Le plan grec : « Nous voilà endettés pour trente ans ! »

La révolte des « on ne payera pas »

Confrontés à la dure réalité des salaires impayés, des entreprises en faillite et du chômage de masse, les Grecs ont de plus en plus recours à la désobéissance civile. Va-t-on vers une reconfiguration du paysage politique grec ? se demande The Guardian.

A Thessalonique, parmi les bars élégants qui s’alignent sur le front de mer historique, un restaurant attire les regards. « Rendez-nous notre argent ! », clame une banderole accrochée à la devanture de cette franchise d’Applebee’s [chaîne américaine de restaurants-grills]. A l’intérieur, 12 salariés ont changé les serrures. Ils servent des canettes de bière de supermarché et dorment à tour de rôle sur le sol du restaurant pour protester contre des retards de salaires qui durent depuis plusieurs mois et la fermeture soudaine du restaurant. On a là un nouveau symbole de la crise financière grecque : une grève de serveurs avec occupation des locaux.

Margarita Koutalaki, une serveuse de 37 ans à la voix douce, divorcée et mère d’une fille de 11 ans, a travaillé ici à temps partiel pendant huit ans. Elle gagnait environ 6,50 euros de l’heure. Aujourd’hui, elle a installé son matelas gonflable dans une pièce à l’étage, occupant les locaux tandis que ses parents gardent sa fille.

« On me doit environ 3 000 euros de salaires impayés », explique-t-elle, rappelant qu’elle partage le sort d’une multitude de salariés dans toute la Grèce, qui ont plusieurs mois de salaire en retard, leurs entreprises étant en difficulté.

« On nous a d’abord dit qu’on nous paierait le mois suivant, puis la paie s’est arrêtée complètement et on nous a appris par téléphone que le restaurant fermait. Nous travaillons toujours, nous faisons tourner l’entreprise, nous fournissons de la nourriture et des boissons à ceux qui nous soutiennent. Nous avons davantage de clients qu’autrefois. C’est la seule action que nous puissions faire, cela s’est imposé comme une évidence. »

Les serveurs proposent des boissons bon marché et des dîners à prix réduits à ces « indignés », dont le mouvement est apparu il y a quatre mois. Auparavant, cette nouvelle clientèle, souvent gauchiste, n’aurait jamais mis les pieds dans ce bastion de l’impérialisme. Une banderole en anglais appâte les touristes en proposant des souvlakis et des boulettes de viande bon marché « pour soutenir les travailleurs ».

Voilà un mois que la Grèce est paralysée par une grève générale anti-austérité. Ainsi, la place Syntagma, à Athènes, a été le théâtre d’importantes mobilisations, avec des batailles rangées entre la police et les manifestants.

Le mouvement n’a pas faibli pendant les vacances d’été

Les Grecs se méfient plus que jamais de la classe politique et doutent de sa capacité à les sortir de cette crise financière sans précédent. Les sondages font apparaître un mépris grandissant envers tous les partis, ainsi qu’un discrédit du système politique. Le chômage touche 16 % de la population active, atteignant des sommets parmi les jeunes. Ceux qui ont la chance d’avoir encore un emploi ont subi de fortes baisses de salaire, ce à quoi vient s’ajouter l’augmentation des impôts.

Récemment, les médecins et les infirmières se sont mis en grève pour protester contre les coupes budgétaires dans les hôpitaux. Ces deux dernières semaines, les chauffeurs de taxi en grève ont perturbé la circulation dans toute la Grèce, protestant contre l’ouverture de leur secteur à davantage de concurrence. Ils ont notamment bloqué les accès aux ports et occupé le bureau de délivrance des billets pour l’Acropole, laissant passer les touristes gratuitement.

Fait essentiel, le mouvement de désobéissance civile n’a pas faibli pendant les vacances d’été : des citoyens lambda refusent toujours de payer les péages, les tickets, les hausses des honoraires médicaux, etc. Le mouvement « Nous ne paierons pas » se veut l’expression par excellence du « pouvoir du peuple ». Ses organisateurs annoncent que l’offensive pourrait reprendre de plus belle en septembre, lorsque le gouvernement va lancer une nouvelle série de mesures d’austérité.

Sur la route principale Athènes-Thessalonique, tandis que les automobilistes regagnent Thessalonique après un dimanche à la plage, une foule de manifestants en gilets de sécurité orange montent la garde au poste de péage principal menant à la deuxième ville de Grèce. Leurs gilets sont frappés du slogan : « Désobéissance totale ». Ils soulèvent les barrières rouges et blanches et invitent les conducteurs à passer sans payer les 2,80 euros de péage. Sur leurs banderoles, on peut lire : « Nous ne paierons pas », ou encore : « Nous ne donnerons pas notre argent aux banquiers étrangers ». Les automobilistes passent, reconnaissants, certains adressant un signe d’encouragement aux manifestants.

Les partis de gauche ont adhéré

« Nous allons assister à un résurgence de la désobéissance civile à l’automne », nous déclare Nikos Noulas, un ingénieur civil de Thessalonique, dans un café du centre, tout en déroulant une série d’affiches appelant au refus de payer.

Dès le début de l’année, le mouvement battait son plein : les voyageurs étaient invités à resquiller dans le métro à Athènes, les manifestants ayant recouvert les distributeurs de tickets sous des sacs plastiques, et à Thessalonique, les usagers ont pendant longtemps refusé de payer le bus après la hausse du ticket imposée par des sociétés privées subventionnées par l’Etat. D’autres refusent de payer leur redevance de télévision.

Les partis de gauche ont adhéré au mouvement, lui donnant une plus grande visibilité. En mars, plus de la moitié de la population était favorable au principe du refus de payer. Le gouvernement a pourfendu ce qu’il qualifiait de « parasitisme » irresponsable, affirmant que les resquilleurs nuisaient à la réputation du pays et privaient l’Etat de sources de revenus indispensables. De nouvelles lois contre le resquillage ont été adoptées et la police a sévi.

« C’est le début d’un divorce entre les Grecs et leurs responsables politiques, affirme l’écrivain Nikos Dimou. Dans tous ces mouvements, on retrouve un même ras-le-bol de la classe politique ». A Thessalonique, les esprits sont particulièrement échauffés. Fin juillet, les « indignés » ont dû replier les tentes qu’ils avaient déployées sur la place Syntagma, mais la Tour blanche de Thessalonique, située sur le front de mer, est toujours entourée de tentes et tendue de banderoles affichant « A vendre » et « Pas à vendre ».

« La Grèce vit un tournant de son histoire politique »

Il faut dire que le nord de la Grèce a été particulièrement frappé par la crise. Des entreprises ont commencé à mettre la clé sous la porte avant même le début de la débâcle financière. Résultat, l’activité économique est au point mort, et la mairie de Thessalonique a même pu afficher une nette amélioration de la qualité de l’air dans cette ville jusqu’alors congestionnée. Le 10 septembre, quand le Premier ministre grec Georges Papandréou se rendra à la célèbre foire internationale de Thessalonique pour présenter ses nouvelles mesures économiques, il sera accueilli par des manifestations.

Les indignés de Thessalonique pratiquent le flash-mobbing (mobilisations éclair), notamment devant des banques ou des bâtiments publics. Leur dernière cible a été le consulat d’Allemagne, devant lequel des dizaines de manifestants ont scandé des slogans et peint les trottoirs à la bombe, exigeant de l’Union européenne un plus gros effort, tandis que des policiers en civils se contentaient de regarder.

Antonis Gazakis, professeur de langue et d’histoire, affirme qu’il est frappé de voir qu’aujourd’hui le mouvement fait de nouvelles recrues, issues de toutes les tendances politiques, certains manifestants [de la Tour blanche] n’étant liés à aucun parti et ne s’étant jamais mobilisés auparavant. Ils veulent tous participer pleinement à ce débat sur les moyens de renouveler un système politique et parlementaire qu’ils jugent corrompu. « La Grèce vit un tournant de son histoire politique, assure Gazakis. C’est pourquoi je compte bien rester ici cet été. La dernière fois que le peuple est descendu dans la rue pour exiger un changement de constitution d’un telle importance, c’était en 1909. C’est une occasion idéale, un changement de modèle. La Grèce s’est réveillée. »

Angelique Chrisafis (The Gardian)

 

La participation des créanciers privés confirmée en France, en débat dans le reste en Europe

Alors que Nicolas Sarkozy a annoncé que des créanciers privés prendraient part à un nouveau plan de soutien français en faveur de la Grèce, banquiers et responsables gouvernementaux européens se sont réunis sur le sujet, sans pour autant décider.

C’est au moment où l’on apprenait que l’Institut de la finance internationale (IIF), principal lobby des banques, devait se réunir lundi matin à Rome avec les responsables gouvernementaux européens, que Nicolas Sarkozy a confirmé la proposition d’un nouveau plan français en faveur de la Grèce, auquel prendraient part des créanciers privés.

Banquiers, responsables gouvernementaux européens, et représentants du secteur public et du secteur privé, dont Vittorio Grilli, le président du Comité Economique et Financier européen et Charles Dallara, directeur général de l’IIF, ont participé à cette réunion. La nouvelle proposition élaborée par le Trésor français et des banques françaises a été étudiée.

Le plan mis au point ce week-end prévoit que les banques et assurances françaises créancières de la Grèce réinvestissent, sur la base du volontariat, 70% des sommes qu’elles perçoivent lorsque Athènes leur rembourse des obligations arrivées à échéance. Sur ces 70%, 50% doivent allouées à des nouveaux emprunts publics grecs à 30 ans, et 20% doivent être placés sur une sorte de garantie qui sécurise cette nouvelle dette grecque.

A l’issue de la réunion, aucune décision n’a cependant été prise à l’échelle européenne. « Cette réunion était un échange de vues à un niveau technique entre le monde financier et les responsables européens », a indiqué une source gouvernementale à l’AFP à l’issue de cette réunion.

Des négociations entamées avec les assureurs depuis mercredi

Les autorités des pays de la zone euro avaient entamé dès mercredi des négociations avec les créanciers privés de la Grèce, principalement des banques et des assureurs, pour obtenir d’eux une participation volontaire au nouveau plan de soutien à l’Etat grec. Selon un porte-parole de l’IIF, M. Dallara a rencontré ces derniers jours des « responsables publics et des créanciers privés afin de fournir un soutien informel à la poursuite du programme grec ».

L’enjeu de ce consensus consiste à éviter que la formule adoptée ne soit interprétée comme un défaut de paiement par les agences de notation, ce qui pourrait déclencher une réaction en chaîne et menacer le système financier tout entier. Malheureusement, cette réunion qui aura lieu au siège du Trésor italien à huis clos ne sera pas suivie d’une conférence de presse.

New Assurance Pro avec AFP

 

« Nous voilà endettés pour  trente ans ! »

Le quotidien de gauche Eleftherotypia ne partage le soulagement du reste de la presse grecque après l’adoption du second plan européen pour le sauvetage du pays.

Le plan accordé hier à la Grèce nous plonge dans un tunnel d’emprunt de trente ans. Le futur est incertain quant à la sortie du pays de la tutelle économique internationale, d’autant que la dette grecque sera désormais qualifiée de « défaut sélectif » par les agences de notation. Tout les dirigeants européens ont mis de l’eau dans leur vin et ont reculé sur les objectifs ; surtout le gouvernement grec. D’ailleurs, peut-on vraiment parler de plan de sauvetage ? Devant nous, une seule issue se dessine : « Un nouveau plan de sauvetage pour le pays, avec le FMI et une participation volontaire des banques » comme l’indique le texte rédigé par les Vingt-sept.

La participation du secteur privé n’a pas été précisée avec exactitude et la possibilité d’une mise en faillite n’a pas été écartée ; l’éventualité d’une contagion aux autres pays en difficulté non plus. Cela signifie que ce programme pourrait s’accompagner d’un taux d’intérêt supérieur à ceux pratiqués habituellement (2,8 % pour l’Allemagne, 3,5 % pour le reste de l’Europe en moyenne). D’autres détails sont tout aussi inquiétants.

La participation volontaire de 50 milliards serait, si on en croit les données de l’Institute of International Finance, un simple programme de  « roll-over », c’est à dire un simple roulement sans résoudre le problème de la dette. Ce roulement réduit la marge de manœuvre des banques. Et les agences de notation pourront toujours taper sur le défaut sélectif de la Grèce.

L’apport de liquidités aux banques grecques est inutile. Il s’agit de de 35 milliards pour couvrir leurs besoins en cas de difficulté. Au total, les banques greques ont reçu quelque 100 milliards. Mais l’UE veut que ce financement assure le développement, c’est à dire fournir des liquidités aux marchés pour encourager les entreprises. C’est l’essence du nouveau « plan Marshall ». Or pour l’instant elles ne le font pas.

On ne sait toujours pas quelles mesures d’austérité accompagneront ce nouveau plan.

Est-ce que le sauvetage des banques comprend aussi les caisses d’assurances ? Elle aussi possèdent, pourtant, des obligations… Que de questions en suspens sur des mesures qui seront au final, peut-être, testées sur la Grèce pour mieux être appliquées ailleurs… La seule chose de sûre est que les technocrates américains et européens se préparent à s’installer en Grèce pour au moins 30 ans afin d’exercer un contrôle international sur les comptes du pays.

Eleni Kostarelou (Eleftherotypia)

 

La Grèce, esclave de l’Europe

Privés du contrôle de la dette de leur pays, les Grecs sont châtiés et pressurés par la BCE et le FMI. Le point de vue d’un économiste américain.

Imaginez que, au cours de l’année la plus noire de notre récente récession, le gouvernement des Etats-Unis ait décidé de réduire le déficit budgétaire de plus de 800 milliards de dollars en taillant dans les dépenses publiques et en augmentant les impôts. Imaginez que, conséquence de ces mesures, la situation économique se soit détériorée, que le chômage ait crevé le plafond, pour dépasser 16 %. Imaginez maintenant que le président promette de récupérer 400 milliards de dollars de plus cette année, en économies et en hausses d’impôt supplémentaires. Comment croyez-vous que réagirait l’opinion publique ?

Graphique déficitProbablement comme elle le fait en Grèce aujourd’hui, manifestations de masse et émeutes comprises. Car c’est exactement ce qu’a fait le gouvernement grec. Les chiffres ci-dessus sont simplement proportionnels aux dimensions respectives des deux économies. Certes, le gouvernement américain ne se risquerait jamais à ce qu’a entrepris son homologue hellène : n’oubliez pas que la bataille du budget d’avril dernier, qui a vu les républicains de la Chambre menacer de faire tomber le gouvernement, a abouti à des coupes budgétaires de 38 milliards de dollars seulement.

Les Grecs sont d’autant plus en colère que le châtiment collectif dont ils sont victimes leur est infligé par des puissances étrangères – la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). Cela met en lumière ce qui est peut-être le problème le plus aigu, celui qu’incarnent des institutions supranationales, orientées à droite et échappant à tout contrôle. La Grèce n’en serait pas là si elle n’était pas membre d’une union monétaire. Si ses propres dirigeants étaient assez idiots pour, de leur propre chef, pratiquer des coupes claires dans les dépenses publiques et augmenter les impôts en pleine récession, ils seraient remplacés. Puis un nouveau gouvernement ferait ce que la grande majorité des gouvernements de la planète a fait lors de la récession de 2009 : exactement le contraire. Ils mettraient en œuvre un plan de relance, ou ce que les économistes définissent comme une politique contracyclique.

Et si cela devait passer par une renégociation de la dette publique, alors c’est ce que ferait le pays. De toute façon, c’est ce qui se produira, même sous la férule des autorités européennes, mais au préalable celles-ci soumettent la Grèce à des années de souffrances inutiles. Et elles profitent de la situation pour privatiser des actifs publics pour une bouchée de pain et restructurer l’économie et l’Etat grecs à leur convenance.

Châtiment collectif

Un gouvernement grec démocratiquement responsable adopterait une ligne beaucoup plus dure face aux autorités européennes. Par exemple, il pourrait commencer par un moratoire sur le paiement des intérêts, qui se montent actuellement à 6,6 % du PIB. (C’est un fardeau terrible, et selon les prévisions du FMI il devrait représenter 8,6 % du PIB d’ici à 2014. En comparaison, en dépit de tout le tintamarre qui se fait à propos de la dette américaine, le taux d’intérêt net sur la dette publique étasunienne représente aujourd’hui 1,4 % de son PIB.) Cela dégagerait assez de fonds pour un programme sérieux de relance, tandis que le gouvernement négocierait une inévitable révision de la dette à la baisse. Bien sûr, cela exaspérerait les autorités européennes – qui considèrent la situation du point de vue de leurs grandes banques et des créanciers –, mais le gouvernement grec se trouverait au moins dans une position raisonnable avant d’ouvrir les négociations.

Graphique detteA en juger par la toute dernière révision de l’accord entre le FMI et Athènes, il semblerait que l’euro soit encore surévalué de 20 à 34 % pour l’économie grecque. Ce qui écarte encore un peu plus la possibilité d’une reprise engendrée par une “dévaluation interne” – qui consiste à rendre l’économie plus compétitive en maintenant le chômage à un niveau extrêmement élevé pour faire baisser les salaires. Mais le plus gros problème, c’est que la politique budgétaire du pays ne va pas dans le bon sens. Et, évidemment, Athènes ne peut pas faire jouer la politique monétaire, puisqu’elle est sous le contrôle de la BCE.

Les autorités européennes disposent de tout l’argent nécessaire pour financer un programme de relance en Grèce, tout en renflouant leurs banques si elles ne veulent pas les voir essuyer les pertes inévitables liées à leurs prêts. Rien ne justifie que l’on continue ainsi à infliger un châtiment sans fin au peuple grec.

Mark Weisbrot (The Guardian)

Note : * Economiste et codirecteur du Center for Economy and Policy Research, un centre de recherche de Washington, il publie régulièrement des chroniques pour The Guardian.

Un nouveau souffle de contestation en Espagne

Démantelement du campement des indignés de Barcelone

Des milliers de manifestants se sont de nouveau rassemblés vendredi 27 mai au soir à Barcelone et à Madrid, criant leur colère après une intervention musclée de la police le matin à Barcelone lors du démantèlement du camp de tentes des jeunes « indignés ».

 A Barcelone, plus de 5.000 personnes se sont rassemblées sur la Place de Catalogne, où le matin, des incidents avaient éclaté lorsque les services municipaux ont voulu démonter le campement installé depuis une dizaine de jours, afin de laisser place aux célébrations de la Ligue des champions samedi 28 mai. Dans la soirée, des milliers de manifestants ont aussi envahi la place de la Puerta del Sol à Madrid. La foule agitait des fleurs ou des bouquets de toutes les couleurs, hurlant « Barcelone n’est pas seule » ou brandissant des pancartes avec les mots « Catalogne, nous sommes avec vous ». Casqués et armés de matraques, les policiers étaient intervenus de façon musclée le matin pour disperser un groupe qui bloquait l’entrée de la Plaza de Catalunya, en plein centre de la capitale catalane, au moment où les camions de nettoyage emportaient les tentes et le matériel.

« Les politiciens n’écoutent pas »

« 121 personnes ont dû recevoir des soins, dont 37 policiers et 12 personnes qui ont été hospitalisées », a annoncé une porte-parole du service des urgences, précisant qu’il s’agissait surtout « de crises d’angoisse et de contusions ». Mais sitôt déblayé le campement, la foule des manifestants a de nouveau envahi la place. Dans la soirée, une dizaine de tentes avaient déjà été remontées. « Voilà à quoi mène la brutalité policière. Que beaucoup plus de gens se réunissent pour protester », affirmait Maite Loureiro, une dessinatrice au chômage de 30 ans, qui manifestait à Barcelone. « Mais ceci est aussi la faute des politiciens qui ne nous écoutent pas ». Comme sur la place de la Puerta del Sol à Madrid, où les manifestants ont installé un village alternatif devenu le foyer de la contestation, la Place de Catalogne était occupée depuis dix jours par des centaines de jeunes.

Place à la Ligue des champions

A Madrid, le ministre de l’Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba a annoncé que les autorités « étudiaient » une éventuelle évacuation de la Puerta del Sol, à la suite de demandes insistantes du gouvernement régional et des commerçants riverains. Au moins une dizaine de cars de police étaient stationnés vendredi soir dans les rues menant à la place. Le mouvement des jeunes « indignés », rejoint par des citoyens de tous horizons et largement relayé par les réseaux sociaux, s’est développé depuis le 15 mai autour de revendications multiples, visant le chômage, la « corruption » des hommes politiques ou la loi électorale favorisant les grands partis. Vendredi 27 mai, la municipalité de Barcelone a décidé de faire place nette dans la perspective des célébrations prévues samedi soir, en cas de victoire du FC Barcelone en finale de la Ligue des champions de football, contre Manchester United à Londres.

Une évacuation « lamentable »

Pendant que les camions des services de nettoyage emportaient le matériel, des policiers casqués ont fait usage de matraques et de balles en caoutchouc pour disperser plusieurs dizaines de manifestants. L’intervention policière et les images de manifestants traînés à terre ou à coups de matraques ont immédiatement provoqué des réactions de colère, relayées toute la journée sur Twitter. Des appels à des manifestations de soutien aux « indignés » de Barcelone ont été lancés pour vendredi soir dans toutes les villes espagnoles. « L’évacuation a été lamentable. Ils ne m’ont pas battu parce que suis en chaise roulante, mais je les ai vus frapper des gens qui voulaient entrer sur la place », déclarait un manifestant de 52 ans en chaise roulante, professeur d’université, qui s’identifiait sous son seul prénom de Manuel.

AFP

Voir aussi Rubrique Espagne, rubrique Mouvement sociaux, Relle democratie revue de presse et Manifeste rubrique Société jeunesse, Lien externe Spanish révolution en France reelledemocratie.com

Réelle démocratie, maintenant : revue de presse, et Manifeste de la plateforme

Le mouvement en France : Revue de Presse

L’été européen sera chaud, mais orageux, Le Monde 24 mai 2011

Le printemps arabe sera-t-il suivi d’un été européen ? La question revient à nous demander si l’ingrédient qui a mis le feu aux poudres en Tunisie pourrait exploser à la Puerta del Sol à Madrid et dans d’autres villes ibériques. « Nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers » clame la banderole de cette photo.

Le problème de l’emploi des jeunes était l’un des premiers slogans tunisiens, et est au cœur de la réalité européenne. Depuis des années, les jeunes, même éduqués et diplômés, ne trouvent plus de travail dans la plupart des pays européens. Ils expriment un ras le bol face a l’egoisme de leurs aînés.

Des systèmes provisoires ont été mis en place pour organiser des formules contractuelles à court terme qui leur permettent de travailler. Les entreprises en ont fait un usage abondant, sans nécessairement se sentir la moindre obligation d’engager à la suite de ces « stages ». Il semblerait que les statistiques soient désastreuses et que les entreprises se soient contentées de « consommer » une main d’oeuvre à court terme. La demande classique « Venez nous revoir lorsque vous aurez eu un premier emploi » est un déni : quelles sont les entreprises qui offrent ces premiers emplois d’une manière qui permette d’envisager une carrière ?

Après l’Espagne, le mouvement des Indignés fera-t-il tâche d’huile en région ?

Jeunesse indignée à Madid

 

Le midi Libre le 24/05/2011 à 00h00 C. GREUET (avec AFP) 25/05/2011

D’inspiration espagnole, le mouvement « Réelle démocratie, maintenant ! » organise plusieurs rassemblements dans plusieurs régions de France, dont le Languedoc-Roussillon. (AFP) Le mouvement des « indignés » continue à faire rage en Espagne, alors que des sympathisants français commencent à se réunir, via internet, dans de nombreuses grandes villes françaises. Dans la région, des campements sont d’ores et déjà organisés à Perpignan, Nîmes et à Montpellier. Une foule de jeunes et de sympathisants a de nouveau envahi mardi soir le village alternatif de la Puerta del Sol, dans le centre de Madrid, où se poursuit le mouvement de protestation des jeunes « indignés » contre le chômage, la crise et la classe politique « corrompue ». Des centaines de personnes participaient aux interminables assemblées qui émaillent les journées du campement, pendant que d’autres travaillaient à l’organisation du village, qui ne cesse de s’étendre et de se structurer depuis une semaine. « Il y a toujours une importante participation citoyenne », assurait Nerea, une des porte-parole. Les grands rassemblements de la semaine dernière, qui ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes à la Puerta del Sol et tout autour, ont laissé place à une mobilisation moindre, une fois passées les élections locales qui avaient constitué le premier objectif du mouvement.

En France, le collectif  « Belle démocratie maintenant ! », calqué sur le « Democracia real, ya ! » des jeunes espagnols, appelle (sur le web et les réseaux) les citoyens à se réunir sur les places des grandes villes, pour la « régénération démocratique du système politique et défense d’une politique sociale ». Après la Place de la Bastille à Paris, des rassemblements sont organisés ce mercredi dans une vingtaine de villes françaises. Après que les forces de l’ordre aient prié lundi à une cinquantaine d' »indignés » de libérer la place de la République de Perpignan, de nouveaux rassemblements sont annoncés. Aujourd’hui, le mouvement appelle à rejoindre ce « campement permanent ». Des rassemblement similaire est également organisé aujourd’hui et demain à Montpellier, à l’Esplanade (18 h) et demain à Nîmes à la Maison carrée (19 h).

Les « indignés » se mobilisent , Le progrès de Lyon, le 26/05/2011 à 00:00

Ils sont une bonne centaine désormais à se regrouper sous la statue de Louis XIV au soleil couchant. Espagnols et Français qui veulent prendre part et relayer le printemps démocratique né sur la place Puerta del Sol à Madrid et qui progresse via les réseaux sociaux internet. Hier c’est à Athènes que des milliers de protestataires se sont retrouvés place Syntagma au cœur de la capitale grecque. Comme en Espagne, ils protestent contre les mesures d’austérité qui frappent le pays, englué dans la récession.

En France aussi des rassemblements fleurissent à Paris, à Lyon ou encore à Bayonne où a eu lieu hier un premier meeting. Ces personnes « courantes et ordinaires » réclament des « droits basiques » concernant le logement, le travail, la santé, l’éducation, l’égalité… Le droit au bonheur aussi. Parmi eux, Ophélie, petite brunette de 22 ans. « Je suis danseuse et je galère. Il n’y a pas de place pour les jeunes, pas de place pour la culture. On est à la veille d’élections et on se rend compte qu’aucun parti ne nous satisfait », déplore celle qui se dit « oppressée dans cette société qui manque d’humanité ».

Désenchantement et désir de changer les choses résument cette mobilisation citoyenne qui parle de révolution. « Je me retrouve dans ce qui se passe ici car l’état des lieux n’est pas acceptable. S’il y a un ailleurs pour sortir du désert dans lequel nous sommes, il faut y aller », développe de son côté un jeune qui après avoir enseigné deux ans à Marseille, a choisi de prendre une année sabbatique. Même constat de la part d’un étudiant en anthropologie. « Je suis en dernière année. On peut dire que ça va bien pour moi mais j’attends autre chose. » « Expliquer simplement la gravité de la situation actuelle », c’est ce que propose un peu plus tard dans la soirée, un plus âgé revendiquant des connaissances en économie. « Car il faut s’entendre et défendre les mêmes idées, les mêmes valeurs pour avancer et être toujours plus nombreux », défend à son tour au micro une jeune femme.

« Pour l’instant c’est le bordel, mais on va trouver une organisation », reconnaissait mardi soir un modérateur des débats. Chaque soir, des règles de fonctionnement sont prises ou rappelées. Et un nouvel ordre du jour est débattu. L’expulsion du site par la police risque de faire partie du rituel, même si le « yes we camp » exprimé ailleurs n’a pas encore gagné Lyon. Place Bellecour, des membres du campement libertaire monté en avril à la Croix-Rousse, poussent pour qu’un nouveau voit le jour. Leurs tipis et yourtes sont prêts à être acheminés. Pas forcément le genre des étudiants espagnols Erasmus du collectif lyonnais Democracia Real Ya ! (Démocratie réelle maintenant) à l’origine du mouvement lyonnais. Alors qu’en Espagne la jeunesse précaire, ceux que l’on appelle « los Indignados » (« Les indignés »), défie toujours les politiques après plus d’une semaine, à Lyon les citoyens indignés s’organisent pour durer. Un degré supplémentaire dans la mobilisation est attendue en fin de semaine.

« YES WE CAMP »: en France aussi les jeunes en ont ras-le-bol !

Le 24/05/2011 à 14h19 sur (Boursier.com) —

A l’image de ce qui se passe actuellement à Madrid, Génération Précaire relaie l’appel lancé par le mouvement « reelledemocratie.com » pour un rassemblement devant les marches de l’opéra Bastille à Paris tous les soirs à 19 heures « afin de faire entendre sa voix et rassembler de plus en plus d’ici dimanche 14H30 ». L’organisation commente : « Nous sommes des millions. Le mouvement est suivi dans toute l’Europe avec des manifestations en Grande-Bretagne ou encore en Grèce sous le slogan « People of Europe Rise Up » (Peuples d’Europe, soulevez-vous !). Solidaires de ces jeunes Espagnols qui ont eu le courage de se lever pour dire « stop », nous sommes à leurs côtés, et nous refusons le bizutage social actuel, tout en revendiquant une société ouverte à son avenir ». « Premiers touchés par la crise, les jeunes se révèlent une véritable variable d’ajustement et revendiquent un droit au travail qu’on leur refuse sous prétexte de crise économique mondiale » poursuit Génération Précaire qui « soutient les mouvements de protestations spontanés de cette jeunesse européenne et appelle à la mobilisation pour que l’on cesse de brader la jeunesse tout en consolidant un système qui a été sauvé sans contrepartie sociale ».

Rassemblements de solidarité avec les jeunes espagnols

(AFP) – le 24/O5/2011

Jeunesse indignée à Paris

PARIS — Inspirés par les manifestations espagnoles et les révolutions arabes, des centaines de jeunes se réunissent depuis quelques jours en France contre l’austérité et pour une « démocratie réelle », et prévoient un grand rassemblement dimanche place de la Bastille à Paris.

Depuis vendredi, entre 200 et 300 jeunes se retrouvent chaque jour sur cette place, symbole de la Révolution française, en soutien de la jeunesse espagnole, mobilisée sur la place de la Puerta del Sol à Madrid depuis plus d’une semaine. « On se mobilise en solidarité avec les jeunes Espagnols, pour suivre leur exemple et défendre notre dignité », a expliqué à l’AFP Benjamin Ball, du collectif « Les désobéissants », qui organise cette semaine des rassemblements dans une dizaine de villes (Paris, Nantes, Rennes, Lyon, Bordeaux, Montpellier…) « On attend deux grandes choses: une redéfinition des règles démocratiques avec la convocation d’une assemblée constituante, et une répartition des richesses parce qu’on vit dans la précarité », dit encore ce travailleur indépendant de 26 ans, habitant dans la banlieue sud de Paris. Environ 200 personnes se sont ainsi rassemblées mardi soir sur la place de la Bastille, lançant des slogans comme « Peuple de Paris, debout ! », ou demandant une « Démocratie réelle ». En France, le chômage touche environ 23% des jeunes, contre environ 9% pour l’ensemble de la population. « Nous, citoyens, nous nous reconnaissons dans les aspirations du peuple espagnol. Nous appelons chacun à devenir acteur de cette dynamique de changement. La révolte des pays arabes a traversé la Méditerranée », indique le site du collectif, reelledemocratie.com. Sur le parvis de l’Opéra Bastille, les pancartes et banderoles déployées proclament: « Spanish revolution, people of Europe rise up » (Révolution espagnole, peuples d’Europe, levez-vous), « Révolution ». Ou encore « Indignez-vous », le titre du best seller de l’ancien résistant et diplomate français Stéphane Hessel, 93 ans, qui a aussi inspiré « Los indignados » de la Puerta del Sol. « Et si l’Europe connaissait à son tour un printemps dont les tentes espagnoles seraient le signe annonciateur? » s’interrogeait mardi le journal Libération (gauche), qui consacrait sa Une à la contestation espagnole, de même que le quotidien communiste L’Humanité, pour qui « les Espagnols (…) montrent le chemin de l’insurrection ». Copyright © 2011 AFP. Tous droits réservés

Que revendique-t-on au fait ?

Posté par Virginie Beernaert le 26.05.11 à 17:27

Si les protagonistes du printemps arabe luttaient chacun contre un ennemi physique explicitement féroce à déloger – leurs dictateurs respectifs -, les indignados européens luttent contre un ennemi autrement plus caché : un système que contrôle le pouvoir politico-financier, pouvoir sans tête, latent et invisible par principe. Seulement armés de leur indignation inspirée de Stéphane Hessel, leur problème est complexe : critiquant la main mise des marchés financiers sur les décisions économiques des états, ils contestent des institutions échappant en large partie (FMI, Commission Européenne) ou totalement (les marchés financiers, les banques) à la souveraineté des peuples. C’est sans doute ce qui explique leur programme de revendications inégales mais pourtant pas inintéressantes. Passage en revue de ce que veulent les contestataires.

1. Une « réforme de la Loi Electorale pour que toutes les voix aient la même valeur »

Ce qu’ils dénoncent : en apparence mystérieuse (les voix n’ont-elles pas déjà toute la même valeur qu’on soit un homme ou une femme, puissant ou misérable ?), cette revendication tend en fait à faire disparaître le bipartisme, en allant vers des élections aux résultats proportionnels, qui garantiraient ainsi l’expression de toutes les opinions. Les manifestent exigent aussi en toile de fond que les partis retirent de leurs listes les candidats les plus compromis dans des scandales de corruption.
Ce qui existe : en France, le scrutin est uninominal à deux tours. Les citoyens votent pour un candidat qui doit être un des deux « meilleurs » pour accéder au second tour où il doit alors obtenir la majorité absolue pour être élu. Ce mode de scrutin conduit a des alliances entre les deux tours qui lissent les dissensions politiques. Ceux qui n’en font pas sont privés de représentation. Le vote proportionnel permettrait à chaque parti (même les micro-partis) d’être représentés ; c’est un système où il s’agit moins de voter pour un homme que pour un parti ou un programme. Seulement sa mise en place reste extrêmement compliquée pour des raisons de calcul de la proportionnalité justement. Qui le propose ? Certainement pas le think tank Terra Nova qui cherche à renforcer le bipartisme en supprimant toutes les candidatures « hors système », pas plus qu’un micro parti comme Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan, qui pourrait pourtant trouver son compte dans la proportionnelle. En revanche, Marine Le Pen rappelle que le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple exige le respect et la juste représentation dans les institutions politiques de tous les Français et des formations politiques qui les représentent et considère que cette exigence de démocratie passe par l’instauration de la proportionnelle intégrale.

2. « L’établissement de mécanismes de démocratie directe, tant à l’échelle nationale qu’européenne »

Ce qu’ils dénoncent : la perte de la souveraineté du peuple citoyen. Ils constatent en effet que ni les dirigeants du FMI, de la Banque mondiale, ni ceux de l’OCDE, de l’OMC ou encore des banques centrales, dont les décisions ont pourtant un fort impact sur la vie des populations, ne sont élus par elles. Ainsi les citoyens ne voteraient plus que pour des représentants sans pouvoir.

Ce qui existe : à l’échelle nationale, ça, c’est-à-dire un système en grande partie représentatif. A l’échelle européenne, les citoyens votent seulement pour le Parlement, qui partage ses pouvoirs législatifs avec le Conseil de l’Union Européenne.

Qui le propose ? Ceux qui pensent que la démocratie représentative dépolitise le citoyen, c’est-à-dire essentiellement des intellectuels. Le site d’Alain Soral Egalité et Réconciliation et l’association Attac arrivent aux mêmes conclusions sans proposer de moyens pour récupérer la souveraineté. Quelques socialistes arrivent aussi au même constat, mais se contentent d’en accuser la politique de Nicolas Sarkozy, tout en prévenant du danger d' »une démocratie directe ou d’une captation aristocratique des décisions. » Cette prise de position est symptomatique du paysage politique qui dénonce l’abstention, sans toutefois oser tenter de nouveaux modes électoraux. Le Front National se démarque de la classe politique en proposant « un grand référendum par an pourrait être organisé sur les orientations essentielles pour l’avenir de notre pays et de notre peuple » (réponse à Helder, dans l’article en lien).

3. La « création d’une Loi de Responsabilité Politique »

Ce qu’ils dénoncent : la corruption des politiques, particulièrement mise en valeur par les conflits d’intérêt de l’Affaire Woerth-Bettencourt. Ce qui existe : La loi (n°2007-1598) du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption. Cette mise à jour de 2007 permet de réprimer « le trafic d’influence », c’est-à-dire le fait de monnayer l’influence d’un intermédiaire, pour obtenir un avantage d’un agent public exerçant dans une organisation internationale. La loi sanctionne aussi bien la tentative de corruption ou de trafic d’influence que sa réussite, et prévoit des peines spécifiques envers les commanditaires comme les bénéficiaires. Elle prévoit des peines spécifiques pour les actes de corruption commis dans le monde du travail. Seulement rien n’est prévu particulièrement contre la corruption politique et l’action de lobbying n’est toujours pas reconnu législativement. Qui le propose ? Les partis de la « droite des valeurs », c’est-à-dire Debout la République et le Fn qui oeuvrent pour une politique des mains propres et proposeraient l’inéligibilité en cas d’affaire de corruption.

4. Une « augmentation de la transparence au sein de l’Administration, publicité de toute information sur les dépenses publiques »

Ce qui existe : les rapports de la Cour des Comptes, une juridiction financière qui avertit le gouvernement, le Parlement et l’opinion publique sur l’état des comptes de l’Etat. Pour 2010, la Cour estime que le compte général de l’Etat en 2010 « est régulier et sincère et donne une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l’Etat « , même si elle enregistre un déficit historique. Le problème de ces rapports c’est qu’ils sont peu accessibles et nécessitent des médiateurs neutres qui décryptent et dégagent les points essentiels. Qui le propose ? Les Maquizards, un groupe émergent de hauts fonctionnaires anonymes, qui veulent « mettre sur la place publique ce que les gens du Siècle se disent entre eux, mais qu’ils n’oseront jamais écrire dans leurs papiers, ou dire dans leurs communications. »

5. La « défense de services publics et de qualité »

Ce qu’ils dénoncent : le sabotage des services publics pour justifier leur privatisation. Le Pr André Grimaldi l’expliquait déjà, indépendamment de la french revolution, au niveau du milieu hospitalier : l’Etat a fait entrer le service public dans « une logique gestionnaire », ce’st-à-dire de rentabilité. Il diminue son soutien financier aux services publics, sans que la demande baisse, ce qui entraîne une chute progressive de la qualité qui conduit, à terme, à se tourner vers le privé. Cet extrait du « Cahier de politique économique » n°13 de l’OCDE explicite bien cette logique : « Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement. » Ce qui existe : un démantèlement progressif des services publics en déficit. Voilà ce que ça donne si on fait un petit état des lieux. Justice : un tribunal sur trois en instance de fermeture, suppression programmée des juges d’instruction ; santé : baisse du remboursement des médicaments à vignette bleue, fermeture d’hopitaux et de services pas assez rentables décidée par la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » ; éducation : 16 000 postes d’enseignants supprimés, tandis que le nombre d’élèves augmente. Qui le propose ? La défense du service public est un combat de gauche (du PS au Front de Gauche) mais aussi désormais d’extrême droite.

6. L' »introduction d’une taxe sur les transactions financières internationales »

Ce qu’ils dénoncent : la spéculation et l’hypocrisie de la fiscalisation censée maintenir les grandes entreprises en France. Ce régime fiscal privilégié déjà dénoncé avec l’Affaire Bettencourt s’explique de la manière suivante : en démantelant les frontières, la mondialisation permet aux entreprises de jouer sur deux tableaux. En effet, elles peuvent réclamer un allègement des impôts auxquels elles sont assujetties dans leur pays d’origine, en mettant en avant les faveurs fiscales que des pays moins développés leur offrent. La France a donc créé des niches fiscales qui permettent aux entreprises du CAC 40 d’être taxées aux alentours des 8%. Seulement, selon l’économiste Frédéric Lordon, ces entreprises ne joueraient pas le jeu et engageraient économistes et juristes pour profiter des deux systèmes. Elles échapperaient ainsi au fisc, tout en bénéficiant d’un environnement (infrastructures, formation, etc.) financé par les impôts des autres contribuables. Qui le propose ? Le PCF et le Front de Gauche qui propose la « suppression des exonérations et aides aux entreprises » et l’association Attac qui propose « trois taxes pour maîtriser la spéculation ».

Tout comme en Espagne, la french revolution ne propose aucune plate-forme revendicative claire (même si des débats se déroulent sur le site Réelle Démocratie) et pourrait bien prôner pour les élections de 2012, soit l’alternance politique soit l’abstentionnisme, alors qu’elle les disqualifie dans ses revendications. Les manifestants iront-ils au bout de leurs idées, tandis que leurs revendications entrent en résonnance avec des idées politiques issues des deux extrêmes -gauche et droite-, qui ont tous les deux en commun de réclamer un retour à une nation souveraine, y compris dans le domaine économique ?

Les jeunes Espagnols commencent à essaimer en France

PARIS (Reuters)

Plusieurs dizaines de jeunes français regroupés tous les soirs depuis quelques jours place de la Bastille par solidarité avec les « indignés » espagnols appellent à un vaste rassemblement à Paris dimanche prochain. Des rassemblements sont prévus d’ici à là un peu partout en France mardi et mercredi, notamment à Lyon, Toulouse, Lille, Nantes, Strasbourg, Nantes ou Bordeaux. Le mouvement « Démocratie réelle, maintenant ! » estime que la mobilisation citoyenne des jeunes Espagnols, qui occupent depuis le 15 mai des places jour et nuit, concerne tous les Européens, qui doivent devenir « acteurs de cette dynamique de changement. ». « La révolte des pays arabes a traversé la Méditerranée. Le réveil du peuple espagnol envoie un message clair à tous les Européens, à nous de saisir cette opportunité », écrit-il sur son site internet. « Nous sommes pris à la gorge par les plans d’austérité qui se multiplient partout en Europe », ajoute-t-il, estimant que la crise économique et financière « touche tout le monde ».

« Démocratie réelle, maintenant ! » estime qu’en France, où les profits du CAC 40 ont doublé, le chômage des jeunes atteint 25 %. « En Espagne, c’est 40 % des moins de 35 ans qui sont sans emploi. »

Le mouvement a reçu le soutien de Génération précaire, qui souligne qu’en France aussi, « les jeunes en ont ras-le-bol ». « Nous sommes des millions. Le mouvement est suivi dans toute l’Europe avec des manifestations en Grande-Bretagne ou encore en Grèce sous le slogan  » People of Europe Rise Up  » (Peuples d’Europe, soulevez-vous !), écrit le mouvement dans un communiqué. Pour l’association, les jeunes, premiers touchés par la crise, « se révèlent une véritable variable d’ajustement et revendiquent un droit au travail qu’on leur refuse sous prétexte de crise économique mondiale. »

Gérard Bon, édité par Patrick Vignal

La « révolution » virtuelle deviendra-t-elle réelle ?,

Place de la Bastille, à Paris, mardi 24 mai. Copyright : Benjamin SEZE, témoignage chrétien

Le mouvement de protestation qui secoue l’Espagne depuis le 15 mai gagne la toile française. Néanmoins la mobilisation dans les principales villes de France reste réduite. Depuis vendredi, le souffle démocratique qui agite l’Espagne ces dernières semaines essaie de gagner la France via Internet. « Democratia Real Ya », disent-ils là-bas. « Une démocratie réelle maintenant », l’idée a séduit des internautes français. Sur Twitter, les messages pullulent. A travers le mot clé #frenchrevolution, des appels aux rassemblements dans les principales villes de France sont lancés quotidiennement. Des pages facebook sont nées et un site dédié au mouvement a été créé : Reelledemocratie.com. Plusieurs dizaines de personnes à Nantes, Marseille et Perpignan, entre 100 et 200 à Grenoble, Lyon, Montpellier et Toulouse, une centaine de plus à Paris… Peu relayé par les médias, l’engouement peine à se concrétiser sur le terrain. Et pour cause : se définissant comme « une mobilisation citoyenne totalement indépendante et autogérée », le mouvement ne bénéficie pas des relais et du soutien logistique des organismes politiques, syndicaux et associatifs. « Il y a une méfiance, voire une certaine défiance, de la part de ces jeunes vis-à-vis de tout type d’organisation politique, et même syndicale », constate Françoise, 55 ans, qui participe aux rassemblements place du Capitole, à Toulouse. « On sent bien que certains viennent de courants de gauche. Mais personne ne le revendique. Pour eux, si une tendance gagnait, ce serait perdu. »

Apolitique

Rester apolitique est un moyen de toucher un maximum de monde. « Il y a évidemment des jeunes militants d’extrême gauche, pourtant, nous voulons avant tout porter un discours citoyen », insiste Pablo, 26 ans, présent place de la Bastille, à Paris, mardi soir. Ce jeune Espagnol, qui travaille depuis quatre mois en France, était Plaza Catalunya à Barcelone ce week-end. « Cela n’a rien à voir, nous étions 15 000. Mais ici, c’est une bonne manière de commencer. » À quelques pas, assis sur le trottoir ou sur les marches de l’Opéra, les 200 participants français et espagnols sont regroupés en commissions. Quelques pancartes appellent les passants à se joindre à eux : « Venez donner vos idées, on a besoin de vous, de tous ». « Le mot révolution n’est qu’une métaphore de ce qui est en train de se passer », explique Pablo. « Nous savons que ce n’est pas une révolution classique, mais une mobilisation pacifique et modérée. » Le but : échanger des idées, et faire émerger des propositions qui seront ensuite adoptées en Assemblée générale. Pour l’instant, le discours n’est pas encore structuré et les revendications peu concrètes, néanmoins cela devrait venir. « Le monde ne se refait pas en cinq jours », justifie Françoise. Un premier manifeste, voté dimanche 22 mai par les 150 participants de Bastille, explique : « Depuis le début de la crise financière en 2008, nos gouvernants ont décidé de mettre à genoux les peuples au lieu de faire payer les banques. » Il annonce donc deux axes de revendications : « Régénération démocratique du système politique et défense d’une politique sociale ».

Test
La mobilisation a-t-elle des chances de décoller ? « Je ne sais pas, répond Françoise. Je sais toutefois que ce mouvement fait suite à de nombreuses mobilisations de la jeunesse (CPE, réforme Fillon, réforme Darcos, loi LRU…) et qu’il est une pierre de plus apportée à la prise de conscience de la réalité du monde injuste dans lequel nous vivons. » Pablo explique le succès espagnol : « En Espagne, il y a effectivement un très fort taux de chômage, mais nous avions surtout un discours connecté au citoyen. Nous avons repris des sujets qui reviennent dans les conversations – le chômage, la précarité, les inégalités, la corruption – et nous avons dit « il y a un problème, nous devons réfléchir à des solutions ». » Concernant la France, « tout dépend de l’organisation à venir du mouvement et de notre capacité à avoir un discours qui peut concerner le citoyen classique », conclut-il. Premier test, dimanche 29 mai, dans plusieurs grandes villes où sont programmés des « grands rassemblements populaires en solidarité avec la révolte en Espagne ».

A Marseille aussi, une poignée d’ « indignados » essaient de se faire connaître et ont organisé plusieurs manifestations ces derniers jours.

Depuis le début de la crise financière en 2008, nos gouvernants ont décidé de mettre à genoux les peuples au lieu de faire payer les banques. Les démocraties européennes ont été séquestrées par les marchés financiers internationaux. Nous sommes pris à la gorge par les plans d’austérité qui se multiplient partout en Europe. Le chômage a explosé et plonge dans la précarité et la misère des millions de personnes. La crise touche tout le monde. En France, alors que les profits du CAC 40 ont doublé, le chômage des jeunes atteint 25 %. En Espagne, c’est 40 % des moins de 35 ans qui sont sans travail. Solidarité avec les indignés Barcelonais violemment réprimés vendredi 27 avril 2011 matin (121 blessés)
Démocratie réelle… Maintenant ! La Spanish Revolution débarque à Marseille

25 Mai 2011 par Philippe Leger

Samedi 21 mai à Marseille, vers 20 h 30, cours Julien, les terrasses des restaurants sont bondées, on tchatche, on galéje, on flirte, on regarde le foot sur les écrans en plein air et, tout à coup, irruption de plus d’une centaine de manifestants, scandant des slogans en espagnol, brandissant des pancartes polyglottes: «Democratia real Ya!»… «Marsella – Frenchrevolution»… «Spanishrevolution»… «People of Europe Rise up!» Je me maudis d’avoir laissé à la maison mon appareil photo. Je pars aux renseignements. Une Espagnole, la trentaine (comme beaucoup de manifestants) m’apprend que « dans toutes les grandes villes du monde, Berlin, New York… des membres de sa communauté se rassemblent et défilent pour clamer leur indignation contre un système démocratique dévoyé, aux ordres des banquiers et de la puissance financière, d’une oligarchie qui ne défend que ses intérêts et oublie le peuple. » Nous échangeons nos adresses mail. Elle m’informe « qu’un rassemblement aura lieu demain, devant la préfecture ». Le soir-même, Raquel me précise dans un courriel* l’heure du rendez-vous et me fournit des informations, des adresses de sites pour approfondir ma connaissance du mouvement en cours. Dimanche, à l’heure dite, petit attroupement très pacifique d’une quinzaine de personnes, 20-30 ans devant la préfecture… et sans autorisation administrative ! Ces jeunes ont été informés de cette réunion d’information grâce aux réseaux sociaux, Facebook est le plus cité. Il y a des Marseillais pur sucre, une Allemande, des Espagnols…

A Marseille aussi, on manifeste (très timidement) pour une « Democracia real ya »

Par Esther Griffe le 24 mai 2011

A Marseille aussi, une poignée d’ « indignados » essaient de se faire connaître et ont organisé plusieurs manifestations ces derniers jours. L’évènement a été très peu relayé par les médias et pourtant, depuis plusieurs jours maintenant, un mouvement de protestation s’élève auprès des jeunes espagnols qui réclament de profonds changements sociétaux, comme l’explique le site Réelle Démocratie, version française du site espagnol Democracia Real Ya. Depuis le 15 mai, ils occupent la Puerta del Sol à Madrid. Et dans plusieurs villes de France aussi, le mouvement essaie de décoller comme à Nantes, Toulouse, Lyon ou encore Paris, où ils étaient près de 400 samedi dernier. Ce mouvement de protestation reste encore très discret dans les médias nationaux, ce qui peut expliquer la très faible mobilisation en France. Pourtant, à l’image des dernières révolution arabes, des jeunes français voudraient eux aussi mener leur French Revolution. A grand renfort de réseaux sociaux, on tente par tous les moyens de faire passer l’information. Pas sûr que ça prenne. La France n’est pas l’Espagne, et encore moins la Tunisie. Malgré plusieurs manifestations prévues sur l’ensemble du pays pour les prochains jours. Dimanche, ils n’étaient qu’une vingtaine en début de soirée mais gardent pourtant bon espoir. Alors feu de paille où début d’un grand mouvement ?

Les jeunes Européens sont solidaires. Ils veulent être écoutés. Respectés. Et représentés !

Si les élections régionales espagnoles des 15 et 22 mai constituent le détonateur, il est évident que le mouvement ne s’arrêtera pas avec la proclamation des résultats électoraux, la déculottée du parti de Zapatero et le triomphe des partis de droite. Il est clair que Sheila, comme toutes les hirondelles hispaniques, souhaite un printemps des peuples pour chasser, comme en Islande, les « partis majoritaires et leurs politiciens corrompus, pour juguler banquiers et financiers internationaux, réorganiser les priorités économiques et sociales, la vie démocratique… » Mais peut-on faire de la politique en dehors des réalités institutionnelles ? Probablement pas. À tout le moins, pas plus plus que les « institutionnels » ne peuvent continuer à faire de la politique en dehors des réalités véritables, celles que les personnes vivent dans leur chair et dans leur sang, faites de chômage, de difficultés financières, de difficultés à trouver un logement décent etc. L’année 2011, une année conviviale, sympathique, avant la grosse tempête… en 2012 ?

Vers un printemps européen ?
Il faudra davantage, croyons-nous, que des « mots d’ordre » relayés par une « presse vénale » et des médias trop souvent déconsidérés, pour démobiliser une jeunesse européenne diplômée et au chômage, à la puissance décuplée par les outils technologiques et l’internet (sa force et son talon d’Achille). Une jeunesse qui fédère d’autres catégories de la population, dans toutes les tranches d’âge. Et qui n’a plus rien à perdre ! Mais il y a plus important : grâce à la jeunesse d’Espagne, les jeunes d’Islande, de France, d’Allemagne et probablement de toute l’Union européenne commencent à croire qu’ils peuvent changer le monde. Ça, c’est nouveau ! Et réjouissant !

Philippe Leger

 

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Manifeste de « Democracia Real Ya ! »

Nous sommes des personnes courantes et ordinaires. Nous sommes comme toi : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, pour travailler ou pour chercher un boulot, des gens qui ont famille et amis. Des gens qui travaillent dur tous les jours pour vivre et donner un futur meilleur à celles et ceux qui les entourent.

Parmi nous, certain-e-s se considèrent plus progressistes, d’autres plus conservateurs. Quelques un-e-s croyants, d’autres pas du tout. Quelques un-e-s ont des idéologies très définies, d’autres se considèrent apolitiques. Mais nous sommes tous très préoccupé-e-s et indigné-es par la situation politique, économique et sociale autour de nous. Par la corruption des politiciens, entrepreneurs, banquiers, … . Par le manque de défense des hommes et femmes de la rue.  Cette situation nous fait du mal quotidiennement ; mais, tous ensemble, nous pouvons la renverser. Le moment est venu de nous mettre au travail, le moment de bâtir entre tous une société meilleure. Dans ce but, nous soutenons fermement les affirma­tions suivantes :

*  L’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée.

* des droits basiques doivent être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse.

* Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle pour le progrès de l’humanité.

* La démocratie part du peuple, par conséquent le gouvernement doit appartenir au peuple. Cependant, dans ce pays, la plupart de la classe politique ne nous écoute même pas. Ses fonctions devraient être de porter nos voix aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies directes de démocratie et aussi, procurant le plus de bienfait possible à la majorité de la société, et pas celle de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des pouvoirs économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique.

* La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns crée inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale, qui se consomme par elle-même, enrichissant une minorité et le reste tombant dans la pauvreté. Jusqu’au malaise.

* La volonté et le but du système est l’accumulation d’argent, tout en la plaçant au-dessus de l’efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux.

Nous, citoyens, faisons parti de l’engrenage d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui ne connait même pas nos besoins. Nous sommes anonymes, mais, sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons bouger le monde.

* Si, en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une abstraite rentabilité économique qui ne tourne jamais à notre avantage, nous pourrons effacer les abus et les manques que nous endurons tous. Nous avons besoin d’une révolution éthique. On a placé l’argent au-dessus de l’Etre Humain, alors qu’il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas que ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète.

A la vue de cela, je suis indi­gné/e. Je crois que je peux le chan­ger. Je crois que je peux aider. Je sais que, tous ensem­ble, on le peut. Sors avec nous. C’est ton droit.

MARSEILLE  – Lieu : Cours Estienne d’Orves
14 h – Dimanche 29 mai 2011 – Appel national aux citoyens

Inscrivez vous à l’evenement

http://www.facebook.com/event.php?eid=116829031733884

Manifeste de la plateforme

Qui sommes-nous ?

Nous sommes des personnes venues de manière libre et volontairement, et qui avons décidé après la manifestation de continuer à nous réunir pour revendiquer la dignité et la conscience politique et sociale. Nous ne représentons aucun parti ni association.

Ce qui nous unit, c’est une vocation de changement. Nous sommes ici par dignité et solidarité avec ceux qui ne peuvent pas être présents. Pourquoi sommes-nous ici ? Nous sommes ici car nous voulons une société nouvelle qui donne la priorité à la vie au-delà des intérêts économiques et politiques. Nous plaidons pour un changement de la société et de la conscience sociale. Démontrer que la société ne s’est pas endormie et que nous continuerons à lutter de manière pacifique pour ce que nous méritons. Nous soutenons nos compagnons arrêtés après la manifestation et nous demandons leur mise en liberté sans charge. Nous voulons tout, nous le voulons maintenant, si tu es d’accord avec nous: REJOINS-NOUS! “C’est mieux prendre des risques et perdre que perdre sans avoir rien risqué”

Manifeste de la plateforme http://www.democraciarealya.es/

Voici quelques unes des mesures que, en tant que citoyens, nous considérons essentielles pour régénérer notre système politique et économique. Tu peux donner ton avis et proposer tes propres mesures dans le forum.

1.- SUPPRESSION DES PRIVILÈGES DE LA CLASSE POLITIQUE:

Contrôle rigoureux de l’absentéisme des élus dans leurs fonctions. Sanctions spécifiques à l’abandon de fonctions. · Suppression des privilèges par rapport aux charges fiscales, aux années cotisées et au montant des pensions. Égalité du salaire des élus au salaire espagnol moyen plus les frais nécessaires indispensables pour l’exercise de leurs fonctions. · Suppression de l’immunité accordée aux responsables politiques. Imprescriptibilité des délits de corruption. · Publication obligatoire du patrimoine de tous les titulaires de fonctions publiques. · Réduction des postes à nomination discrétionnaire.

2.- CONTRE LE CHÔMAGE: · Une répartition du travail qui favorise la réduction du temps de travail quotidien et la conciliation de la vie professionnelle et la vie privée jusqu’à la disparition du chômage structurel (c’est à dire, jusqu’à ce que le chômage atteigne moins de 5%). · Retraite à 65 ans et aucune augmentation de l’âge de retraite tant que le chômage des jeunes n’ait pas disparu. · Prîmes pour les entreprises qui emploient moins de 10% de leur personnel en intérim. · Sécurité de l’emploi: interdiction de licenciements collectifs o pour des causes objectives dans les grandes entreprises tant qu’il y a de bénéfices, contrôle des grands entreprises afin de garantir qu’elles n’ont pas recours à l’intérim pour occuper des postes permanents. · Rétablissement de l’aide de 426 € pour tous les chômeurs de longue durée.

3.- DROIT AU LOGEMENT: · Expropriation par l’État des logements bâtis et non vendus afin de les placer dans le marché en tant qu’habitations à loyer modéré (HLM). · Aides au logement pour les jeunes est pour les personnes aux revenus modestes. · Possibilité d’hypothéquer sa maison pour rembourser son prêt immobilier.

4.- SERVICES PUBLICS DE QUALITÉ: · Suppression des dépenses inutiles dans les Administrations Publiques et mise en place d’un contrôle indépendant des budgets et des dépenses. · Embauche de personnel médical tant qu’il y a des listes d’attente de patients. · Embauche de personnel enseignant afin de garantir le ratio d’éleves para cours, les groupes de soutien scolaire et de rattrapage. · Réduction des frais d’inscription dans tous les établissements d’enseignement universitaire et mise à égalité du prix des licences et des masters. · Financement public de la recherche afin de garantir son indépendance. · Transport public à bas prix, de qualité et durable: rétablissement des trains qui sont en train d’être remplacés para les lignes de grand vitesse (AVE) à leurs prix initiaux, réduction du coût des abonnements de transport en commun, restriction de la circulation automobile privée dans les centres villes, aménagement de pistes cyclables. · Ressources sociales locales: application effective de la Loi de Dépendance, réseaux d’aides- soignant municipaux, services locaux de médiation et de garde.

5.- CONTRÔLE DES BANQUES: · Interdiction de toute sorte de sauvetage ou injection de capital aux banques: les banques en difficulté doivent faire faillite ou être nationalisés afin de créer une banque publique sous contrôle social. · Augmentation d’impôts pour les banques au prorata du coût social généré par la crise occasionnée par leur mauvaise gestion. · Remboursement à la caisse de l’état par les banques de tout le capital publique qui leur a été apporté. · Interdiction aux banques d’investir dans des paradis fiscaux. · Réglementation des sanctions aux opérations spéculatives et à la mauvaise pratique bancaire.

6.- FISCALITÉ: · Augmentation du taux d’impôt su la fortune et de l’imposition pour les banques. · Suppression des SICAV. · Rétablissement de l’impôt sur le patrimoine. · Contrôle réel et efficace de la fraude fiscale et de la fuite de capitaux vers les paradis fiscaux. · Promotion international de la adoption d’une taxe aux opérations internationales (taxe Tobin).

7.- LIBERTÉS CITOYENNES ET DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE: · Non au contrôle d’Internet. Abolition de la Loi Sinde. · Protection de la liberté d’information et du journalisme de recherche. · Référendums obligatoires et contraignants pour les sujets d’ampleur qui modifient profondément les conditions de vie de tous les citoyens. · Référendums obligatoires pour toute mise en place des mesures dictées para l’Union Européenne. · Modification de la Loi Électoral afin de garantir un système représentatif et proportionnel réel, qui ne discrimine aucune force politique ou volonté social, où le vote blanc et le vote nul soient aussi représentés au sein du législatif. · Indépendance du Pouvoir Judiciaire: reforme du Ministère Public afin de garantir son indépendance; non à la nomination de membres du Conseil Constitutionnel et du Conseil Supérieur de la Magistrature par le Pouvoir Exécutif. · Mise en place des mécanismes effectifs afin de garantir la démocratie interne au sein des partis politiques.

8.- RÉDUCTION DES DÉPENSES MILITAIRES

en cours…

Voir aussi Rubrique Espagne, rubrique Mouvement sociaux, Relle democratie revue de presse et Manifeste Montpellier : une ambiance électrique en ville, rubrique Société jeunesse, Jeunes esclaves modernes, rubrique Education, La détermination des lycéens ne faiblit pas,  La force de la liberté s’engouffre dans la ville, Lien externe Spanish révolution en France reelledemocratie.com

Un « consensus de Berlin » imposé à l’Europe

t-image001Sommé par ses partenaires de solliciter l’« aide » du Fonds européen de stabilité financière, le gouvernement irlandais s’est exécuté. La Commission, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international orchestrent désormais un plan de sauvetage des banques dont les Irlandais paieront la facture. C’est ce dispositif, dans une version encore plus draconienne, que l’Allemagne entend pérenniser par une révision du traité de Lisbonne.

par Bernard Cassen

ruxelles, Strasbourg et Luxembourg, les vrais centres de décision de l’Union européenne ne se limitent pas aux sièges de la Commission, du Conseil, du Parlement et de la Cour de justice. Il faut y ajouter trois villes allemandes : Francfort, où est installée la Banque centrale européenne (BCE) ; Berlin, d’où s’exprime la chancelière allemande, Mme Angela Merkel ; et Karlsruhe (Land de Bade-Wurtenberg), qui abrite le Tribunal constitutionnel fédéral.

A différentes reprises, et quitte à désespérer Bruxelles, la cour de Karlsruhe a mis des grains de sable dans l’application de traités européens. Ainsi, il a fallu attendre novembre 1993 pour que le traité de Maastricht entre en vigueur : alors qu’il avait été ratifié au cours de l’année 1992 partout sauf en Allemagne, il a fait l’objet d’un recours suspensif devant le Tribunal, qui ne fut pas levé avant le 12 octobre 1993. Plus récemment, le 30 juin 2009, les juges de Karlsruhe ont étrillé le traité de Lisbonne, en subordonnant sa compatibilité avec la Loi fondamentale allemande au vote d’une loi d’accompagnement par le Bundestag et le Bundesrat. Parmi les considérants de leur décision, la dénonciation du « déficit structurel de démocratie » de l’Union et le rappel de « la centralité du Parlement national » dans la mesure où « le Parlement européen n’est pas l’organe de représentation d’un peuple européen dont les députés seraient les représentants » : une douche froide pour les mouvements et partis fédéralistes européens (1).

Partenariat germano-allemand

Aux yeux des dirigeants politiques allemands, ce document a constitué un sévère rappel à l’ordre constitutionnel. D’où l’extrême circonspection de Mme Merkel, qui ne peut se permettre d’essuyer un camouflet des hauts magistrats de Karlsruhe sur un dossier particulièrement sensible, celui du Fonds européen de stabilité financière. Créé en catastrophe en mai 2010 pour faire face à l’éventualité d’un défaut de la Grèce sur sa dette souveraine, il a une durée de vie de trois ans, soit jusqu’à la fin de 2012.

Doté d’une capacité d’intervention de 440 milliards d’euros — auxquels s’ajoutent les 310 milliards d’euros que le Fonds monétaire international (FMI) est disposé à verser —, ce fonds avait été institué en mai dernier sur une base intergouvernementale, donc hors traité, et avec la garantie des seize membres de la zone euro. Depuis cette date, et après la Grèce, plusieurs pays ayant adopté la monnaie unique ont été inscrits d’office par les autres gouvernements et par les marchés financiers sur la liste d’attente des « bénéficiaires » potentiels de ce dispositif d’« aide » d’urgence : l’Irlande et le Portugal en tête de liste, l’Espagne et l’Italie immédiatement après.

C’est au nom du principe de précaution que, lors du Conseil européen du 28 octobre dernier, Mme Merkel a imposé à ses partenaires ce qui paraît extravagant à la plupart d’entre eux : une révision du traité de Lisbonne, entré en vigueur dans la douleur moins d’un an auparavant (le 1er décembre 2009) au terme d’un processus qui s’était étalé sur sept années. L’objectif de la chancelière ? « Blinder » juridiquement la pérennité de ce fonds au-delà de 2012, en l’intégrant au traité.

Mais sa préoccupation n’est pas uniquement de nature juridique. Elle entend soumettre à des conditions draconiennes le recours à un mécanisme qui vise moins à sauver des Etats que leurs créanciers. Il s’agit pour elle de préserver les intérêts industriels et financiers d’une Allemagne que la dislocation de la zone euro fragiliserait. L’idée est simple : « agiter sous le nez des créanciers internationaux le projet de les obliger à assumer leur part de la restructuration des dettes souveraines au moment précis où (…) ils disposent encore de tous les moyens structurels de puissance susceptibles de déclencher une nouvelle tempête spéculative et de faire plier un peu plus les gouvernements », explique l’économiste Frédéric Lordon (2).

C’est donc dans le cadre d’un opportun partenariat germano-allemand que Karlsruhe vole au secours de Berlin. Ce « consensus de Berlin » n’a rien à envier à celui de Washington, dont les pays d’Amérique latine et l’Afrique, entre autres, ont fait la douloureuse expérience. Il n’est à cet égard pas fortuit que le FMI soit étroitement associé à l’opération.

Même s’il n’est pas prévu que le projet soit opérationnel avant 2013, tous les gouvernements conviennent qu’il faut l’élaborer au plus vite, la moindre tergiversation ayant une incidence immédiate sur le comportement des opérateurs financiers qui dictent leurs conditions aux Etats. Non sans raison, ils feront une lecture rétroactive de dispositions ne prenant formellement effet que dans deux ans. C’est pourquoi le Conseil européen du 28 octobre a fixé au 10 décembre 2010 la remise de deux rapports sur lesquels il sera appelé à statuer : l’un sur le contenu de la révision du traité, confié à la Commission européenne ; l’autre sur les modalités de cette révision, attribué au président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy. C’est de ces modalités qu’il sera ici principalement question.

Les gouvernements de l’Union se seraient bien passés de l’exigence allemande de procéder à une révision en bonne et due forme du traité de Lisbonne. On se doute bien que si des pays de la taille de Malte ou de la Lettonie avaient formulé des objections institutionnelles à usage interne, les grands Etats se seraient chargés de les remettre dans le droit chemin. L’exemple de l’Irlande rappelle aux réfractaires qu’un « non » à un référendum — sur le traité de Nice en 2001 ou sur celui de Lisbonne en 2008 — sera considéré comme incorrect. Dans d’autres pays (France et Pays-Bas), le Parlement se substituera au peuple. A Berlin, en revanche, on ne plaisante ni avec le tribunal de Karlsruhe ni avec le modèle économique allemand.

Cette fois-ci, il ne faut pas se tromper si l’on veut que la révision du traité s’effectue sans anicroche et qu’elle ne provoque pas une crise financière qui menacerait l’euro. Telle est la délicate mission de M. Van Rompuy. Une première indication sur la ligne à suivre lui a été fournie par M. Nicolas Sarkozy, qui compte sur la « créativité juridique » des fonctionnaires européens (3). Traduction : éviter toute forme de ratification pouvant donner lieu à un référendum, même dans un seul pays. Idéalement, l’affaire se réglerait au niveau des seuls gouvernements, hors de portée des électeurs et des Parlements. Mais l’imagination des juristes ne peut se déployer que dans les limites des règles de révision prévues par l’article 48 du traité sur l’Union européenne (TUE) qui, avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), constitue le traité de Lisbonne (lire « Protagonistes et arsenaux »). Cet article prévoit plusieurs procédures : l’une de révision ordinaire et d’autres dites « simplifiées ».

Approuver n’est pas ratifier

La procédure de révision ordinaire, pour les modifications d’envergure ou touchant à la répartition des pouvoirs dans l’Union, est celle qui a été suivie pour le défunt traité constitutionnel européen (TCE), recyclé à l’identique en traité de Lisbonne en décembre 2007. Elle implique la séquence suivante : convocation et mise en place d’une convention, tenue d’une conférence intergouvernementale (CIG) sur la base des conclusions de la convention, signature et ratification (par la voie parlementaire ou par référendum). On imagine que ce scénario — lourd, lent et surtout risqué — ne bénéficiera pas des faveurs de M. Van Rompuy.

Restent alors les procédures simplifiées. Au nombre de deux, elles ont en commun de ne pouvoir modifier que tout ou partie du traité sur le fonctionnement et pas le TUE. L’une, celle dite des « clauses passerelles », que l’on évoquera seulement pour mémoire, peut d’emblée être écartée car elle a été durement critiquée dans la décision du tribunal de Karlsruhe du 30 juin 2009. En revanche, l’autre semble adaptée à l’objectif recherché. Elle concerne la partie III du traité, consacrée aux politiques et actions internes de l’Union.

Selon les termes de l’article 48-6 du TUE, les dispositions de cette partie III peuvent être modifiées directement par le Conseil européen statuant à l’unanimité, sans convocation d’une convention ou d’une CIG. Oui, on a bien lu : modifiées directement, sans ratification ! Comme l’explique M. Etienne de Poncins, diplomate dont les travaux font autorité sur les questions institutionnelles européennes, « les révisions ainsi proposées doivent être “approuvées” (et non “ratifiées”) par l’ensemble des Etats membres, selon leurs règles constitutionnelles respectives. En réalité, la différence entre “approbation” et “ratification” paraît assez ténue et pourrait, dans certains cas, ne pas impliquer un vote formel du Parlement national sur un texte, mais seulement une autorisation de ce Parlement au gouvernement (4) ». Inutile donc, pour M. Van Rompuy, de mobiliser à grands frais des bataillons de juristes bruxellois. La simple lecture du traité de Lisbonne (ou celle, pour 4,90 euros, du Monde diplomatique) lui apportera la réponse qu’il souhaite. Du moins à première vue…

Car si l’argumentaire juridique est une chose, la légitimité démocratique en est une autre. En particulier pour les citoyens qui, en France, avaient très majoritairement dit « non » au TCE en 2005. En février 2008, à l’initiative de M. Sarkozy, le Parlement n’avait pas craint de violer cette décision en ratifiant le traité de Lisbonne. Ainsi, un traité adopté en piétinant la souveraineté populaire risque de s’enrichir de clauses qui la tournent encore davantage en dérision. On ne fera en effet croire à personne que le futur Fonds européen de stabilité financière constitue une simple mesure de gestion de la zone euro, donc relevant d’une procédure de révision simplifiée.

La preuve en est fournie sous nos yeux par le gouvernement irlandais qui, pourtant au bord de la faillite, a livré jusqu’au 21 novembre un combat désespéré pour éviter de faire appel au dispositif d’urgence créé en mai 2010, simple préfiguration — moins contraignante — du futur fonds : il y voyait à juste titre une aliénation de sa souveraineté qui le placerait sous la tutelle de la Commission, de la BCE et du FMI. Le ministre irlandais des entreprises, du commerce et de l’innovation, M. Batt O’Keeffe, avait déclaré à ce sujet : « La souveraineté de ce pays a été très difficile à gagner, et ce gouvernement ne va pas l’abandonner à n’importe qui (5). » Il avait parfaitement compris que, au sein de l’Union, le pouvoir était en train de basculer des gouvernements responsables de leurs actions devant leur peuple vers un « n’importe qui » — le trio cité plus haut — dont la caractéristique commune est de n’avoir de comptes à rendre à personne, sinon aux marchés financiers. De surcroît, l’un des membres de ce trio, le FMI, n’est même pas une institution européenne…

Dans ces conditions, ce n’est pas la procédure de révision simplifiée du traité qui peut être invoquée, mais bel et bien la procédure ordinaire — avec ses contraintes — puisqu’il s’agit de la répartition des pouvoirs au sein de l’Union, telle qu’elle figure dans le TUE. La bataille qui se prépare au sujet de la révision demandée par Mme Merkel devrait donc, en toute logique, être éminemment politique. Mais les gouvernements vont tout faire pour escamoter le débat ou le circonscrire à des questions de technique financière au service d’une « aide », de type presque humanitaire, aux Etats périphériques de l’Union. Ils le feront d’autant plus facilement qu’ils croiront ne jamais avoir à se soumettre aux contraintes du Fonds. C’est, de toute évidence, le sentiment de M. Sarkozy, qui a appuyé fermement les exigences de la chancelière allemande. Mais qui peut dire que la France ne figurera pas un jour sur la liste des pays à « sauver » ?

Si une campagne électorale a encore un sens, on est en droit d’attendre des partis politiques et des candidats à l’élection présidentielle de 2012 qu’ils se prononcent sans ambiguïté sur le projet de révision du traité de Lisbonne et sur ses modalités. Car, plus que jamais, la question européenne surplombe toutes les autres.

Bernard Cassen

 

Source : Le Monde Diplomatique Décembre 2010

(1) Lire Anne-Cécile Robert, « Où l’on reparle du « déficit démocratique » », Le Monde diplomatique, septembre 2009, et Bernard Cassen, « Le coup de semonce de Karlsruhe », Mémoire des luttes, 2 septembre 2009.

(2) « Crise européenne, deuxième service (partie I) », La pompe à phynance, Les blogs du Diplo, 8 novembre 2010.

(3L’Humanité, Saint-Denis, 30 octobre 2010.

(4) Etienne de Poncins, Le Traité de Lisbonne en 27 clés, Lignes de repères, Paris, 2008.

(5) Cité dans le Financial Times, Londres, 17 novembre 2010.

Le Parlement irlandais sera dissous après le vote du budget 2011

à l'heure de la crise

Au lendemain de l’annonce du plan d’aide à l’Irlande de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, le premier ministre irlandais Brian Cowen a finalement cédé aux pressions de plusieurs partis réclamant la tenue d’élections anticipées. Après s’être réuni avec ses ministres, le chef du gouvernement a annoncé lundi soir qu’il entendait faire adopter le projet de budget 2011 au Parlement le 7 décembre prochain et dissoudre le « Dail », le Parlement, en janvier, comme le réclamaient des membres de sa coalition.

Arrivé au pouvoir quand l’Irlande est entrée en récession et tenu pour responsable de la crise, le premier ministre se trouve dans une position de plus en plus incertaine. Le plan d’aide, dont l’approbation a été officialisée dimanche soir, est perçu par une partie de la population et de la presse comme une perte de souveraineté pour Dublin ; les mesures de rigueur qui seront annoncées mercredi risquent d’écorner encore plus l’image du « Taoiseach » (premier ministre).

Lundi matin, les Verts, membres de la coalition gouvernementale, ont appelé à des élections générales en janvier prochain. « La semaine passée a été traumatisante pour l’électorat irlandais. Le peuple se sent trompé et trahi, a estimé le chef des Verts, John Gormley dans un communiqué qui ouvre une brèche au sein de la coalition au pouvoir. Le peuple irlandais a besoin de certitude politique (…). Donc nous pensons qu’il est temps de programmer des élections générales pour la deuxième quinzaine de janvier 2011. »

Au sein même du Fianna Fail, le parti de Brian Cowen, des parlementaires estiment, selon le Guardian, que M. Cowen devra renoncer à ses fonctions de Taoiseach peu après la mise en place du plan de rigueur, estimant que sa crédibilité a été durablement éreintée.

L’opposition – notamment le parti Fine Gael, première formation d’opposition, et le Parti travailliste – a quant à elle réclamé la dissolution immédiate du Parlement, avant la discussion du budget 2011, mais le premier ministre n’a pas suivi leur demande. Le Fine Gael a notamment exprimé le souhait dans un communiqué qu’un nouveau gouvernement soit en place à la mi-décembre pour « préparer le projet économique pour les quatre prochaines années, achever les négociations avec l’UE et le FMI et cadrer un budget pour 2011 ».

Les chances pour le Fianna Fail de garder la majorité au Dail après les élections sont quasi nulles, à en croire les sondages. Selon une enquête publiée dimanche, le parti ne recueille que 17 % des intentions de vote et les Verts 3 %, loin derrière le Fine Gael (33 %), les travaillistes (27 %) et le Parti nationaliste de gauche Sinn Fein (11 %).

Troisième budget d’austérité

Le mécontentement de la population irlandaise et de l’opposition porte en particulier sur le plan de rigueur, qui sera annoncé mercredi et qui vise à économiser sur quatre ans 15 milliards d’euros, afin de ramener à 3 %, comme le veut l’UE, un déficit public qui est aujourd’hui de 32 %. Les Irlandais en sont déjà à leur troisième budget d’austérité : plus de 100 000 suppressions d’emplois publics sont prévues, ainsi que des coupes dans les allocations chômage et familiales. Le nouveau plan de rigueur devrait aller encore plus loin en touchant au salaire minimum, jusqu’alors tabou.

Le Monde et AFP

Voir aussi : Rubrique UE Le vote Irlandais deuxième, rubrique Finance Les contribuables européens au secours des banques irlandaises Rubrique Finance La crise de la zone Euro mode d’emploi, Barnier rassure les fonds spéculatifs, Les banquiers reprennent leurs mauvaises habitudes, Un an après la city zen, rubrique UE sous pression, L’europe répond au marché, rubrique Société GB Les Britanniques à l’heure du travail forcé, Grèce Plan d’austérité inefficace et dangereux, Livre Kerviel dénonce sa banque , Susan Georges de l’évaporation à la régulation, Aux éditions la Découverte La monnaie et ses mécanismes, Les taux de change,