Michéa et la gauche de notre imaginaire collectif

Pour défendre le socialisme il faut commencer par l’attaquer » disait l’auteur de 1984. Plus que jamais fidèle à la pensée d’Orwell, Jean-Claude Michéa pose, dans son dernier ouvrage, Le Complexe d’Orphée une réflexion critique sur la gauche française. La thèse du philosophe remet en question les grandes tendances – Droite et Gauche -. On aurait remplacé le parti unique par l’alternance unique mais au fond rien ne change… Entretien

A gauche tout se passe comme si, le point de vue idéaliste, au sens moral et intellectuel, accorde au débat idéologique une circonstance propre et indépendante des facteurs sociaux et des décisions politiques qui aliènent les peuples. Jusqu’où peut-on pousser ce paradoxe ?

Ce qui me paraît paradoxal, en l’occurrence, c’est plutôt l’idée qu’une politique radicale devrait essentiellement travailler à exacerber les « contradictions au sein du peuple » – celles qui sont censées opposer un « peuple de gauche », progressiste dans l’âme, et un « peuple de droite », conservateur par nature – tout en s’efforçant, par ailleurs, de marginaliser la contradiction principale de la société libérale – celle qui oppose les détenteurs du capital ( autrement dit les élites qui contrôlent la richesse, le pouvoir et l’information) à l’ensemble des classes populaires. Il est symptomatique, par exemple, que le terme de « classe dominante » (ou celui de « bourgeoisie ») ait presque totalement disparu du vocabulaire politique et médiatique contemporain, alors même que jamais, dans l’histoire, le destin des individus et des peuples n’avait dépendu à un tel point des décisions prises – hors de tout contrôle démocratique – par une minorité privilégiée.

Une idée clef, que vous explorez en revenant sur l’histoire de la pensée politique dans Le complexe d’Orphée

C’est l’histoire de ce refoulement progressif de la critique de la société capitaliste comme système fondé sur l’exploitation du grand nombre par des minorités privilégiées (critique qui était au cœur du projet socialiste originel) au profit de l’idée qu’elle reposerait d’abord sur un antagonisme entre un « peuple de gauche » et un « peuple de droite », que j’ai cherché à décrire dans complexe d’Orphée. Je rappelle que la « gauche » – au sens particulier que ce terme conserve encore dans notre imaginaire collectif – constituait, en réalité, une configuration idéologique beaucoup plus récente que ne le laisse supposer la légende officielle. Elle n’a véritablement pris naissance que dans le cadre du compromis historique – scellé lors de l’affaire Dreyfus – entre les principaux représentants du mouvement ouvrier socialiste et ceux de la bourgeoisie républicaine et libérale. Ce compromis politique, au départ essentiellement défensif, visait à dresser un « front républicain » contre la droite de l’époque (les « Blancs et les « ultras » de la « Réaction » cléricale et monarchiste) qui demeurait extrêmement puissante et dont les menées séditieuses constituaient une menace croissante pour un système républicain encore fragile.

C’est la nature même de ce pacte défensif qui explique que la gauche du XX ème siècle ait pu si longtemps reprendre à son compte une partie importante des revendications ouvrières et syndicales. Il était clair, cependant, qu’une alliance aussi ambiguë entre partisans de la démocratie libérale (et donc de l’économie de marché) et défenseurs de l’autonomie de la classe ouvrière et de ses alliés ne pouvait pas se prolonger éternellement.

L’accélération de la mondialisation libérale ne cesse de fissurer les valeurs républicaines en déniant notamment toute compétence à la pensée critique d’écrire sa propre histoire …

Le ralentissement de la croissance industrielle et la baisse tendancielle de leur taux de profit – devenues manifestes au début des années soixante-dix – a conduit les grandes firmes capitalistes occidentales à imposer la « liberté des échanges » à l’ensemble des pays de la planète et à démanteler ainsi toutes les frontières protectrices (et, par conséquent, tous les acquis sociaux) que les différents Etats « keynésiens » étaient parvenus à mettre en place au lendemain de la victoire sur le nazisme.

C’est dans ce nouveau contexte d’un « monde ouvert » (la « libre circulation des marchandises, des capitaux, des services et des hommes ») et d’une concurrence « libre et non faussée » qu’a pu être imposée à l’opinion publique (on connaît, en France, le rôle décisif joué, dans une telle opération médiatique, par la critique de l’Etat opérée par les « nouveaux philosophes ») la nouvelle gauche mitterrandiste. Cette capitulation en rase campagne devant la religion du marché explique qu’il n’y ait plus guère de différences, aujourd’hui, entre un programme économique « de gauche » et un programme économique « de droite » (aucun journaliste, par exemple, n’a trouvé stupéfiant le fait que ce soit précisément Christine Lagarde qui ait été choisie par le FMI pour poursuivre la même politique que Dominique Strauss-Kahn).

Comment parvient-on à éluder la question sociale après cette capitulation idéologique ?

Depuis le milieu des années quatre-vingt – toute référence à la question sociale a été définitivement balayée au profit de ces seules questions « sociétales » (mariage gay, légalisation des drogues, vote des étrangers etc.) dont la principale fonction médiatique est de maintenir à tout prix (et surtout en période électorale) cette division permanente entre un « peuple de gauche » et un « peuple de droite » qui rend, par définition, impossible toute alliance anticapitaliste entre les différentes catégories populaires. Il est clair, en effet, que la seule chose que redoute l’oligarchie dirigeante – cette alliance des élites économiques, politiques et culturelles – ce serait l’émergence d’un véritable front populaire ou d’un nouveau printemps des peuples capable de s’attaquer réellement aux bases matérielles et morales du pouvoir qu’elle exerce de façon croissante sur la vie des gens ordinaires.

Recueillis par Jean-Marie Dinh

Le Complexe d’Orphée : La Gauche, les gens ordinaires et la religion du Progrès, éditions Climats.

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Syrie entre propagande et désinformation

L’impasse syrienne

Alors que les bombes tombent toujours sur certains quartiers de Homs et que la répression devient de plus en plus violente face une opposition de plus en plus armée et déterminée, plus de soixante pays sont représentés à Tunis, vendredi 24 février, pour une réunion des « amis de la Syrie » qui souhaite définir un plan d’aide humanitaire international au peuple syrien et accentuer la pression sur Damas. La réunion va sans doute appeler le régime au pouvoir à Damas à mettre en œuvre un cessez-le-feu immédiat et permettre l’accès des agences humanitaires aux populations en détresse, notamment à Homs. Elle exhortera également l’opposition, fragmentée, à s’unir et à se rassembler.

La prochaine réponse de la communauté internationale sera sans doute la reconnaissance du Conseil national syrien (CNS) comme représentant légitime de la Syrie. Pourtant, le CNS ne représente qu’une partie de l’opposition, et aucun alaouite ou kurde n’y est représenté. Il n’est à l’heure actuelle aucunement en mesure de garantir la sécurité de ces minorités dans une Syrie post-Assad. Ce dernier est de plus encore soutenu par une partie de la majorité sunnite, notamment dans le milieu des affaires, qui bénéficient depuis 30 ans d’un environnement économique favorable.

Une telle réponse ne devrait donc se faire qu’après avoir eu l’assurance que le CNS représente une alternative crédible et que toute la diversité de la Syrie soit représentée en son sein. En d’autres termes, il est primordial de savoir si il capable d’assurer une transition démocratique qui garantissent tant l’exercice des libertés individuelles que la sécurité de chaque citoyen syrien. Pour l’instant la réponse à cette question semble négative.

Cette réunion des « Amis de la Syrie » est présentée par le régime de Bachar El Assad  comme un complot americano-sioniste, le (CNS) pousse lui pour une intervention étrangère. Bien que cette solution semble à l’heure actuelle pour certains la « meilleure » pour sortir de la crise, les exemples Irakiens et Libyens tendent à prouver que cette solution n’est pas la panacée. La chute précipitée d’Assad déboucherait soit sur une guerre civile qui contraindrait les troupes occidentales à rester des années sur place soit sur la prise de pouvoir de sunnites islamistes, alternative  guère alléchante. De plus, cette intervention devra se faire hors du cadre des Nations Unies – La Chine et la Russie s’y opposeront -, ce qui la rendra très très vite impopulaire aux yeux des opinions publiques des pays qui y participent.

« Les Amis de la Syrie » se borneront certainement donc à soutenir le plan de la Ligue Arabe qui prévoit les étapes d’une transition démocratique en Syrie. Bien que ce plan a le mérite de proposer une issue pacifique à la crise actuelle, celui-ci reste l’œuvre de l’Arabie Saoudite et du Qatar, deux régimes plus intéressés par l’élimination de l’un des alliés de l’Iran, leur ennemi juré, que par la promotion de la démocratie et de justice sociale, qu’ils n’offrent même pas à leurs populations respectives.

La situation en Syrie est donc dans une impasse complète. L’opposition — ou plutôt les oppositions — est incapable de renverser le régime, et le régime est incapable de venir à bout de l’opposition. La communauté internationale, elle-même divisée sur la réponse à donner à la crise, se retrouve également dans cette impasse et ne peut  à l’heure actuelle que proposer de l’aide humanitaire. Pendant ce temps la répression continue, les combattants étrangers et les armes affluent en Syrie de part et d’autres et le spectre de la guerre civile se rapproche à grand pas.

Geoffroy d’Aspremont Medea 24/02/12

Syrie/ sommet de Tunis: les décisions

 

La conférence de Tunis 24 février 2012.

Beaucoup d’idées et très peu de concret : tel est le bilan de cette conférence internationale sur la Syrie, organisée à Tunis et qui réunissait des représentants de l’opposition syrienne et plus de soixante pays. A l’exception de la Russie et de la Chine, qui s’opposent depuis le début du conflit à toute idée d’ingérence en Syrie, la Russie étant de surcroît un allié traditionnel de la Syrie.

Vers un renforcement des sanctions

Le groupe de 60 pays présents à la conférence des amis du peuple syrien s’est engagé, dans la déclaration finale de la réunion vendredi 24 février « à prendre des mesures pour appliquer et renforcer les sanctions sur le régime ». La conférence a également appelé à l’arrêt immédiat des violences afin de permettre l’accès de l’aide humanitaire.

« Il est temps pour tout le monde ici d’infliger des interdictions de voyages sur les hauts responsables du régime (…) de geler leurs avoirs, de boycotter le pétrole syrien, de suspendre tout nouvel investissement (dans le pays) et d’envisager de fermer ambassades et consulats », a déclaré la secrétaire d’État Hillary Clinton lors de la conférence.

La conférence va lancer « un appel à renforcer les sanctions de nature à faire plier le régime » syrien, avait pour sa part indiqué pour sa part Alain Juppé, en évoquant notamment un gel des avoirs de la banque centrale syrienne.

Le Conseil national syrien, « un représentant légitime »

Le groupe reconnaît le Conseil national syrien comme  » un représentant légitime des Syriens qui cherchent un changement démocratique pacifique » et l’encourage à former un groupe « représentatif » et incluant toutes les sensibilités. Il s’engage à fournir « un soutien effectif » à l’opposition, sans plus de précisions.

Proposition de création d’une « force arabe »

Le président tunisien Moncef Marzouki ainsi que le ministre qatari des Affaires étrangères Cheikh Hamad bin Jassim al-Thani ont appelé de leurs vœux la création d’une force arabe. « La situation actuelle exige une intervention arabe dans le cadre de la Ligue arabe, une force arabe pour préserver la paix et la sécurité, et pour accompagner les efforts diplomatiques pour convaincre Bachar de partir », a déclaré Moncef Marzouki.

« Nous voulons que cette réunion soit le début de l’arrêt de la violence en Syrie et cela ne peut être fait que par la formation d’une force arabe internationale de maintien de la sécurité, l’ouverture de corridors humanitaires de sécurité pour apporter de l’aide au peuple syrien et à la mise en oeuvre des décisions de la Ligue Arabe », a ajouté le Cheikh Hamad bin Jassim al-Thani lors de la conférence.

La proposition est pour l’instant accueillie avec précaution par les Occidentaux, et notamment par le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. Sans exclure cette idée, le ministre des affaires étrangères français a indiqué que cette force devrait obtenir « le feu vert » du Conseil de sécurité de l’ONU. « Certains évoquent cette hypothèse. C’est au Conseil de sécurité de donner le feu vert à une telle opération », a déclaré Alain Juppé à la presse, indiquant que le sujet n’avait pas été évoqué lors des travaux à huis clos de la conférence internationale sur la Syrie.

Le communiqué final rendu public à l’issue de la réunion indique quant à lui que le groupe des 60 pays « prend note de la demande faite par la Ligue arabe au Conseil de sécurité de l’Onu de former une force conjointe arabe et des Nations unies de maintien de la paix (…) et a décidé de poursuivre les discussions sur les conditions du déploiement d’une telle force », selon le texte.

Le groupe des amis « réaffirme son attachement à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie » et souligne la nécessité d’une « solution politique » à la crise.

« Accès libre et sans entraves des agences humanitaires »

Le groupe de 60 pays demande par ailleurs au gouvernement syrien de « permettre l’accès libre et sans entraves des agences humanitaires » dans les régions les plus touchées par la répression, notamment dans la ville de Homs, pilonnée depuis trois semaines par l’armée syrienne.


Immunité judiciaire pour Assad ?

Le président tunisien Moncef Marzouki a demandé vendredi que soit accordée « l’immunité judiciaire » au président syrien Bachar al-Assad et sa famille, et évqué un éventuel refuge en Russie pour le dirigeant syrien. « Il faut chercher une solution politique », a fait valoir Moncef Marzouki à l’ouverture de la conférence sur la Syrie en Tunis.

Aude Laurriaux 25/02/12 (Le HuffPost et AFP)

Le sitcom syrien Just freedom remet en question la propagande officielle

Deux jeunes syriens sirotent leur thé en regardant dans le vague, assis dans un garage.

“Tu sais quoi ? J’aimerais y aller.”

“Aller où ?”

“Là bas, avec les manifestants, chanter avec eux” répond le premier.

“Tu es fou. Ils ne peuvent pas sortir juste comme ça, c’est impossible. Ils prennent sûrement un truc…”

“Ils prennent quoi ?”

À ce moment là, un vendeur de rue passe avec son charriot en criant:
“Des hallucinogènes ! Des pilules ! J’ai de tout ! Al Arabiya, Al Jazeera, France 24, BBC… Hallucinogènes !”

“Tu vois !” dit le second, alors qu’il jette un coup d’oeil au vendeur.

Owni

Sur la Syrie de la propagande à longueur de commentaires

Sous ce titre, le Monde.fr souhaite prévenir ses lecteurs d’une menace en s’extrayant étrangement d’un processus dont il participe à sa manière. Comment expliquer sinon qu’un journal réputé de référence ne donne pas les clés pour comprendre les enjeux d’un conflit majeur assimilé un peu vite à une guerre civile ?

« Après les attaques lancées par les robots spammeurs de « l’armée électronique syrienne », nos réseaux sociaux sont désormais la cible d’autres commentaires de lecteurs. Les nuances sont plus difficiles à cerner que lorsqu’il s’agissait de textes automatiquement postés une vingtaine de fois, à la gloire de Bachar Al-Assad. S’alarme le Monde.fr.

En Une, le site renvoie sur le blog du social média editor et du community manager  qui montent sur le plus beau pied d’estale  de la déontologie journalistique  pour ramener le lecteur furtif à la bergerie : « L’objectif est le même : verser à nouveau dans la propagande, en semant la confusion quant à la réalité des faits et des enjeux dans la guerre larvée en cours depuis des mois, à Homs et dans tout le pays.« 

Evidemment la réalité des faits évoqués ici, ne décolle pas d’une approche strictement factuelle et qui plus est inaccessible : « Le Monde, de même que tous les autres médias, éprouve certes des difficultés à couvrir la situation sur place. »  En somme, on nous dit : nous ne parvenons pas à faire notre travail mais ne prenez pas en compte les autres sources. Comme si la minorité de citoyens qui lit encore Le Monde, ne pouvait se prémunir d’une propagande aussi grossière.

La supplique du community manager, qui arbitre l’opinion des lecteurs de son bureau tourne à la parano  » De nombreuses réactions à nos articles affirment avec force que, quoi que nous disions sur le sujet, nous avons tout faux. Elles abondent notamment dans les théories du complot et accusations de manipulation » Et le community manager de dénoncer les instigateurs de cette manipulation comme le fondateur de Réseau Voltaire Thierry Meyssan dont la personnalité controversée et certaines de ses relations incitent à  faire le tri dans ses propos  (voir Mensonges et vérités sur la Syrie).

On objectera cependant que dans un contexte où la manipulation de l’opinion est omniprésente, le libre citoyens n’a pas à choisir un camp pour se forger son opinion. S’informer sur ce qui se passe en Syrie n’est pas aisé. Cela suppose d’avoir recours à des sources qui traitent le sujet en profondeur et à croiser de nombreux aspects liés à la problématique syrienne : politiques, géopolitique,  religieux, économique…  Seul un tel examen permet un regard averti sur la propagande, subtile ou grossière, émanant des nombreux protagonistes impliqués  dans ce conflit. La vision répandue dans les médias français d’une guerre civile entre un peuple opprimé et les partisans d’un dictateur sanguinaire apparaît particulièrement simpliste.

Reçamment, les services syriens spécialisés ont affirmé avoir arrêté un bataillon français de transmission composée de 120 militaires, à Zabadani en ajoutant que « cette nouvelle explique le changement de ton de Paris, qui fait désormais profil bas, de peur que cette affaire n’affecte la campagne de Nicolas Sarkozy. Alain Juppé a été chargé de négocier avec son homologue russe Sergueï Lavrov pour trouver une solution et libérer les 120 militaires Français ».

Cette information a été démentie par Le Réseau Voltaire : Nous n’avons pas trouvé d’éléments permettant de confirmer les imputations selon lesquelles 120 Français auraient été faits prisonniers à Zabadani. Cette rumeur semble être une exagération de nos informations et paraît sans fondement. Lors de la prise du bastion insurgé dans le quartier de Bab Amr, à Homs, l’armée syrienne a fait plus de 1 500 prisonniers, dont une majorité d’étrangers. Parmi ceux-ci, une douzaine de Français ont requis le statut de prisonnier de guerre en déclinant leur identité, leur grade et leur unité d’affectation. L’un d’entre eux est colonel du service de transmission de la DGSE. »

En revanche, les envoyés spéciaux des grands médias occidentaux sur place ont préféré mettre le couvercle sur cette info*, laissant ainsi à Alain Juppé la possibilité de négocier en secret. La France aurait sollicité l’aide de la Fédération de Russie pour négocier avec la Syrie la libération des prisonniers de guerre.

En cette période de grande confusion, il importe de se rappeler que l’info factuelle doit être mise en perspective. Les Syriens, les Russes et les Chinois n’ont pas le monopole de la propagande. On se souvient de cette jeune femme, témoignant en 1990, les larmes aux yeux, devant le Congrès américain, qu’elle a assisté à des atrocités au Koweit, et notamment qu’elle a vu les soldats irakiens tirer sur des bébés et leur enlever les couveuses. L’identité de la femme est gardée secrète au motif de sa protection. On donna un nombre de centaines de bébés. En fait, l’histoire fut inventée. Mais elle fut répétée par George H. W. Bush et servit à justifier l’entrée en guerre contre l’Irak. La jeune femme était la fille de l’ambassadeur du Koweit à Washington.

Jean-Marie Dinh

*Capturer des ennemis avant qu’une guerre soit déclarée facilite la démonstration qu’il s’agit d’une guerre offensive.

Voir aussi : Rubrique Syrie, rubrique Iran, rubrique Irak, rubrique Afghanistan, rubrique Israël, rubrique Médias, Tunisie les éditocrates repartent en guerre, Le postulat de la presse libre revue et corrigé, On Line, A. Gresh à propos de la Syrie,

Anonymus : Nom de code Acta la protection qui musèle

Photo David Maugendre

Qui sont les Anonymous ? « Des citoyens comme vous » affirment deux jeunes participants démasqués présents au rendez-vous donné hier sur la Comédie, pour lutter contre le projet Acta. Faut-il être bon en informatique ? « Non on peut être nul. Tout le monde n’est pas hacker loin de là, il suffit de se connecter sur facebook. » Comment s’organise-t-on ? « Ce n’est pas politique, il n’y a pas de hiérarchie. C’est le peuple qui lutte pour la liberté… » Une liberté dont la force peut faire peur. Et un élan citoyen qui ne correspond pas aux intérêts économiques dominants, comme le démontre la signature de l’accord commercial anti-contrefaçon (Acta) signé Le 26 janvier 2012 à Tokyo, par l’Union européenne et 22 de ses États Membres, dont la France.

Les indignés estiment que ce nouveau cadre juridique se soustrait à la démocratie en créant son propre organisme de gouvernance, et qu’il représente une menace majeure pour la liberté d’expression. « Cela ne concerne pas qu’Internet, son application touche à la santé en réduisant l’accès aux médicaments génériques, ou encore à l’agriculture, en contraignant à l’utilisation des semences qui sont aux mains des géants de l’agroalimentaire. » Le texte a provoqué une levée de boucliers dans le monde entier avec des manifestations de milliers de personnes. « Agir avec Internet c’est instantané et radical. Les jeunes l’ont bien compris et ils ont raison. Il y en a marre de ces multinationales qui massacrent des millions de gens pour le pognon, explique un physicien de 58 ans venu avec ses trois enfants. Etre derrière son ordi où descendre dans la rue participe pour moi d’un même mouvement. Je suis malade, mais je me battrais. »

Le 26 janvier dernier les signataires du traité international ont royalement ignoré les revendications du Parlement européen concernant les atteintes aux droits individuels, et la dénonciation de manœuvres pour que le traité soit adopté avant que l’opinion publique ne soit alertée. Mais l’ampleur de la contestation de la société civile, notamment en Pologne et en Allemagne, a semble-t-il fait son chemin puisque la Commission européenne a finalement décidé de saisir  la Cour européenne de Justice afin de valider sa compatibilité avec les droits et libertés fondamentales européennes. Anonymous citoyens levez-vous !

JMDH

Voir aussi : Rubrique Mouvements sociaux, rubrique, Internet, WikiLeaks, rubrique Montpellier, rubrique UE, Rubrique MédiasLe postulat de la presse libre revu et corrigé,

Patrick Chamoiseau : Cette idée de « race supérieure »

Par Patrick Chamoiseau, écrivain

Quand on commence à hiérarchiser entre les civilisations, sur les degrés de « l’inférieur «  et du « supérieur », on entre dans une dérive vers les pires horizons. L’idée de civilisation, très à la mode durant les grandes conquêtes occidentales, renvoie à celle de culture dont elle serait le substrat le plus noble ; et le fait de culture débouche directement sur le socle de l’humain. Avec l’humain, venaient les absurdités de la « race » qui ont occupé les thèses de supériorité, et donc de hiérarchisation, où se sont abimés le comte Arthur de Gobineau, les anthropologies racistes, et toutes les justifications du colonialisme. L’idée de « race supérieure » engendrait celles de culture et de civilisation supérieures. Ce qui autorisait à inverser la formule et à considérer que la simple possibilité de civilisation supérieure impliquait sinon une race (on n’ose plus l’avancer) mais des cultures et des humanités inférieures. C’est pourquoi l’équation réversible coloniser = civiliser a si longtemps duré, et pointe encore de temps en temps un restant de ténèbres.

Dès lors, chaque fois qu’un pouvoir politique ou religieux a cru appartenir à une civilisation « supérieure », cela s’est toujours traduit par les grands crimes d’Etat que furent la Traite, l’esclavage, les colonisations, le système des camps de concentration, les apartheids, les génocides ou les purifications ethniques qui aujourd’hui encore occupent la vie du monde.

Donc, réactiver l’idée de civilisation, et recommencer à les hiérarchiser n’est pas une mince affaire ! Ce n’est pas non plus une simple stratégie électorale, mais un état d’esprit, voire un semblant de pensée. Derrière les déclarations répétées de ministre de l’intérieur de la France, se dessine l’auréole du discours de Dakar, les chroniques de la chasse aux enfants immigrés alentour des écoles, les velléités de police génétique contre les regroupements familiaux, la traque honteuse des Roms, le spectre du ministère de l’identité nationale, le grondement régulier des charters expéditifs, les quotas d’expulsions prédéfinis et célébrés, le renvoi des étudiants étrangers, et même la fragilisation systématique des immigrés en situation régulière qui, en ce moment, dès trois heures du matin, affrontent les glaciations devant les préfectures… En face d’une telle convergence, on croirait voir de grandes ailes qui s’ouvre pour un sinistre envol.

Ecoutons le « bon sens » du comte de Gobineau : « Les peuples ne dégénèrent que par suite et en proportion des mélanges qu’ils subissent, et dans la mesure de qualité de ces mélanges (…) le coup le plus rude dont puisse être ébranlée la vitalité d’une civilisation, c’est quand les éléments régulateurs des sociétés et les éléments développés par les faits ethniques en arrivent à ce point de multiplicité qu’il leur devient impossible de s’harmoniser, de tendre, d’une manière sensible, vers une homogénéité nécessaire, et, par conséquent, d’obtenir, avec une logique commune, ces instincts et ces intérêts communs, seules et uniques raisons d’être d’un lien social… » On croirait entendre le cahier des charges du ministère de l’identité nationale, ou la feuille de route de ceux qui se donnent la mission explicite de protéger la civilisation française contre les invasions ! M. Letchimy a donc vu juste et a dit ce qu’il fallait dire comme il fallait le dire.

Et il a fait honneur non seulement à la Martinique mais à la France et à son Assemblée Nationale toute entière. Car enfin, sans lui, le « célébrant des civilisations supérieures »serait venu, se serait assis, aurait écouté je ne sais politiquerie, et serait reparti sans que rien ni personne ne lui trouble la conscience. Il suffit d’imaginer que, dans les bancs derrière lui, soient assis, Clémenceau, Hugo, Lamartine ou Jaurès, pour mesurer ce qu’il aurait manqué à cette haute assemblée si M. Letchimy n’avait pas été là. Il aurait manqué le courage. Il aurait manqué la lucidité. Il aurait manqué une vision exigeante de l’homme et du rapport que les humanités peuvent nourrir entre elles !

Il y a donc une profonde misère morale à laisser supposer que son intervention aurait pour base de je ne sais quelle « sensiblerie tropicale » ; qu’il aurait hérité d’une « émotivité antillaise liée à l’esclavage » qui expliquerait je ne sais quel « dérapage ». Les soutiens et les analyses de cette sorte ne sont que honte et lâcheté.

De même, il est inadmissible que l’on balaie cela d’un revers de la main en indiquant qu’il s’agirait une polémique inutile. C’est un débat essentiel et profond. J’y vois l’affrontement majeur entre deux visions du monde et deux conceptions du vivre-ensemble dans le respect que l’on doit à la diversité des humanités. J’y vois une controverse radicale qui relève au plus au point de l’éthique contemporaine, laquelle est une éthique complexe et dont il faut à tout moment penser le déploiement. J’y vois le souci de dresser un rempart commun contre cette barbarie qui est déjà venue et qui peut revenir. Quel sujet peut se révéler plus sérieux que la conception même du rapport que les humanités doivent nourrir entre elles ?! Quels seraient les fondements d’un projet culturel, social économique, ou d’un programme présidentiel, qui déserterait cela ? Et que vaut une assemblée parlementaire où on se révèle incapable de discuter de ces fondamentaux-là ? Et que vaudrait une Assemblée Nationale qui s’aviserait de sanctionner (de quelque manière que ce soit) ce qui la ramène aux fondements des valeurs républicaines et aux lumières de Montaigne, de Montesquieu, de Voltaire, de Lévi-Strauss, ou de ce cher Edgar Morin ?

Sanctionner M. Letchimy, ou même en caresser l’idée, reviendrait à les sanctionner tous, et à laisser la porte ouverte à ces très vieilles ombres qui nous fixent sans trembler.

Patrick Chamoiseau dernier ouvrage paru : L’empreinte à Crusoé, éditions Gallimard 2012.

Voir aussi  : Rubrique Afrique : La Françafrique se porte bien, On Line Patrick Chamoiseau,

Lettre de Anne Fraïsse à Hollande : Le courage de dire…

Anne Fraisse, la présidence de l’Université Paul Valéry a toujours eu le courage de ses opinions. Ce qui suppose de s’exposer aux critiques des autres qui ont fusé de toutes parts à l’occasion de la piteuse et illusoire tentative de fusion des trois universités montpelliéraines. Il s’agissait de faire des affaires, de figurer en haut de l’affiche où de bénéficier d’hypothétiques crédits d’Etats, sans s’interroger un instant sur les conséquences de cette implication. Le modèle proposé de ce nouveau système d’enseignement supérieur bafoue les principes de la République. Et il poursuit son chemin… Un jour où l’autre l’honneur reviendra à ceux qui résistent se plait-on à penser sans être sûr de rien…

JMDH

 

Voir aussi : Rubrique Education Politique de l’Education, Hollande à la peine avec les profs de  fac,

http://sciences.blogs.liberation.fr/.a/6a00e5500b4a648833016301070575970d-pi

http://sciences.blogs.liberation.fr/.a/6a00e5500b4a6488330168e6fdaa87970c-pi

http://sciences.blogs.liberation.fr/.a/6a00e5500b4a648833016761fc3336970b-pi