Culture. Temps forts 2017 et influence durable de la création en Languedoc-Roussillon

Baba Zula soirée Balkans Express Fiest' A Sète

Un coup d’œil en Languedoc sur une riche année en dépit de la crise, merci aux artistes sans lesquels nous serions bien pauvres.

 

Janvier

Begin the Beguine, écrite en 1987, la dernière pièce du cinéaste culte John Cassavetes a été montée par Jan Lauwers dans une première version au Burgtheater de Vienne. A l’invitation de la fondation Cassavetes de N.Y. Le directeur du CDN de Montpellier Rodrigo Garcia reconduit cette invitation en proposant au metteur en scène flamand de créer une nouvelle version de ce texte peu connu où s’expose la vie déchue des hommes seuls.

Nicolas Bourriaud en charge du futur Centre d’art contemporain de Montpellier lance à La Panacée le premier cycle d’expositions. Avec Retour sur Mulholland Drive, on explore l’univers lynchien sous toutes les coutures une vingtaine d’artistes insufflent une puissance d’évocation singulière.

Dans Opus 14, le hip hop est graphique, spectaculaire et virtuose. Les danseurs apprennent à faire du sol un véritable partenaire. Au Théâtre de Sète Kader Attou écrit une des pièces charnières de l’histoire du hip hop français de création !

Février

Camille de Toledo s’empare du drame d’Utøya où Anders Behring Breivik, le terroriste norvégien d’extrême droite débarque sur l’île pour décimer des dizaines de jeunes militants. Un mythe obscur où la crise politique contemporaine et ses répercussions sociales s’exposent sur la scène du théâtre universitaire La Vignette.

A Nîmes, le Théâtre Christian-Liger reçoit Ubu Roi Vrout par la cie Les Lubies qui donne un supplément de folie à un texte piquant et déjanté .

A Sète l’artiste Nicolas Fenouillat investit le Crac (Centre régional d’art contemporain) avec trois propositions où l’art contemporain agrège l’univers musical.

Nicolas Fenouillat ou le retour des héros contemporains. photo dr

Nicolas Fenouillat ou le retour des héros contemporains. photo dr

Mars

Après une année d’incertitude, le conseil départemental de l’Hérault et la métropole de Montpellier signent un accord garantissant le maintien des festivals du Domaine d’O. Au-delà du calendrier politique, l’ambition culturelle demeure une priorité dans l’Hérault et à Montpellier. Ce qui constitue un véritable atout pour les territoires et leur développement.

Le Festival de cinéma Itinérances d’Alès est à l’initiative d’une riche série d’expositions à l’occasion de sa 35e édition. On y découvre 14-18 vue par la BD.

Concert légendaire de Magma au Sonambule à Gignac.

Avril

Opéra participatif pour petits et grands sous la direction de Jérôme Pillement, mise en scène Marie Ève Signeyrole. En forme de fresque mythologique, Le Monstre du Labyrinthe revisite de manière libre le mythe de Thésée à l’Opéra Berloz de Montpellier.

Au moment où notre société s’interroge sur le « vivre ensemble », le dernier Par du Centre chorégraphique national ICI : questionne l’engagement politique et citoyen des jeunes générations. Le jeune chorégraphe syrien Mithkal Alzghair, propose un club de danse.

Pour l’exposition Mirabilia La Maison des Consuls se transforme en cabinet de curiosités contemporain aux Matelles.

Quartier Croix d’argent, à Montpellier, la onzième Zone artistique temporaire (ZAT) confirme son succès en rassemblant dans Parc Montcalm la population dans toute sa diversité autour de propositions artistiques innovantes.

Myra Le monstre du labyrinthe

Myra Le monstre du labyrinthe

Mai

La 32e édition de La Comédie du livre met la Grèce et l’ensemble de la Méditerranée à l’honneur. La programmation sculpte dans la matière littéraire et reste en veille sur les écritures émergentes. Pour cette 12e édition, le Festival Arabesques, célèbre à Montpellier les grandes dames du monde arabe d’hier et d’aujourd’hui.

Juin

Ariane Mnouchkine ouvre Le Printemps des Comédiens avec Une chambre en Inde. La 31e édition du festival interroge le monde. Roméo Castellucci y donne son dernier spectacle Democracy in America

Pour ses vingt ans, le Festival International du Roman noir de Frontignan enclenche une fiesta du polar autour du chiffre 20.

Le capitaine du Pavillon noir Angelin Preljocaj, pose une ancre new-yorkaise au 37e Festival Montpellier Danse qui déroule une riche programmation dédiée à la danse contemporaine

" Angelin Preljocaj "La Stavaganza"

 » Angelin Preljocaj « La Stavaganza »

Juillet

A l’occasion des dix ans de la réouverture du musée Fabre et des 40 ans du Centre Pompidou, Montpellier accueille un choc artistique inédit entre Françis Bacon et Bruce Nauman.

Impressions fortes, l’estampe en 100 chefs d’œuvre, l’exposition d’été du Musée de Lodève se glisse sur les pas de l’étonnante histoire de cet art multiple.

La 33e édition du Festival de Radio France Montpellier Occitanie invite l’ensemble des radios publiques à se pencher sur le thème des Révolutions, en particulier celle de 1917.

L’exposition William Gedney prolonge la saison américaine du Pavillon Populaire avec une ouverture sur la photographie documentaire de 1955 à 1984.

Au festival de poésie de Sète, la regrettée Syrienne Fadwa Suleimane enflamme le public de Voix Vives qui fête sa 20e année.

 

Kentucky, 1964 et 1972.  William Gedney

Kentucky, 1964 et 1972. William Gedney

Août

L’édition 2017 de Fiest’A Sète fait la part belle à la musique africaine avec un mémorable tribute to Fela Kuti réunissant Roy Ayers Seun Kuti ou encore les concerts de Joe Bataan, et des sénégalais de Orchestra Baobab .

Le Festival Barjac m’enchante, rend hommage à l’œuvre du poète chanteur Jean Vasca.

Septembre

Les amoureux des livres et de la lecture de l’Ouest héraultais se retrouvent à Béziers, SortieOuest pour la 10e édition des Chapiteaux du livre.

A Sète, Les Journées Paul-Valéry permettent de découvrir l’ensemble de la correspondance échangée entre Valéry et Mallarmé publiée chez Fata Morgana.

Octobre

Le chorégraphe Boris Charmatz ouvre la saison de Montpellier danse avec sa pièce Danse la nuit. Une proposition insolite et risquée, conçue pour être donnée de nuit dans la rue.

Le Cinemed 2017 invite la jeune garde du cinéma algérien à se retrouver au Corum pour débattre du présent et de l’avenir.

Novembre

Prenez garde à Fassbinder ! est la 1ère création mise en scène par Jacques Allaire d’un travail au long court mené par trois metteurs en scène avec une compagnie professionnelles en situation de handicap. Au chai de la Bulle Bleue.

Décembre

A l’Arena s’ouvre Art Montpellier, la première édition de la Foire méditerranéenne des arts contemporains.

Au même endroit se tient la seconde édition de I love Techno Europe avec des artistes reconnus de Jeff Mills à Étienne de Crécy.

Foire méditerranéenne des arts contemporains

Foire méditerranéenne des arts contemporains

JMDH

Source La Marseillaise 29/12/2017

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Retros Culture Hérault 2015 Rétrospective #2, Retro Arts et culture 2016,

La musique de Grieg portée à la scène

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Concert Montpellier
Un Peer Geer qui explore la forme intrigante de la pièce à lire souhaitée par Henrik Ibsen dans sa demande à Grieg. La mise en scène du duo Clarac-Deloeuil fait dialoguer orchestre symphonique, comédiens, chanteurs lyriques, choeurs et création vidéo réalisée en direct

ce soir et demain à l’Opéra Berlioz.

L’orchestre national Montpellier Occitanie prolonge son invitation pour penser autrement le cérémonial du concert. Une façon aussi d’y intéresser des publics plus mêlés, curieux de formes hybrides et soucieux, de questionner notre temps présent, au prisme des grandes pièces du répertoire symphonique et lyrique. On retrouve le répertoire romantique après Manfred, le poème dramatique de Robert Schumann, l’Opéra Orchestre  National de Montpellier accueille un surprenant Peer Gynt d’Edvard Grieg mis en scène et scénographié par  les fondateurs de l’outil de production Clarac-Deloeuil lelab .

Impressionné par le talent de Grieg qu’il a eu l’occasion de côtoyer à Rome quelques années plus tôt, en janvier 1874, l’écrivain Ibsen propose au compositeur norvégien de mettre en musique son Peer Gynt. Le projet d’opéra tombe dans l’oubli. Une subvention du gouvernement lui donne le loisir de composer tranquillement et se consacrer à la commande d’Ibsen. La partition est achevée en juillet 1875, la première de Peer Gynt a lieu le 24 février 1876.

Depuis sa Norvège, Edvard Grieg compose une splendide musique de scène sur l’histoire tragicomique de Peer Gynt, jeune adulte volage, ivrogne et paresseux.  Peer Gynt est un voyage initiatique narrant les aventures d’un anti-héros en quête de rêve et d’identité. Oscillant sans cesse entre courage et lâcheté, Peer Gynt surmonte tant bien que mal les obstacles qu’il rencontre, le plus souvent par la fuite et le mensonge.

À partir du récit dramatique de ce drôle d’antihérosnorvégien, Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil adapte à la scène cette œuvre connue par son titre et la musique de Grieg, mais rarement donnée comme pièce. Cette production prolonge les mots d’Ibsen, pour faire de Peer Gynt « un territoire de jeu à la fois très étrange et très concret ». L’orchestre est enveloppé d’une élégante construction de bois blond, comme autant de sentiers pour retracer les chemins de vie du fantasque antihéros norvégien.

Au fil des passages musicaux, acteurs et chanteurs évoluent sur ce réseau de passerelles. Ils n’incarnent délibérément pas leurs personnages. Mais ils donnent à voir les aventures tragi-comiques de Peer Gynt en effigie, grâce au théâtre d’objets, à la création graphique et à la vidéo réalisée en direct. Un collage de supports poétiques et de techniques parfois surprenantes, qui suggère plus qu’il ne représente, tournant résolument Peer Gynt vers la fable métaphorique et universelle.

JMDH

Objet Musical Créatif, en coproduction avec l’OONM et Le Lab Clarac-Deloeuil. Opéra Berlioz ce soir et demain à 20h.

Source La Marseillaise 12/01/2018

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Manfred le double de Byron et Schumann

Manfred à l’Opéra Comédie, direction  David  Niemann, Choeur et Orchestre de l’Opéra national de Montpellier. Photo Marc Ginot

Manfred à l’Opéra Comédie, direction David Niemann, Choeur et Orchestre de l’Opéra national de Montpellier. Photo Marc Ginot

Musique
Manfred de Robert Schumann, le poème dramatique en trois parties de Lord Byron, nous plonge au coeur du romantisme allemand, à l’Opéra Comédie du 29 novembre au 3 décembre.

Dans l’histoire de la musique, Schumann demeure maître du Lieder et de la musique pour piano Il est aussi une figure emblématique du romantisme. Après avoir achevé son oratorio profane Le Paradis et la Péri et amorcé les Scènes de Faust, à la recherche de la forme lyrique parfaite, Schumann tente avec Manfred une synthèse entre la voix, l’orchestre, la poésie et la musique.

Il  parvient avec cette oeuvre, créée à Paris le 13 mars 1886, à approcher la réelle dimension d’un théâtre de l’imaginaire. Original, presque inclassable,  ce poème dramatique est animé par une musique aux accents parfois étranges, presque surnaturels, qui ne laisse jamais indifférents. Schumann choisit de confier les parties mélodramatiques à Manfred, tandis que les passages chantés reviennent au monde surnaturel des génies et des esprits.

Et tant pis si l’orgueilleux Manfred, double de Byron et Schumann, torturé par ses vieux démons, tente en vain d’exorciser ses douloureux péchés -inceste et faute obscure- en cédant aux forces occultes. Figure emblématique du romantisme, Schumann demeure pour Ernest Chausson, «le vrai poète du coeur humain » tandis que Roland Barthes voit « le musicien de l’intimité solitaire, de l’âme amoureuse et enfermée, qui se parle à elle-même ».

L’expérience illuminée Manfred, où la poésie et la musique, cultivent l’affirmation et la rédemption de l’âme sans céder un pouce au prosélytisme, aboutit musicalement à une superbe partition qui soutient un univers personnel fantasmé, une recherche d’absolu face à l’horreur du monde.

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ZAL. La couleur directe de l’univers des auteurs

Natyot ouvre le bal de la ZAT

Natyot ouvre le bal de la ZAT

Littérature
La Zone d’Autonomie Littéraire (ZAL) ouvre son territoire aujourd’hui à Montpellier salle Pétrarque de 14h30 à 23h

En matière littéraire, il y a un degré, un paroxysme de tension que l’on ne parvient pas toujours à dépasser.  La frontière entre l’auteur et son lecteur qu’il faut avoir franchi, pour s’émanciper une bonne fois pour toute des cadres bourgeois du roman du XIXe siècle   et remodeler une dimension fertile de la littérature.

« L’idée de la Zone d’Autonomie Littéraire,  est  de proposer une mise en scène du texte à travers une restitution événementielle de la littérature, explique Renaud Vischi, un des membres fondateurs, Ces formes de rencontres entre les auteurs et leurs lecteurs sont plus nourrissantes que lorsqu’on installe des écrivains à une table derrière des piles de livres

Alors,  se rendre à la ZAL, c’est comme si nous nous jetions par dessus bord, affrontant sans scrupule et sans honte le spectre que nous continuons à orner de fleurs rhétoriques à l’occasion des remises de prix littéraires. Ce que parvient à démontrer cette initiative qui célèbre cette année sa 7e édition, c’est que non seulement les livres et les auteurs existent hors des sentiers traditionnels de l’édition, mais aussi les lecteurs ; qui parlent, pensent, et s’amusent en dehors des lignes comptables recensant les chiffres de vente.

« L’ambition de la ZAL est de populariser une forme  innovante, conviviale et décomplexée parmi les manifestations littéraires. A la ZAL, les auteurs mettent leurs écrits en scène et livrent, au public, via une lecture augmentée ou nue, performée ou non, la couleur directe de leur univers. A la ZAL, un grand bar délie les langues et quelques stands triés sur le volet proposent des objets littéraires non identifiés et des livres rares. »

Innovation des formes
Performance lecture, lecture musicale, théâtralisée, poétiques, des alliances se tissent au grès d’un enchaînement de courtes présentations. L’exercice proposé aux écrivains, de parvenir à restituer le mieux possible l’univers de leur texte, est une forme de défi.

« Tous les auteurs ne sont pas prêt à monter sur scène, indique Renaud Vischi, L’année dernière, Perrine Le Querrec s’est mise dans la peau d’un metteur en scène en faisant lire son texte à une comédienne tout en assurant la direction d’acteur. Le cadre reste propice à l’innovation. Il peut aussi offrir des débouchés potentiels aux auteurs qui expérimentent d’autres types d’interventions que les traditionnelles séances de dédicace.« 

L’idée séduit, de Paris à Marseille, de Nantes à Toulouse, les auteurs qui seront présents à Montpellier arrivent des quatre coins de l’hexagone. D’année en année, la manifestation rayonne de plus en plus au niveau national. « Nous intervenons sur différents réseaux aux sein des communautés culturelles pour programmer les auteurs dans un souci de mixité  explique Renaud Vischi également impliqué dans la revue Squeeze, une publication périodique de textes d’auteurs qui propose des contenus littéraires en ligne en format court. La revue compte une moyenne de 3 700 lecteurs par numéro.

« La ZAL porte l’esprit littéraire de demain, soutiennent les organisateurs, celui d’un monde où tout à chacun pourrait entrer dans les livres comme dans une salle de cinéma.» Ce qui peut s’entendre, dans le cadre des ZAL qui ajoutent au texte la corporalité de l’objet, en rajeunissant sérieusement le public des manifestations littéraires.

JMDH

Auteurs programmés  Natyot Raymond Penblanc, Frifo-Maudit, Pierre Tilman, Murièle Modèly, Rémi Checcchetto ÉMI  , Jean Azarel (Spoken Words Music), Laurent Buisset, Schultz et Èlg (Conférence mutante & et poésie régressive), Raphaëlle Bouvier, Tristan Felix  (Animale poésie), Cie Jow Blob (Ciné-concert-blagues), Isabelle Simon, , Bololipsum (Live electro bricolé).

Source La Marseillaise 18/11/2017

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La Techno, un fait social musical né à Détroit

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Détroit dans le Michigan berceau de la Techno mondiale. Photo dr

Novembre 2017. A Montpellier, le festival techno Dernier Cri propose des concerts mais il permet surtout d’échanger et d’enrichir nos connaissances sur ce mouvement culturel. Retour aux sources à Détroit avec la réalisatrice et productrice indépendante Jacqueline Caux autour de son dernier film Never stop une musique qui résiste.

Invitée de l’édition 2017 du festival dernier Cri, la réalisatrice Jacqueline Caux a donné une conférence sur les labels indépendants de Détroit à La Panacée. Son dernier film -?le troisième réalisé à Détroit?- Never Stop une musique qui résiste a été projeté au cinéma Diagonal. Dans ce documentaire Juan Atkins, Derrick May, Carl Crail, Jeff Mills, qui ont fondé la Techno, avant d’en devenir les ambassadeurs mondiaux, témoignent des premiers souffles du mouvement.

Née à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Jacqueline Caux développe une passion pour le free jazz, puis pour la musique répétitive, Steve Reich, Philip Glass… «? La transe que je retrouve aussi dans la musique arabe me parle beaucoup cela comble l’intellect et satisfait le corps. Lorsque la techno est arrivée, au début des années 80, beaucoup disaient?: ce n’est pas de la musique, c’est n’importe quoi. Ce n’était pas ma génération mais pour moi c’était limpide.?»

Du blues de Bobo Jenkins au célèbre label Motown (Diana Ross, Marving Gaye, The Tentation…) qui épousait les volontés d’émancipation de l’époque, Détroit a toujours été un berceau pour la black music.

«? La techno, c’était la première génération de noirs qui faisait de la musique avec des machines. Je me demandais s’il y avait des liens inconscients machiniques avec les usines de voiture, commente Jacqueline Caux. Après les émeutes sanglantes de Détroit en 1967, les libéraux ont délocalisé les usines créant un chômage massif et une crise sans précédent. Les gens qui ne pouvaient plus vendre leur maison les brûlaient pour toucher l’assurance. Née dans ce contexte, la techno, comme le free jazz, revendique une volonté de dignité.

Jacqueline Caux se rend sur place pour mesurer la force d’exorcisme de ce mouvement créatif. «?Fallait qu’on trouve quelque chose pour ne pas mourir psychiquement?» lui confie Juan Atkins, artiste fondateur de Métroplex, le premier label techno indépendant.

La réalisatrice retrouve Electrifying Mojo le DJ secret et mythique qui joua un rôle essentiel de passeur en diffusant tous les soirs la musique des artistes de la ville dont personne ne voulait. Il aura permis à une contre-culture de trouver un écho dans le monde entier.

 

Jacqueline Caux

Jacqueline Caux

 

Solidaire attitude

Peu à peu la force créatrice de cette minorité s’organise. Chaque artiste fonde son propre label mais tous adoptent une attitude solidaire, qui va de la fabrication à la distribution et permet de contourner le barrage des majors.

Issue d’une énergie émancipatrice, la techno s’impose comme un art, qui rompt avec l’égo omniprésent dans le Rock’nRoll. Pour les adeptes de la techno, c’est la musique qui compte avant tout. Face à un quotidien et à un environnement insupportables, la seule issue de ces musiciens aura été de se doter des moyens leur permettant de développer une créativité et une liberté effervescentes .

Malgré la baisse des ventes de disques liée au nouveau mode de diffusion, ces labels indépendants existent maintenant depuis trente ans. Les artistes se sont adaptés ils écument les scènes d’Europe et du Japon en vendant leurs disques dans les concerts. Ils sont toujours victimes de ségrégation dans leur ville et plus largement aux Etat-Unis qui préfère la flexibilité du rap et du Hip hop.

Le film de Jacqueline Caux Never Stop rappelle la force de l’histoire sociale et culturelle de la techno et son lien intime avec Détroit. Ville laboratoire du monde contemporain hier à travers le modèle de réussite de l’industrie automobile, elle est devenue aujourd’hui le symbole de l’échec du modèle capitaliste.

La ville tente de renaître de ses cendres en réduisant sa dette faramineuse de 20 milliards de dollars. Sécrétée par la culture noire tout droit sortie des marges où le système ségrégationniste l’a cantonné, la musique techno née au coeur de ce chaos, ne se laisse pas apprivoiser. Elle demeure un authentique reflet de notre société mondiale.

Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 14 /11/2017

Voir aussi : Rubrique Musique,  rubrique Festival,  Dernier cri, le festival qui laisse sans voixDernier cri. État de la culture techno,