Et si l’abstention était un signe de vitalité politique ?

 Anne Muxel. © ABRAHAM/NECO/SIPA

Entretien. La sociologue Anne Muxel revient sur l’abstention record aux dernières élections municipales. Elle y voit un signe d’exigence de la part des citoyens. Et surtout de la jeunesse.

L’abstention a battu des records aux dernières élections municipales. 37,8% au second tour, contre 34,8 en 2008. Et même 41% dans les villes de plus de 10 000 habitants. Que signifie cette désaffection pour les urnes ? Usure de notre démocratie ou signe paradoxal de vitalité politique ? Entretien avec Anne Muxel, sociologue, directrice de recherche au CNRS (Cevipof-Sciences-Po), spécialiste des comportements électoraux.

Comment analysez-vous ce record d’abstention ?

Si l’on s’en tient aux élections municipales, le taux d’abstention que nous venons de constater est effectivement le plus élevé de la Ve République. En 45 ans, au premier tour, il a augmenté de 11 points. Mais il faut replacer ces chiffres dans un contexte plus général. L’augmentation de l’abstention est un mouvement de long terme, amorcé à la fin des années 1980, qui concerne l’ensemble des élections. L’abstention est de plus en plus utilisée par les Français pour exprimer leur mécontentement ou le fait qu’ils ne se reconnaissent pas dans l’offre politique qui leur est proposée. Elle s’inscrit dans un contexte durable de défiance à l’égard de la politique.

La dernière vague du Baromètre de confiance politique du Cevipof, publiée en janvier dernier, a montré que 60% des Français ne font confiance ni à la droite, ni à la gauche pour gouverner. Les dernières élections municipales traduisent ainsi le divorce qui s’est installé dans le paysage politique français entre les citoyens et leurs représentants. D’un point de vue conjoncturel, les récentes affaires politico-judiciaires, la forte impopularité de l’exécutif, la désillusion des électeurs de gauche par rapport aux promesses du candidat Hollande en 2012, ont sans doute encore renforcé ce mouvement de fond.

Qui sont les abstentionnistes ?

Ils se répartissent en deux grandes catégories. Ceux qui sont « hors jeu » politiquement, qui se tiennent toujours en retrait des élections. Ces électeurs restent en dehors de la décision électorale d’abord pour des raisons d’ordre sociologique, liées aux conditions de leur insertion dans la société : appartenance aux couches populaires, faible niveau d’instruction, moindre insertion sociale. Cette catégorie est relativement stable, elle concerne à peu près le même volant d’individus d’une élection à l’autre. La seconde catégorie est différente. Ceux qui la constituent sont « dans le jeu » politique, souvent diplômés, mieux insérés socialement, ils se disent intéressés par la politique. Ceux-là utilisent l’abstention pour envoyer un message politique et ce sont eux qui contribuent, depuis une trentaine d’années, à la dynamique de l’abstention : ils font un usage alterné du vote et du non-vote et leur nombre augmente régulièrement.

Que révèle cette montée des électeurs « intermittents » ?
Un affaiblissement de la norme civique attachée au vote. Aujourd’hui celui-ci est considéré comme un droit plutôt que comme un devoir. En particulier par les jeunes générations. Et c’est le signe d’un profond renouvellement du modèle de citoyenneté. Les jeunes entrent en politique dans ce contexte de défiance à l’égard de la politique et de ses représentants, et de banalisation de l’abstention. Il est fort probable que l’intermittence du vote devienne pour eux la norme et une norme durable. De tous temps, les jeunes ont été un peu plus en retrait de la vie électorale, mais il est certain qu’affranchis du devoir de voter, ils sont plus abstentionnistes aujourd’hui que ne l’étaient leurs aînés au même âge. Ils votent par intermittence, en fonction de l’enjeu, de sa clarté, de son urgence. A l’occasion de la dernière élection présidentielle, ils étaient 30% à ne pas voter. Cette fois-ci, 56% d’entre eux ne se sont pas déplacés pour ces municipales. Et ils seront probablement encore plus nombreux aux européennes. 7 jeunes sur 10 s’étaient abstenus aux précédentes élections européennes.

Est-il vrai que, lors de ces municipales, ce sont les électeurs de gauche qui ont gonflé les chiffres de l’abstention ?

C’est exact, une enquête Ipsos montre une mobilisation différentielle entre électeurs de gauche et électeurs de droite. Les élections municipales sont des élections intermédiaires, où s’exprime un vote d’opinion plus qu’un vote d’adhésion. Le camp au pouvoir est généralement sanctionné s’il a déçu, moins en votant pour le camp adverse qu’en s’abstenant. Le même phénomène s’était produit en 2008, quand une partie de l’électorat de Nicolas Sarkozy, qui l’avait triomphalement élu à peine un an plus tôt, avait boudé les urnes.

Cette montée de l’abstention est-elle le signe d’une usure de la démocratie ou au contraire de sa vitalité ?

Gardons nous de nous en tenir à la conclusion hâtive d’un déficit démocratique, d’une apathie politique qui gagnerait l’ensemble de la population et mettrait ainsi en péril nos institutions. Dès l’instant où l’abstentionnisme demeure intermittent, où les citoyens continuent de faire un usage du vote et de l’abstention à des fins politiques, pour envoyer des messages, je considère qu’il s’agit d’un signe de vitalité, qui traduit une vigilance, une exigence de la part des citoyens. C’est le signe qu’ils veulent des résultats, qu’ils veulent que les promesses soient tenues, qu’ils sont exigeants sur l’offre politique et sur la qualité des gouvernants.

L’abstention peut ainsi être considérée comme un aiguillon démocratique. Mais il ne faudrait pas que la défiance vis-à-vis de la politique finisse par déboucher sur une coupure entre les citoyens et leurs représentants. Si la représentation politique n’a plus de légitimité, le risque serait alors grand d’une rupture du pacte démocratique lui-même. Et d’un retour à d’autres formes de régimes politiques, autoritaires, dictatoriaux. Il y a donc urgence à recrédibiliser l’action politique.

Sinon, le risque d’une régression démocratique ne peut être écarté. La montée des votes populistes, comme expression du malaise et du mécontentement, dans toute l’Europe, en donne la mesure. La dernière vague du Baromètre de confiance politique du Cevipof montre que la moitié des Français pensent que ce pourrait être une bonne solution d’avoir « à la tête de l’Etat un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement ni des élections ». Dans le même temps, heureusement, une très large majorité (88%) demeure attachée au système démocratique. Mais il y a tension entre ces deux réponses antagonistes : nous sommes dans une situation critique, notre système politiques est mis à l’épreuve, et les politiques doivent en prendre conscience.

Parallèlement à la montée de l’abstention, on observe de nouvelles formes de participation à la vie politique…

Une majorité de Français souhaite qu’entrent au gouvernement des personnalités de la vie civile. Ils voudraient que leurs représentants ne soient pas seulement des professionnels de la politique. Ils s’expriment de plus en plus directement, en participant à des actions de type protestataire, des manifestations de rue, la signature de pétitions ; ils se mobilisent aussi au travers des réseaux sociaux, sur Internet. La participation à des conseils citoyens, à des assemblées délibératives consultatives a le vent en poupe. Cela montre bien qu’il n’y a pas de désinvestissement, mais au contraire des attentes fortes à l’égard de l’action politique.

Entre demande d’expression directe et nécessité d’organiser la représentation politique, nos systèmes démocratiques doivent innover et offrir de nouvelles perspectives à l’action politique comme à l’implication des citoyens. L’aggravation de l’abstention est un symptôme, sinon d’un déficit de démocratie, en tout cas d’un malaise démocratique. De nouveaux équilibres sont à trouver, de nouveaux espaces d’échanges et d’interventions entre gouvernés et gouvernants sont à instaurer. Il y a urgence à trouver comment mieux tisser les liens entre démocratie participative et démocratie représentative pour impulser le retour d’une confiance politique solide, et donc favorable au maintien et à la durabilité du pacte démocratique.

Propos recueillis par Michel Abescat

Source Télérama

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Dans le Gard, victoire du FN à Beaucaire, défaite à Saint-Gilles

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Saint-Gilles et Beaucaire sont distantes de 25 kilomètres et émargent à la région camarguaise, entre terre et mer, entre vignobles et marais. Situées dans l’orbite nîmoise jusqu’à en être devenues les dortoirs, les deux villes gardoises ont sensiblement la même taille (environ 15 000 habitants), la même sociologie, un même taux de chômage flirtant avec les 20 %, le même goût pour la tranquillité et la même défiance envers Paris.

Non négligeable, elles ont encore en commun un solide tropisme pour le Front national, portant de longue date ce parti autour de 40 %. Mais, dimanche 30 mars, le destin des deux communes a divergé : Beaucaire aura désormais un maire FN, pas Saint-Gilles.

Gilbert Collard a été privé d’une victoire qui lui était plus que promise, quasiment acquise. L’avocat et député du Gard avait recueilli plus de 52 % des voix à Saint-Gilles, lors des élections législatives de 2012. Il était arrivé très largement en tête au premier tour des municipales, le 23 mars, avec 42,57 % des voix. Dimanche, il a totalisé 48,5 % des suffrages, perdant de 194 voix face à Eddy Valadier (UMP). La faute à une mobilisation importante de l’électorat (plus de 75 % de participation) et à un front républicain qui s’est mis en place entre les deux tours.

Le maire sortant socialiste, Alain Gaido, et le candidat UDI, Samuel Serre, s’étaient désistés. « Je ne pouvais laisser Collard l’emporter et me remplacer », justifie Alain Gaido

Benoît Hopquin

Le Monde 31/03/2014

Dans le Gard, le Front national a gagné dimanche au second tour des municipales à Beaucaire avec Julien Sanchez mais perdu à Saint-Gilles où Gilbert Collard a dénoncé le Front Républicain.

Le sénateur maire-sortant de Nîmes, l’UMP Jean-Paul Fournier, a décroché sans surprise son troisième mandat avec 46,80% devançant largement le FN, Yoann Gilet (24,42%) Âgé de 30 ans, cadre du FN à Nanterre et responsable du département du Gard, Julien Sanchez avait hésité à se présenter à Beaucaire, une petite ville de 16.000 habitants, à 20 kilomètres à l’est de Nîmes.

Avec 39,82 % des suffrages, il a bénéficié de l’incapacité de la droite de s’unir, le maire sortant Jacques Bourbousson (DVD) recueillant 29,01 %, devant le DVD Christophe André (24,32%). Le DVG Claude Dubois (6,86%) s’était aussi maintenu.

Le Front républicain voulu par Solférino avec le retrait du maire sortant, le PS Alain Gaudy (25,36%) à Saint-Gilles a empêché, en revanche, le député Rassemblement Bleu Marine de la 2e circonscription du Gard d’être élu à Saint-Gilles.

Arrivé en tête avec 42,57% dimanche dernier à Saint-Gilles – première ville à avoir élu un maire FN (1989) – devant l’UMP Eddy Valadier (25,36%), Gilbert Collard n’a obtenu que 48,5 % des suffrages, soit 194 voix de retard.

Pour M. Collard, qui avait obtenu 53 % des suffrages dans cette commune aux législatives, cette différence va l’amener à « un déposer un recours ». Et de dénoncer dans le même temps, « l’association de malfaiteurs qui fait barrage » à savoir « l’UMPS » qui forme un « couple sadomasochiste fonctionnant un peu mais de moins en moins ».

Gilbert Collard a également vu dans cette défaite le vote d’une cité de Saint-Gilles. « Mes adversaires ont énormément travaillé la communauté maghrébine en lui racontant des histoires », a déploré Me Collard.

L’autre commune, où le FN était en mesure de gagner lui a échappée. Il s’agit de Vauvert, également dans la circonscription de Collard. Le PS et ami de Manuel Valls, Jean Denat y a remporté une triangulaire (41,5%) devant le FN Jean-Louis Meizonnet (35,35 %) et le DVD Gérard Gayaud (23,16 %).

Quant à Nîmes, Jean-Paul Fournier, élu en 2008 avec 54,31 % des suffrages devant la liste de gauche du PCF Alain Clary a profité de l’incapacité des deux candidates de la gauche à s’entendre.

La Front de gauche Sylvette Fayet (14,83%) et la député socialiste Françoise Dumas (13,94%) avaient déposé leur liste mardi à la toute dernière seconde après deux jours de discussion.

« On a joué l’union et on a gagné. Le socialisme a touché le fond, ici dans le Gard », a déclaré M. Fournier, rappelant qu’il avait décidé de céder sa place de président de l’agglomération à son numéro deux, l’ex-député UDI Yvan Lachaud. « Cette décision a joué », a-t-il estimé.

 AFP 31/03/2014

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Un vote qui traduit un vif désir de politique en France

imagesPour un premier tour de municipales, l’abstention a atteint un niveau record, nourrissant l’idée d’un recul continu du sens civique. Pourtant, à bien y regarder, les votes exprimés et l’abstention de ce dimanche sont des prises de position très politiques.

La sous-performance des candidats socialistes au niveau local est exceptionnelle, entre dix et vingt points perdus en fonction des territoires. C’est le résultat direct d’une abstention asymétrique : à gauche on a boudé les urnes tandis qu’à droite on a davantage voté qu’en 2008, lors des précédentes municipales. Ces résultats décevants ont conduit certains candidats à se désolidariser de la politique du gouvernement. C’est une incompréhension et une erreur. En effet, les candidats de gauche ne sont pas tant sanctionnés pour les décisions prises par le gouvernement que par l’incapacité de ce gouvernement à donner du sens à ses actions. Lorsque l’inversion de la courbe du chômage devient l’alpha et l’oméga de toute action, que l’ambition de réenchanter le rêve français s’évanouit au profit du pilotage d’instruments statistiques, la politique disparaît. Cela se répercute à toutes les échelles. C’est vrai au niveau des régions, où les outils de gestion ont pris le pas sur la construction de projets partagés pour des territoires bouleversés par les logiques de métropolisation.

C’est encore plus vrai au niveau des villes où la difficulté des élus socialistes à donner un sens politique à leur action se traduit dans des projets techniquement aboutis mais qui ne semblent pas répondre aux enjeux auxquels la société française est confrontée. L’« effet national » n’est donc pas la sanction locale de mauvais résultats économiques et sociaux nationaux, c’est la déclinaison locale de la crise nationale d’une famille politique incapable d’inscrire ses politiques dans une vision renouvelée du monde.

NE PAS OPPOSER LOCAL ET NATIONAL

Pour les socialistes, le pire des diagnostics serait de ramener encore le scrutin de dimanche à des enjeux ultra-locaux quand les Français attendent au contraire qu’on leur parle de leur territoire dans la France, l’Europe et le monde. C’est d’ailleurs dans les villes où l’électorat est très politisé (Paris) ou celles dans lesquelles le débat politique est intense et où le candidat est porteur d’un projet en lien direct avec son territoire (Argenteuil, Dieppe ou Dijon) que la gauche résiste le mieux.

Dans un tel contexte, le succès d’Alain Juppé à Bordeaux témoigne de la force d’un élu quand il incarne des valeurs et des repères stables : à l’image des socialistes dans l’Ouest il y a vingt ans, il articule un projet urbain et une vision des enjeux auxquels la société française est confrontée. De la même manière, la réussite du Front national et, ponctuellement, des Verts ou du Front de gauche souligne cette attente. Les géographes ne cessent de souligner que la caractéristique du monde dans lequel nous vivons est l’interpénétration constante de toutes les échelles. De manière assez naturelle, les électeurs s’inscrivent dans ce nouveau système mondial : ils ne pensent pas les élections comme autant de tranches de compétences à distribuer à des gestionnaires efficaces, ils abordent chaque scrutin comme des citoyens concernés par la façon dont les candidats répondent à leurs attentes.
Le cas de Béziers est à ce titre éloquent. Robert Ménard marque des points non lorsqu’il dénonce la faillite du gouvernement, mais quand il note la nécessité de redonner de la fierté aux Biterrois. Il pointe les craintes et humiliations d’une ville qui ne trouve plus sa place et ne compte plus autant qu’auparavant, il s’attaque à la résignation des politiques traditionnels à lutter contre un monde qui échappe à tous. Localement, il exploite au profit d’idées détestables le même sentiment de déclin exprimé par d’autres au niveau national.

Cette irruption de la société dans le monde politique est le deuxième enseignement de ce scrutin. Les deux forces politiques qui en sortent renforcées, le Front national et l’UDI, incarnent chacune à leur manière une façon de recomposer l’offre politique.

RÉDUIRE LA DISTANCE ENTRE ÉLUS ET HABITANTS

Dans une logique d’union nationale déclinée localement, l’UDI se pose comme un pivot de rassemblement des personnes de droite et de gauche intéressées à l’avenir de leur territoire, souvent, d’ailleurs, sur la base de listes « sans étiquette » même si l’essentiel des listes vient de la droite classique. C’est sur cette base que les succès de Brétigny, Niort ou Juvisy ont été construits. Surtout, l’instabilité des cadres politiques dans ces partis du centre ouvre un espace permettant à de nouveaux entrants (jeunes, entrepreneurs, enfants de l’immigration) de se faire une place. Ces élections municipales ont constitué un appel d’air pour des citoyens qui refusent le jeu des partis classiques, où ils sont obligés de passer sous les fourches Caudines des appareils politiques et de s’inscrire dans une « carrière » s’ils veulent jouer un rôle. C’est au même désir de renouvellement que le Front national répond, en proposant, lui, de renverser la table et en stigmatisant la distance entre les élus et les habitants.

Pourquoi le FN apparaît-il plus proche des habitants ? C’est en grande partie parce qu’il l’est véritablement. Pourquoi le PS paraît-il coupé des habitants ? En grande partie parce qu’il l’est vraiment. Les nombreux travaux en géographie et en sociologie électorale ont montré depuis des années la façon dont le Front national travaille à faire vivre une action militante au plus près du terrain. Symétriquement, on ne compte plus les travaux menés sur la professionnalisation des élites politiques.

En dehors du contenu des programmes et de la démagogie sur laquelle surfe le parti d’extrême droite, il n’est plus possible pour les grands partis républicains de rester sourds à ce que les résultats disent de leurs pratiques militantes, et de leurs façons d’élaborer les listes et de gérer les velléités d’engagement de leurs sympathisants.

Car les citoyens ont mûri, et l’exemple de ce premier tour à Grenoble est emblématique du fait qu’au-delà de l’orientation des projets, la façon de les faire vivre est devenue clivante. La différence fondamentale entre la liste socialiste et la liste EELV porte sur la façon de renouveler l’appareil politique et sur la place des citoyens dans le projet de la ville et son animation.

DES QUESTIONS PLUS QUE DES RÉPONSES

Ce premier tour n’apporte donc pas de réponses mais pose des questions qui doivent interpeller toutes les forces politiques. La droite peut difficilement s’abstraire d’un examen de conscience. Le PS peut dire qu’il a entendu le message et appeler aux urnes mais il a déjà dit cela en 1993 et en 2002. Les Français ont massivement dit : « Il y a une crise politique », et ces enjeux ne seront pas réglés par l’élection. Compte tenu du niveau de l’abstention, même les candidats élus au premier tour et dont les succès ont été salués ne sont choisis que par 30 % des électeurs… Quelle place faire aux 70 % restants ?

La capacité des prochaines équipes municipales à faire vivre leur territoire, à porter un projet, dépendra directement de leur aptitude à répondre de manière durable aux causes profondes de cette crise politique que la France et l’Europe traversent depuis plusieurs années : alors que leur mandat s’annonce placé sous les auspices des restrictions budgétaires en tout genre, il leur revient de s’attaquer en priorité à la question démocratique. C’est localement, dans les villes et les partis politiques, que cet enjeu national trouvera un début de solution.

Frédéric Gilli*

Le Monde 25/03/2014

*Frédéric Gilli est Chercheur à Sciences Po et directeur associé de l’agence CampanaElebSablic, auteur de « Grand Paris, l’émergence d’une métropole » (Presses de Sciences Po))

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Le boycott des universités israéliennes qui indigne les Etats-Unis

n « mur d’Apartheid » dressé par les Etudiants pour la justice en Palestine, sur le campus de Berkeley, en Californie, le 9 avril 2004 (Rahimian /SIPA)

n « mur d’Apartheid » dressé par les Etudiants pour la justice en Palestine, sur le campus de Berkeley, en Californie, le 9 avril 2004 (Rahimian /SIPA)

La décision de l’American Studies Association (ASA) de soutenir le boycott contre les institutions académiques israéliennes suscite indignation et polémique dans l’enseignement supérieur américain et chez les politiques, alors que son influence reste très limitée sur les campus.

En décembre dernier, l’association « la plus large et la plus ancienne dévouée aux études interdisciplinaires de la culture et de l’histoire américaine » a répondu favorablement à l’appel de l’USACBI – qui se définit comme une campagne américaine de boycott des institutions académiques et culturelles d’Israel –, en s’associant au mouvement « Boycott, Désinvestissement et Sanctions » (BDS).

Le BDS est un mouvement international qui s’inspire à la fois de la campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) lancée par des intellectuels et universitaires palestiniens à Ramallah en 2004, et des mouvements de boycott sud-africains contre l’Apartheid.

La résolution de l’ASA, « essentiellement symbolique » – puisque l’organisation n’a pas les compétences pour l’appliquer – vise à « protester contre l’occupation illégale de la Palestine, les violations du droit à l’éducation des étudiants palestiniens, et la liberté des universitaires et des étudiants de la Cisjordanie, de Gaza et des Palestiniens d’Israël. »

Sanctionner les activités académiques et culturelles d’Israël – des institutions et non pas des individus – c’est aussi, selon l’association, mettre en avant le rôle des Etats-Unis dans la facilitation de « l’occupation israélienne de la Palestine ».

Les facs prestigieuses soutiennent Israël

Le BDS a eu jusqu’ici très peu d’échos aux Etats-Unis. Cette prise de position « éthique » et minoritaire dans le champ académique américain (l’association regroupe 5000 professeurs) a suscité dans le pays une vague d’indignation « rapide » et « frappante ». En quelques jours, l’ASA est passée « d’une relative obscurité à la proéminence en tant que paria de l’establishment de l’enseignement supérieur aux Etats-Unis ».

L’association américaine des professeurs d’université (AAUP), forte de 48 000 membres, a réitéré sa condamnation initialement formulée en 2005 contre le boycott des universités israéliennes, suivi par l’Association des universités américaines et du Conseil américain de l’Education.

Au mois de décembre, de nombreuses universités, parmi les plus prestigieuses du pays – Johns Hopkins, Harvard, Yale, Cornell, Princeton, Boston university, ainsi que les Universités de Pennsylvanie, du Connecticut et du Texas – ont officiellement condamné le boycott. Certaines ont d’ailleurs des programmes d’échanges avec des facs israéliennes.

150 présidents d’universités ont également réaffirmé leur soutien à Israël et leur condamnation de l’ASA, allant parfois jusqu’a se retirer de l’association, sans la consultation du corps enseignant ou administratif.

Des « effets antisémites »

Les critiques des universitaires défendent d’abord « la liberté d’enseignement » et critiquent le « double standard » appliqué à Israël. Pourquoi s’attaquer à « l’unique démocratie du Moyen-Orient » quand d’autres pays violent quotidiennement les droits civiques de leurs citoyens ?

Certains citent Mahmoud Abbas, le président de l’autorité palestinienne, qui s’est prononcé en décembre contre le Boycott israélien – mais celui des produits cultivés par les Israéliens dans les territoires occupés.

Les réactions les plus violentes ont été entendues sur les plateaux télés à l’instar de Larry Summers, ancien président de Harvard qui a appelé à la télévision au boycott de l’ASA, à une action punitive contre ses professeurs en évoquant « les effets antisémites voire les intentions » de cette prise de position de l’association.

Abraham Foxman, directeur la ligue antidifamation, a caractérisé ce vote
d’« attaque honteuse, immorale et intellectuellement malhonnête sur la liberté académique ».

Une transgression du premier amendement

La controverse est allée jusqu’à la Chambre des Représentants, qui a proposé en janvier une loi bipartisane – « The Protect Academic Freedom Act » – visant à supprimer toutes les subventions publiques d’une institution qui soutiendrait le boycott d’Israël.

« Cette réponse explicite » à la position prise par l’ASA a suscité un flot de critiques, notamment une transgression du premier amendement, comme l’explique Michelle Goldberg dans le The Nation :

« Mais si le boycott de l’ASA peut enfreindre la liberté d’enseignement, la loi antiboycott l’enfreint pour de bon. C’est l’Etat [de New York] qui punit des professeurs pour leur prise de position. Ce qui est totalement anticonstitutionnel. »

La proposition est passée haut la main devant le Sénat fin janvier, avant d’être retirée du jour au lendemain de l’agenda parlementaire, pour éviter davantage de polémiques.

Un boycott pour faire parler des Palestiniens

L’indignation suscitée par la prise de position de l’ASA a permis aux cercles universitaires, politiques et même médiatiques de réaffirmer leur soutien à l’état juif, via le « principe de liberté d’enseignement ».

Et « sans qu’aucune mention n’ait jamais été faite sur le sort des Palestiniens » souligne Colin Dayan, l’une des rares professeurs juives américaines à s’être publiquement prononcée pour le BDS, soulignait fin décembre dans Aljazeera America :

« Les débats inspirés par le soutien académique du BDS contre les universités israéliennes permettent à toutes sortes de gens de voir ce qui est caché, de parler collectivement et librement, à des jeunes et des plus âgés, titulaires ou non, pour et contre le boycott.

La liberté d’être en accord ou en désaccord, la collision et le conflit nécessaires à la pensée critique, c’est ce qui compte. »

L’ASA, désormais « excommuniée [virtuellement] de la communauté bien-pensante des chercheurs américains », n’aura aucune incidence pratique sur l’évolution des relations entre universités israéliennes et américaines.

Mais d’après Colin Dayan, elle aura eu le mérite de faire parler du BDS dans les médias américains, où « la censure est omniprésente » :

« En Israël et aux Etats-Unis, la menace contre ceux qui débattent, ou même ceux qui posent des questions les droits humains et politiques des Palestiniens reste bien une réalité.

Nulle part dans la vague d’éditoriaux contre l’ASA et le mouvement de boycott palestinien, leur réalité n’a été discutée. Nulle part ailleurs, les effets néfastes de deux générations d’occupation n’ont été mentionnés. »

Construire des « murs d’Apartheid »

Le BDS est un mouvement aujourd’hui encore très limitée parmi la jeunesse américaine, et essentiellement promu par des associations, des professeurs et des départements universitaires.

La principale organisation étudiante de soutien au BDS est « Students for Justice in Palestine » (SJP) qui, depuis le début des années 2000 aurait, selon Aljazeera America, « a gagné un terrain considérable, attirant l’attention et la préoccupation des organisations sionistes et des groupes de défense des droits d’Israël. »

Né à Berkeley en Californie en 2001, le mouvement « travaille en solidarité avec le peuple palestinien et soutient son droit à l’autodétermination ». Les mêmes buts que ceux défendus par le BDS, mais « dans la non-violence » :

  • la fin de l’occupation et de la colonisation par Israël de toutes les terres arabes et le démantèlement du mur ;
  • la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyens arabes palestiniens d’Israël ;
  • le respect, la protection et la promotion des droits des Palestiniens réfugiés de retourner dans leurs propriétés comme le stipule la résolution 194 de l’ONU.

Selon la Ligue antidiffamation (ADL) qui le classe dans sa liste des 10 principaux groupes antiIsraël aux Etats-Unis [PDF] le SJP aurait des branches dans près de 80 universités aux Etats-Unis, dont Columbia, NYU, University of Washington, Florida, Boston, Chicago, Rutgers (New Jersey), ou encore Yale.

A côté des conférences et des activités de sensibilisation au conflit israélo-palestinien, leurs méthodes d’action consistent à placarder les couloirs des campus de notices d’éviction, construire des « murs d’Apartheid » devant les universités ou encore des faux checkpoints.

Marie Rousseau

Source Le Nouvel Observateur 11/03/2014

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« Bruits et couleurs» une union pour chasser les idées brunes

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« L’heure est venue de redescendre dans la rue pour travailler sur les consciences. » Photo Rédouane Anfoussi

Mobilisation. A Montpellier un rassemblement festif unit associations, syndicats et partis politiques, à la gauche du PS, contre le racisme.

Le cercle s’est élargi progressivement samedi en début d’après-midi autour des artistes du Cirque Baltazar. A l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme, 200 personnes étaient réunies pour se rassemblement «Bruits et couleurs» contre le racisme, et pour l’égalité des droits. AFPS34, ATMF, DIDF, FCPE, FSU 34, Habiter enfin, LDH, Mala Kurda, MDPL, MRAP, RESF34, CFDT, SAF Montpellier, Sud Solidaires, ULCGT Montpellier, Front de Gauche, NPA, PRG, PCF Montpellier,…  les associations syndicats et partis politiques ont donné à cet appel une diversité de couleurs, de circonstance, devant l’accroissement spectaculaire des inégalités qui frappent notre pays et se concentrent comme l’on sait sur les population issues de l’immigration et étrangères.

« A la LDH, cela fait des années que nous luttons contre le racisme et toutes les formes de ségrégations avec d’autres mouvements , confie Sophie Mazas, mais on voit ressurgir dans le débat public hexagonal des choses d’un autre âge. Je pensais qu’on en avait fini avec le racisme de peau comme on l’a vu dans l’affaire Taubira. Les déclarations de Valls sur les Roms démontrent non seulement qu’il a un problème avec la politique mais aussi avec la loi car la Roumanie fait partie de l’UE. La LDH est solide sur ses  positions mais l’heure est venue de redescendre dans la rue pour travailler sur les consciences et ne pas laisser le terrain au FN.»

Les choix politiques faits à l’échelon local sont aussi d’une importance capitale pour lutter contre les inégalités. « L’extrême droite ce n’est pas seulement le FN rappelle le secrétaire général de l’ULCGT, Julien Colet, on la retrouve dans les composantes de La Manif pour Tous et différents groupuscules.  Lutter contre ce fléau c’est promouvoir une certaine conception du vivre ensemble. Ce n’est pas déployer de manière spectaculaire 190 policiers comme jeudi dernier au plan Cabanes. Pour financer les cadeaux fiscaux faits au MEDEF le gouvernement taille dans les dépenses publiques notamment dans  les effectifs de la police de proximité et veut se rattraper à bon compte en organisant des opérations coup de point qui n’ont jamais rien résolu. C’est de la «com» qui surf sur l’insécurité. Nous n’acceptons pas  la banalisation de l’état de siège ni la stigmatisation médiatique de quartiers populaires

Egalement présent, Le collectif non à l’expulsion des familles Roms s’insurge contre les expulsions de camps de Roms prévues par la préfecture « Cela va réduire à zéro le travail de scolarisation et d’intégration par l’emploi que nous menons avec les familles, sans rien régler. »

Depuis la Marche pour l’égalité minée par la récupération politique et les déceptions consécutives, le monde associatif peine à développer des mouvements organisés et massifs de combat contre le racismes, l’exclusion et les discriminations. Les acteurs présents hier ont bien conscience qu’ils doivent se retrouver pour élargir et construire.

JMDH

Source : L’Hérault du Jour 22 février 2014

Voir aussi : Rubrique Société, Citoyenneté, Mouvement sociaux, rubrique Politique Locale, Dans le Gard la société civile s’engage contre la discrimination, Politique de l’Immigration, rubrique Montpellier,