Cinemed : Un film politique sur le système berlusconien

Triple peine pour les victimes du séisme, privés de leur maison et de démocratie

Avec Draquila, l’Italie qui tremble, Sabrina Guzzanti dénonce l’instrumentalisation politique du tremblement de terre de l’Aquila en Italie.

sabina_guzzanti_02Licenciée de la télévision italienne pour son « impertinence », la journaliste Sabina Guzzanti dénonçait dans Viva Zaparero (2005) l’anéantissement de la liberté d’expression dans l’Italie berlusconienne. Avec Draquila, l’Italie qui tremble, elle revient sur la gestion politique du tremblement de terre de L’Aquila, qui a détruit, le 6 avril 2009, cette ville des Abruzzes. Au-delà du lourd bilan qui a fait 308 morts, on découvre comment celui que l’on surnomme il Cavaliere a su mettre la détresse à son profit en sacrifiant une ville de 70 000 habitants pour les besoins de sa notoriété. Très documenté, ce film politique prend l’effarante mesure du dénie de démocratie qui règne en Italie. La présentation du film à Cannes cette année est à l’origine de l’annulation de la venue du ministre de la culture italien, Sandro Bondi.

A travers cette enquête autour de la catastrophe, j’ai voulu faire comprendre pourquoi les gens votent pour Berlusconi, explique la réalisatrice, Sur place, tout a été militarisé. On a déporté et changé le mode de vie des gens sans la moindre décision démocratique. Les médias ont été muselé et l’opposition est restée autiste. » Le documentaire démonte l’argument sécuritaire invoqué par la protection civile dont la privatisation a été bloqué suite aux révélations du film. Sabina Guzzanti pointe le programme de relogement onéreux lancé à grand renfort médiatique par le président du Conseil comme une manœuvre ayant permis d’ouvrir la manne des fonds publics au réseau politico-industriel et mafieux. Sur le petit écran, Silvio Berlusconi apparaît comme un sauveur au yeux d’une minorité de sinistrés. On mesure la force de la propagande à travers de multiples témoignages dont celui d’un journaliste local qui a persuadé ses propres enfants de rester sagement dans leur chambre juste avant de les perdre dans la catastrophe.

Jean-Marie Dinh

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«Pétrole contre nourriture» en Irak: non-lieu requis pour Pasqua et Total

Le parquet de Paris a requis un non-lieu pour l’ancien ministre Charles Pasqua et l’entreprise Total dans l’enquête sur des malversations présumées au sein du programme onusien en Irak «Pétrole contre nourriture», a-t-on appris lundi de sources proches du dossier.

FRANCE-JUSTICE-PASQUA-20041008L’enquête, ouverte en 2002, s’était orientée vers diverses personnalités françaises soupçonnées d’avoir perçu au début des années 2000 des commissions occultes sous forme d’allocations de barils de pétrole du régime irakien de Saddam Hussein, en violation du programme de l’Onu «pétrole contre nourriture». Au total, 20 personnes physiques, dont l’une est décédée depuis, et deux entreprises, Total et Vitol, ont été mises en examen dans ce dossier. Le parquet de Paris avait déjà pris des réquisitions en septembre 2009 mais un nouveau juge chargé de l’enquête, Serge Tournaire, avait finalement mis en examen le 27 février le groupe Total en tant que personne morale pour corruption d’agent étranger, complicité et recel de trafic d’influence. Cette décision a relancé l’enquête et amené le parquet à prendre de nouvelles réquisitions. Le parquet a notamment considéré que l’enquête n’avait pas permis de démontrer que le patron de Total, Christophe de Margerie, s’était rendu complice d’abus de biens sociaux et que M. Pasqua s’était livré à du trafic d’influence. Il a requis «en milieu de semaine dernière» un non-lieu en leur faveur, de même que pour Total en tant que personne morale, selon ces sources.

Il revient désormais au juge Tournaire de décider leur éventuel renvoi devant le tribunal correctionnel. Au coeur de cette investigation se trouve la politique de pots-de-vin et de surfacturation imposée par le régime de Saddam Hussein pour contourner le programme onusien permettant à Bagdad de vendre du pétrole en échange d’aide humanitaire et de produits alimentaires. L’enquête s’est orientée vers des personnalités françaises susceptibles d’en avoir bénéficié, dont M. Pasqua, son conseiller diplomatique, Bernard Guillet, ou encore l’homme d’affaires proches des anciens dirigeants irakiens, Claude Kaspereit.

AFP

Voir aussi : Rubrique Irak, Le vice-président irakien discute des contrats avec Total, L’Irak réclame des réparations Affaire, Total accusé de complicité d’assassinats en Birmanie, On line Nouvelles accusationn contre Total en Birmanie, le site EarthRights en anglais

Karachi : l’UMP refuse de communiquer des documents à la justice

Y a-t-il « entrave à la justice » dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Karachi ?

dossier-karachiInterrogée sur ce point mercredi lors de la séance des questions au gouvernement par le député PS Bernard Cazeneuve (rapporteur de la mission parlementaire sur l’attentat de Karachi en 2002 qui avait coûté la vie à onze salariés de la Direction des constructions navales et fait naître des soupçons sur le financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995), la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie a nié toute obstruction au travail judiciaire.

Pourtant, si les documents que publie Mediapart, jeudi 14 octobre, ne suffisent à accréditer cette accusation, ils montrent néanmoins que rien n’est fait pour faciliter la tâche de la justice. Il s’agit de lettres échangées ces derniers mois entre le député UMP Guy Teissier, président de la commission de la défense à l’Assemblée, et le juge d’instruction Marc Trévidic, chargé du versant terroriste de l’affaire Karachi.

Quand le juge menace de perquisitionner l’Assemblée

Dans ces courriers, le magistrat réclame que lui soit communiqué le contenu des auditions réalisées par la mission d’information parlementaire sur l’attentat, présidée par Yves Fromion (député UMP du Cher), qui a rendu son rapport le 12 mai dernier. Mais Guy Tessier lui oppose une fin de non-recevoir, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.

Revenant à la charge, Marc Trévidic va alors jusqu’à invoquer l’article 99-3 du code de procédure pénale qui permet au magistrat « par tout moyen, de requérir (…) de toute administration publique » la transmission de documents. Se faisant menaçant, il déclare : « Comme j’ai l’habitude d’agir de façon courtoise (…), je n’ai certes pas utilisé l’imprimé comminatoire appelé ‘réquisition judiciaire' ». Ce qui revient, souligne le site d’information, « à adresser une ‘sommation’ judiciaire à l’Assemblée nationale avant, pourquoi pas, d’y conduire une perquisition ».

Le PS demande la réouverture de la mission parlementaire

C’est en raison de ces obstacles auxquels se heurte la justice que Bernard Cazeneuve devait défendre ce jeudi « trois amendements rédigés ces derniers jours dans l’urgence », comme le souligne le site d’information dans un autre article.

L’un de ces amendements obligerait ainsi les présidents de mission d’information parlementaire à transmettre l’ensemble des éléments qu’ils collectent aux magistrats qui en font la demande.

Un autre vise à rendre publiques les conclusions des rapporteurs adjoints du Conseil constitutionnel, dès qu’il s’agit de valider ou rejeter des comptes de campagne. Cette disposition tient sa raison d’être au fait que l’on a récemment appris que trois rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient proposé le rejet des comptes de campagne du candidat Balladur en raison de dons douteux en espèces d’une dizaine de millions de francs. Un avis que le Conseil constitutionnel n’avait finalement pas suivi, validant les comptes de campagne en octobre 1995.

Enfin, une troisième disposition autoriserait le Parlement à mener une « commission d’enquête » en bonne et due forme sur des faits dont l’autorité judiciaire a déjà été saisie – et non pas seulement un « mission d’information », dotée de pouvoirs d’investigation bien moindres. « Nous allons regarder comment l’on peut réouvrir la mission d’information parlementaire compte tenu des éléments nouveaux, éventuellement en la transformant en commission d’enquête pour qu’elle dispose des moyens dont la mission ne pouvait disposer », a ainsi expliqué Bernard Cazeneuve mercredi.

Des amendements qui n’ont aucune chance d’être adoptés, compte tenu du rapport de force très favorable à l’UMP dans l’hémicycle, souligne néanmoins Mediapart.

(Nouvelobs.com)

Voir aussi : Rubrique Affaires : Sarkozy mis en cause par la police luxembourgeoise , Attentat Karachi, Le parlement se couche, Chronologie ,

Des magistrats dans le mouvement social

Sondage sécuritaire

Ce soir*, le cycle de débats Justice critique organisé par la librairie Sauramps, la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France reviendra sur l’essai « Les mauvais jours finiront » publié à l’occasion du quarantième anniversaire du Syndicat de la magistrature (S.M).

Fondée le 8 juin 1968, cette structure représente actuellement un tiers des magistrats. A l’époque, la création d’un syndicat judiciaire n’allait pas de soi, rappelle le magistrat Gilles Sainati qui a coordonné l’ouvrage : « Depuis son origine le S.M. s’est donné pour objet de réveiller un corps de la magistrature qui oublie souvent son rôle central. Les deux engagements de fond poursuivis concernent le fait de mieux assumer notre mission et celui d’améliorer le fonctionnement de la justice pour les justiciables »

Né dans le tumulte des événements de mai, les courants d’idées qui ont influé sur le syndicat dépassent 68 en s’étendant du catholicisme social au marxisme dialectique en passant par Foucault et Bourdieu. La défense des droits de l’Homme et des conditions de détention n’est pas sans lien avec l’expérience marquante vécue par certains magistrats durant les années 1939-1945 ainsi que pendant la guerre d’Algérie.

Magistrats et mouvements sociaux

Sur le terrain social, le positionnement anti-corporatiste du S.M. déclenche à sa création une certaine suspicion des confédérations syndicales qui s’estompe avec le temps. « Depuis l’affaire Lip, le S.M. n’a pas hésité à plonger dans la réalité sociale de tous les jours en soutenant le droit des ouvriers et des salariés. Nous sommes aussi montés aux créneaux pour dénoncer la pénalisation de l’action syndicale et la dépénalisation du droit des affaires. Aujourd’hui nous entretenons des relations équidistantes avec la CGT, la CFDT et SUD et appelons nos adhérents à rejoindre les mouvements sociaux. »

Si la volonté de réforme d’une institution biaisée au détriment des plus défavorisés, prend tout son sens face aux gouvernements de droite, à partir de 1981, l’arrivée de la gauche au pouvoir complique la donne de par la convergence de valeurs. Une proximité difficile à gérer qui plonge le syndicat successivement dans l’espoir avec la suppression de la peine de mort et la déception liée à la politique d’immigration.

Gilles Sainati, qui assumait la fonction de secrétaire général du syndicat entre 1998 et 2001, doit gérer les relations houleuses liées au positionnement sécuritaire du PS incarné par les ministres de l’intérieur Chevènement puis Vaillant dont la loi sur la sécurité quotidienne votée après le 11 septembre, marque le recul des libertés fondamentales. La caporalisation du parquet En 2004, la loi Perben II instaure la procédure d’exception sans l’intervention d’un juge d’instruction, accentue le populisme pénal au détriment des étrangers et des mineurs.

2005 marque le recours à l’état d’urgence et à la troisième voie qui permet la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le S.M. dénonce le triomphe de la conception policière de l’enquête. « Depuis 2001, la population constate que l’on n’a pas toujours tort, constate Gilles Sainati, le mandat de Sarkozy se caractérise par la suppression de tous les contre-pouvoirs. Mais en cas d’alternance en 2012, je crains que nous ayons les mêmes débats à propos de la politique sécuritaire. »

Jean-Marie Dinh

*A 19h30 Salle Pétrarque, débat avec Gilles Sainati et Jean-Jacques Gandini autour de l’essai sur le Syndicat de la Magistrature « Les mauvais jours finiront : 40 ans de combats pour la justice et les libertés » éd, La Fabrique.

Voir aussi : Rubrique Justice, le fichier Base élève, les risques du projet de réforme de procédure pénale , juge favorable à la position policière, rubrique Rencontre Dominique Shnapper, Laurent Mucchielli, Liens externes, Le blog de Gilles Sainati,

Affaire Kerviel : un jugement condamné par la presse française

Le jeune trader de la Société générale a-t-il pu agir à l'insu de la banque ?

Lampiste et bouc émissaire sont les deux termes utilisés par la presse française mercredi au lendemain de la condamnation de l’ancien trader de la Société Générale, Jérôme Kerviel, à cinq ans de prison dont trois ferme et à des dommages-intérêts colossaux de 4,9 milliards d’euros.

Laurent Joffrin dans Libération écrit que «dans son acception biblique, le bouc émissaire est innocent. Il porte sur lui tous les péchés d’Israël mais il ne les commet pas». Quant à Kerviel, «il porte sur lui tous les péchés de la banque; mais il est coupable». Pour l’éditorialiste, «le lampiste de la crise financière supporte seul ou presque l’opprobre encouru par les démiurges de l’économie-casino».

«A prononcer une condamnation fantaisiste, les juges prennent le risque de décrédibiliser leur institution qui n’en à guère besoin», affirme François Lenglet dans La Tribune. «A cogner comme des sourds sur un lampiste, fût-il coupable, ils s’exposent au reproche de rendre une justice biaisée, protégeant les puissants et s’acharnant sur les faibles», ajoute-t-il.

Selon Nicolas Barré des Echos, «en condamnant Kerviel (…) les juges l’intronisent spectaculairement dans son rôle préféré, celui de victime».

Pour Jacques Camus de La République du Centre, «si Jérôme Kerviel n’est pas l’innocente victime qu’il prétend être, il n’est pas non plus le coupable trop parfait à qui le tribunal a infligé le “malus du siècle”».

Jean-Claude Kiefer des Dernières Nouvelles d’Alsace estime pour sa part que «ce jugement renforce à tort ou à raison l’impression générale de vivre dans une société de plus en plus inégalitaire».

Et Daniel Ruiz de La Montagne de s’interroger : «Nul ne conteste que Kerviel, le lampiste, le mouton noir, doive être sanctionné pour ses dérives, mais fallait-il pour autant blanchir sa banque qui a laissé faire?»

Car pour beaucoup de commentateurs, la Société générale s’en sort «à très bon compte», comme le souligne Patrice Chabanet dans Le Journal de la Haute-Marne, «car elle a su convaincre les juges qu’un seul petit trader pouvait court-circuiter des centaines de spécialistes internes et sa direction».

Dans L’Alsace, Patrick Fluckiger, aurait «aimé que les magistrats mettent leur nez dans les coulisses de la spéculation». «Il était visiblement plus important pour eux de faire un exemple que de prévenir de nouvelles dérives», commente-t-il.

«Voir, aujourd’hui, la Société Générale revêtir le costume de victime est pour le moins consternant. Révoltant», reconnaît François Martin du Midi Libre. Selon lui, «c’est bien elle et tout le système bancaire qui ont plongé notre monde dans une crise majeure».

Bernard Le Solleu, de Ouest-France, préfère placer l’affaire Kerviel sur le plan politique puisque d’après lui, celle-ci «a mis en émoi l’Elysée. Elle n’était pas seulement financière». «Elle était politique», conclut-il.

AFP

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