fins de plaisir, de critique sociale et d’exhortation.”

Toujours selon Moreh, […] les Arabes ont été les continuateurs du théâtre populaire du Proche-Orient, […] avec les khayal Al-Zill [figures de l’ombre], les marionnettes et les passions [taâziya, qui mettent en scène des moments de l’histoire religieuse, notamment dans la culture chiite].

Comme le dit Moreh, “la conclusion à laquelle [il est] arrivé dans ce livre, c’est que les Arabes à l’aube de l’histoire avaient déjà des comiques tels qu’Al-Noeyman, qui faisait rire le prophète Mahomet. Aïcha [la première épouse de celui-ci] avait elle aussi une femme pour la faire rire, qu’on appelait Soweida et qui mimait les autres femmes”.

Moreh fait partie de ces Irakiens de Bagdad qui ont été contraints d’émigrer vers Israël. D’où son identité complexe : de nationalité israélienne, passionnément attaché à la culture arabe et à ses racines à Bagdad. C’est dans cette ville qu’il est né le 22 janvier 1932. Il y a vécu jusqu’à ses 18 ans, en 1951, quand toute la famille a été déchue de la nationalité irakienne et a dû quitter le pays.

Al Modon

Source Les Villes (Liban) 03/11/2017

Voir aussi : Rubrique Moyen OrientIrak, Israël, rubrique Histoire, rubrique Livre, Littérature Arabe,

Matière Bouysse de coffrage naturel

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Comme si le décor prenait possession des êtres vivants Photo dr

Roman
Avec «Glaise», Franck Bouysse signe un nouveau roman lyrique et intimiste qui pose un pied dans l’histoire pour se crotter les bottes sur le chemin boueux de la grande guerre.  L’auteur de « Grossir le ciel » s’impose comme un écrivain majeur du polar rural français. On pourra le rencontrer ce soir à Montpellier où il est l’invité de la librairie Sauramps

Franck Bouysse partage son temps entre un petit hameaux en Corrèze et Limoge où il enseigne la biologie, science du vivant qui recouvre une partie des sciences de la nature et de l’histoire naturelle et celle des hommes et de leur environnement. Cela, il a particulièrement su le mettre à profit dans son travail d’écrivain, tout comme ses origines rurales.

Son oeuvre compte plus d’une dizaine de romans. Le premier, paru en 2004 avait pour titre La paix du désespoir. Trois ans plus tard sort son premier roman noir L’entomologiste chez un éditeur limougeaud Lucien Souny. Ce titre, entame une trilogie qui revisite les grands mythes du romans noir autour de la figure énigmatique du personnage de H.

Franck Bouysse voue une passion pour le roman noir mais c’est avant tout un amoureux de la littérature anglo-saxonne. Irvin, Melville, Joyce… marquent ses lectures de jeunesse comme Faulkner et Steinbeck. Le fait d’avoir été  classé auteur de roman noir importe peu pour lui. Il peut se sentir proche de Cormac McCarthy, Jim Harrison ou de Ron Rash pour le rapport à la nature :  « On a passé une soirée ensemble avec Ron, et nous en sommes venu à la conclusion qu’il était un auteur de l’eau et moi d’un auteur de la terre » ,  mais pour le reste : « l’étiquetage c’est très français, ce sont des histoires de marketing éditorial, moi j’écris des histoires

CVT_Grossir-le-Ciel_7634Le style Bouysse se révèle avec Grossir le ciel « l’histoire de deux types dans les Cévennes en plein hiver avec un chien », (La manufacture des livres 2014), prix polar SNCF, plus de 100 000 exemplaires vendus. D’un point vue formel, ce court roman n’a pas grand chose du roman noir, même si l’histoire mêle énigme familiale et suspens permanent. Ce sont la puissance des personnages, leur espace intérieur, et la langue de Franck Bouysse, atmosphérique, sèche, précise et poétique qui nous emporte.

L’auteur juxtapose deux solitudes paysannes dans un monde qui menace leur condition de vie. L’émotion et la violence humaine surgit des personnages avec une portée dramatique qui offre aux lecteurs  des  moments de lecture exceptionnels.

Tragédie de la solitude
arton5674Avec Glaise son dernier roman, toujours à La Manufacture de Livres, Bouysse charrie des images puissantes qui traversent l’histoire. Dans un village des monts du Cantal, les hommes partent pour la Grande Guerre.

Une nouvelle fois, l’auteur ne décrit pas la nature comme un décor, mais comme un environnement qui prend possession des êtres vivants, avec cette fois la guerre pour concurrente.

Comme dans le roman de Giono Le grand troupeau, qui orchestrait le chant rural des femmes avides à la chair esseulée, on ne sait rien ou presque de ce qui se passe au front. Bouysse pose son cadre à l’arrière.

Autour de trois fermes, la première est celle des Valette, le fils est parti à la guerre, le père un infirme brutal et sa femme accueillent leur nièce et sa mère qui ont fui la ville. Dans la seconde résident le vieux Léonard et la Lucie, soucieux de transmettre les valeurs en perditions que la guerre étouffe. Dans la troisième, il ne sont plus que deux, la mère et le fils après le départ du père suivi du décès de la grand-mère.

Entre ces personnages et leurs désirs qui se heurtent au piège de l’existence, l’écrivain dessine avec maîtrise un éveil des sens, à travers une cohabitation de la violence et de l’humanité.

JMDH

Rencontre avec F. Bouysse autour de Glaise, à Montpellier le 20 octobre Librairie Sauramps, à 19h, entrée libre.

Source La Marseillaise 17/10:2017

Voir aussi : Rubrique Festival  Livre, rubrique  Roman noir, Rubrique Littérature,