Exposition
A l’occasion des dix ans de la réouverture du musée Fabre et des 40 ans de la création du Centre Pompidou, Montpellier accueille un choc artistique inédit entre Françis Bacon et Bruce Nauman proposé par Cécile Debray en charge des Collections modernes du Centre national d’art parisien. A ne pas manquer à Montpellier du 1 juillet au 5 novembre.
Les œuvres de l’autodidacte irlandais Francis Bacon, marqué à ses débuts par le surréalisme, et celles de l’américain Bruce Nauman, inspirées par le mouvement Dada, dialoguent au Musée Fabre dans un espace parfaitement scénographié pour rendre compte de cette confrontation. Bien qu’issu de générations et de pratiques différentes, ce face-à-face fait sens. L’idée a surgi par hasard dans l’esprit de Cécile Debray alors qu’elle visitait une exposition à New York et s’est soudainement trouvée en présence d’une œuvre de chaque artiste.
« Cette confrontation permet de relire la peinture de Bacon, trop connu au niveau du marché de l’art à travers la vision de richissimes collectionneurs. Cela a pu lui faire perdre de sa radicalité, indique la commissaire qui vient d’être nommée à la direction du musée de l’Orangerie, la rencontre avec Bruce Nauman agit un peu comme une remise à niveau qui redonne à son oeuvre toute sa puissance. »
Force de la véhémence artistique
Cette exposition de stature internationale devrait faire date. L’exercice périlleux pour mener le projet à terme a été conduit avec maîtrise et rigueur. La qualité du choix des œuvres, une soixantaine, issues de différents musées et de collections privées, et le remarquable travail réalisé sur l’interpénétration des expressions, des genres et des époques, apparaissent comme les facteurs clés de cette réussite.
Francis Bacon était attaché aux références de la tradition picturale pour mieux les subvertir tandis que Nauman s’en débarrasse comme le montre son installation en ouverture du parcours. L’artiste qui s’enduit de peinture devant les caméras procède à une déconstruction de la peinture métaphorique en introduisant l’image visuelle comme médium et le corps comme langage.
L’exposition démontre comment par des moyens distincts, les deux artistes conçoivent l’art comme une expérience. Bacon fit toujours figure d’indépendant dans la peinture contemporaine. Il a traité de sujets religieux sans aucune soumission à la représentation. Nauman évolue aussi en rupture avec le questionnement artistique de son époque privilégiant l’importance du processus créatif et la volonté artistique.
Le parcours est découpé en cinq sections qui explorent les pistes de dialogue entre les deux œuvres. Au-delà d’une fascination commune pour le corps et ses possibles déformations et transformations, le visiteur est amené à ressentir la force du cadre, voire de la cage, dont usent les deux artistes pour exprimer l’aliénation ou le non-sens de la condition humaine. La confrontation avec l’animalité chez Bacon trouve son pendant chez Nauman dans le goût développé chez l’américain pour l’anthropomorphisme.
De même son intérêt pour la fragmentation du geste – qui aurait pu faire pont avec l’hommage du Festival Montpellier Danse à Cunningham – flirte avec les corps mutilés de Bacon. La piste de la rotation suggérant l’idée de répétition est aussi de circonstance dans le rapprochement opéré entre les deux artistes.
La confrontation de ces deux parcours renouvelle en profondeur le regard porté sur ces deux grands artistes du XXe siècle qui chacun à leur manière questionne la dualité entre nature et culture.
Jean-Marie Dinh
Source La Marseillaise 29/06/2017
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