Afrique : ces travailleurs domestiques corvéables à merci

Travailleuse domestique béninoise qui fait le ménage dans une famille togolaise à Lomé. © Photo AFP/Godong

Travailleuse domestique béninoise qui fait le ménage dans une famille togolaise à Lomé. © Photo AFP/Godong

Ce sont des travailleurs «invisibles», disponibles à tout moment. Jour et nuit. 7 jours sur 7. Ils sont pourtant les moins bien payés. Parfois privés de salaire. Dans la plupart des pays africains, aucune loi ne les protège contre les abus. Il s’agit pourtant d’un secteur pourvoyeur d’emplois, à condition qu’il soit reconnu et organisé. Elles seraient plus de 60.000 fillettes âgées de 8 à 15 ans à travailler comme domestiques au Maroc, selon Human Rights Watch qui dénonce régulièrement le sort réservé à ces mineures forcées de travailler 12h par jour pour un salaire de misère.

Certains y laissent leur vie
La pauvreté pousse les parents à confier leurs enfants à des familles plus aisées moyennant des salaires de misère, explique le journal en ligne Contretemps qui a constaté que l’absence de contrat entre les parents et la famille d’accueil ouvre la voie à tous les abus. Cela devrait toutefois changer après le vote, le 26 juillet 2016, par le parlement marocain d’une nouvelle loi régulant les conditions du travail domestique. Le nouveau texte qui doit entrer en vigueur avant fin 2017 exige des contrats de travail et limite les heures de travail, prévoit des congés payés et fixe un salaire minimum. Les employeurs qui enfreignent ces dispositions s’exposent à des sanctions financières et à des peines de prison en cas de récidive.

Le sort de ces «petites bonnes à tout faire» avait ému le Maroc après le décès, en mars 2013, d’une adolescente qui a succombé aux sévices infligées par son employeuse. Un calvaire pour la jeune Fatym, âgée de 14 ans, brûlée au 3e degré sur le thorax, aux mains et au visage. L’employeuse a été condamnée à 20 ans de prison.

Des services non rémunérés
Qu’elles soient nounous, bonnes ou femmes de ménage, leur travail n’est pas considéré comme «un vrai travail», explique la Secrétaire générale du syndicat des domestiques sud-africains à Jacqueline Derens qui anime un blog sur le site de Médiapart«Les patrons ne voient pas pourquoi une personne qui fait le ménage, la cuisine, le repassage et s’occupe des enfants quand eux partent pour un vrai travail pourraient revendiquer quoi que ce soit.»

Et si la domestique vit chez son patron, ajoute-t-elle, «elle doit toujours être disponible. La vieille ficelle de la domestique qui fait partie de la famille est toujours utilisée pour obtenir des services non rémunérés.»

«Une traite qui ne dit pas son nom»
C’est ce que l’Ivoirienne Chantal Ayemou qualifie de «traite qui ne dit pas son nom». 

La présidente du Réseau ivoirien pour la défense des droits de l’enfant et de la femme se bat pour obtenir un cadre légal et une reconnaissance du travail domestique en Côte d’Ivoire. «Souvent on fait venir la petite-nièce du village»,explique-t-elle à RFI. «Souvent elle vient en bas âge et reste là pendant des années. C’est elle qui fait tout dans la maison. Pendant que les autres enfants de son âge sont en train de jouer, elle est affairée aux tâches ménagères. Ce sont des mentalités qu’il faut abandonner.»

La Côte d’Ivoire élabore difficilement un statut pour les travailleurs domestiques, «ces bonnes, servantes et boys» comme on les appelle à Abidjan, qui souffrent en silence. Pas un jour de congé, ni repos hebdomadaire. Selon Chantal Ayemou, 26% d’entre eux travaillent sans percevoir de salaire. «Des agences placent ces filles dans des ménages. Pendant que ces filles se tuent à la tâche, ces agences perçoivent le salaire mensuel.»

Un secteur pourvoyeur d’emplois 
Tout le monde en convient, le travail domestique est un secteur pourvoyeur d’emplois à condition qu’il s’exerce dans un cadre légal. Certains pays africains ont décidé d’y mettre de l’ordre.

C’est le cas de la Namibie qui a instauré en avril 2015, un salaire minimum pour les 46.000 employés de maison enregistrés dans le pays. Ils bénéficieront désormais des heures supplémentaires, des congés payés et des frais de transport. Leur salaire minimum mensuel, estimé à 50 dollars, devrait désormais doubler.

La Namibie rejoint ainsi ses voisins, l’Afrique du Sud, le Zimbabwé et le Botswana qui ont déjà mis en place la même mesure. D’autres pays du continent pourraient leur emboîter le pas. D’autant que la plupart d’entre eux ont ratifié la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les travailleurs domestiques. Elle est entrée en vigueur le 5 septembre 2013.

Martin Mateso

Source Geopolis 27/07/2017

L’ONU accuse la coalition arabe d’avoir tué 42 réfugiés au large du Yémen

Un bateau de réfugiés au large du Yémen, en septembre 2016.SALEH AL-OBEIDI / AFP

Un bateau de réfugiés au large du Yémen, en septembre 2016.SALEH AL-OBEIDI / AFP

En mars dernier, un bateau civil avait été pris pour cible par un hélicoptère de la coalition menée par l’Arabie saoudite, indique un rapport confidentiel.

L’ONU accuse. Un rapport confidentiel, consulté par l’AFP, estime que le raid contre un bateau de réfugiés qui a fait 42 morts au large du Yémen au mois de mars a certainement été mené par la coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite.

Un hélicoptère avait ouvert le feu sur cette embarcation contenant 140 personnes, faisant ainsi 42 morts et 34 blessés, dans ce qui constitue une violation du droit international humanitaire, selon le rapport.

«Cette embarcation civile a été sûrement attaquée par un hélicoptère armé utilisant des munitions de calibre 7,62mm», explique le rapport, présenté par des experts des Nations unies au Conseil de sécurité cette semaine.

«La coalition arabe menée par l’Arabie saoudite est la seule puissance impliquée dans ce conflit qui a la possibilité de déployer des hélicoptères de combat dans cette zone», détaille le document.

L’hélicoptère opérait sûrement à partir d’un navire.

Les forces de la coalition arabe, soutien du gouvernement yéménite, nient cependant que leurs troupes aient été présentes dans la région de Hodeïda, où l’embarcation a été attaquée.

Deux autres attaques

«La coalition n’a pas ouvert le feu dans cette zone», a déclaré à l’AFP son porte-parole, le général Ahmed Assiri.

Deux autres attaques menées par des hélicoptères ou des navires de guerre contre des bateaux de pêche les 15 et 16 mars ont également fait 11 morts et 8 blessés, précise le rapport.

La guerre au Yémen oppose des forces progouvernementales, soutenues par l’Arabie saoudite, aux rebelles Houthis, soutenus par l’Iran et alliés à des unités de l’armée restées fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Saleh.

Les civils constituent plus de la moitié des 8.000 morts du conflit depuis l’intervention arabe, selon l’ONU.

Le Yémen connaît également une crise humanitaire extrême: plus de 60% de la population est menacée par la famine, alors que le pays est touché par une épidémie de choléra qui a fait près de 1.900 décès et quelque 400.000 cas suspects.

Source Leparisien.fr avec AFP 27/07/2017

 

Voir aussi : Actualité internationaleinternational, Moyen-Orient, Yémen, Un hôpital de Médecins sans frontières visé par des frappes aériennes, Arabie saoudite,

Human Right Watch dénonce l’utilisation de gaz poivre contre les migrants à Calais

Un migrant allongé au sol entouré par des policiers français le 1er juin 2017 à Calais. PHILIPPE HUGUEN / AFP

Un migrant allongé au sol entouré par des policiers français le 1er juin 2017 à Calais. PHILIPPE HUGUEN / AFP

Selon l’enquête rendue publique mercredi par l’ONG et menée en juin et juillet à partir d’entretiens avec des exilés, le recours à l’agent chimique par la police est quotidien.

Calais est un enfer… L’organisation humanitaire Human Right Watch (HRW), qui mène des investigations sur les violations des droits humains partout dans le monde, vient de dresser un bilan approfondi des violences policières dans le Calaisis.

D’une ampleur inédite, l’enquête de cette ONG indépendante et internationale, rendue publique mercredi 26 juillet, a été menée à partir d’entretiens avec plus de 60 demandeurs d’asile et migrants, dont 31 enfants non accompagnés, en juin et juillet. Il en ressort une violence récurrente et souvent gratuite des forces de l’ordre envers les exilés et les associatifs qui les aident à survivre.

Si les migrants ne se plaignent pas prioritairement d’être frappés ou insultés, ils sont unanimes à dénoncer l’usage quotidien du gaz poivre contenu dans les bombes lacrymogènes de défense dont disposent les policiers.

Cet « agent chimique conçu pour maîtriser des personnes se comportant violemment, cause une cécité temporaire, de fortes douleurs oculaires et des difficultés respiratoires, qui durent en général de trente à quarante minutes, précise le rapport. La nourriture et l’eau aspergées de gaz poivre ne peuvent plus être consommées, tandis que les sacs de couchage et les vêtements doivent être lavés avant de pouvoir être utilisés à nouveau. »

La nuit et le jour

D’après le travail de cette organisation des défense des droits de l’homme, ce gaz est en effet très largement utilisé contre les exilés, mais aussi contre le peu qu’ils possèdent, qu’il s’agisse de nourriture ou de biens. L’affaire n’est pas nouvelle mais elle a pris une ampleur inédite depuis que l’exécutif a fait évacuer la jungle, en octobre 2016, et il se bat pied à pied pour éviter toute reconstitution de campement dans le Calaisis.

L’auteur de ce travail, Michael Garcia Bochenek, un juriste, estime caractéristique le récit de Nebay T., un Erythréen de 17 ans, qui lui a raconté comment « les aspersions ont lieu presque chaque nuit. Les policiers s’approchent de nous pendant que nous dormons et nous aspergent de gaz. Ils le pulvérisent sur tout notre visage, dans nos yeux », lui a-t-il expliqué.

Ce qui se produit la nuit arrive aussi le jour, comme Layla A. le montre. Cette jeune femme de 18 ans lui a raconté que deux jours avant son entretien, elle marchait « sur la route » : « Des policiers sont passés et ont utilisé leurs sprays. C’était le soir, peu après 20 heures, ils sont passés près du point de distribution dans leurs voitures. Ils ont ouvert la fenêtre et m’ont aspergée ». Des humanitaires, subissent aussi parfois le même sort en plus des contrôles d’identité, des amendes à leur véhicule pour manque d’eau dans le lave-glace, pour des rétroviseurs sales ou un stationnement gênant.

Outre la nuit et les moments où les migrants sont isolés, loin des associatifs qui les aident, le temps des repas concentre aussi des manifestations de violence d’une autre sorte. Nasim Z., un Afghan, a expliqué à HRW que les policiers avaient intentionnellement aspergé son repas et qu’il a eu faim cette nuit-là. Certains jours, les distributions sont interdites, ou arrêtées arbitrairement.

Stratégie de la dissuasion

Une travailleuse humanitaire – elle souhaite rester anonyme –, d’Utopia 56, une des associations de terrain, a relaté avoir donné deux bidons d’eau à un groupe d’hommes. Le lendemain ils ont expliqué que des policiers avaient pulvérisé du gaz dedans. Sarah Arrom, qui travaille également pour Utopia 56, a enregistré plusieurs témoignages similaires ; comme des bénévoles d’une autre association, l’Auberge des migrants.

Ces pratiques-là ne sont pas nouvelles. Ces dernières années, Le Monde a interrogé des exilés qui avaient vécu ce type de violences. Pourtant, le travail de HRW va plus loin en mettant en exergue leur systématisme. Preuve que, comme le suspecte Bénédicte Jeannerod, la directrice de HRW France, il s’agit d’une stratégie de la dissuasion destinée à empêcher les exilés de se réinstaller en bordure de la frontière avec le Royaume-Uni, alors que la jungle a été démantelée en octobre 2016.

A moins qu’il ne faille même conclure, en accord avec une enquête indépendante baptisée « Nobody Deserves to Live This Way ! » (Personne ne mérite de vivre comme ça !) menée par la britannique Christine Beddoe pour la Human Trafficking Foundation qu’en réalité, « les actes hostiles des autorités françaises [à Calais] ont créé un facteur répulsiffavorisant le trafic vers le Royaume-Uni ».

Bénédicte Jeannerod, qui signe après ce travail une série de recommandations qu’elle a dressées hier soir au gouvernement français, estime que « les autorités devraient envoyer un message clair pour signifier que le harcèlement policier, ou toute autre forme d’abus de pouvoir, ne sera pas toléré ».

Mépris des droits humains

Cette dernière rappelle en effet qu’« il est tout à fait condamnable que des policiers utilisent du gaz poivre sur des enfants et des adultes endormis ou en train de vaquer pacifiquement à leurs occupations » et insiste que « lorsque les policiers détruisent ou confisquent les couvertures des migrants, leurs chaussures ou encore leur nourriture, non seulement ils rabaissent leur profession, mais ils portent atteinte à des personnes ».

Pourtant, rien ne plaide vraiment pour que dans le contexte actuel de mépris des droits humains, son analyse soit entendue. D’ailleurs, lorsque l’organisation a présenté son travail au sous-préfet de Calais, Vincent Berton ce 7 juillet, HRW rapporte que ce dernier a tout simplement réfuté les résultats du travail. Le rapport reprend sa citation où il insiste sur le fait que « ce sont des allégations, des déclarations de personnes, qui ne sont pas basées sur des faits. Ce sont des calomnies ».

Cette réaction est ce qui, au fond, a le plus choqué l’auteur de l’enquête, Michaël Garcia Bochenek qui estime avec le recul, « difficile de comprendre le déni des autorités françaises, même après ces comptes rendus clairs, cohérents, détaillés et assez gênant des abus de la police. Au lieu de cet aveuglement volontaire, la préfecture devrait examiner les pratiques policières et assurer le respect des normes nationales et internationales ».

Déjà, du temps où Bernard Cazeneuve était ministre de l’Intérieur, ce dernier réfutait tous les témoignages, estimant que les migrants n’avaient qu’à porter plainte. C’est la réponse qu’il avait faite à HRW qui avait réalisé une première enquête sur le même sujet, fin 2015.

Alors, à Calais, la vie continue avec ses rêves brisés et ses cauchemars récurrents comme ceux de Gudina W., un Ethiopien de 16 ans qui a confié à l’enquêteur : « Quand je dormirai cette nuit, je verrai les policiers. Je me réveillerai et je me rendrai compte que j’ai rêvé que les policiers venaient me frapper. C’est ça dont je rêve. »

Maryline Baumard

Source : Le Monde 26/07/2017

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Débat, rubrique Politique, Politique de l’immigration, Embarras de la gauche sur l’immigration, Perdre la raison face aux barbelés, Politique économique, La fabrique des indésirables, Politique Internationale, rubrique Société, Justice, Exploitation des migrants mineurs dans les « jungles » françaises,

La Pologne vote une réforme controversée de la Cour suprême

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Le texte renforce le contrôle politique sur l’institution judiciaire. L’opposition crie au coup d’Etat.

Le Sénat du Parlement polonais, dominé par les conservateurs, a approuvé dans la nuit de vendredi 21 à samedi 22 juillet une réforme controversée de la Cour suprême, en dépit des mises en garde de l’Union européenne (UE), des appels de Washington et d’importantes manifestations.

Le texte, adopté mercredi par la chambre basse, a été soutenu par 55 sénateurs, contre 23 voix d’opposition. Deux sénateurs se sont abstenus.

Tout au long des débats qui ont duré quinze heures, des milliers de manifestants ont protesté dans toute la Pologne contre cette loi qui renforce le contrôle politique sur la Cour suprême. Après le vote, les manifestants rassemblés devant le Parlement, ont scandé « Honte ! », « Traîtres ! », « Démocratie ! ».

Pour entrer en vigueur, le texte doit être promulgué par le président Andrzej Duda, lui-même issu du parti conservateur Droit et justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski au pouvoir. Le chef d’Etat dispose de vingt et un jours pour signer le texte, y mettre son veto ou, en cas de doute, le soumettre au tribunal constitutionnel.

« Coup d’Etat », d’après l’opposition

L’opposition, des organisations de magistrats, le médiateur public et les manifestants ont appelé le président Duda à user de son veto à propos de cette réforme, ainsi qu’à deux autres réformes adoptées récemment qui, selon eux, accroissent le contrôle du pouvoir exécutif sur le système judiciaire.

L’opposition dénonce un « coup d’Etat », alors que le PiS présente les réformes comme indispensables pour rationaliser le système judiciaire et combattre la corruption. Il considère la résistance à ces initiatives comme la défense des privilèges et de l’impunité d’une « caste » des juges.

Mercredi, la Commission européenne avait sommé Varsovie de « mettre en suspens » ses réformes, agitant la menace de possibles sanctions comme la suspension des droits de vote de la Pologne au sein de l’UE.

Séparation des pouvoirs

Tout en soulignant que la Pologne est « un proche allié » de Washington, le département d’Etat américain a déclaré que les Etats-Unis étaient « préoccupés » par une législation « qui semble limiter le pouvoir judiciaire et potentiellement affaiblir l’Etat de droit en Pologne ».

« Nous exhortons toutes les parties à assurer qu’aucune réforme judiciaire ne viole la Constitution polonaise ou les obligations juridiques internationales et respecte les principes de l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs », selon un communiqué.

De son côté, le premier ministre hongrois Viktor Orban a, au contraire, promis de défendre la Pologne contre ce qu’il estime être une « inquisition » de Bruxelles. « Dans l’intérêt de l’Europe et dans l’esprit de l’ancienne amitié hongro-polonaise, la campagne d’inquisition contre la Pologne ne peut jamais mener au succès », a lancé le leader populiste, lors d’une visite en Roumanie.

« La Hongrie utilisera tous les moyens légaux possibles au sein de l’Union européenne afin de montrer la solidarité avec les Polonais », a-t-il insisté.

La loi sur la Cour suprême arrive juste après deux autres textes votés le 12 juillet. Le premier porte sur le Conseil national de la magistrature et mentionne que ses membres seront désormais choisis par le Parlement. Le deuxième modifie le régime des tribunaux de droit commun, dont les présidents seront nommés par le ministre de la justice.

Arrivés au pouvoir en octobre 2015, les conservateurs ont entrepris plusieurs réformes radicales. Certaines – telles celles du Tribunal constitutionnel et des médias publics – avaient déjà suscité des critiques de la Commission européenne.

Source ; Le Monde.fr avec AFP 22/07/2017

REvue de presse

La révolution culturelle de Kaczynski

Le Monde tente d’expliquer les motivations profondes du PiS :

«Sous la houlette du président du parti, le très secret Jaroslaw Kaczynski, le PiS s’est donné une mission : sortir la Pologne de l’occidentalisme décadent que lui imposerait l’UE, ramener le pays à son identité catholique la plus fondamentale. M. Kaczynski ne cache pas qu’il mène une bataille culturelle et idéologique. … Au service de sa révolution, cet homme veut un Etat fort, délesté de la machinerie des contre-pouvoirs qui caractérisent les démocraties ‘occidentales’. Il se dirait volontiers inspiré par Dieu. La question est de savoir si un tel Etat a sa place dans une Europe qui puise, elle, son inspiration chez Montesquieu.»

Fini les jours heureux en Pologne

Pour Gazeta Wyborcza, l’action du Parlement signe la mort de l’Etat de droit :

«Mercredi, les députés du parti PiS ont mis un terme à l’indépendance de la justice et confié les tribunaux au [ministre de la justice] Zbigniew Ziobro, qui dispose d’un pouvoir illimité et souhaite en découdre avec les juges. C’est la fin de l’Etat de droit. … A partir d’aujourd’hui, toute personne nommée un matin par Jaroslaw Kaczynski peut se faire lyncher le soir à la télévision [publique] nationale, mais également être mise sur écoute, traînée devant la justice, arrêtée, condamnée et déclarée coupable par toutes les instances. … Nous sommes au mois de juillet, tout le monde est à la plage, à boire de la bière en mangeant des saucisses. Malheureusement, le soleil ne sera que de courte durée. Les 27 plus belles années de l’ère démocratique polonaise s’achèvent, pour laisser place à un régime autoritaire.»

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique UE, L’UE peut-elle stopper la réforme de la justice polonaise ?Pologne, rubrique Politique, rubrique Société, Citoyenneté,

« Macron et le ventre des femmes africaines, une idéologie misogyne et paternaliste »

fv_livre1-551365Désigner la fécondité des femmes africaines comme une entrave au développement du continent, c’est leur faire porter la responsabilité de la misère et du sous-développement, pour absoudre l’Occident, estime la politologue Françoise Vergès*. 

Lorsqu’Emmanuel Macron désigne la fécondité des femmes africaines comme une entrave au développement du continent, dans quelle tradition idéologique s’inscrit-il ? 

Disons déjà que les États ont toujours voulu contrôler la fécondité des femmes. Mais la déclaration selon laquelle le développement du continent africain serait freiné parce que les femmes africaines feraient trop d’enfants est directement liée à l’idéologie occidentale d’après-guerre qui attribue aux femmes du Tiers monde la responsabilité de la misère et du sous-développement, ce qui évidemment absout l’Occident. Traite et colonialisme – travail forcé, déplacement de populations, guerres, massacres – n’auraient donc eu aucune conséquence.

Dès les années 1950, cette idéologie, dans laquelle les États Unis jouent un grand rôle, va devenir vérité et autoriser de vastes campagnes antinatalistes (stérilisation forcée, contraception sans consentement) visant minorités, peuples autochtones, peuples sous domination. Notons que des États du Tiers monde vont adopter cette idéologie. Parmi les arguments de cette idéologie, il y a aussi la menace que ferait peser cette fécondité sur la sécurité – les enfants devenus adultes seraient tentés par la migration vers les pays riches ou par la révolution. Dans les congrès sur la population mondiale, des hommes, religieux, hommes d’Etat, experts en tous genres, dissertent sur le ventre des femmes, elles-mêmes étant en général absentes des débats.

C’est une idéologie misogyne – les femmes seraient irresponsables – et paternaliste – les femmes seraient des victimes – à laquelle se mêle une idée de la supériorité de l’Occident (les femmes en Europe qui ont eu à une époque pas si lointaine beaucoup d’enfants n’auraient elles jamais entravé le développement).

Si l’Afrique connaît un taux de croissance démographique important, il faut savoir que le continent a longtemps été sous-peuplé, et que ce continent comparé à certains pays (Inde, Chine) a eu un taux de croissance démographique très bas. Il faut, aussi, reconnaitre que le taux de fécondité n’est pas le même d’un pays à l’autre, qu’il est assez faible dans certains pays, l’Afrique n’est pas « un pays ». Enfin, les femmes africaines, dès qu’elles ont le choix,  font moins d’enfants. 43% des naissances ne sont pas désirées, l’accès à la contraception étant difficile.

Quelles authentiques entraves ce discours sur la fécondité des femmes africaines passe-t-il sous silence ? 

L’Afrique a été pillée, elle continue à être pillée avec la complicité de gouvernements africains, on le sait. Elle n’est pas à l’abri du capitalisme mondial qui repose sur l’économie d’extraction et le productivisme. Cela fait longtemps que des Africaines et Africains ont fait la critique de l’idéologie du développement à l’occidentale, que de jeunes intellectuels, artistes, économistes, philosophes, sociologues, partant de l’analyse des contradictions locales, régionales et transnationales, font des propositions. Cela fait longtemps que tout une jeunesse ne se tourne plus vers l’Occident.

Il y a de formidables énergies sur le continent, des groupes, des associations, des entrepreneurs qui cherchent des voies de développement à partir des ressources et des savoirs du continent, dans le respect de l’environnement et de la dignité de chaque personne, loin des idéologies occidentales de développement basées sur le PIB.

L’Europe veut continuer à croire qu’elle est indispensable, mais elle est de plus en plus seule à le croire.

En soi, la croissance démographique freine-t-elle mécaniquement la possibilité d’un développement durable, respectueux des êtres humains et de l’environnement ? 

Les femmes, il faut le dire et le répéter, font moins d’enfants dès qu’elles en ont le choix. C’est d’abord à elles qu’il faut penser, aucune femme n’a envie d’avoir des grossesses successives qui l’épuisent et n’assurent pas aux enfants qu’elles ont de vivre pleinement.

Quel mépris de parler des femmes de cette manière ! Le respect des êtres humains et de l’environnement n’est pas d’abord menacé par le nombre d’enfants mais par un système économique et politique qui ne cherche pas à améliorer la vie de chaque être humain mais à continuer à distinguer entre des vies qui comptent et des vies qui ne comptent pas. Quand les vies qui ne comptent pas sont si nombreuses, c’est là qu’est le danger.

Il y a péril en la demeure mais les dirigeants continuent à pérorer sur de vieilles idées, à rivaliser entre eux en adoptant des postures plus insignifiantes les unes que les autres. Que des dirigeants multiplient les obstacles au contrôle des femmes sur leur fertilité, qu’ils les encouragent à faire des enfants mais sans offrir services de santé et d’éducation, ou qu’ils les accusent de favoriser la misère, dans tous les cas, ils instrumentalisent le ventre des femmes.

Le ventre des femmes. Capitalisme, racialisation, féminisme, Françoise Vergès, Albin Michel, 2017.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
Source :  l’Humanité . le 17 juillet 2017
Voir aussi : Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Afrique,  rubrique Société, Droit des femmes, rubrique Livre Chamoiseau : Cette idée de « race supérieure »,