La cour d’appel de Paris a contredit le jugement prononcé en première instance dans l’Angolagate, estimant qu’il n’y avait pas eu trafic d’armes, relaxant Charles Pasqua et prononçant contre Pierre Falcone une peine qui lui a permis de sortir de prison. « Aujourd’hui, justice est rendue, je suis soulagé mais cela aura des conséquences à terme », a réagi M. Pasqua, 84 ans, après sa relaxe. L’homme d’affaires français Pierre Falcone, 57 ans, a pour sa part quitté Fleury-Mérogis « à 18H30 », selon un de ses avocats, Me Pierre-François Veil. « Il va maintenant retrouver sa famille », a-t-il ajouté.
Le dossier portait essentiellement sur une vente d’armes à l’Angola dans les années 1990, pour un montant 790 millions de dollars, gagés sur les recettes futures du pétrole de ce pays d’Afrique australe alors en guerre civile. L’enquête, conduite par le juge Philippe Courroye, avait considéré cette vente illicite et débusqué une série de bénéficiaires des énormes bénéfices. Une quarantaine de personnes avaient comparu en première instance, une vingtaine en appel.
Pierre Falcone ainsi que son partenaire, le Franco-israélien d’origine russe Arcadi Gaydamak, 59 ans, avaient été condamnés à six ans ferme le 27 octobre 2009. En fuite, Gaydamak avait échappé à la prison, mais Falcone était immédiatement écroué. L’enquête avait aussi épinglé Charles Pasqua, pour trafic d’influence et recel d’abus de biens sociaux dans un volet connexe: il lui était reproché d’avoir reçu 230.000 euros en échange de l’attribution à Gaydamak de l’ordre du Mérite. Sanction du tribunal pour l’ancien ministre de l’Intérieur: trois ans de prison dont un ferme.
Au procès en appel, du 19 janvier au 3 mars, Pierre Falcone a bataillé pour faire valoir qu’il n’y avait pas eu de commerce « illicite », mais une opération menée sur « mandat » du gouvernement légitime angolais du président Dos Santos, confronté à une rébellion (l’Unita) condamnée par l’ONU.
Le parquet n’avait pas été convaincu, requérant des peines voisines de celles de première instance. Mais pour la cour, « il a été démontré tant par l’Etat (angolais) lui-même que par les actes accomplis, que MM. Falcone et Gaydamak ont agi au nom et pour le compte de l’Angola ». Dès lors, la fourniture d’armes à Luanda « ne relève que du droit international et (est) soustraite à l’appréciation des tribunaux français ».
En revanche, la cour a considéré que Pierre Falcone était bien « l’auteur de nombreux abus de biens sociaux » et l’a condamné à deux ans et demi ferme. Sa peine ayant été purgée, avec deux séjours en prison durant l’instruction et sa détention depuis 2009, la cour a donc constaté qu’il n’y avait plus « lieu à maintien en détention ».
Contre Arcadi Gaydamak, elle n’a retenu que la fraude fiscale et le blanchiment et l’a condamné à trois ans de prison ferme. Des amendes de 375.000 euros ont été infligées aux deux hommes. Quant à Charles Pasqua, il sort blanchi après avoir accusé la classe dirigeante de l’époque, dont Jacques Chirac et Alain Juppé, d’avoir tenté de lui nuire politiquement.
La cour s’est notamment déclarée convaincue, au vu des différents témoignages, du rôle d’Arcadi Gaydamak dans la libération de deux pilotes français otages en Bosnie en 1995. Pour la défense, c’est ce fait d’armes qui lui avait valu d’être décoré de l’ordre du Mérite.
« C’est une belle journée pour la justice française, voilà dix ans que nous disons qu’il n’y a pas eu trafic d’armes, pas de trafic de décoration « , a réagi un des avocats d’Arcadi Gaydamak, Me William Goldnadel. « Mais en même temps quelle amertume, car c’est une justice tardive », a-t-il ajouté.
Parmi les 15 autres prévenus, l’ancien préfet du Var Jean-Charles Marchiani a été condamné à 24 mois dont 8 ferme, n’échappant pas au recel d’abus de biens sociaux et l’avocat Allain Guilloux a écopé de la même peine.
Le parquet de Paris a requis un non-lieu pour l’ancien ministre Charles Pasqua et l’entreprise Total dans l’enquête sur des malversations présumées au sein du programme onusien en Irak «Pétrole contre nourriture», a-t-on appris lundi de sources proches du dossier.
L’enquête, ouverte en 2002, s’était orientée vers diverses personnalités françaises soupçonnées d’avoir perçu au début des années 2000 des commissions occultes sous forme d’allocations de barils de pétrole du régime irakien de Saddam Hussein, en violation du programme de l’Onu «pétrole contre nourriture». Au total, 20 personnes physiques, dont l’une est décédée depuis, et deux entreprises, Total et Vitol, ont été mises en examen dans ce dossier. Le parquet de Paris avait déjà pris des réquisitions en septembre 2009 mais un nouveau juge chargé de l’enquête, Serge Tournaire, avait finalement mis en examen le 27 février le groupe Total en tant que personne morale pour corruption d’agent étranger, complicité et recel de trafic d’influence. Cette décision a relancé l’enquête et amené le parquet à prendre de nouvelles réquisitions. Le parquet a notamment considéré que l’enquête n’avait pas permis de démontrer que le patron de Total, Christophe de Margerie, s’était rendu complice d’abus de biens sociaux et que M. Pasqua s’était livré à du trafic d’influence. Il a requis «en milieu de semaine dernière» un non-lieu en leur faveur, de même que pour Total en tant que personne morale, selon ces sources.
Il revient désormais au juge Tournaire de décider leur éventuel renvoi devant le tribunal correctionnel. Au coeur de cette investigation se trouve la politique de pots-de-vin et de surfacturation imposée par le régime de Saddam Hussein pour contourner le programme onusien permettant à Bagdad de vendre du pétrole en échange d’aide humanitaire et de produits alimentaires. L’enquête s’est orientée vers des personnalités françaises susceptibles d’en avoir bénéficié, dont M. Pasqua, son conseiller diplomatique, Bernard Guillet, ou encore l’homme d’affaires proches des anciens dirigeants irakiens, Claude Kaspereit.
Pendant la campagne des élections présidentielles en 2007, le candidat Nicolas Sarkozy a multiplié les annonces de rupture avec la politique africaine de ses prédécesseurs, dénonçant le soutien aux dictatures, la diplomatie secrète, le clientélisme, ou encore les détournements de l’aide au développement, bref la « Françafrique ».
Pourtant, au regard des actes posés depuis sa prise de fonction à l’Elysée, le président français n’a pas tenu ses promesses : perpétuation de relations clientélistes, discours essentialiste de Dakar sur l’« homme africain », soutien à des dictateurs (Bongo, Khadafi…), défense de l’affairisme français (Bolloré, Bouygues…), intervention militaire au Tchad, rôle joué par certains émissaires officieux (Bourgi, Balkany…), la politique africaine de Nicolas Sarkozy s’inscrit plus dans une continuité que dans une rupture. Elle est une perpétuation de la politique néocoloniale que chaque président français a poursuivit depuis les « indépendances » africaines.
Entretien avec Samuel Foutoyet auteur de « Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée »
« L’objectif principal se sont les matières premières »
Nicolas Sarkozy prône un nouveau modèle de relation franco-africaine quand est-il ?
Lors de sa campagne, le vainqueur des présidentielles a fait des déclarations importantes. Il a promis beaucoup de choses comme la fin du soutien aux dictatures, le remodelage de l’aide au développement, l’arrêt de la diplomatie secrète. Mon livre met en regard les discours et les réalités. Je me suis aussi penché sur le passé africain du Président Sarkozy et notamment sur ses liens avec Charles Pasqua qui sont l’une des clés de lecture pour saisir le rapport en Afrique de N. Sarkozy.
Vous évoquez notamment sa relation avec Omar Bongo ?
Juste après le discours « Nous sommes du côté des opprimés du monde », le Président reçoit la Présidente du Libéria, Mme Sirleaf, une quinzaine de minutes et réserve quelques jours plus tard un accueil fastueux au président gabonais Omar Bongo. Il faut se souvenir que cet ancien membre des services secrets français est arrivé au pouvoir en 1967 de manière très autocratique et qu’il s’y est maintenu grâce à des élections notoirement truquées. Entre 2004 et 2007, Sarkozy l’a rencontré au moins sept fois dans la résidence privée du président gabonais. Pour se dire quoi, on ne sait pas… Ce que l’on sait à travers les révélations de l’affaire Elf, c’est que Bongo a financé les partis politiques français, en particulier le RPR.
L’association Survie a intenté une action en justice à l’encontre de Bongo…
Les associations Survie, Sherpa et la fédération des Congolais de la diaspora ont mené une enquête sur le patrimoine personnel de Bongo à la suite de laquelle elles ont déposé plainte en 2007 pour des biens mal acquis. La plainte a été suivie d’une enquête par les services de la répression de la grande délinquance financière. Dans le cas de Bongo, celle-ci met à jour la bagatelle de trente-trois résidences dans le XVIe arrondissement de Paris et sur la côte d’Azur, de multiples comptes en banque, un parc de voitures de luxe impressionnant mais au mois d’octobre 2007, le couvercle se ferme. Et l’affaire est classée sans suite au motif qu’il n’y a pas assez de pièces au dossier.
Sarkozy paraît moins habile que ses prédécesseurs, comme en témoigne le discours de Dakar ou sa proposition de partage des richesses entre la RDC et le Rwanda ?
Sarkozy pratique effectivement un double discours : d’un côté les grande tirades sur la démocratie et de l’autre un discours choquant, réactionnaire et colonialiste comme celui de Dakar. Cela crée beaucoup de confusion dans l’opinion publique française. En Afrique, les populations sont très remontées par ses discours comme par ses actes. Comme lors de son dernier voyage au Congo Brazzaville où il a soutenu Sassou Nguesso pour les élections de juillet.
La pression des multinationales françaises s’intensifie-t-elle avec le culte que voue Sarkozy à l’idéologie libérale ?
Aujourd’hui, l’Afrique est un nouveau far-west pour les Boloré, Vinci, Total Fina Elf, Véolia, Aréva… Le super VRP Sarkozy est bien loin de ses promesses qui assuraient que la diplomatie française prendraient des distances avec les multinationales. Il brise des tabous on est presque dans la glorification du pillage. Dans un premier temps on a tout bonnement nié l’existence de la Francafrique, puis on a reconnu son existence en disant qu’elle n’existe plus et aujourd’hui on dit la Françafrique existe mais la Chinafrique c’est pire ! L’association Survie critique ce que la Chine fait en Afrique mais il faut aussi continuer à bien voir ce que fait la France en Afrique qui reste le numéro un.
L’émergence d’une nouvelle génération de diplomates défendant une vision multilatérale des relations se pose-t-elle en rupture avec les tenant de la Françafrique ?
On distingue en effet deux tendances au sein de la diplomatie française, celle de Robert Bougi, de Balkany qui sont des anciens du clan Foccart et des gens comme Bruno Joubert, ancien directeur de la stratégie de la DGSE ou Jean David Levitte, le responsable de la cellule diplomatique de l’Elysée, qui ont une vision plus américano-française sur l’Afrique. De là à dire que l’on assiste à un changement des pratiques… La combinaison des deux tendances se retrouve autour de l’objectif principal qui sont les matières premières. La paupérisation de l’Afrique francophone et l’espérance de vie qui décline demeurent à ce titre des indicateur éclairants.
Quel parallèle faite-vous entre se déploiement politico-économique à l’étranger et la politique intérieur de l’immigration ?
Il existe un lien très fort entre l’immigration africaine en France et la Françafrique puisque la plupart des personnes qui quittent leur pays le font pour des causes politiques et économiques dans des pays devenus invivables en partie du fait des responsabilités françaises. L’indignité que l’on constate dans la gestion des sans papier en France rejoint le mépris des populations qui s’exprime en Afrique. Pour soutenir des dictature comme le fait la France en Afrique, il faut avoir une bien piètre image des populations africaines.
recueilli par Jean-Marie Dinh
Sarkozy ou la Françafrique décomplexée, éditions Tribord, 4,5 euros
Depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy la politique de la Françafrique repose sur une défense inconditionnelle des positions économiques acquises (Gabon, Congo, Tchad …) ou à conquérir (Libye, RDCongo, Angola, Afrique du Sud …) a placé la Guinée parmi les territoires de prospection pour les entreprises françaises.