Manifestation interdite : l’inquiétante irresponsabilité de l’Elysée

François Hollande et Manuel Valls à l’Elysée, en janvier. Photo Sébastien Calvet

François Hollande et Manuel Valls à l’Elysée, en janvier. Photo Sébastien Calvet

En se défaussant sur la préfecture de police, la présidence ne convainc pas. On attendrait de François Hollande qu’il assume un acte de cette importance.

Y’a-t-il un pilote dans l’avion ? Ou plutôt qui est-il ? Alors que la préfecture de police de Paris, fait historique, a interdit ce mercredi matin la manif syndicale de jeudi contre la loi travail – reprenant mot pour mot l’argumentaire de Matignon –, voilà que l’Elysée fait savoir en pleine tempête qu’il ne s’agit pas d’un «arbitrage» du chef de l’Etat mais d’«une décision de gestion opérationnelle de l’ordre public». Et l’entourage du président de la République de rappeler qu’il «appartient aux autorités préfectorales de décider». Courage, fuyons, alors que même la CFDT a dénoncé ce choix radical qui heurte de plein fouet la liberté de manifester !

Cette irresponsabilité présidentielle revendiquée ne convainc pas et même inquiète, alors que ce bras de fer ultra sensible et 100% politique est forcément remonté jusqu’au Château. L’inverse serait pour le moins incongru. Plutôt que de s’abriter derrière une décision technique, on attendrait de François Hollande qu’il assume un acte de cette importance. On aurait surtout aimé qu’il contraigne son Premier ministre à trouver une issue, sur le mode «je décide et il exécute», refrain entonné en son temps par Chirac contre Sarkozy – il est vrai sans succès. En l’espèce, Hollande se comporte davantage comme Emmanuel Macron, lorsque celui-ci s’est abrité, dans une affaire de moindre importance, derrière la «faute» de sa femme après la publication de photos privées et de propos polémiques dans Paris Match.

Si ce mercredi, les tirs contre cette (nouvelle) offense faite à la gauche se concentrent sur Manuel «coup de menton» Valls, qui a pesé de tout son poids en faveur de l’interdiction, l’Elysée semble faire le pari qu’il est possible de s’extraire de la polémique pour passer entre les gouttes. Une stratégie petit bras qui ne peut profiter au chef de l’Etat. Et une faiblesse qui n’augure rien de bon alors que, jeudi, l’interdiction de manifester sera forcément bravée. Et pas qu’un peu.

Jonathan Bouchet-Petersen Chef de service France @BouchetPetersen

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Société, Travail, Mouvements sociaux, I  rubrique Politique, Politique Economique,

 

 

Travail Salaire « modulable », astreintes non payées : les idées chocs d’El Khomri

L'avant-projet de loi de Myriam El Khomri se révèle explosif. Photo AFP/MARTIN BUREAU

L’avant-projet de loi de Myriam El Khomri se révèle explosif. Photo AFP/MARTIN BUREAU

Les 35 heures restent – sur le papier – mais la ministre du Travail fait des propositions que n’auraient pas reniées les politiques les plus libéraux. Revue de détail.

Selon Le Parisien, La future loi Travail de Myriam El Khomri empile les propositions chocs. L’avant-projet de loi livre les principaux points d’un texte explosif sur le plan du droit social. Reste qu’il est encore loin d’être voté: la loi doit encore passer en comité interministériel, avant d’être présentée en Conseil des ministres le 9 mars et devant le Conseil d’État.

Revue de détail d’un texte qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Vers la semaine de 60 heures?

La durée légale du travail resterait à 35 heures (autrement dit, les heures supplémentaires débuteraient toujours à la 36e heure), mais la durée maximale d’une semaine de travail serait portée à… 60 heures! Un cas possible aujourd’hui « pour des circonstances exceptionnelles, sous réserve d’accord de l’inspection du travail ». Sauf qu’El Khomri veut faire sauter cette demande d’autorisation – quasiment jamais accordée.

Un salaire… « modulable »

Lors d’un passage à vide économique, ou dans le cas de la conquête de nouveaux marchés, l’entreprise pourrait moduler (à la baisse) librement le temps de travail et le salaire des employés pour cinq ans maximum. Si l’accord préalable des salariés est prévu, ceux qui refuseront pourront être licenciés pour « cause réelle et sérieuse ». Jusqu’ici, en cas de modification unilatérale du contrat, le salarié qui refusait la nouvelle version pouvait être licencié économique, ce qui lui était plus favorable.

Des astreintes non travaillées… et non payées

Aujourd’hui, un salarié en astreinte est considéré comme à disposition de l’entreprise, ne serait-ce que parce qu’il ne peut s’éloigner ou s’absenter. Il doit donc à ce titre être indemnisé. Le texte d’El Khomri prévoit tout simplement qu’il soit considéré comme… « en repos », à partir du moment où l’entreprise n’aurait pas fait appel à lui. Pourtant, selon la Charte sociale européenne, une astreinte peut être moins payée – ce n’est pas un travail effectif – mais elle doit tout de même être indemnisée.

Prud’hommes: les indemnités plafonnées

Au-delà des indemnités légales de base, les prud’hommes peuvent librement fixer le montant des indemnités allouées à un salarié licencié abusivement. Mais El Khomri prévoit un plafonnement, réclamé et attendu par les patrons. Le juge doit s’en tenir à un barème, qui tient uniquement compte de l’ancienneté du salarié. Avec une limitation à 15 mois de salaire pour les employés qui ont plus de 20 ans d’ancienneté.

Des référendums plutôt que des syndicats

Le principe d’un accord d’entreprise voté par les syndicats demeure, mais ceux-ci devront représenter au moins 50% des suffrages lors des élections professionnelles (contre 30%) pour être jugés représentatifs. Si les syndicats majoritaires ne valident pas l’accord, des syndicats pourront demander la tenue d’un référendum, sans pouvoir s’opposer à sa validation si les voix sont majoritaires.

Coup de canif dans le forfait jour

En France, 50% des cadres sont au « forfait jour »: ils peuvent donc déroger aux 35 heures hebdomadaires, mais doivent s’en tenir à d’autres contraintes: 235 jours de travail par an au maximum, et 11 heures de repos consécutives obligatoires par 24 heures. La mise en place du forfait jour passait par la signature d’un accord collectif dans les PME de moins de 50 salariés. Selon le texte de la ministre, un accord individuel de chaque salarié suffira désormais. Et ce n’est pas tout: les 11 heures de repos pourront être fractionnées, plutôt que consécutives.

Les apprentis travailleront plus

La durée légale de travail d’un apprenti serait portée à 40 heures hebdomadaire (contre 35), avec 10 heures par jour au maximum (contre 8), ce qui était déjà possible, mais uniquement avec l’accord de l’inspection du travail et d’un médecin du travail. Désormais, le patron devra seulement « informer » l’inspection et le médecin du travail.

Source : Le Bien public 18/02/2016

Le texte intégral de l’avant-projet de loi

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Société, Travail, Justice rubrique Politique, Politique Economique,

Un manifeste pour que la « génération de la crise » ne soit pas « celle de la guerre »

4821684_6_0282_des-jeunes-gens-chantent-le-15-novembre-2015_c9a4929f521ad884f354c34f4a1045e0« La génération de la crise ne sera pas celle de la guerre ! » : dans un manifeste lancé mardi 1er décembre, douze organisations de jeunes appellent à une autre réponse aux attentats du 13 novembre. Refusant un « état d’urgence permanent » et la rhétorique guerrière, ils entendent « renforcer la démocratie » pour lutter contre le fanatisme et la violence.

 

« L’Etat de droit n’est pas désarmé face au terrorisme. Il est indispensable de revoir les moyens humains et les missions des services de renseignement, de police et de justice. Mais ces mesures ne nécessitent en aucune façon de remettre en cause les libertés individuelles et collectives. Elles doivent s’accompagner, au contraire, de plus de libertés, de démocratie et de solidarité. Pour lutter contre le terrorisme, la responsabilité de notre génération est de construire la paix et la justice en France et partout dans le monde », font valoir les signataires.

Inquiets des risques de dérapage

Bien que d’horizons divers, ceux-ci sont tous marqués à gauche : le syndicat étudiant UNEF, l’organisation lycéenne UNL, les Jeunes CGT, des associations comme la Maison des potes, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), le DIDF-jeunes (travailleurs jeunes issus de l’immigration turque et kurde), tout comme les jeunes radicaux de gauche (JRG), les jeunes écologistes, communistes (JC), le Parti de gauche ou le mouvement Ensemble.

Réunis mardi dans un café parisien, les représentants de ces mouvements s’inquiètent de la révision programmée de la Constitution, des risques de dérapages liés à la surcharge d’activité policière alors que les moyens manquent, et de l’usage non contrôlé des procédures dérogatoires que permet l’état d’urgence. Et de citer la mise en garde à vue, dimanche, de manifestants pacifiques ayant participé à la chaîne humaine place de la République pour le climat, alors qu’ils « ne feraient pas de mal à une mouche ».

« Peur de la paranoïa ambiante »

« Nous réfutons l’alternative fermée : soit une société sécuritaire et du repli sur soi, soit le terrorisme », martèle le président de l’UNEF, William Martinet, qui a dénoncé dans une récente tribune la logique de la « guerre contre le terrorisme ». « Beaucoup de jeunes sont morts dans ces attentats, mais les politiques n’écoutent pas la jeunesse. Nous proposons un pacte de cohésion sociale, fondé sur nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité », poursuit le président du premier syndicat étudiant : ne pas seulement investir dans la sécurité, mais aussi dans les services publics éducatifs, et dans la politique de l’emploi ; lutter contre les discriminations, notamment par l’instauration du « récépissé de contrôle d’identité », évitant la répétition stigmatisante de ces demandes policières.

« Les jeunes n’ont pas peur du prochain attentat, mais de la paranoïa ambiante, des jugements dans la société. Il faut mener le débat avec eux pour comprendre et agir, et trouver des réponses ensemble », soutient Samya Mokhtar, présidente de l’UNL.

Leur texte met aussi en garde contre une politique étrangère qui reproduirait « les interventions militaires américaines désastreuses de l’après-11-Septembre ». « Nous défendons la diplomatie et non pas les bombardements aléatoires : une action de la communauté internationale et une coalition avec tous ceux qui peuvent agir en faveur d’une solution politique et de reconstruction avec les peuples concernés », précise Nordine Idir, secrétaire général des Jeunesses communistes.

Adrien de Tricornot

Source : Le Monde.fr  01/12/2015

Voir aussi : Actualité France, Rubrique SociétéMouvement sociaux, Jeunesse, rubrique Politique, La France dérogera à la convention européenne des Droits de l’Homme, rubrique Education,

Code du travail: les grandes lignes d’une réforme qui divise

AFP/Archives - By ERIC FEFERBERG

AFP/Archives – By ERIC FEFERBERG

Rendre le Code du travail « plus lisible » pour mieux l’adapter aux entreprises et améliorer la compétitivité de l’économie: la ministre du Travail Myriam El Khomri remet mercredi à Manuel Valls sa copie sur les grandes lignes d’une réforme qui divise tant les syndicats que le patronat.

Le chantier s’annonce gigantesque mais le gouvernement veut aller vite: après une seconde phase de concertation entre le ministère du Travail et les partenaires sociaux, un projet de loi doit être présenté dès le début de l’année prochaine, pour une adoption mi-2016.

S’inspirant du rapport de Jean-Denis Combrexelle, remis en septembre au Premier ministre, le texte visera à assouplir le Code du travail en donnant davantage la main aux entreprises et aux branches professionnelles.

« Notre législation du travail est devenue avec le temps illisible », a estimé François Hollande lors de la dernière conférence sociale. Pour le chef de l’État, « l’enjeu est de faire en sorte que le dialogue social se rapproche de l’entreprise ».

Le président comme le Premier ministre ont déjà promis de ne toucher ni à la durée légale du travail, ni au Smic, ni au contrat de travail, ni à la hiérarchie des normes – principe selon lequel les accords d’entreprise ne peuvent pas être moins favorables aux salariés que la loi et les règlements.

Quid du reste ? Le Premier ministre, à qui Myriam El Khomri remet ses orientations dans l’après-midi, devrait dévoiler dans la foulée les grandes lignes d’une nouvelle architecture du Code du travail, autour de trois piliers: un socle de droits fondamentaux garantis par la loi, auxquels on ne pourra déroger; les droits soumis à accord collectif; les droits supplétifs, qui s’appliquent en l’absence d’accord.

Ces dispositions devraient permettre d’identifier plus nettement quelles sont les marges laissées à la négociation.

Le rôle des branches professionnelles devrait être renforcé pour y rendre le dialogue plus actif, ce qui passe par une réduction drastique de leur nombre (elles sont actuellement 700 mais beaucoup sont considérées comme « mortes »). Comme le prône le rapport Combrexelle, elles pourraient se voir confier un rôle de régulateur et de soutien aux petites entreprises.

– ‘Émiettement du droit social’ –

Manuel Valls devrait également se prononcer sur les accords d’entreprise: le rapport Combrexelle préconise qu’ils soient majoritaires, signés par des organisations représentant au moins 50% des voix – contre 30% actuellement -, et que leur durée n’excède pas quatre ans. Au risque, selon certains experts, de freiner plus que d’accélérer la négociation.

Ses annonces sont attendues de pied ferme par les partenaires sociaux. Divisés sur le sujet, ils ont envoyé leurs propositions et lignes rouges au gouvernement.

Très partisan d’une réforme, le Medef a réitéré ses critiques contre un Code du travail « trop compliqué et improductif », et remis en cause, entre autres, le statut du contrat à durée indéterminée (CDI) et l’impossibilité de déroger aux 35 heures.

La CFDT, si elle réfute – comme tous les autres syndicats – l’idée que la réforme du Code du travail favoriserait la compétitivité française, accueille favorablement la volonté de donner plus de souplesse au dialogue social.

Le syndicat de Laurent Berger est en revanche « fermement opposé » à ce que des accords soient soumis à des référendums d’entreprise, car cela contournerait les représentants du personnel.

« Nous espérons que la sagesse l’emportera afin de prendre le temps de la réforme », a tweeté de son côté Carole Couvert pour la CFE-CGC.

La CGT, elle, a fait part de sa franche opposition, mettant en garde contre un « émiettement du droit social » qui « mettrait en péril le principe de l’égalité des salariés devant la loi ».

FO sera pour sa part « particulièrement attentif », et s’opposera « à toute tentative d’inversion de la hiérarchie des normes », selon son leader, Jean-Claude Mailly.

Côté patronal, la CGPME et les artisans de l’UPA ont mis en garde contre le « tout-entreprise », soulignant qu’il ne serait pas adapté à de nombreuses petites sociétés, qui ne sont souvent pas en mesure de négocier des accords.

Source : AFP 04/11/2015

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Société, Justice, Rapport Combrexelle, Travail,

Après l’appartement, la coûteuse rénovation du bureau de Thierry Lepaon

4517793_3_829d_thierry-lepaon-le-7-avril-a-paris_946901e42571ab1bd64ef6fcd5c83df1Il y a un « corbeau » qui s’active à la CGT contre le secrétaire général, Thierry Lepaon. Dans son édition du 26 novembre, Le Canard enchaîné révèle le devis du montant des travaux, effectués en début d’année dans le bureau de plus de 50 m2 du patron de la centrale : 62 179,44 euros, dont 21 588 pour le renouvellement complet du mobilier.

Le 4 novembre, lorsqu’il s’était expliqué, sans convaincre, devant le comité confédéral national (CCN) sur le devis des travaux de son logement de fonction (105 000 euros), M. Lepaon avait évoqué, sans précision, ceux réalisés dans son bureau et ceux du secrétariat général. Mardi, ces révélations sont survenues alors que la commission exécutive de la CGT était réunie. M. Lepaon a assuré que depuis plus de quinze ans il n’y avait pas eu de travaux dans les locaux qui lui sont attribués.

Ce nouveau coup dur pour M. Lepaon, déjà très affaibli, intervient une semaine avant les élections, le 4 décembre, dans les fonctions publiques. Dans une brève déclaration, la CGT réfute les « prétendues révélations » du Canard, ajoutant qu’elle « s’emploie actuellement à faire toute la lumière sur les dysfonctionnements concernant le montant et l’engagement des dépenses de la confédération ». Et elle met en avant « des travaux de mise aux normes handicapés du complexe » de Montreuil. Mais ce texte n’a pas été adopté, comme lors des précédentes révélations, par l’ensemble du bureau confédéral, quatre de ses dix membres – Eric Aubin, Sophie Binet, Valérie Lesage et Mohammed Oussedik – ayant proposé des modifications qui n’ont pas été retenues.

« IL EST STOÏQUE »

Pour les syndiqués de base, cette nouvelle pilule va être dure à avaler, ce devis de près de 62 000 euros représentant 43 fois le montant d’un smic mensuel brut (1 445 euros). « Il y a beaucoup de cartes qui volent actuellement, raconte un dirigeant, sous couvert d’anonymat, et cela a évidemment un impact sur les élections dans les entreprises. » Alors que M. Lepaon avait refusé la création d’une commission du CCN pour examiner les dépenses de la confédération depuis son élection, en mars 2013, laissant opérer la seule commission financière de contrôle et chargeant lourdement Eric Lafont, le trésorier confédéral, ces nouvelles révélations accroissent la suspicion sur ce qu’il pourrait avoir encore à cacher.

A ceux qui l’approchent, M. Lepaon donne l’impression de n’être ni inquiet ni trop affecté. « Tout cela semble glisser sur lui comme si ça ne le perturbait pas, observe un responsable confédéral. Il est stoïque. » Mais, ajoute-t-il, « je crains qu’il y ait d’autres choses qui arrivent derrière ces révélations ». M. Lepaon, qui a reçu individuellement, comme il l’avait annoncé, les neuf autres membres de son bureau confédéral, pour faire plier les « rebelles » – sans résultat –, devra attendre le CCN de février pour y faire entrer deux fidèles. Mais cette réunion du parlement cégétiste s’annonce déjà à hauts risques. Pour l’heure, le trône du patron de la CGT est de plus en plus fissuré.

Michel Noblecourt

Source Le Monde 26/11/2014

Voir aussi :  Actualité France, rubrique Société, Syndicat, La mauvaise passe de la CGT s’annonce durable, rubrique Politique, Affaires,