Christa Faust. Self–made–women dans le monde du X

Christa Faust auteur US à découvrir à Frontignan  Crédit Photo dr

Christa Faust auteur US à découvrir à Frontignan Crédit Photo dr

Le festival international du roman noir de Frontignan accueille une cinquantaine d’invités sur trois jours. L’écrivaine Christa Faust qui a fréquenté le milieu du fétichisme et de la domination à NY vient évoquer « Money Shot » un roman noir sans concession qui expédie le lecteur derrière le décors des dociles jeunes filles qui font de l’œil en vitrine.

 Ex-star du porno, Angel Dare s’est reconvertie en fondant une agence qui fournit les services de jeunes actrices et danseuses pour les clubs de strip-tease. Mais, lorsqu’elle reçoit un appel de son vieil ami le réalisateur de films X Sam Hammer, qui la supplie de venir le dépanner sur un tournage, Angel ne peut résister à l’appel de sa gloire passée. C’est ainsi qu’elle va se jeter dans la gueule du loup : tabassée, violée et laissée pour morte, avec plusieurs balles dans le corps, Angel se réveille quelques heures plus tard dans le coffre d’une voiture, abandonnée sur un parking.

C’est dans le coffre de cette vieille Civic pourrie que débute Money Shot. L’héroïne, Gina Moretti, dites Angel Dare, s’en extirpe meurtrie avec une rage au ventre qui ne la lâchera pas jusqu’à la dernière page du roman. Le coffre, réceptacle courant des macchabés et autres passagers de l’oubli s’impose d’entrée comme une unité de lieu délabré, à l’image du milieu américain du porno sud californien peuplé de cannibales sans scrupule qui font tourner le business juteux de l’industrie pornographique.

«Personnellement, je n’ai jamais compris ce qui attirait les gens dans cet endroit. L’Eye Candy était une machine bien huilée, qui n’existait, comme tout à Vegas, que pour une unique raison : vider les portefeuilles (…) L’Eye Candy ne vendait pas de la chatte. Il vendait du rêve de chatte. C’était un miroir aux alouettes sans fin, que du fantasme et rien de concret au bout

Il est perceptible à la lecture, que Christa Faust, ancienne professionnel du X, parle en connaissance de cause. Elle compte plusieurs livres érotiques à son actif et signe avec Money shot, un premier polar sans bavure. Il n’est pas plus question de dériver dans des scènes hot que de donner dans l’angélisme féminin puritain. Le personnage d’Angel Dare n’a pas froid aux yeux. Elle assume son goût pour le sexe et le risque qui n’est du reste pas tout à fait étranger avec la situation inextricable dans laquelle elle va se retrouver.

C’est une femme pragmatique qui a su décrocher à temps pour monter son agence de jeunes actrices, une sorte de mère maquerelle qui connaît la vie hard et offre des garanties à ses filles. C’est aussi une femme tout court, attachée à son pouvoir de séduction qui peut parfois jalouser les propositions de tournage dont elle s’est mise bien raisonnablement à l’abri. Un des ressorts du roman réside dans cette ambivalence. On sait la piètre capacité du bonheur en matière de séduction.

Ce qui nous séduit rappelle l’auteure, répond généralement à une voie qui nous détourne de celle qu’on serait naturellement destinée à suivre. C’est notamment le cas d’un paquet de filles qui tombes dans les pattes cruelles et sordides que nous décrit Christa Faust. Son héroïne sort des sentiers battus telle  « Une méchante brune dans un monde de gentilles blondes » comme l’a dit à son sujet Quentin Tarantino.

Animée par l’énergie de la haine, elle inverse le processus d’exploitation en tirant partie de son pouvoir de séduction pour faire bouffer la poussière aux gros nazes avec l’aide d’un ancien flic au passé louche et quelques unes de ses copines. L’écrivaine nous baigne dans le côté sombre et glauque du milieu X mais avec beaucoup d’humour et un goût achevé de l’autodérision. Christa Faust  démontre avec ce premier roman traduit en français, son sens du récit et de l’insoumission.

JMDH

Christa Faust Money Shot Editions Gallmeister. Rencontre avec l’auteure aujourd’hui à 17h Tente de la liberté et dimanche à 16h

Source : La Marseillaise 24/06/2016

Voir aussi : Rubrique Festival  Livre, rubrique  Roman noir, FIRN, La ville ouvre la porte au polar, Les amoureux du noir,

Patti Smith livre la carte de son existence

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«Je dois la fluidité de mon écriture à la littérature française.» Crédit Photo jmdi

Rencontre avec Patti Smith de passage à Sète pour une lecture de son dernier opus  M Train chez Gallimard

« Ce n’est pas facile d’écrire sur rien. » surtout si ce rien dessine « la carte d’une existence » comme le définit Patti Smith qui entraîne dans son dernier roman M Train le lecteur dans un parcours sensible de son univers artistique. On traverse le monde en dix-huit « stations » où se croisent les esprits, de Blake, Burroughs, Mishima, Kahlo, Muriakami, Bolano, Bowles… Mais aussi Ibsen,Tolstoï ou Puccini (version Bohème), que fait revivre Patricia Lee Smith dite Patti Smith.

Cette quête ou ce passage qui permet la transmission, est une ligne à laquelle elle s’est toujours tenue.  Alors qu’elle découvre Sète – à l’occasion de la lecture qu’elle donne à la Chapelle du Quartier haut à l’invitation de la bien nommée librairie L’échappée belle -, elle s’est trouvée ce matin attirée par le contraste des ombres.

Au cimetière marin, elle s’est arrêtée sur la tombe de Paul Valéry.  «  Cela m’a permis d’exprimer une gratitude à ce grand poète. C’est important de nourrir une forme de continuité » A cette heureuse occasion qui n’a rien d’un pèlerinage classique, sa curiosité s’est aussi éveillée sur la destination finale de personnes anonymes. « Je me suis sentie en phase avec le destin d’une petite fille de neuf ans, morte du choléra.  Je me suis questionnée devant la tombe d’un marin brestois, sur les raisons de sa présence ici. »

Peut-être est-ce cette ouverture au monde, cette façon d’être elle-même, qui ont porté le succès mondial de son autobiographie Just Kids sortie en 2010. Dans cet ouvrage, Patti Smith raconte son arrivée à New York, sans un sou en 1969, sa rencontre décisive avec le photographe Robert Mapplethorpe (emporté par le Sida en 1989) et leurs années de marginalité au mythique Chelsea Hotel. En France le livre s’est vendu à plus de 200 000 exemplaires.

« Ce livre a été bien accueilli dans le monde entier sans que je le sente vraiment venir mais le succès en France ne m’a pas vraiment surprise, parce que les sentiments des grands auteurs français me sont familiers. Ils m’influencent depuis ma jeunesse. Je pense partager ces mêmes liens avec les lecteurs français. »

 

Photo JMDI

Photo JMDI

Lorsqu’on lui demande si son rapport à l’écriture est aussi fluide que son style, elle revient à la culture : «Je dois la fluidité de mon écriture à la littérature française qu’il s’agisse de poésie, de fiction ou de non fiction, Rimbaud, Genet, Modiano… La prose poétique de Nerval ou celle des romans policiers de  Doyle ou Simenon a nourri mon amour pour la langue. »

M Train est un roman libéré. « Ce n’est pas une suite de Just kids que l’on m’a demandé d’écrire pour raconter mon histoire. Avec M Train j’écris sur rien. C’est un mélange d’émotion, de lieux et de rencontres… J’aime que les gens rient lors de mes lectures. Il y a aussi des moments plus poignants où l’on peut verser quelques larmes. Si ça arrive je chanterai a cappela pour relancer la machine» (rire).

Comme à la lecture de ses livres, il émane de l’icone rock une paisibilité sincère qui pousse à l’empathie. N’y a-t-il plus rien pour éveiller sa colère ? «  T.R.U.M.P, répond-t-elle du tac au tac en cinq lettres. Ne me parlez pas du sort que l’on réserve aux réfugiés, de la déforestation ou de la fonte des glaces, mais dans le monde saturé par les bad news où nous vivons, la création est une alternative à notre quotidien qui offre le plaisir de s’extraire du monde. »

Patti Smith est née à Chicago d’un père danseur de claquette et d’une mère chanteuse de jazz. Pour vivre et élever leurs enfants les parents abandonnent leur carrière artistique. Le père s’emploiera dans le bureau d’une usine et la mère, comme serveuse dans un restaurant. Patti grandit ainsi à Pitman, une petite ville située dans le sud du New Jersey.

« Là  bas il n’y avait rien.  J’ai vécu une enfance dépourvue de culture. Mon goût pour les cafés vient peut-être de là. Il s’y passe toujours quelque chose. En même temps j’aime la solitude qui ouvre un accès à la multitude. Et puis j’adore boire du café, c’est mon seul vice. »

Jean-Marie Dinh

M Train Editions Gallimard 19,5€

Source : La Marseillaise 11/04/2016

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L’immense force de Ron Rash

«Le Chant de la Tamassee» de Ron Rash vient de paraître au Seuil dr

«Le Chant de la Tamassee» de Ron Rash vient de paraître au Seuil dr

Livre. L’auteur américain des Appalaches invité par Sauramps.

De passage à Montpellier l’écrivain américain Ron Rash est venu présenter son dernier roman Le chant de la Tamassee (éd du Seuil)  dans le cadre des K-Fé-Krime. Cet enfant de Caroline du Sud, docteur en littérature anglaise, tisse une oeuvre de roc autour de la plus belles chaînes de montagnes des Etats-Unis où sa famille vit depuis plus de deux siècles, les montagnes Appalaches.

Quelque soit le livre par lequel on se plonge dans l’univers de Ron Rash, – auteur de trois recueils de poèmes, cinq recueils de nouvelles et quatre romans – on est saisi par l’impact du paysage sur les personnages

La lumière et l’environnement sont très importants pour moi, indique l’écrivain à propos de ses sources d’inspiration, Je pense que c’est vraiment essentiel, au point où cela peut devenir votre destin. Lorsque l’on vie dans un environnement montagneux, on a le sentiment d’être protégé. Mais on peut aussi se sentir tout petit et avoir à l’idée que la vie est très brève face à ces montagnes qui ont toujours été là

Ron Rash se définit lui-même comme un poète descriptif. « En tant que témoin, mon rôle d’auteur est d’approfondir le mystère.» Durant ces dernières décennies, l’exploitation des ressources s’est avérée désastreuse dans les Appalaches où l’on a rasé des montagnes et détruit des milliers d’hectares de forêt. Ce que l’écrivain traduit dans son oeuvre en traitant la nature comme un personnage principal mais aussi à travers l’omniprésence de la violence destructrice, de la mort et l’effacement de la culture.

Ron Rash évoque des écrivains comme  Giono, et Faulkner avec qui il partage des questions métaphysiques d’une portée universelle.

JMDH

Source : La Marseillaise 19/01/2016

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Le Chili reconnaît pour la première fois que Neruda a pu être assassiné sous Pinochet

 Photo datée du 21 octobre 1971 de l'écrivain, poète et diplomate chilien, Pablo Neruda, alors ambassadeur du Chili en France, répondant aux questions des journalistes, au côté de son épouse, à l'ambassade chilienne, après avoir reçu le prix Nobel de littérature. AFP

Photo datée du 21 octobre 1971 de l’écrivain, poète et diplomate chilien, Pablo Neruda, alors ambassadeur du Chili en France, répondant aux questions des journalistes, au côté de son épouse, à l’ambassade chilienne, après avoir reçu le prix Nobel de littérature.
AFP

Le gouvernement chilien reconnaît pour la première fois la possibilité que Pablo Neruda ait été assassiné, selon un document officiel auquel le quotidien espagnol El Pais a eu accès.

« Il est clairement possible et hautement probable qu’un tiers » soit responsable de la mort du poète chilien, affirme le document du ministère de l’intérieur envoyé au magistrat chargé de l’enquête sur sa mort, daté du 25 mars.

Une information révélée dans la nouvelle biographie du poète chilien, écrite par l’historien Mario Amoros Alicante et intitulée Neruda.

Prix Nobel de littérature en 1971, Pablo Neruda est mort deux ans plus tard à l’âge de 69 ans, le 23 septembre 1973. Soit douze jours après le coup d’Etat qui a renversé le président socialiste Salvador Allende et installé la dictature d’Augusto Pinochet qui a fait plus de 3 200 morts jusqu’en 1990.

Injection mystérieuse

Selon le certificat de décès rédigé par la junte militaire, le poète est mort d’un cancer de la prostate, mais selon son chauffeur de l’époque, Manuel Araya, il a succombé à une mystérieuse injection faite la veille de son départ pour le Mexique, où il envisageait de s’exiler pour y diriger l’opposition au général Pinochet.

De nouvelles analyses de la dépouille de Pablo Neruda avaient révélé en mai la présence importante de bactéries infectieuses, sans qu’il soit toutefois possible de déterminer s’il avait été empoisonné.

Source : Le Monde.fr avec AFP et AP |

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Boualem Sansal « L’univers romanesque permet de s’adresser à tous »

Boilal Sansal  à Montpellier Photo JMDI

Boilem Sansal à Montpellier Photo JMDI

Boualem Sansal. En lice pour le Goncourt, l’auteur algérien fait escale à Montpellier pour présenter son roman « 2084 La fin du monde » fenêtre sur le totalitarisme du big brother islamiste.

L’écrivain algérien francophone Boilem Sansal vit à Boumerdès, près d’Alger. Censuré dans son pays d’origine à cause de sa position très critique envers le pouvoir en place et l’obscurantisme islamiste. Il était l’invité de la librairie Sauramps à Montpellier où il a évoqué son dernier roman 2084* La fin du monde.

Dans 2084, vous reprenez la matrice de 1984 d’Orwell pour offrir un panorama de réflexions sur le totalitarisme islamique. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

La réalité. L’islamisme se propage de manière préoccupante. Sur le plan théorique, il a démarré en 1928 avec la création de l’association des Frères Musulmans et d’une idéologie de reconquête des terres d’Islam puis à travers la volonté d’étendre la prédication à l’ensemble de la planète. Au départ la stratégie reposait sur l’armée et sur un rapprochement avec le peuple. Avec l’idée que la force c’est le peuple, celui qui rendra l’islam invincible. Ensuite ils ont évolué en choisissant de travailler de manière pacifique mais aussi plus insidieuse en empruntant toute une série de techniques au marketing et à la politique, pour conquérir des marchés et des territoires.

A partir de l’Afghanistan on a vu l’islamisme basculer. Cet islamisme radical, a été artificiellement créé par la CIA qui a joué le développement de l’islam comme rempart au communisme afin de préserver l’accès au pétrole. Les Etats-Unis ont trouvé dans cette démarche des alliés très intéressés comme l’Arabie Saoudite et le Qatar. Tout cela est arrivé dans mon pays dans les années 80. On a vu que la démarche commençait par la destruction de l’ordre et de notre manière de vivre.

C’est un roman d’anticipation essentiellement politique. Vous ne décrivez pas d’autres évolutions ?

Un système totalitaire fige la situation. Après la prise du pouvoir, il entre dans une logique nouvelle. Celle de conserver le pouvoir. Et pour cela, met en place une dictature qui efface la langue, la culture, l’histoire, et toutes perspectives d’avenir afin de mettre en place un système carcéral. La pensée des prisonniers s’éteint et finalement, ils ne souhaitent plus être libérés.

Pour l’adversaire à l’obscurantisme déterminé que vous êtes, est-ce que le choix de la fiction permet de mettre en place un appareil critique plus éclairant que l’essai ou l’engagement politique ?

Si vous militez, vous devenez partisan. Par exemple de la démocratie, mais cela reste une vision parcellaire, et du coup, vous ne pouvez pas globaliser votre démarche. Je cherchais à trouver l’élément le plus fédérateur. L’univers romanesque permet de s’adresser à tous. Il transcende les visions partisanes et permet de construire une alliance sacrée contre l’islamisme. L’avantage de la fiction permet peut être de concerner les musulmans tandis que les appels partisans les rebutent parce qu’on critique l’islam qui est une partie d’eux-mêmes.

Quel regard portez-vous sur la révolution de Jasmin et ses suites ?

Connaissant toutes les inhibitions, les freins et les contradictions, religieuses, ethniques, qui traversent ces sociétés, je n’ai jamais cru au Printemps arabe. La démocratie ne se réduit pas au vote. A la base cela suppose une révolution philosophique. Cette révolution ne s’est pas faite dans les pays arabes. On adopte les élections comme on l’a fait en Egypte où en Algérie où les gens ont voté pour Bouteflika. On pourrait dire que c’est une démocratie mais on sait que l’on peut faire voter des ânes et faire élire un âne.

Il semble qu’il se passe quelque chose en Tunisie mais je n’y crois pas à long terme. Les questions fondamentales, comme la religion ou le statut des femmes ne sont pas traitées. La symbolique de la violence reste le pilier de l’Etat, ce qui est propre aux sociétés féodales. Il reste un long chemin, on peut considérer que l’on avance, mais comme on fait un pas en avant un pas en arrière, je n’y crois pas.

La réduction de l’autonomie individuelle passe par le vecteur de la peur, notamment du terrorisme qui conduit l’occident depuis le 11 septembre 2001 à une société sécuritaire. De la même façon, l’intégrisme n’est pas seulement islamique. Ne craignez-vous pas que certaines interprétations de votre livre n’entrent en contact avec l’islamophobie ambiante ?

Lorsque j’écrivais, je voyais à chaque ligne, l’exploitation que l’on pourrait faire de mon travail,  dans le bon et le mauvais sens. La société occidentale se radicalise on est dans l’atmosphère des années 30. L’Europe se délite, les contrôles aux frontières sont rétablis.

Cette question est vraiment centrale, est ce que la crainte que sa parole soit exploitée est une raison suffisante pour ne pas dire ? Est-ce qu’on ne fait pas en sorte de nous empêcher de nous exprimer ? Parce que dès qu’on dit un mot, on peut être taxé de raciste, à l’égard des blancs, des noirs, des islamophobes, des anti européens. Les accusations fusent dans tous les sens.

On dit que tel texte est récupéré par l’extrême-droite mais beaucoup de textes sont aussi récupérés par le discours islamiste. Le fait est, que partout dans le monde on ne peut plus parler. Je pense que comme les gens qui prennent les armes pour leur liberté politique, il y a des gens qui doivent se battre pour leur liberté d’expression quelle que soit l’exploitation que l’on peut en faire. Si j’avais tenu compte de ce paramètre, je n’aurais jamais écrit.

Vous dessinez un islam global, sans marquer la différence entre chiites et sunnites qui est actuellement un enjeu géopolitique majeur…

C’est actuel, mais je situe l’action de mon livre dans un siècle. A la différence de l’islamisme qui n’évolue guère, l’islam lui, évolue. Regardez ce qui s’est passé en trente ans. Tout cela est appelé à changer très vite. Dans un siècle, l’islam pourrait très bien se situer entre  le chiisme, le sunnisme et la démocratie.

Rejoignez-vous la pensée d’Orwell qui préférait les mensonges de la démocratie au totalitarisme ?

Absolument, j’ai un compagnonnage politique de longue date avec Orwell qui a écrit beaucoup de textes en dehors de son oeuvre romanesque. On a différé sur un point, malgré le fait que j’ai été très tenté de le suivre. 1984 s’articule autour d’une histoire d’amour. J’avais envie de reprendre cela mais dans l’environnement de l’islam, cela paraissait très difficile sur le plan de la narration. Comment envisager l’amour dans un pays où des amoureux de 17 ans mettent des mois pour parvenir à se toucher la main ?

Vous concluez votre livre sur une note positive ; le passage d’une frontière…

C’était pour le plaisir. Après une année à mariner dans cet univers carcéral, j’étais fatigué donc je me suis dit : sois un peu optimiste. Et puis cette idée de frontière qui est là bas et qu’il suffit de franchir m’est apparue très romantique. J’ai succombé à cette porte de sortie en me disant que cela ferait plaisir aux lecteurs.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

 2084 édition Gallimard 19,50 euros

Source : La Marseillaise 17/10/2015

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