« La doctrine de maintien de l’ordre a changé. L’objectif est maintenant de frapper les corps »

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Le « maintien de l’ordre à la française » connaît une nouvelle phase dans son évolution depuis 1995 avec la généralisation de l’usage des lanceurs de balle de défense et la multiplication des mutilations. Rarement condamnés, les policiers responsables des tirs évoluent dans une relative impunité, allant de pair avec la dureté de la répression des mouvements contestataires.

Pierre Douillard-Lefèvre a été mutilé par un tir de lanceur de balle de défense (LBD) en 2007 quand il était lycéen. Aujourd’hui étudiant en sciences sociales, il vient de publier un essai édifiant sur l’armement répressif du maintien de l’ordre : L’Arme à l’œil, aux éditions Le Bord de l’eau. Il a été « interdit de séjour » le 17 mai à Nantes.

 

Pierre Douillard-Lefèvre

Pierre Douillard-Lefèvre

Reporterre — À Rennes, le 28 avril dernier, un étudiant de 20 ans a perdu l’usage de l’œil gauche, atteint par le tir d’un lanceur de balle de défense (LBD) [1]. La presse parle de « nouvelle arme ». Pourtant ce fusil à balles de plastique dur n’a rien de nouveau.

Pierre Douillard-Lefèvre — J’ai moi même perdu un œil suite à un tir de cette arme dans une manifestation lycéenne, en 2007. Il y a presque dix ans… Il y a des journalistes mal informés, mais il y a aussi une stratégie d’enfumage savamment orchestrée par la police. Dans un premier temps, comme dans d’autres affaires de blessures par LBD, les autorités utilisent le conditionnel, disent qu’on n’est pas sûr, que la blessure pourrait provenir d’une pierre lancée par les manifestants eux-mêmes… Lors de la manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes à Nantes le 22 février 2014, trois personnes ont été visées à l’œil et éborgnées. La justice a classé sans suite leurs plaintes, avançant que les faits n’étaient pas clairement établis, ajoutant : « la nature exacte du projectile n’a pu être déterminée, ou nous n’avons pas d’auteur identifié »

Il y a aussi un paramètre de classe sociale : ces balles en caoutchouc existent depuis plus de vingt ans dans l’armement de la police mais n’ont d’abord servi que dans les quartiers populaires, ne s’attaquant aux manifestants qu’à partir de 2007. Dès 1998, un père de famille de Villiers-sur-Marne, Alexis Ali, perd un œil, touché par un tir de Flash-Ball, la première génération de ces armes, moins précise et moins puissante que le LBD. Mais on entretient la confusion, on parle toujours de Flash-Ball alors que la version améliorée, le Flash-Ball « Super Pro », n’est plus utilisée. Le déficit d’information est organisé.
Avec l’usage massif de gaz lacrymogènes contre le mouvement opposé à la loi travail, les tirs de LBD, les grenades de désencerclement lançant des nuées de petits projectiles, assiste-t-on à un tournant de l’armement du maintien de l’ordre, ou est-ce une continuité ?

Le « maintien de l’ordre à la française » s’inscrit dans une séquence qui suit le traumatisme de Mai-68 et de la mort de Malik Oussekine, en 1986. Jusqu’alors, la doctrine était de refouler la foule, de la maintenir à distance. Le tournant a été pris par Claude Guéant, alors directeur général de la Police nationale, qui a équipé en 1995 les policiers de Flash-Ball. Le nouvel objectif est de frapper les corps. Cela a redonné aux policiers l’habitude de tirer, d’ouvrir le feu. On retrouve la logique à l’œuvre pour la répression de Fourmies, en 1891, où la troupe avait tué huit ouvriers par balles, ou contre la grèves des mineurs en 1948 quand le ministre socialiste Jules Moch a donné l’ordre aux Compagnies républicaines de sécurité (CRS), récemment créées, de tirer sur les ouvriers, faisant deux morts dans la Loire, un dans le Gard.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus de balles réelles contre la foule, mais après les attentats du 13 novembre dernier, l’État a réarmé une unité aussi peu fiable que la BAC (Brigade anti-criminalité) avec des armes à feu létales superpuissantes [le fusil-mitrailleur HKG36, utilisé par les militaires en Afghanistan]. On voit aussi des policiers sortir leur arme de service et mettre en joue pour de simples contrôles. Un « geste décomplexé » impensable il y a quelques années.

Policiers en civil lors de la manifestation contre la loi travail le 9 avril, à Nantes.

Policiers en civil lors de la manifestation contre la loi travail le 9 avril, à Nantes.

 

La manifestation nantaise du 22 février 2014, où trois jeunes gens ont perdu un œil suite à des tirs de LBD, constitue-t-elle un tournant ?

Trois mutilés par la police en une seule après-midi, c’est du jamais vu. Les grenades lacrymogènes ont été envoyées par milliers dans une logique de saturation. On en avait rarement vu autant, mais il faudrait comparer avec les mouvements antinucléaires des années 1970, qui ont été largement réprimés à Chooz, Creys-Malville, Golfech ou Plogoff. La manifestation du 22 février 2014 à Nantes s’inscrit dans une suite de l’opération César à Notre-Dame-des-Landes et de manifs qui ont suivi à Nantes. Ces luttes sont clairement des laboratoires du maintien de l’ordre. Les hélicoptères en vol stationnaire au dessus de la ZAD ou des rues de Nantes, de Rennes, de Grenoble, de Paris lors du mouvement contre la loi travail… observent le sol comme une bataille. Chaque manifestation donne lieu à des « retours d’expérience » du « savoir-faire français », comme l’explique un lieutenant-colonel de gendarmerie auditionné le 5 mars 2015 par la commission parlementaire sur le maintien de l’ordre après la mort de Rémi Fraisse à Sivens.
À Rennes, l’étudiant éborgné a porté plainte pour « violences aggravées ayant entraîné une infirmité permanente ». Pourtant, les condamnations des auteurs de ces mutilations sont rarissimes. Comment expliquer l’impunité des policiers après toutes les blessures et décès dont vous faites un inventaire effrayant dans votre étude ?

Michel Foucault expliquait déjà en 1977 que la justice est au service de la police. L’équilibre entre les pouvoirs de police et de justice est rompu depuis longtemps. Mais depuis trente ans, la primauté de la police s’accentue. Sarkozy, Valls, sont d’anciens ministres de l’Intérieur. C’est le poste important, celui qui permet d’accéder au pouvoir. Bien plus que garde des Sceaux. L’hégémonie policière en a fait un corps sanctifié, que célèbrent abondamment les émissions de télévision et les politiques.
Comment analyser la manifestation de policiers « contre la haine antiflics » de ce mercredi 18 mai ?

Dans des moments où ils se trouvent mis en cause dans leurs pratiques, les policiers reprennent l’initiative. En ce moment, leurs actions sont contestées. Mais on retrouve une situation similaire en 2013, quand Manuel Valls a porté plainte, sous la pression des syndicats policiers, contre Amal Bentounsi, dont le frère avait été tué d’une balle dans le dos par un policier, sous prétexte qu’elle avait mis en ligne une vidéo parodique dénonçant l’impunité policière. Un an plus tôt, juste après ce drame et en pleine campagne présidentielle, les policiers avaient défilé sur les Champs-Élysées sirènes hurlantes pour réclamer la « présomption de légitime défense ». Dans ces cas-là, les policiers font bloc.

En parallèle à l’escalade de l’armement, il y a une guerre des mots qui masque les potentiels de violence…

Lors de la guerre d’Algérie, et plus généralement lors des guerres coloniales, on parlait de « pacification ». Pour le maintien de l’ordre, une grenade devient un « dispositif manuel de protection ». La police parle de « cibles », d’« objectifs à neutraliser », un terme qui, en jargon militaire, signifie donner la mort. Ce lexique illustre la disparition de la différence entre opérations de guerre extérieure et maintien de l’ordre intérieur.
Cette « guerre sociale » semble avoir ciblé au moins trois types de populations, les jeunes des quartiers populaires, les militants dans les manifs et les supporters de football, dont on parle peu. Y en a t-il d’autres ?

On constate déjà la généralisation : un cégétiste perd un œil à Paris en juin 2015, un pompier à Grenoble, en janvier 2014… Mais, généralement, ce ne sont pas les manifestants ou les militants qui sont visés en tant que tels, mais plutôt les mouvements incontrôlables, dont font partie les ZAD ou le mouvement contre la loi travail. Le récit médiatique utilise la formule « en marge de la manifestation », mais c’est faux, le mouvement est jeune, en avant du cortège, pas forcément pour être violent, mais pour être là, pour tenir la rue. Et ça, ça dérange profondément.
L’armement policier procède-t-il par expérimentations, s’étendant ensuite à toutes les situations ?

C’est un peu comme le fichage ADN, au départ annoncé comme dédié uniquement aux violeurs récidivistes. En moins de 10 ans, il est devenu appliqué à tout le monde. Le Flash-Ball équipe au départ les troupes de choc contre le banditisme. Désormais, toutes les voitures de la BAC en ont un à bord. Des unités comme le Raid ou le GIPN (Groupe d’intervention de la police nationale) interviennent contre des squats avant la COP21. L’arsenal extra-judiciaire offert par l’État d’urgence – assignations à résidence, interdiction de manifestation – est utilisé pour une répression qui n’a rien à voir avec l’anti-terrorisme.
Outre l’armement accru de la police, son anonymisation se généralise…

C’est une curiosité esthétique. Les policiers du maintien de l’ordre se cagoulent de plus en plus et pas seulement la BAC. Quasiment tous les policiers du maintien de l’ordre ont un foulard noir sous leur casque. À mesure qu’on veut décagouler les manifestants, on protège par un mouvement inverse l’anonymat des policiers qui sont de plus en plus surarmés…

En civil ou en uniforme, des policiers masqués (Nantes, novembre 2014)

En civil ou en uniforme, des policiers masqués (Nantes, novembre 2014)

 Vous reprenez l’expression d’armement « rhéostatique ». Qu’est-ce que ça veut dire ?

C’est un concept anglo-saxon qui dépasse l’opposition binaire entre létal et non létal. Un rhéostat, c’est ce qui permet de moduler le courant électrique, de la même manière, une arme peut désormais blesser plus ou moins lourdement, offrant un gradation de la douleur à la blessure, et de la blessure à la mort. Selon la distance, la partie du corps qui est ciblée, le policier peut blesser légèrement, mutiler ou tuer. C’est ça, le maintien de l’ordre du XXIe siècle. Dans les rues de Nantes, depuis le début du mouvement contre la loi travail, il y a énormément de blessures aux jambes. Quand la police veut faire mal, elle vise la tête. Les grenades lacrymogènes ont aussi cette modulation possible, dosage plus ou moins concentré et agressif, de la gêne à la suffocation. Le lanceur de grenades lacrymogènes, le Cougar, est doté d’une crosse courbée qui est conçue pour empêcher les tirs tendus. Les policiers l’utilisent en retournant l’arme, crosse vers le haut, pour pouvoir justement réaliser des tirs tendus…

Est-ce que vous ne pensez pas que la lecture de cet ouvrage pourrait paraître démoralisante, jusqu’à décourager d’aller manifester…

Justement, j’ai essayé d’éviter le fatalisme en montrant qu’il y a des pistes pour résister. Bloquer les usines d’armement, comme ça s’est fait à Pont-de-Buis, en novembre 2015. Les rencontres entre blessés par la police donnent de la force. Même s’il est très réprimé, le mouvement actuel montre que les jeunes n’ont pas peur. Le LBD, c’est fait pour faire peur, atomiser. On voit que ça ne marche pas du tout.

Propos recueillis par Nicolas de La Casinière


Source Reporterre 18/05/2016

L’arme à L’oeil. Violences D’Etat Et Militarisation De La Police
Pierre Douillard-Lefevre

484.ac6a6d50Automne 2014, un manifestant est tué par une grenade lancée par un gendarme à Sivens. L’armement de la police fait, pour la première fois, la une de l’actualité. Loin de susciter de réactions à la hauteur, ce drame est l’occasion pour le pouvoir de renforcer ses stratégies de maintien de l’ordre en faisant interdire et réprimer implacablement les mobilisations qui suivent. La mort de Rémi Fraisse n’est ni une « bavure », ni un accident. Elle est le produit d’une logique structurelle, qui s’inscrit dans un processus d’impunité généralisée et de militarisation de la police en germe depuis deux décennies.

Sur fond d’hégémonie culturelle des idées sécuritaires, la police française se dote de nouvelles armes  sous l’impulsion des gouvernements successifs : taser, grenades, flashballs, LBD. On tire à nouveau sur la foule. D’abord expérimentées dans les quartiers périphériques, puis contre les mobilisations incontrôlables, les armes de la police s’imposent aujourd’hui potentiellement contre tous. « En blesser un pour en terroriser mille », telle est la doctrine des armes de la police.

Cet essai passe en revue l’armement de la police pour comprendre ce que les armes disent de notre temps, quelles sont les logiques politiques qu’elles suggèrent, au-delà des spécificités françaises d’un maintien de l’ordre présenté comme irréprochable.

Editions Le Bord de l’eau 8,80 €

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Livre, Essais, rubrique Politique, Affaires, rubrique Société, Citoyenneté, « Quelque chose de – vraiment – pourri dans le royaume de France »,

La Quadrature du Net sort de l’état d’urgence

Paris, le 17 mai 2016 — « Face à un mur, il faut savoir faire autre chose que se taper la tête contre. Après des années de violence légale, de défaites et de recul des libertés fondamentales, face à une représentation politique dont la seule logique est sécuritaire, La Quadrature du Net refuse de perdre davantage de temps à tenter d’influencer rationnellement ceux qui ne veulent rien entendre et choisit de réorienter ses actions. » (suite du communiqué)

Fatiguée des fausses consultations, des lobbies et des lois « liberticides », l’association change de stratégie. Explications d’Adrienne Charmet, la coordinatrice des campagnes de la Quadrature.

L’association de défense des droits et des libertés sur Internet, La Quadrature du Net – connue notamment pour sa lutte contre l’état d’urgence ou la loi renseignement – change son fusil d’épaule.

Elle l’annonce dans un texte intitulé « La Quadrature sort de l’état d’urgence ». L’association « refuse de perdre d’avantage de temps à tenter d’influencer rationnellement » les politiciens. Pour en savoir plus, on a posé trois questions à la coordinatrice de ses campagnes, Adrienne Charmet.

Adrienne Charmet lors d’une manifestation contre le projet de loi renseignement, le 13 avril 2015 - Ash Crow/WikimediaCommons/CC

Adrienne Charmet lors d’une manifestation contre le projet de loi renseignement, le 13 avril 2015 – Ash Crow/WikimediaCommons/CC

En fait vous jetez l’éponge ?

« Notre texte est assez cash, on a pesé chaque mot. On a constaté qu’on avait un problème avec le gouvernement et les parlementaires. Ces deux dernières années il y a eu une inflation de lois sécuritaires, la loi renseignement, l’état d’urgence.

Il y a une pression infernale du risque terroriste, au point que la défense des droits fondamentaux est reçue comme une quasi-complicité de terrorisme.

On est une petite équipe avec sept permanents, et on s’est rendu compte qu’on n’avait plus un impact suffisant dans l’élaboration des lois.

On s’épuisait à changer un quart de phrase dans un amendement et à réagir aux annonces farfelues des politiques. »

Vous aviez l’impression d’être instrumentalisés ?

« L’impression de pédaler dans le vide plutôt. On a en général une classe politique qui comprend ce qu’on dit en privé mais qui est incapable de l’assumer politiquement. Et ça, c’est fatiguant.

Là, avec les élections présidentielles, les partis sont en ordre de bataille. On nous aurait demandé, comme ça nous est arrivé, de faire le programme numérique d’untel ou untel, mais sans que rien ne soit appliqué à la fin. Après, si des politiques veulent venir utiliser nos idées parce qu’ils y croient, ils sont les bienvenus.

Autre exemple : la loi numérique. Le processus a duré deux ans. On a fait un rapport détaillé avec le Conseil national du numérique, mais très peu de choses ont ensuite été reprises dans le projet de loi.

Rebelote avec la consultation des internautes, on a été force de proposition. Mais finalement ce sont les lobbies traditionnels qui ont gagné, les télécoms et les ayant-droits. On a fait le job mais la vieille politique continue de faire ce qu’elle fait de pire.

La vie politique et parlementaire part complètement en vrille, avant même de parler de la loi travail. Je pense que ça ne concerne pas que nous, c’est la même histoire dans d’autres domaines, le social ou l’environnement par exemple. »

Et maintenant, qu’allez-vous faire pour changer les choses ?

« On n’est pas un lobby traditionnel, uniquement centré sur le législatif. Donc on va se concentrer sur la réflexion qui était un peu en souffrance par manque de temps, sur la question du droit au chiffrement, du big data, des plateformes…

On va continuer à faire des recours juridiques au niveau européen, où on a une jurisprudence favorable, contre les lois qui portent atteintes aux droits, la loi renseignement notamment.

Surtout, on va continuer à sensibiliser, former, organiser des ateliers. On veut donner des compétences au plus de monde possible pour produire de l’empowerment.

On préfère faire monter ces sujets dans la société civile, et se dire que les politiques de demain auront été sensibilisés en tant que citoyens, plutôt que de former les politiciens.

Au moins, on fera quelque chose d’utile. »

Recueilli par Alice Maruani

Source Rue 89 17/05/2016

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Procès LuxLeaks

13178715_649795715168353_3591967811484239743_nDepuis le mardi 26 avril, les Français Antoine Deltour (30 ans), Raphaël Halet (39 ans) et Édouard Perrin (44 ans) à l’origine des révélations sur l’affaire LuxLeaks comparaissent devant la 12e chambre correctionnelle du tribunal de Luxembourg.

 

Au procès LuxLeaks, le procureur refuse de faire des exceptions pour les lanceurs d’alerte

 

Depuis le début du procès LuxLeaks, il incarne l’intransigeance de l’Etat luxembourgeois. Mardi 10 mai, tout en convenant de multiples circonstances atténuantes, le procureur d’Etat adjoint David Lentz n’a pas changé sa position sur le fond. Oui Antoine Deltour et Raphaël Halet, les deux « soi-disant lanceurs d’alertes », comme il les a qualifiés, sont bien des voleurs qui ont « dérobé » des documents à leur employeur, le cabinet PwC, avant de les remettre à un journaliste de Cash Investigation (France 2), Edouard Perrin. De son côté, celui-ci, a « fait fi des règles déontologiques et morales » du journalisme, en cherchant à se les procurer.

Concernant MM. Deltour et Halet, le procureur a retenu l’ensemble des motifs d’inculpation (« vol », « violation du secret des affaires » et du « secret professionnel », « accès frauduleux à un système informatique » et « blanchiment »). Il a requis contre eux une amende et dix-huit mois de prison, en ne « s’opposant pas » à ce que la peine soit assortie de sursis. Pour M. Perrin, il a requis une simple « amende », convenant qu’il avait poursuivi un motif d’information légitime, mais en usant de moyens, selon lui, constitutifs d’une complicité de « violation du secret des affaires et du secret professionnel ».

« Pas question d’ouvrir les portes aux délateurs de tout poil »

Les trois hommes étaient jugés depuis le 26 avril au tribunal d’arrondissement de Luxembourg et leurs avocats avaient auparavant tous plaidé la relaxe au nom de la protection des lanceurs d’alerte et du droit à l’information, reconnus par la cour européenne des droits de l’homme. Revenant longuement sur les faits, M. Lentz a expliqué pourquoi ils méritaient au contraire une condamnation. « S’il y a infraction, il ne peut y avoir qu’une seule chose, c’est la condamnation », a expliqué M. Lentz.

Or, en « copiant » la veille de sa démission des rescrits fiscaux, ces accords secrets d’interprétation de la législation conclus entre le fisc et les filiales des multinationales, l’ancien auditeur Antoine Deltour aurait bien commis un vol. D’autant que ces documents étaient « foncièrement légaux ». « Antoine Deltrour le dit lui-même ». Les transmettre à un journaliste est dès lors constitutif d’une violation du secret des affaires.

Peu importe que la révélation en 2012 et en 2014 par Cash Investigation et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de ces documents ait déclenché un vaste scandale. Peu importe que M. Deltour ait été décoré par le Parlement européen et que les Etats-membres de l’Union européenne se soient ensuite entendus pour s’échanger automatiquement les rescrits fiscaux. Pour le procureur, « le principe du lanceur d’alerte » ne peut tout simplement « pas s’appliquer lors de la commission d’une infraction ». « Pas question d’ouvrir les portes aux délateurs de tout poil », a-t-il fustigé, brandissant le risque de « chantage » qui pourrait sinon reposer sur toutes les entreprises.

Complicité de violation du secret des affaires

Il s’est montré encore plus sévère pour Raphaël Halet, qui était responsable de l’équipe de scanning des documents chez PwC et a agi séparément de M. Deltour, après avoir vu le premier Cash Investigation. « Un lanceur d’alerte, Halet ? Allons donc, qui va y croire ? », a tancé le procureur, en pointant le changement de version de l’accusé entre l’instruction et le procès. Au début, « Halet dit clairement que le but premier pour lui était de découvrir la taupe de la première fuite », avant de finalement affirmer devant le tribunal qu’il avait lui aussi agi par civisme. M. Halet a expliqué ce retournement par la peur qu’il aurait eue après avoir été identifié. Il avait alors signé un accord amiable avec PwC. En échange de sa totale coopération et de son silence, le texte prévoit de ne lui demander qu’un euro de dommages et intérêts au procès, alors que PwC estime le préjudice à dix millions.

Mais la partie la plus attendue du réquisitoire de M. Lentz était celle consacrée au journaliste Edouard Perrin, qu’il avait précédemment accusé d’être le « commanditaire » du « vol » de document commis par M. Halet. C’est pourtant lui qui avait pris contact avec le journaliste après la diffusion de l’émission en proposant de fournir de nouveaux documents. Les deux hommes s’étaient ensuite rencontrés à Metz en 2012 avant que M. Halet transmette seize déclarations fiscales, dont celle d’Amazon et d’une filiale d’Arcelor Mittal. L’accusation de complicité de violation du secret des affaires, concernant un journaliste, était fragile. D’autant que M. Halet a assuré devant le tribunal que M. Perrin n’avait fait « que son travail ».

Centmilledollarsausoleil@gmail.com

Mais le procureur n’a pas voulu transiger : « Halet n’a pas assez d’intelligence » pour organiser la fuite, « ses connaissances sont basiques ». S’appuyant sur le fait que la boîte mail centmilledollarsausoleil@gmail.com servant pour échanger en brouillon les documents était une idée du journaliste, le procureur a estimé qu’il était intervenu « non pas comme journaliste, mais comme coauteur et complice ». Pour M. Lentz, cela constitue un franchissement des limites autorisées par la déontologie de la profession. « Tous les moyens ne sont pas bons pour arriver aux résultats. La liberté d’expression journalistique ne prévaut pas sur la violation du secret professionnel ». Et pas question de s’abriter derrière le droit à l’information. « Il y a des limites » reconnues « par la Convention européenne des droits de l’homme », qu’il convient d’appliquer « pour éviter de sombrer dans l’anarchie », a-t-il sermonné.

Après avoir été si sévère sur la constitution des infractions, M. Lentz a ensuite reconnu qu’il existait de nombreuses circonstances atténuantes qui justifiaient de ne pas aller jusqu’à la peine théorique maximale – dix ans pour MM. Halet et Deltour. Les trois accusés ont notamment un casier judiciaire vierge et il est établi qu’ils ont agi de manière totalement désintéressée. L’impact politique considérable de leurs actes ne peut non plus être totalement ignoré, le secret autour de ces rescrits fiscaux étant désormais illégal. Surtout, le procureur d’Etat adjoint en convient, « certaines pratiques fiscales étaient effectivement douteuses ». Une phrase inédite dans la bouche d’un officiel luxembourgeois, et qui montre que le procès a au moins permis de faire bouger les lignes dans le pays. Une ultime audience est prévue mercredi 11 mai pour les répliques de la défense, le jugement devant ensuite être rendu courant juin

Jean-Baptiste Chastand

Source Le Monde 10/05/2016

 

 

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Procès LuxLeaks : retour sur les quatre premières journées d’audience

Comme l’ex-auditeur Antoine Deltour, l’ex collaborateur de PwC Raphaël Halet est accusé de vol domestique, de divulgation de secrets d’affaires, de violation de secret professionnel et de blanchiment des documents volés chez PwC.

Le journaliste Édouard Perrin, quant à lui, doit répondre comme coauteur des infractions de divulgation de secrets d’affaires et de violation du secret professionnel et, comme auteur, de l’infraction de blanchiment détention des seuls documents soustraits par Raphaël Halet.

Le procès LuxLeaks entame mardi matin sa deuxième semaine. Où en sont les débats ? Le Quotidien fait le point des quatre premières journées d’audience.

Première journée (26 avril 2016) : faille informatique

C’est dans une salle comble que le procès LuxLeaks s’ouvre sous l’œil d’une quarantaine de médias nationaux comme internationaux. Audience lors de laquelle les trois prévenus prennent une première fois position par rapport aux infractions qui leur sont reprochées. «Je reconnais la matérialité des faits», affirme ainsi Antoine Deltour. Raphaël Halet dit pour sa part : «Je conteste la qualification de certains faits.» Enfin, le journaliste Édouard Perrin déclare : «Je conteste.»

Dans la foulée, Anita Bouvy, l’auditrice de PwC, présente son rapport d’enquête interne révélant une faille informatique. À la demande de Me William Bourdon, l’avocat français d’Antoine Deltour, elle confirme : «Oui, les documents étaient faciles d’accès.» Ce qui a permis au lanceur d’alerte d’accéder le 13 octobre 2010 à 2 669 documents et de les copier en 29 minutes. Raphaël Halet, quant à lui, avait libre accès aux documents dérobés en tant que membre, depuis 2011, de la cellule «tax process support» chargée notamment du scanning de centaines de documents de PwC. C’est ainsi qu’en 2012 il soustrait 16 fichiers contenant des déclarations fiscales d’entreprises clientes.

Deuxième journée (27 avril 2016) : «Anticapitaliste»

L’effervescence de la veille est retombée. L’affluence est beaucoup moins importante, y compris du côté des médias étrangers. Le commissaire de la police judiciaire Roger Hayard révèle la chronologie de l’enquête et le rôle qu’ont joué les trois prévenus. Il qualifie Antoine Deltour d’«anticapitaliste» en relevant notamment le fait qu’il est abonné à des newsletters de mouvements verts et suit l’actualité du journal Mediapart. Le journaliste, Édouard Perrin, quant à lui, aurait «tout orchestré» après avoir été contacté par Raphaël Halet. L’enquêteur retient, en outre, qu’il n’a «vraiment pas été communicatif» lors de sa comparution devant le juge d’instruction. La défense finit par douter de la manière dont l’enquête a été menée : n’a-t-elle pas été davantage conduite par PwC que par la police judiciaire ?

En fin d’audience, la défense apprend que son témoin tant attendu Marius Kohl – l’ancien préposé du fameux bureau 6 de l’imposition des sociétés – ne témoignera pas. II a remis un certificat médical pour la durée du procès.

Troisième journée (28 avril 2016) : «Changements de pratiques»

L’audience est suspendue au bout d’une heure. Car seuls trois témoins de la défense sont disponibles ce jour-là. Parmi eux, l’eurodéputé allemand Sven Giegold (les Verts), également membre de la commission spéciale TAXE du Parlement européen chargée, à la suite du scandale LuxLeaks, d’enquêter sur la pratique des rescrits fiscaux. À la demande de la défense, le témoin détaille l’impact de la publication des documents confidentiels. «Sans lanceur d’alerte, on n’aurait pas eu de changement de pratiques», résume-il. En fin d’audience, la défense annonce avoir cité le supérieur hiérarchique de Marius Kohl. Le directeur de l’administration des Contributions directes, Guy Heintz, est convoqué pour le lendemain par le biais d’un huissier de justice.

Quatrième journée (29 avril 2016) : PwC travaille pour le fisc

Les 35 minutes d’audition du témoin Guy Heintz ne font pas lumière sur le fonctionnement et les procédures suivies concernant la vérification et la validation des rulings. Le témoin s’appuie sur trois textes légaux : le « code pénal», le «statut des fonctionnaires » et le « secret fiscal ». La majorité des questions posées par la défense restent sans réponse. Tout ce qu’on apprend, c’est qu’une cinquantaine de personnes étaient affectées en 2010 au bureau 6.

10 h 15 : Tous les témoins ayant été entendus, l’audition des trois prévenus peut commencer. Raphaël Halet est le premier à être entendu à la barre. L’ancien responsable de la numérisation des documents de PwC au Luxembourg explique avoir été « choqué» après avoir visualisé l’émission Cash investigation, réalisée par Édouard Perrin, en mai 2012. «J’ai compris davantage le contenu des documents qu’on voyait passer [chez PwC].» En divulguant au journaliste 16 déclarations fiscales de sociétés clientes, il dit avoir « fait (so)n devoir de citoyen ». Mais la suite de ses propos diffère de la version qu’il a donnée devant le juge d’instruction en janvier 2015. À la barre, Raphaël Halet disculpe le journaliste Édouard Perrin. Il soutient que ce dernier ne lui a pas demandé de documents précis. Le parquet s’interroge sur ce revirement.

L’audience se termine d’une manière quelque peu habituelle. Le tribunal accepte que Me Bernard Colin interroge son propre client. À partir de toute une série de questions, Raphaël Halet déballe le système des rulings tel que pratiqué par PwC à l’époque. Il estime à 40 à 50 le nombre de tax rulings qui partaient le mercredi après-midi au fameux bureau 6 d’imposition des sociétés de Marius Kohl. Les rulings partaient à 13 h 30 pour revenir à 17 h 30. Selon le prévenu, les trois quarts revenaient signés. Et PwC s’occupait également d’imprimer les rescrits sur papier à en-tête de l’administration des Contributions directes.

Fabienne Armborst

Source Le Quotidien  Indépendant luxembourgeois 02/05/2016

 

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Procès Luxleaks : « Monsieur Hollande, de quel côté êtes-vous ? »

arton5585-271f3Le procès du lanceur d’alerte Antoine Deltour et du journaliste Edouard Perrin, qui ont révélé le scandale LuxLeaks, débute le 26 avril au Luxembourg. Ils risquent de lourdes amendes et peines de prison pour avoir simplement divulgué des informations sur un vaste système d’évasion fiscale. Le collectif de journalistes « Informer n’est pas un délit » interpelle le président de la République François Hollande : a-t-il l’intention de soutenir ses deux concitoyens, qui ont diffusé des informations relevant de l’intérêt général ?

Monsieur le Président de la République,

Mardi 26 avril s’ouvre le procès LuxLeaks. Deux de vos concitoyens sont poursuivis par la justice luxembourgeoise pour avoir informé le monde entier des pratiques fiscales douteuses mises en œuvre par le Grand Duché et permettant aux entreprises d’e?chapper a? leur impôt, notamment en France. Un sujet qui vous est cher, puisque comme vous le déclariez en 2012, votre adversaire « c’est le monde de la finance ».

Antoine Deltour est lanceur d’alerte. Edouard Perrin est journaliste. Sans eux, pas d’information. Sans leur courage, les dizaines de millions de lecteurs ou téléspectateurs de 80 médias ayant relayé et poursuivi les investigations dans plus de 26 pays via le consortium international des journalistes d’investigation ICIJ, n’auraient pu être informés.

Bientôt des centaines d’Antoine Deltour ?

La justice luxembourgeoise leur reproche de ne pas avoir respecté le « secret des affaires ». Ce fameux « secret des affaires » qu’une majorité de parlementaires européens a choisi récemment d’ériger en principe à travers le vote d’une directive qui permettra de poursuivre systématiquement et massivement désormais tous les Antoine Deltour et Edouard Perrin de l’Union européenne.

À moins que la France et d’autres pays, via le Conseil des États membres ne bloquent dans les semaines qui viennent cette directive dangereuse. Mais encore faut-il avoir la volonté de défendre – avec sincérité – la liberté d’informer et le droit de savoir de 500 millions d’Européens.

Il y a deux semaines, le scandale « Panama Papers » s’affichait à la une de 109 publications dans le monde. Comme vous, nous étions choqués par ce vaste système d’optimisation fiscale des plus grandes compagnies qui ne jouent pas le jeu de la solidarité devant l’impôt.

Bientôt un soutien présidentiel pour les lanceurs d’alerte ?

A juste titre, vous affirmiez au lendemain de ces révélations d’une ampleur sans précédent : « Je remercie les lanceurs d’alerte, je remercie la presse qui s’est mobilisée (…) c’est grâce à un lanceur d’alerte que nous avons ces informations (…) ils prennent des risques, ils doivent être protégés ».

Voilà pourquoi nous souhaiterions vous entendre dire la même chose à l’endroit d’Antoine Deltour et d’Edouard Perrin. Ils risquent de lourdes condamnations, et pourtant l’ensemble de notre société leur doit beaucoup.

Ni vous, ni aucun membre de l’exécutif français ou européen n’a encore affirmé son soutien à nos courageux concitoyens. Comment rester silencieux plus longtemps ? Il est temps de se prononcer.

Le Collectif « Informer n’est pas un délit » [1].

- Le site du Comité de solidarité avec Antoine Deltour et Edouard Perrin au Luxembourg

Notes

[1] Le collectif s’est formé en janvier 2015, à la suite du projet de loi du gouvernement français censé soutenir la croissance et contenant un volet sur « le secret des affaires » qui menaçait gravement la liberté d’informer. Il rassemble de nombreux journalistes issus de la presse écrite, de la radio, de la télévision et de l’Internet.

Source : Batamag 22/04/2016

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Et pendant ce temps, les lanceurs d’alerte crèvent tout doucement

Quand on fait ce métier, il y a des coups de fil qui te foutent le moral en l’air. Mais alors bien comme il faut.

Lundi dernier, ton amie journaliste passait une journée relativement pourrie, bloquée que j’étais sur la première phrase d’un article (« C’est une histoire à dormir debout qui est arrivée à Patrick »/ « Patrick ne s’attendait vraiment pas à ça« / »Depuis toujours, Patrick boit du café au lait le matin« ). Vers 18H, j’avais un rendez-vous téléphonique. J’espérais me changer les idées ; je n’ai pas été déçue.

Ami lecteur, il s’agissait de Stéphanie Gibaud. Une femme que je suis depuis deux ans, quand j’avais réalisé pour Marianne une longue enquête sur les lanceurs d’alerte.

Ça fait maintenant 8 ans que cette tout juste quinquagénaire a une vie de merde. Ancienne employée de la banque suisse UBS, elle a mis à jour un vaste système d’évasion fiscale internationale.

Depuis, elle court les plateaux télé, elle explique la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte sur toutes les ondes, elle s’est même retrouvée face au ministre des Finances, Michel Sapin, au cours de l’émission Cash investigation sur le scandale des Panama Papers. En plus d’avoir permis à la France de récupérer 12 milliards d’euros cachés au Fisc (DOUZE MILLIARDS), ce qui en fait d’emblée une héroïne de la nation, Stéphanie Gibaud est devenue une figure médiatique.

Mais voilà. Notre époque n’étant pas avare d’obscénité, elle survit avec 400€ par mois. Elle n’a jamais retrouvé de boulot, les employeurs potentiels estimant sans doute que l’honnêteté est un vilain défaut. La patrie reconnaissante a encaissé les thunes et l’a plantée là, sa moralité en bandoulière.

Et pendant ce temps, le parlement européen vient de voter la directive sur « le secret des affaires », qui risque fort d’empêcher les journalistes de faire leur boulot, et de neutraliser définitivement les lanceurs d’alerte.

De quoi devenir fou ? Se jeter sous un train ? Oui oui. C’est d’ailleurs la menace qu’esquisse Stéphanie Gibaud lorsqu’elle déroule son calvaire pour la énième fois. Voici, ami lecteur, ce qu’elle m’a raconté.

 STÉPHANIE GIBAUD :

« Je suis en urgence vitale. Je vis avec 400€ par mois depuis juillet 2014. La banque refuse mes chèques, et je vais devoir quitter mon appartement si je ne veux pas que mes biens soient saisis.

A la suite de l’émission Cash investigation, il y a une pétition qui a circulé, et une cagnotte a été lancée sur un site de crowdfunding. Je suis touchée, mais je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’humiliation que je subis. Ce sont les citoyens, choqués, qui viennent suppléer l’État.

On a un ministre des Finances qui dit se battre contre l’évasion fiscale, il reconnaît que j’ai aidé à rapporter 12 milliards d’euros dans les caisses de l’État, mais il dit qu’il ne peut pas m’aider. Qu’est-ce que ça veut dire ? Dans le pays des droits de l’Homme ? Quand les gens sont en état de survie, on ne peut rien faire ? Sapin me propose de venir témoigner à l’Assemblée Nationale. Mais il faut que je trouve à m’habiller, il faut que je me paye un ticket de métro pour ça ! Comment on fait ? Au bout d’un moment, vous avez des envies de vous supprimer, parce que ce n’est plus possible.

Je sais que je présente bien. Je parle correctement, je donne l’impression d’être une femme forte. Je ne sais pas si les gens s’imaginent que j’ai un mari qui gagne bien sa vie à mes côtés, mais je n’ai plus rien. Je me retrouve à mettre en avant des aspects très personnels de ma vie, comme dans un reality show, alors que c’est à l’inverse de mon éducation. Sapin gère sa carrière, moi je gère ma survie ».

Source MAJ

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