Les socialistes espagnols refusent de faciliter la reconduction de Rajoy

mariano-rajoy-y-alicia-sanchez-54354350117-54028874188-960-639Les dirigeants du PSOE comme de Podemos ont tenu samedi 9 juillet deux réunions clés, alors que l’Espagne est toujours sans gouvernement. Les premiers ont prévenu qu’ils ne faciliteraient pas l’investiture du sortant, Mariano Rajoy. Les seconds, eux, commencent à analyser leur défaite avec Pablo Iglesias qui prédit la « normalisation » de Podemos. La droite espère former un gouvernement fin juillet.

cause de la fusillade de Dallas, Barack Obama a écourté d’un jour son séjour en Europe, et annulé son déplacement à Séville. Il se contentera dimanche d’une escale à Madrid pour échanger avec le chef du gouvernement sortant, Mariano Rajoy (PP, droite). Le président des États-Unis a tout de même souhaité maintenir de brefs entretiens avec les trois candidats de l’opposition, Pedro Sánchez (PSOE), Pablo Iglesias (Podemos) et Albert Rivera (Ciudadanos), qui devraient se dérouler à l’aéroport militaire de Torrejón de Ardoz, non loin de Madrid, juste avant son envol, en milieu d’après-midi, pour Washington.

Barack Obama a sans doute préféré rester prudent, face à la crise politique espagnole ouverte par les législatives du 20 décembre 2015. Si Mariano Rajoy semble le mieux placé, depuis les générales du 26 juin, pour présider le prochain exécutif, les incertitudes sont encore nombreuses. Certains s’interrogent déjà, dans la presse espagnole, sur la probabilité de la tenue de troisièmes législatives consécutives, en novembre 2016.

Dans un discours très attendu – il était resté silencieux depuis 13 jours –, Pedro Sánchez a prévenu samedi lors d’un comité fédéral du PSOE que son parti voterait contre l’investiture de Rajoy. Et qu’il n’était pas question que les 85 députés socialistes s’abstiennent, pour faciliter la formation d’un gouvernement minoritaire emmené par le PP. « Rajoy ne peut pas exiger notre soutien. Nous sommes l’alternative au PP, nous ne pouvons pas être la solution. Qu’il se trouve d’autres alliés », a lancé le leader socialiste. « Pour que l’on puisse construire une opposition, il faut qu’il y ait un gouvernement, a-t-il poursuivi. Que Rajoy se mette à travailler pour de bon, et qu’il soit à la hauteur des responsabilités […] Qu’il ne compte pas avec les socialistes. »

Le PP est sorti vainqueur des législatives de juin, avec 137 sièges (33 % des voix). Des quatre principaux partis, il est le seul à avoir amélioré son score, en voix comme en pourcentage, par rapport aux législatives de décembre 2015. S’il scelle une alliance avec Ciudadanos le parti de centre-droit (32 sièges, 13 %), il ne manquerait au PP que sept sièges pour former une majorité absolue au sein du Congrès des députés (qui compte 350 sièges). Mariano Rajoy mise sur l’abstention à la dernière minute de certains socialistes, prêts à se sacrifier pour sortir l’Espagne de la crise politique, et empêcher le retour aux urnes. Certaines figures de la vieille garde socialiste, comme l’ex-chef du gouvernement Felipe González, ou l’ex-président du parlement européen Josep Borrell, ont ainsi plaidé pour une abstention « sous conditions » du PSOE, pour débloquer la crise politique.

Mais le discours de Sánchez, samedi, complique le scénario d’une investiture rapide de Rajoy dès le vendredi 27 juillet, comme le PP l’espère. Aux yeux de la plupart des barons locaux du PSOE, les résultats du 26 juin ont confirmé le statut de Sánchez comme principale figure de l’opposition au PP. Il n’est donc pas possible de commencer ce travail d’opposition en facilitant l’investiture de Rajoy. Au sein du parti socialiste, ils ne sont qu’une minorité, emmenée par le chef des socialistes catalans Miquel Iceta, à exhorter le PSOE à ne pas se cantonner à l’opposition, et tenter de former, coûte que coûte, une majorité alternative au PP, avec Ciudadanos et la coalition Unidos Podemos.

Les socialistes ont l’impression d’avoir beaucoup travaillé à former une majorité, après les législatives du 20 décembre, à l’inverse du PP, qui s’est tenu à l’écart des négociations. Et c’est le parti de Mariano Rajoy qui s’est trouvé conforté dans les urnes. Cette fois, Sánchez exhorte donc Rajoy à se mouiller davantage. Cette stratégie du « non » à Rajoy n’est pas sans risques, juge samedi un éditorialiste d’El País (quotidien qui a fait campagne, au printemps, pour une grande coalition PP-PSOE-Ciudadanos) : « Cette monosyllabe sans équivoque, entrouvre, même si cela paraît invraisemblable, l’hypothèse de troisièmes législatives. Et oblige surtout Rajoy, pour empêcher une répétition du scrutin, à travailler sur l’anathème qu’il a lancé contre les nationalistes. »

Si les socialistes maintenaient, d’ici fin juillet, leur abstention, Rajoy n’aurait d’autre choix que d’aller chercher des voix du côté de certains partis régionalistes, comme les Basques du PNV (cinq députés). Cela pourrait prendre du temps. Madrid est censé envoyer à Bruxelles une première version de ses budgets pour l’année 2017 d’ici fin août. Il faudrait donc un accord d’ici fin juillet. En réaction au discours de Sánchez, Rajoy a déclaré samedi que « répéter les élections serait une folie », et promis qu’il réalisera « tous les efforts dont il est capable » pour former un gouvernement « le plus rapidement possible ».

Ludovic Lamant

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Source Médiapart 09/07/2016

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Espagne : Zapatero isolé pour le débat sur l’état de la Nation

Le premier ministre espagnol devant le Parlement, à Madrid, le 14 juillet. Photo AFP.

Seul contre tous. C’est dans cette position inconfortable que José Luis Rodriguez Zapatero a abordé, mercredi 14 juillet devant le Parlement, le débat sur l’état de la Nation. Pour ce rendez-vous politique le plus important de l’année, le chef du gouvernement espagnol ne devra pas seulement affronter les attaques prévisibles de Mariano Rajoy, le chef du Parti populaire (PP, droite), la principale formation d’opposition. Pendant les deux journées de ce traditionnel débat parlementaire, instauré par le socialiste Felipe Gonzalez en 1983, M. Zapatero devait s’attendre à un feu croisé de critiques.Le changement de cap qu’il a imposé à sa politique économique, en annonçant en mai un drastique plan d’austérité, lui vaut l’hostilité de la gauche. Izquierda unida (IU, écolocommuniste) ne peut montrer aucune indulgence alors que les syndicats ont programmé pour le 29 septembre une grève générale, la première depuis le retour des socialistes au pouvoir en 2004. Dans son discours sur l’état de la Nation, principalement consacré à la crise économique, M. Zapatero a du également aborder la question du statut catalan, dont le Tribunal constitutionnel vient d’invalider plusieurs articles, provoquant une large indignation en Catalogne.

Après la manifestation qui a réuní samedi 10 juillet à Barcelone près d’un demi-million de personnes à l’appel de tous les partis et syndicats locaux (à l’exception du PP), José Luis Rodríguez Zapatero ne peut plus compter sur le soutien des nationalistes de Convergencia i Unio (CiU) que les sondages donnent vainqueurs lors des élections régionales de l’automne. En vue de ce scrutin, CiU a intérêt à radicaliser son discours pour mettre en porte-à-faux le Parti socialiste catalan (PSC). Sur le point de perdre le pouvoir en Catalogne, celui-ci réclame au PSOE une improbable renégociation du statut.

Sept voix manquantes

Si, au cœur de l’été, le débat sur l’état de la Nation sert de thermomètre politique avant la présentation de la loi de finances, la rentrée parlementaire menace d’être chaude et orageuse pour José Luis Rodríguez Zapatero. Où trouver les sept voix qui manquent au PSOE pour atteindre la majorité absolue au Congrès des deputés et faire voter son budget 2011 ? En réaffirmant ses derniers choix, le président socialiste n’a pas rassuré les partis de gauche hostiles aux réformes des retraites et du marché du travail, ni convaincu la droite.

La chance du chef de gouvernement espagnol est que personne n’a très envie d’être à sa place alors que la crise économique est à son comble avec plus de 20 % de chômeurs, et que l’Espagne est régulièrement la cible des spéculateurs internationaux. Le Parti populaire a mis une sourdine à son exigence d’élections anticipées. Même si Mariano Rajoy a répliqué au discours de son adversaire par un dur réquisitoire, le programme économique du PP n’est guère différent de celui du PSOE. Ni plus convaincant.

Le sort du gouvernement dépendra en fin de compte des six voix des députés du Parti nationaliste basque (PNV, nationaliste) et de trois députés de Navarre et des Canaries. Selon les observateurs, le soutien de ces formations au projet de budget 2011 paraît acquis … moyennant quelques concessions.