Les voyages subtils et coupables de William Gedney

Kentucky, 1964 et 1972.  Photo William Gedney

Kentucky, 1964 et 1972. Photo William Gedney

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Après note sur l’asphalte, une Amérique mobile et précaire, l’exposition William Gedney prolonge la saison américaine du Pavillon Populaire avec une ouverture sur la photographie documentaire de 1955 à 1984. à découvrir jusqu’au 17 septembre
Montpellier

Au Pavillon Populaire, où l’accès est libre et gratuite, le directeur artistique Gilles Mora fait une nouvelle fois partager sa passion pour la photographie américaine avec l’exposition dédiée à William Gedney Only the Lonely 1955-1984. « Gedney, si semblable, si différent : seuls sont les solitaires », commente laconiquement le commissaire d’exposition, nous invitant à investiguer librement dans l’univers de l’artiste.

Cette œuvre peu connue, pourrait incarner la photographie américaine documentaire des années 1960 à 1989. En digne et modeste héritier de la Street Photographie qui émerge aux États-Unis à la fin des années 30, ce photographe sensible use toute sa carrière de la même technique. Déambulant dans les rues et les campagnes l’appareil toujours chargé en main, Gedney semble incarner un témoin fugitif, qui fixe en direct, capte en noir et blanc et restitue des images sur des petits formats qui laissent une large place à l’interprétation.

C’est la première rétrospective d’envergure consacrée à William Gedney après l’exposition au Moma Museum of Modern Art de New York. Le parcours transversal proposé à Montpellier a été réalisé à partir des archives de William Gedney, déposées à Durham au Royaume-Uni, la nature de leur classement, permet d’obtenir une vue globale de l’œuvre réalisée par Gedney.

L’artiste partage avec Walker Evans qu’il admirait, le désir de laisser une existence propre à ses sujets, et de mettre tout en œuvre pour le montrer avec une force du détail et une certaine neutralité de la mise scène. De même, il éprouve peu d’intérêt pour sa carrière, privilégiant l’esthétique et sa liberté personnelle dont une fange, celle de son homosexualité, fut vécue dans la clandestinité. L’œuvre subtile de Gedney ne donnera lieu à aucune publication ou exposition importante de son vivant.

Immersion dans les songes

En s’ouvrant sur la richesse de ses projets le parcours de l’exposition démontre l’importance de cet artiste qui puise son inspiration de la rue, de la nuit et l’adolescence. The Farm (1955-1959) semble traduire en quelques clichés cette phrase consignée dans un de ses carnets : « Chaque fait débouche inévitablement sur un mystère

Dans Brooklyn 1955-1979 Gedney poursuit la même démonstration dans un environnement urbain. On retrouve la sensation de stagnation qui semble habiter l’âme de l’artiste. Comme il aurait pu le faire avec la littérature, Gedney utilise la subjectivité du médium photographique comme une langue personnelle.

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Kentucky, 1964 et 1972. Photo William Gedney

Le travail remarquable sur le Kentucky 1964 et 1972, prend pour sujet principal la présence humaine, directe ou indirecte, dans des situations spontanées et dans des lieux autour de la maison ou près de véhicules qui permettraient de s’en éloigner mais qui demeurent sur place comme pour signifier un ailleurs concrètement inaccessible. William Gedney saisit le non dit de cette oppressante réalité, la manière dont elle influe, en captant les songes des personnages qui se trouvent devant lui.

Dans San Francisco 1965-1967  se profile le goût de la liberté et de l’amour, que Gedney capte avec souplesse laissant percevoir son attirance non ostentatoire pour les corps masculins. Le photographe  américain est un des seuls de son époque à s’intéresser à ce qui se passe à l’extérieur. Il étend son territoire photographique à l’Europe et à l’Inde poursuivant l’écriture d’une grande chorégraphie des corps et des âmes perdues.

JMDH

William Gedney

William Gedney

Source : La Marseillaise 24/07/2017

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