Dans l’engrenage de la terreur. Cinq conflits entremêlés

Par Pierre Conésa*

L’engouement quasi unanime des responsables politiques pour la « guerre » traduit une grave méconnaissance de la réalité du terrain. Décidé durant l’été 2014, l’engagement militaire occidental ajoute une cinquième strate à une superposition de conflits qui embrasent l’aire arabo-islamique.

interventions-france-04052

En 1979, la révolution iranienne mettait en place le premier régime politique officiellement « islamique », mais en réalité exclusivement chiite. Elle revivifiait ainsi le conflit ancestral entre sunnites et chiites, qui représente la première strate d’une lente sédimentation. Quand, après sa prise du pouvoir à Téhéran, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny demande une gestion collective des lieux saints de l’islam, le défi apparaît insupportable pour l’Arabie saoudite. Un an avant de trouver la mort près de Lyon à la suite des attentats de 1995 en France, le jeune djihadiste Khaled Kelkal déclarait au sociologue allemand qui l’interrogeait : « Le chiisme a été inventé par les juifs pour diviser l’islam » (1). Les wahhabites saoudiens ont la vieille habitude de massacrer des chiites, comme en témoignait dès 1802 la prise de Kerbala (aujourd’hui en Irak), qui se traduisit par la destruction de sanctuaires et de tombeaux, dont celui de l’imam Hussein, et le meurtre de nombreux habitants.

Cette « guerre de religion » déchire aujourd’hui sept pays de la région : Afghanistan, Irak, Syrie, Pakistan, Liban, Yémen et Bahreïn. Elle surgit sporadiquement au Koweït et en Arabie saoudite. En Malaisie, le chiisme est officiellement banni. A l’échelle de la planète, les attentats les plus aveugles, comme ceux commis durant des pèlerinages, tuent dix fois plus de musulmans que de non-musulmans, les trois pays les plus frappés étant l’Afghanistan, l’Irak et le Pakistan. L’oumma, la communauté des croyants, que les salafistes djihadistes prétendent défendre, recouvre aujourd’hui un gigantesque espace d’affrontements religieux. Dans ce contexte, on comprend pourquoi Riyad mobilise beaucoup plus facilement ses avions et ses troupes contre les houthistes du Yémen, assimilés aux chiites, que pour porter secours au régime prochiite de Bagdad. On voit mal pourquoi les Occidentaux devraient prendre position dans cette guerre, et avec quelle légitimité.

La deuxième guerre est celle que mènent les Kurdes pour se rendre maîtres de leur destin, en particulier contre l’Etat turc. Elle est née en 1923, dans les décombres de l’Empire ottoman, avec le traité de Lausanne, qui divisait le Kurdistan entre les quatre pays de la région : Turquie, Syrie, Irak et Iran. Les nombreuses révoltes qui ont secoué le Kurdistan turc entre 1925 et 1939 ont toutes été écrasées par Mustafa Kemal Atatürk. Depuis les années 1960, tous les soulèvements, en Turquie, en Irak ou en Iran, ont été noyés dans le sang, dans l’indifférence de la communauté internationale. Depuis 1984, cette guerre a causé plus de 40 000 morts en Turquie, où 3 000 villages kurdes ont été détruits, pour un coût estimé à quelque 84 milliards de dollars (2).

Nul ne devrait être surpris qu’Ankara ait laissé affluer les candidats djihadistes vers les deux principales forces dans lesquelles ils se reconnaissent, le Front Al-Nosra et l’Organisation de l’Etat islamique (OEI), puisqu’elles combattent les Kurdes d’Irak et surtout de Syrie, très proches de ceux de Turquie. Principale menace pour Ankara, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) reste classé comme groupe terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis, et ne peut recevoir d’aide militaire occidentale. Seul pays de la région à appartenir à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et à avoir la capacité de modifier la situation militaire sur le terrain, la Turquie a fini par rejoindre la coalition. Mais elle concentre ses moyens sur la reprise des affrontements avec le PKK et voit d’un mauvais œil les Kurdes d’Irak et de Syrie gagner une indépendance de fait.

Troisième guerre en cours : celle qui déchire les islamistes entre eux depuis la guerre du Golfe (1990-1991) et plus encore depuis les révoltes arabes. La rivalité la mieux connue oppose les Frères musulmans, soutenus par le Qatar, et les salafistes, soutenus par l’Arabie saoudite, en Egypte, en Libye ou en Tunisie. Plus nouvelle est la concurrence entre, d’une part, Al-Qaida et ses franchisés et, d’autre part, les affidés de M. Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’OEI. Au cours des premiers mois de 2014, ces derniers ont pris le pas sur le Front Al-Nosra, filiale locale d’Al-Qaida en Syrie, au prix de plus de 6 000 morts (3). La proclamation du « califat » a suscité de nombreux ralliements. Les combattants étrangers de l’OEI proviennent d’une centaine de pays. En désignant M. Al-Baghdadi comme leur ennemi principal, les pays occidentaux orientent de façon décisive la mobilisation des djihadistes à ses côtés.

Enfin, l’une des guerres les plus meurtrières, qui a fait près de 250 000 morts et des millions de réfugiés, est celle que mène le président syrien Bachar Al-Assad contre tous ses opposants.

Riyad envoie une quinzaine d’avions de combat en Irak, contre une centaine au Yémen

 

La bataille que livrent les Occidentaux apparaît, elle, comme un nouvel épisode d’une guerre beaucoup plus ancienne, avec une autojustification historique insupportable pour les populations de la région. Faut-il remonter aux accords Sykes-Picot, ce partage colonial de la région entre la France et le Royaume-Uni sur les ruines de l’Empire ottoman ? Faut-il remonter à Winston Churchill, alors secrétaire à la guerre du Royaume-Uni, faisant raser des villes et des villages kurdes — bombardés au gaz chimique ypérite — et tuer les deux tiers de la population de la ville kurde de Souleimaniyé, ou réprimant violemment les chiites irakiens entre 1921 et 1925 ? Comment oublier la guerre Iran-Irak (1980-1988), dans laquelle Occidentaux et Soviétiques soutinrent l’agresseur (Bagdad) et mirent sous embargo l’agressé (Téhéran) ? M. Barack Obama est le quatrième président américain à envoyer des bombardiers en Irak, pays déjà meurtri par vingt-trois ans de frappes militaires occidentales. Après l’invasion américaine, entre 2003 et 2011, près de 120 000 civils ont été tués (4). En 2006, la revue médicale The Lancet estimait le nombre de décès imputables à cette guerre à 655 000, cette catastrophe démographique s’ajoutant aux 500 000 morts causés par l’embargo international entre 1991 et 2002. Aux dires de l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright, le 12 mai 1996 sur CBS, cela en « valait la peine ».

Aujourd’hui, pourquoi les Occidentaux interviennent-ils contre l’OEI ? Pour défendre des principes humanistes ? Il est permis d’en douter lorsqu’on constate que trois pays de l’alliance continuent à pratiquer la décapitation, la lapidation et à couper les mains des voleurs : le Qatar, les Emirats arabes unis et — très loin devant les deux premiers — l’Arabie saoudite. La liberté religieuse ? Personne n’ose l’exiger de Riyad, où une cour d’appel vient de condamner à mort un poète palestinien pour apostasie (5). S’agit-il alors d’empêcher les massacres ? L’opinion arabe a du mal à le croire quand, deux mois après les 1 900 morts des bombardements israéliens sur Gaza, qui avaient laissé les capitales occidentales étrangement amorphes, la décapitation de trois Occidentaux a suffi pour les décider à bombarder le nord de l’Irak. « Mille morts à Gaza, on ne fait rien ; trois Occidentaux égorgés, on envoie l’armée ! », dénonçait un site salafiste francophone.

Pour le pétrole, alors ? L’essentiel des hydrocarbures de la région s’en va vers les pays d’Asie, totalement absents de la coalition. Pour tarir le flot des réfugiés ? Mais, dans ce cas, comment accepter que les richissimes Etats du Golfe n’en accueillent aucun ? Pour protéger les « droits de l’homme » en défendant l’Arabie saoudite ? Riyad vient d’en démontrer sa conception novatrice en condamnant M. Ali Al-Nimr, un jeune manifestant chiite, à être décapité puis crucifié avant que son corps soit exposé publiquement jusqu’au pourrissement (6).

Sur le plan militaire, les contradictions sont plus évidentes encore. Aujourd’hui, seuls les avions occidentaux bombardent réellement l’OEI. Les Etats-Unis en déploient près de 400, et la France une quarantaine, dans le cadre de l’opération « Chammal », avec l’arrivée du porte-avions Charles- de-Gaulle (7). L’Arabie saoudite dispose d’environ 400 avions de combat, mais elle n’en engage qu’une quinzaine en Irak, soit autant que les Pays-Bas et le Danemark réunis. En revanche, au Yémen, près d’une centaine d’avions saoudiens participent aux bombardements de la coalition des dix pays arabes sunnites contre les houthistes (chiites), menée par Riyad. Dix pays arabes contre les chiites du Yémen, cinq contre l’OEI : étrange déséquilibre ! C’est bien contre les houthistes que Riyad mobilise toutes ses forces, et non contre Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), dont se revendiquait Chérif Kouachi, auteur des attentats contre Charlie Hebdo à Paris. Cette organisation que l’ancien directeur de la Central Intelligence Agency (CIA) David Petraeus qualifiait de « branche la plus dangereuse » de la nébuleuse Al-Qaida a pris le contrôle d’Aden, la deuxième ville du Yémen.

Désormais, l’OEI a atteint trois objectifs stratégiques. Tout d’abord, elle apparaît comme le défenseur des sunnites opprimés en Syrie et en Irak. Ses victimes sont à 90 % des musulmans. En Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Pakistan, les victimes des attentats sont d’abord des chiites, ensuite de « mauvais musulmans » — en particulier des soufis —, puis des représentants des régimes arabes et, en dernier lieu seulement, des membres de minorités religieuses ou des Occidentaux.

Par ailleurs, l’OEI est parvenue à délégitimer Al-Qaida et sa branche locale en Syrie, le Front Al-Nosra. Les appels du successeur d’Oussama Ben Laden, M. Ayman Al-Zawahiri, mettant en demeure M. Al-Baghdadi de se placer sous son autorité, traduisent une impuissance pathétique. La somme des défections au sein des groupes djihadistes montre la dynamique nouvelle créée par l’OEI.

A terme, le « calife » Al-Baghdadi devra défier l’Arabie saoudite

 

Enfin, l’OEI est devenue l’ennemi numéro un de l’Occident. Celui-ci a déclenché contre elle une « croisade » qui ne dit pas son nom, mais qui peut facilement être présentée comme telle par les propagandistes du djihad. L’opération américaine « Inherent Resolve » (« Détermination absolue ») regroupe principalement douze pays de l’OTAN (plus l’Australie), et l’alliance retrouvée avec la Russie renforcera encore plus le caractère de « front chrétien » que la propagande sur Internet sait si bien utiliser. Selon une pétition en ligne signée par 53 membres du clergé saoudien, les frappes aériennes russes ont visé des « combattants de la guerre sainte en Syrie » qui « défendent la nation musulmane dans son ensemble ». Et, si ces combattants sont vaincus, « les pays de l’islam sunnite tomberont tous, les uns après les autres » (8).

La contre-stratégie militaire des Saoud ne laisse planer aucune ambiguïté : elle est essentiellement axée sur la lutte contre les chiites. Riyad, comme les autres capitales du Conseil de coopération du Golfe, ne peut considérer l’OEI comme la principale menace, sous peine de se trouver contesté par sa propre société. L’intervention militaire saoudienne à Bahreïn en 2012 était destinée à briser le mouvement de contestation républicain, principalement chiite, qui menaçait la monarchie sunnite des Al-Khalifa. Au Yémen, l’opération « Tempête décisive » lancée en mars 2015 vise à rétablir le président Mansour Hadi, renversé par la révolte houthiste. Il n’est évidemment pas question pour Riyad d’envoyer ses fantassins contre l’OEI alors que 150 000 hommes sont déployés sur la frontière yéménite. Pourtant, le prochain objectif de l’OEI devrait être d’asseoir la légitimité religieuse de son « calife », qui s’est nommé lui-même Ibrahim (Abraham) Al-Muminim (« commandeur des croyants », titre de l’époque abbasside) Abou Bakr (nom du premier calife) Al-Baghdadi Al-Husseini Al-Qurashi (nom de la tribu du Prophète). Une véritable compétition est engagée avec l’autre puissance qui prétend prendre la tête de l’oumma et représenter l’islam : l’Arabie saoudite est dorénavant contestée sur le terrain. Pour l’emporter, M. Al-Baghdadi doit défier le « défenseur des lieux saints ». On peut donc penser qu’à terme, une fois réduites les zones chiites, le « calife » visera l’Arabie saoudite.

Quelles conséquences probables pour l’Europe ? Après les réfugiés afghans, irakiens et syriens, elle devrait rapidement voir arriver les réfugiés yéménites. Pays plus peuplé que la Syrie, le Yémen ne peut évacuer ses ressortissants vers les pays frontaliers, tous membres de la coalition qui le bombarde. Depuis 2004, la guerre a fait plus de 340 000 déplacés, dont 15 % vivaient dans des camps, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies. En outre, le Yémen accueillait 246 000 réfugiés, somaliens à 95 %. Les pays du Conseil de coopération du Golfe montreront le même égoïsme que lors de l’exode syrien, c’est-à-dire : aucune place offerte aux réfugiés. Reste donc l’Europe.

On comprend mieux pourquoi l’alliance mène une guerre pour laquelle elle ne peut fixer un objectif stratégique clair : chacun de ses alliés est en conflit avec un autre. Les interventions en Irak, en Syrie, au Mali ou en Afghanistan s’apparentent au traitement de métastases ; le cancer salafiste a son foyer dans les pays du Golfe, protégés par les forces occidentales. Peut-on détruire l’OEI sans renforcer d’autres mouvements djihadistes, le régime de M. Al-Assad ou Téhéran ? La guerre sera longue et impossible à gagner, car aucun des alliés régionaux n’enverra de troupes au sol, ce qui risquerait de menacer ses propres intérêts.

La stratégie occidentale fondée sur les bombardements et la formation de combattants locaux a échoué en Syrie et en Irak comme en Afghanistan. Européens et Américains poursuivent des objectifs qui ignorent les mécanismes des crises internes au monde arabo-musulman. Plus l’engagement militaire s’accentuera, plus le risque terroriste augmentera, avant l’affrontement prévisible et ravageur qui devrait finir par opposer l’OEI à l’Arabie saoudite. Est-ce « notre » guerre ?

Pierre Conesa

* Maître de conférences à Sciences Po Paris, ancien haut fonctionnaire au ministère de la défense. Auteur du rapport « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? », décembre 2014, et du Guide du petit djihadiste, à paraître en janvier 2016 aux éditions Fayard.

(1) Lire Akram Belkaïd, « Une obsession dans le monde arabe », dossier « Vous avez dit “complot” ? », Le Monde diplomatique, juin 2015.

(2) Lire Allan Kaval, « Les Kurdes, combien de divisions ? », Le Monde diplomatique, novembre 2014.

(3) Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, cité par Le Monde, 25 juin 2014.

(4) Décompte établi par le site Iraq Body Count

(5) Selon l’organisation Human Rights Watch, citée par Reuters, 20 novembre 2015.

(6) « Arabie saoudite : un jeune de 21 ans risque la décapitation », Amnesty International France, 24 septembre 2015.

(7) Selon le ministère de la défense, l’opération mobilise 3 500 hommes, 38 avions de combat et divers moyens de logistique et de protection. « “Chammal” : point de situation au 19 novembre », Ministère de la défense.

(8) « Des religieux saoudiens appellent au jihad contre Assad et ses alliés », L’Orient Le Jour, Beyrouth, 6 octobre 2015.

Source : Le Monde Diplomatique Decembre 2015
Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Moyen-Orient, rubrique  UE, Turquie, rubrique Politique  Politique de l’immigration, rubrique Méditerrranée,

L’avocat de Florence Hartmann demande sa libération « immédiate »

c879cddd01787c34fe10563684577559cfbd04ebL’ancien porte-parole du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), la Française Florence Hartmann, arrêtée jeudi à La Haye lors du jugement de Radovan Karadzic, doit être libérée « immédiatement », a réclamé vendredi son avocat, Me William Bourdon.

« Nous demandons à ceux qui sont en responsabilité de mettre un terme à cette détention immédiatement », a déclaré l’avocat à l’AFP.

Florence Hartmann a été arrêtée par les gardes du tribunal alors qu’elle était venue assister au jugement prononcé contre l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic.

Porte-parole du procureur du TPIY Carla Del Ponte de 2000 à 2006, elle avait été condamnée pour outrage à la cour en 2009 pour avoir publié dans un livre deux décisions confidentielles du tribunal.

La condamnation prononcée par le TPIY avait été confirmée en appel en 2011, mais Florence Hartmann, ancienne correspondante du journal français Le Monde dans les Balkans, avait refusé de payer une amende de 7.000 euros.

Les juges avaient alors décidé d’une condamnation à sept jours de prison et demandé aux autorités françaises d’arrêter et de transférer l’ancienne journaliste à La Haye, ce que Paris avait refusé.

« Cette contrainte par corps est une institution totalement archaïque, elle n’avait pas sa place dans une juridiction supposée respecter les meilleurs standards internationaux », a protesté l’avocat.

« Sa mise à exécution, en forme de règlement de compte, est d’autant plus paradoxale qu’elle jette une tache inutile sur l’image du TPIY au moment où il rend une décision historique », a ajouté William Bourdon.

Radovan Karadzic a été condamné jeudi par un tribunal international à 40 ans de détention pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie, un verdict historique rendu plus de 20 ans après les faits.

Dans son livre « Paix et Châtiment », publié en 2007, Florence Hartmann mentionnait deux décisions confidentielles rendues par la cour d?appel du TPIY dans le cadre du procès de Slobodan Milosevic, qui auraient permis, selon elle, de prouver l’implication de l’Etat serbe dans le massacre de Srebrenica, qui a coûté la vie à près de 8.000 Bosniaques en 1995.

Sa condamnation par le TPIY avait scandalisé de nombreux journalistes et organisations actives dans les pays de l’ex-Yougoslavie, qui s’étaient rassemblés au sein d’un comité de soutien.

L’ancien procureur général du TPIY, Carla del Ponte, a jugé cette arrestation « inacceptable ».

Source AFP 25/03/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Société, Justice, rubrique Politique, Politique Internationale, Société Civile, Rubrique UE, Bosnie, Croatie, Serbi Monténégro,

Bosnie-Herzégovine. Radovan Karadžic a été déclaré coupable du génocide de Srebrenica, mais cette décision de justice ne change rien pour de nombreuses victimes

31605_vignette_radovan_karadzicLe verdict rendu par le Tribunal pénal des Nations unies établi à La Haye contre l’ancien dirigeant bosno-serbe Radovan Karadžic, reconnu coupable de génocide et d’autres crimes de droit international, représente un grand pas vers la justice pour les victimes du conflit armé en Bosnie-Herzégovine, a déclaré Amnesty International.

La Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a déclaré Radovan Karadžic coupable du chef de génocide, de cinq chefs de crimes contre l’humanité et de quatre chefs de crimes de guerre en raison du rôle qu’il a joué dans le conflit armé, à la fois pour sa responsabilité individuelle et pour sa participation à une entreprise criminelle conjointe.

Il a été condamné à 40 ans d’emprisonnement. Ses avocats ont déclaré qu’ils vont faire appel de ce jugement.

« Ce jugement confirme que Radovan Karadžic a joué un rôle de commandement en ce qui concerne les crimes de droit international les plus graves perpétrés en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », a déclaré John Dalhuisen, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Ce jugement confirme que Radovan Karadžic a joué un rôle de commandement en ce qui concerne les crimes de droit international les plus graves perpétrés en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
John Dalhuisen, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International

Le Tribunal a reconnu Radovan Karadžic coupable de génocide pour le massacre de Srebrenica, lors duquel plus de 7 000 hommes et garçons bosniaques ont été tués. Il l’a également déclaré coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris de tortures, de viols et de l’homicide de milliers détenus, perpétrés dans le but d’éliminer systématiquement en Bosnie les populations musulmanes et croates dans les territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie.

Le Tribunal a estimé que le rôle de Radovan Karadžic dans le siège de Sarajevo a été tellement important que sans lui il n’aurait pas eu lieu. Il a souligné que la population entière de Sarajevo était terrorisée et vivait dans un état de peu extrême notamment en raison des attaques menées sans discrimination entre 1992 et 1995.

Radovan Karadžic a été acquitté d’un chef de génocide lié à des crimes commis contre des Musulmans et des Croates de Bosnie dans sept communes en 1992.

Il a occupé plusieurs des plus hauts postes de commandement des Serbes de Bosnie durant les trois années de guerre entre ses forces et celles des Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie, et a dirigé des opérations menées tant contre des forces militaires que contre la population civile.

« C’est un jour très important pour la justice internationale et pour les victimes qui ont attendu pendant 13 ans l’arrestation de Radovan Karadžic et pendant huit ans supplémentaires le verdict rendu aujourd’hui, a déclaré John Dalhuisen.

« Nous ne devons toutefois pas oublier que plus de 20 ans après la guerre de Bosnie, des milliers de cas de disparition forcée restent non résolus, et qu’en raison d’un manque de volonté politique très troublant, les victimes ne peuvent toujours pas avoir accès à la justice, à la vérité et à des réparations. »

La guerre de Bosnie a fait près de 100 000 morts, dont quelque 38 000 civils, mais moins de 1 000 cas de crimes de guerre ont fait l’objet d’une enquête et donné lieu à des poursuites judiciaires au niveau national.

On ignore toujours tout du sort de milliers de personnes. Amnesty International exhorte les autorités de Bosnie-Herzégovine à s’engager réellement à résoudre les plus de 8 000 cas de disparition forcée survenus pendant la guerre et non résolus à ce jour, et à permettre aux familles de connaître la vérité et d’obtenir justice ainsi que des réparations.

Depuis sa création en 1993, le TPIY a mis en accusation 161 personnes pour des crimes de droit international perpétrés sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.

La procédure judiciaire a été menée à terme pour les cas de 149 accusés, parmi lesquels figurent sept personnes reconnues coupables du génocide de Srebrenica. Des procédures sont encore en cours contre 12 personnes, notamment contre l’ancien chef militaire bosno-serbe  Ratko Mladic.

Source : Amnesty International.24/03/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Société, Justice, rubrique Politique, Politique Internationale, Société Civile, Rubrique UE, Bosnie, Croatie, Serbi Monténégro,

ONU : la coalition saoudienne a tué «deux fois plus de civils» au Yémen que les autres forces

56ebf421c46188e6538b463d

Les Nations unies ont qualifié de «carnage» les récentes frappes aériennes de la coalition arabe, menée par l’Arabie saoudite, au Yémen, accusant cette dernière d’avoir causé la grande majorité des morts civils dans le conflit.

«Ils ont frappé des marchés, des hôpitaux, des cliniques, des écoles, des usines, des réceptions de mariage et des centaines de résidences privées dans des villages, des villes, y compris Sanaa, la capitale. Malgré de nombreuses démarches internationales, ces terribles incidents continuent de se produire avec une régularité inacceptable», a dénoncé dans un communiqué le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Zeid Ra’ad Al Hussein.

Alors que le conflit au Yémen a causé la mort de plus de 3 200 civils pour la seule année 2015, le Haut-commissaire de l’ONU a ajouté qu’«en regardant les chiffres, il semblerait que la coalition est responsable de deux fois plus de victimes civiles que toutes les autres forces réunies» présentes dans le pays.

Le 15 mars, la coalition arabe avait bombardé un marché populaire de la ville de Khamis, dans le nord du pays, causant la mort de 106 civils, dont 24 enfants, rapporte encore le responsable de l’ONU. Le porte-parole de la coalition avait affirmé viser un «rassemblement de miliciens».

C’est loin d’être la première cible civile visée par la coalition militaire, puisque des endroits comme des hôpitaux ou des mariages sont régulièrement frappés.

Alors que les rebelles chiites Houthis se sont emparés de larges parties du Yémen, dont la capitale Sanaa, la coalition arabe sunnite, dirigée par l’Arabie saoudite prête main forte au gouvernement en pratiquant une campagne de bombardements depuis mars 2015.

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Moyen-Orient, Yemen, Arabie Saoudite, On Line  Un rapport de l’ONU confirme que l’Arabie saoudite bombarde écoles, bus et mariages au Yémen, Crimes de guerre et transferts d’armes, le rapport d’Amnesty qui accuse la coalition arabe au Yémen,

Quand Poutine siffle la fin de la partie

Vladimir Poutine, le 15 mars 2016 à Moscou. Maxim Shipenkov/ AFP

Vladimir Poutine, le 15 mars 2016 à Moscou. Maxim Shipenkov/ AFP

Il se retire aussi brutalement qu’il était intervenu, sans crier gare, menaçant de bouleverser la nouvelle donne pourtant par lui créée le 30 septembre 2015. Mission accomplie ? Cela ne serait pas sans rappeler fâcheusement la banderole déployée à bord du porte-avions USS Abraham Lincoln un certain 1er mai 2003 par un George W. Bush ivre de sa victoire, croyait-il, en Irak.

Depuis l’annonce faite à Moscou avant-hier lundi, les chancelleries de par le monde et les salles de rédaction bruissent de suppositions allant des plus farfelues aux plus mesurées. Dans la liste non exhaustive, on retrouve ainsi une foultitude d’analyses propres à donner le vertige. Le camarade Vladimir Vladimirovitch, nous dit-on, serait rassuré sur le sort de Bachar el-Assad, désormais rétabli dans son fauteuil hier encore branlant (on dit merci qui ?) ; il s’agirait d’une traduction de l’inquiétude du Kremlin face à la dégringolade de l’économie (coût de l’engagement sur les bords du Barada : 3 millions de dollars par jour); d’un coup de pouce donné aux négociations de Genève, fruit d’une partition à quatre mains interprétée sans à-coups – pour l’instant du moins – par les Américains et les Russes ; donc, par voie de conséquence, d’un rappel à l’ordre adressé à Damas où, samedi dernier, Walid Moallem s’imaginait en mesure de définir la ligne rouge à ne pas dépasser.

Pour peu que l’on veuille se reporter aux lectures faites il y a vingt-deux semaines, il est loisible de constater que, oui, le Kremlin est parvenu à faire entendre sa voix dans la cacophonie qui peu à peu s’installait dans la région, avec un Barack Obama toujours en proie à ses doutes, un Daech en pleine indigestion de territoires engloutis à une allure stupéfiante, des oppositions réduites à de ridicules crêpages de chignon alors même que l’ours alaouite gardait presque intacte sa peau, que Recep Tayyip Erdogan prenait des postures de nouveau sultan d’un empire même pas naissant et que le régime saoudien croyait voir se dessiner les contours d’une Syrie enfin débarrassée du dernier tyran de la région. Avouons que cela commençait à faire désordre.

À Damas, on semble avoir opté pour une inhabituelle souplesse. La décision (du retrait) a été prise en coordination avec nous, a cru pouvoir rappeler l’inénarrable ministre de l’Information, Omran el-Zohbi, tandis que sur les bords du lac Léman où il dirige la délégation de son pays aux pourparlers, Bachar el-Jaafari qualifiait de « positive et constructive » la décision russe.

Presque au même moment, Moscou jugeait indispensable d’apporter quelques retouches après la décision prise lundi. Nous allons maintenir sur place nos systèmes de défense antiaérienne les plus modernes afin d’assurer la protection efficace du contingent appelé à rester en Syrie, affirmait Serguei Ivanov, chef de l’administration présidentielle, dans une claire allusion à la batterie de missiles sol-air S-400 extrêmement sophistiquée installée dans la région de Lattaquié après l’incident dans lequel des chasseurs de la base d’Inçirlik avaient abattu un appareil SU-24M qui s’était aventuré dans l’espace aérien turc. Grâce à ces engins de mort d’une portée de 400 kilomètres, la Russie contrôle maintenant une zone aérienne englobant, outre la Syrie, le Liban, Chypre et bien entendu Israël.

Les états-majors occidentaux savent pertinemment que, retrait ou pas, l’artillerie et l’aviation russes sont en mesure à tout moment de reprendre leurs pilonnages des zones contrôlées par les ennemis du régime. Elles disposent pour cela d’une base aérienne à Hmeimine et d’un centre naval à Tartous, dans le Nord-Ouest.

Ces dernières installations sont classifiées de « point d’appui matériel et technique ». La machine de guerre russe peut compter en outre sur les bâtiments de sa flottille basée en mer Caspienne qui a fait ses preuves il y a plus de quatre mois, quand quatre de ses navires ont tiré avec une précision stupéfiante 26 missiles Kalibr-NK, qui ont détruit 11 cibles ennemis.

Histoire de prouver qu’elle peut être d’un redoutable sens de l’organisation lors d’un déploiement tout autant que lors d’un retrait, l’intendance russe a entrepris dès mardi de rapatrier la majeure partie de l’armement installé en territoire syrien. À cet effet, les gros transporteurs Iliouchine 76 et Tupolev-154 ont été mis à contribution pour retirer ces forteresses volantes du XXIe siècle que sont les bombardiers SU-34. Le reste devrait suivre avec la même célérité et la même efficacité, deux qualités qui ont suscité l’étonnement d’un Pentagone surpris de constater à quelle vitesse la machine de guerre russe s’est adaptée aux nécessités de l’ère moderne.

Pendant que quelqu’un doit réfléchir, en ces heures, sur le malheur qu’il y a à se retrouver entre les épées de deux grands. C’est Bachar el-Assad.

Christian Merville

Source L’Orient du Jour 16/03/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Moyen Orient, Syrie, rubrique Russie, On line Guerre en Syrie, an V : Pour quoi, pour qui et comment ?)