Montpellier Retro 2011: La culture au cœur du politique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Jean-Marie Dinh

Ecouter, regarder, découvrir, ce qui restent de l’année 2011. Retour sur les moments forts de la vie artistique montpelliéraine ouverte, riche, diversifiée, et impertinente, preuve que si la culture peut distraire, elle demeure surtout au cœur du politique. Quelques coups d’œil dans le rétro …

Janvier

Théâtre. Un choix judicieux pour débuter l’année opéré  par Toni Cafiero, en résidence à Lattes, il monte En attendant le Révisor au Théâtre Jacques Cœur. La pièce s’inspire d’une comédie de Gogol. L’action prend cœur dans une petite ville de province russe. Elle dépeint sur le ton comique les viles pratiques et les arrangements  « entre amis » des notables locaux.

Février

Théâtre. Le Carré Rondelet relève le défi lancé à la représentation par Sarah Kane qui a toujours fui la théâtralité. Sébastien Malmendier adapte, 4.48  Psychose. La jeune comédienne Poline Marion, incarne une belle impossibilité de vivre.

Mars

Poésie. L’association dirigée par Annie Estèves – la Maison de la poésie – trouve une juste reconnaissance auprès de la Ville de Montpellier. Elle dispose désormais d’un local et d’un soutien au fonctionnement. A l’occasion du 13e Printemps des poètes, elle programme plus d’une vingtaine de rencontres gratuites dans toute la ville.

Bonne nouvelle

Danse. Matthieu Hocquemiller présente Bonne nouvelle au CCN. Une création qui porte l’idée que la recherche identitaire fait diversion pour échapper à la question sociale.

Jazz. Le Jam sacre son 10e  printemps du 12 mars au 1er  avril. Jazz, soul et musiques du monde se croisent dans un cocktail hyper explosif.

Avril

Poésie. Invité par La Médiathèque Emile Zola, Yves Bonnefoy vient nous rappeler que la poésie conserve un devoir critique. Elle ne se situe pas du côté de ceux qui réussissent. Il faut savoir prendre le contre-sens de la médiation par l’image pour percevoir l’œuvre de Rimbaud et la replacer intuitivement dans notre paysage contemporain, nous dit ce grand poète français.

Théâtre. Aux 13 Vents, la mise en scène de Nicomède par Brigitte Jacques-Wajeman nous conduit au cœur de l’intrigue. En cornélienne avertie, l’artiste restitue le cadre du rapport politique colonial à la lumière de notre époque.

Mai

Festival Arabesques. On y parle du vent de démocratie qui souffle sur l’autre rive et on accueille les artistes engagés qui le transmette du raï au rap en passant par le hip hop et les folksong. Les chansons contestatrices sont plus que jamais en prise avec le réel. L’édition 2011 met à l’honneur l’esprit andalou connu pour sa tolérance.

BD. Invité par la librairie Sauramps, Bilal présente Julia & Roem. Son dernier opus s’inscrit dans l’univers post-apocalyptique de Animal’Z, sorti  en 2009 et actuellement en cours d’adaptation cinématographique.

Jeune public Saperlipopette.

Isabelle Grison qui conduit le projet, évoque l’intérêt de s’éloigner de la télévision et peu de monde la contredit. La manifestation décentralisée rassemble 30 000 personnes.

Littérature Comédie du livre. Du 27 au 29 mai, Montpellier célèbre le cinquantenaire du jumelage avec Heidelberg en mettant à l’honneur les écrivains de langue allemande. Cette 27e édition marque un tournant avec un changement d’équipe et d’organisation. La direction relève désormais de l’association Cœur de Livres pilotée par la ville. Les rencontres sont resserrées. Un bémol pour les éditions jeunesse mal représentées mais des invités qui comptent  Paul Nizon, Christophe Hein, Judith Herman…

Juin

Printemps des Comédiens. Le nouveau directeur, Jean Varela, ouvre de nouvelles perspectives avec une exigence artistique  plurielle et populaire. Le festival propose un large éventail du théâtre d’aujourd’hui. Il est dédié à Gabriel Monnet. Dag  Jeanneret y signe la mise en scène  de Radio Clandestine d’Ascanio Celestini. Une tragédie qui emprunte sa forme à l’engagement civique et politique de Pasolini.

Festival Montpellier Danse

Le festival met Tel-Aviv à l’honneur, grâce à la présence de nombreux artistes venus de cette ville d’Israël mais travaillant dans le monde entier.

Juillet

Festival de Radio France du 11 au 28 juillet, la 26e édition offre un large panorama de manifestations. 173, le plus grand nombre de concerts proposés depuis sa création. 17 créations signalent et réaffirment l’appartenance du festival aux grands rendez-vous.

Août

Gérard Garouste au Carre st Anne

Peinture. Les œuvres de Gérard Garouste sont exposées au Carré Sainte-Anne. Les toiles de l’artiste nous introduisent dans un monde baroque fait de l’étoffe des mythes où se mêle une acuité toute contemporaine.

Septembre

Théâtre. Le CDN ouvre sa saison avec La Conférence d’après  le texte de Christophe Pellet qui a reçu le grand prix de littérature dramatique en 2009. La pièce met en scène un auteur français à bout (Stanislas Nordey) qui se lâche sur la médiocrité de l’institution théâtrale française.

Concerts. Internationales de la guitare. Classique, rock, jazz, flamenco, blues, musique tzigane, world… se côtoient du 24 sept au 15 oct. 24 grands concerts : Paco Ibanez, John Scolfield, Saul Williams, Al di Meola… et une myriade de manifestations associées.

Octobre

Cinéma au Cinemed 234 films, beaucoup vus nulle part ailleurs, le parcours étonnant d’Andréa Ferréol, les films du Catalan Ventura Pons, les facéties d’un Benoît Poelvoorde, une rétrospective Pietro Germi font les riches heures de l’édition 2011. Le Palestinien Sameh Zoabi remporte l’Antigone d’Or pour L’homme sans portable.

Rockstore 25 ans. On célèbre ses 25 piges du Rockstore durant tout un mois. L’événement est soutenu par la mairie devenue propriétaire en 2009 sans ôter de liberté au lieu mythique.

Novembre

Hip Hop L’événement culturel Battle of the year distingue à l’Aréna les meilleurs crews (équipes) de breakdance de la planète. C’est la France qui s’impose devant les Etats-Unis.

Décembre

Danse Avec  Salves Maguy Marin affirme une prédilection pour le nocturne. Un langage s’invente. Il traduit l’ébranlement de la cohésion sociale fondée sur des siècles d’Histoire et de valeurs.

Théâtre Alain Béhar signe son retour à la Vignette avec Até, un nouvel ovni. Que devient la figure mythologique Até à l’heure du tout numérique ? La déesse de la discorde renaît sous les traits d’un avatar.

opéra-bouffe
René Koering conclut par une Belle Hélène avec la complicité d’Hervé Niquet à la direction musicale et une mise en scène chocolatée de Shirley et Dino. Les 28 dec,  et 3 et  5  janvier 2012.

Politique culturelle : la carte de l’attractivité

Concert Place de l’Europe

Les collectivités tiennent les budgets. De nouveaux acteurs arrivent.

Suite au remaniement de l’équipe municipale en juin, Philippe Saurel devient délégué à la Culture. Il assure à ce poste la rentrée de septembre. Candidat socialiste déclaré à la mairie en 2014, il était en charge de l’Urbanisme qui revient à Michael Delafosse, son prédécesseur à la culture. La différence de sensibilité et de vision entre les deux hommes laisse certains acteurs culturels dubitatifs. Le projet des ZAT, forme artistique de l’exploration urbaine, recueille en avril, le soutien entier d’Hélène Mandroux. Six mois plus tard, il pourrait être remodelé après les critiques portées par le nouvel adjoint sur la troisième ZAT devant la nouvel mairie.

Au Domaine d’O, Jean Varela est nommé à la tête du Printemps des comédiens six mois avant la 25e édition en juin. Il est aussi directeur de sortieOuest créée à Béziers pour rééquilibrer l’offre culturelle  en faveur de l’Ouest du département. A 44 ans, il devient un bras séculier de l’action culturelle du Conseil général. A ses côtés, le directeur du Domaine d’O, Christopher Crimes, poursuit sa  quête de nouveaux publics  en découvrant la richesse des créateurs héraultais.

Lors de la présentation de saison de l’Opéra, le président de région Christian Bourquin déclare que la valeur ajoutée d’une politique culturelle tient dans sa capacité de faire la différence. Fin novembre, la Région signe une convention avec l’Institut français, chargé de promouvoir  les actions d’échanges et la culture française à l’étranger.

Georges Frêche a toujours considéré  la culture comme un facteur prédominant du développement. Un sondage récent place la culture comme un élément d’attractivité déterminant de la ville comme de la région. En 2012, les collectivités territoriales devraient réaffirmer, la culture comme une priorité politique.

Photo : Lumière sur le Pavillon Populaire

Brassaï Greewich

Au top. Gilles Mora expose les pointures de la photo internationale.

Nommé à la direction artistique d’un navire d’images de 600 m2, Gilles Mora avait pour première mission la célébration du 55e anniversaire du jumelage de Montpellier avec Louisville. Il livre avec Les suds profonds de l’Amérique une exposition qui fait événement (20 000 visiteurs) et ouvre grand la porte de l’imaginaire américain. Les Montpelliérains découvrent notamment l’univers singulier de Ralph Eugene Meatyard.

Après l’Amérique, le printemps marque un retour en Europe avec l’exposition Aires de jeux champs de tensions dont le commissariat de l’exposition est confié à Monika Farber. La conservatrice en chef du Musée de l’Albertina à Vienne, propose des œuvres de trois grands artistes : Bogdan Dziworski, Michael Schmidt, Christ  Killip, tout en ouvrant l’espace à de nouveaux talents.

De Juin octobre l’expo Brassaï en Amérique confirme la nouvelle place de Montpellier dans le paysage de la photo d’art. Elle propose 50 images en couleur et 110 tirages d’époque en noir et blanc jamais publiés par l’artiste français d’origine hongroise. L’expo s’inscrit comme une découverte  qui devrait faire date dans l’histoire de la photo.

Jusqu’au 12 février on peut aller voir Apocalypses, la disparition des villes. De Dresde à Detroit (1944-2010) où l’on découvre quelques icônes de l’historiographie des villes du monde en ruine. C’est la 3ème  exposition présentée dans le cadre de la programmation 2011 centrée sur la photographie urbaine. Le commissariat est assuré par Alain Sayag, ex conservateur pour la photographie au Centre Georges Pompidou.

Ouverte sur les espaces et sur les hommes, la nouvelle dynamique impulsée par Gilles Mora a pour ambition d’affirmer Montpellier comme un lieu qui compte pour la photographie d’art à l’échelle nationale et internationale. Et il est sur la bonne voie !

Classique Lyrique :Une partition un peu dissonante

Départ de Koering arrivée de Scarpitta et de Le Pavec.

Durant les travaux de l’Opéra Comédie les représentations se poursuivent au Corum. Suivez le feuilleton des travaux sur France 3 LR.

Fondateur avec Georges Frêche du Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon, René Koering tire sa révérence avec la 27e édition. Le 11 juillet, le concert d’ouverture illustre la dimension découverte  qui a fait l’identité du festival. La Magicienne de Halevy, donnée par l’Orchestre national de Montpellier dirigé par  Lawrence Foster. Le chef américain attitré de l’orchestre est lui aussi sur le départ avant la fin de son contrat.

Après avoir démissionné de la direction de l’Orchestre et de l’Opéra en décembre 2010, René Koering a quitté la direction du Festival le 28 juillet en laissant un bel héritage. Mais la transition ne s’est pas faite sereinement. Le surintendant de la musique dit avoir appris le nom de son successeur  à la tête du festival dans  la presse. Il s’agit de  Jean-Pierre Le Pavec nommé au début de l’année directeur de la Musique à Radio France. Jean-Paul Scarpitta préside désormais à la destinée artistique de l’Opéra et de l’Orchestre. De loin le plus important  financement culturelle de la région, le budget de la double structure avoisine les 25 M d’euros. Il est géré par l’association Euterp.

Jean-Paul Scarpitta a dévoilé en juin le contenu de la saison 2011-12. On attend en mars, une Electra de R. Srauss dans une mise en scène de Jean-Yves Courrègelongue. Le même mois suivra la première mondiale de l’opéra de Philip Glass Einstein on the Beach en présence des deux autres créateurs Robert Wilson et Lucinda. Une nouvelle production  des Noces de Figaro mise en scène par le directeur, avec des costumes de Jean-Paul Gaultier aura lieu en juin. Et la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi sera donnée sous la baguette de Riccardo Muti les 14 et 15 janvier pour le concert du nouvel an.

Les expos de l’année

L’agglo hisse ses toiles

L’agglomération de Montpellier s’implique fortement au Musée Fabre. En 2011, la qualité des expositions programmées en témoigne.  De juillet à Octobre, on redécouvre Odilon Redon avec l’expo Le prince du rêve repenser dans un parcours muséographique inédit après l’expo du Grand Palais. L’art de Redon  explore les méandres de la pensée, l’aspect sombre et ésotérique de l’âme humaine, empreint des mécanismes du rêve.

En octobre le patron Antoine Gallimard est à Montpellier à l’occasion du vernissage de  Gallimard un siècle d’édition. L’exposition fait sortir de la confidentialité des documents exceptionnels. A travers les extraits de correspondances, le visiteur y trouve des éléments clés pour approfondir les œuvres des plus grands auteurs du XXe.

Depuis le 3 décembre, on peut apprécié Sujets de l’abstraction une grande expo sur la peinture non figurative de la seconde école de Paris. C’est le premier déplacement des chef-d’œuvres issus de la Fondation Gandur pour l’art après le Musée Rath, Genève. Le parcours permet de reconstituer l’histoire de la peinture non-figurative expressionniste entre 1940 et 1960 à travers les œuvres de Lucio Fontana, Jean Dubuffet, Georges Mathieu, Serge Poliakoff…

En novembre, la Drawing Room présentées au Carré St Anne a permis de se faire une autre idée. Celle de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui grâce à l’initiative de six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) ayant choisi le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain.

Voir aussi :

Rubrique Livre, BD,

Rubrique Théâtre

Rubrique Danse, Salves Maguy Marin

Rubrique Poésie, Quelques prévisions de veillées poétiques, Voix de la Méditerranée le contenu d’une union , L’espace des mots de Pierre Torreilles,

Rubrique Musique Saison Musique lyrique 2011/12,

Rubrique Expositions, Les chambres noires du Sud, Les sujets de l’abstraction, Cy Twombly tire un trait,

Rubrique Cinéma

Rubrique Photo,

Rubrique Politique culturelle, Le Conseil général de l’Hérault maintien les grands axes, Philippe Saurel,

Festival, Arabesque, Saperlipopette, Printemps des Comédiens , Internationales de la guitare, Montpellier Danse, Festival de Radio France, Festival des Arts Numériques,

Rubrique Rencontre Jean Joubert, René Koering,

Le dessin dans le champ de l’art actuel

Jusqu'à dimanche 20H au Carré st Anne. Photo Eclairage

Jusqu'à dimanche 20H au Carré st Anne. Photo Eclairage

On a jusqu’à dimanche 20h pour entrer dans la Drawing Room, histoire de se faire une idée de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui. L’initiative revient à six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) qui choisissent en 2008 le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain sans se prendre la tête entre les mains. D’autres lieux comme Aldebaran (Castries), Hambursin-Boisanté (Montpellier), L’ISBA (Perpignan) et La Vigie (Nîmes) ont rejoint la manifestation depuis. Avec 8 000 visiteurs attendus pour cette troisième édition, le succès se confirme.

Du mur en 3D de Boulard et Vitré aux croquis sur les courriers de relance de la BNP de Benois Chaléas, le parcours proposé au Carré st Anne donne un aperçu de la grande liberté de moyens et de formes offerte par le dessin contemporain. Toutes les tendances sont représentées, du dessin très graphique proche de la BD aux travaux plus conceptuels. Les œuvres graphiques présentées peuvent avoir recours aux ordinateurs ou faire appel à des pratiques manuelles appliquées. C’est le cas de l’artiste coréen Monn Phi Shin qui présente de petits formats sur papier où les lignes incisées au cutter laissent transpercer la lumière.

L’idée de mouvement et de transition voire de métamorphose semble transversale aux œuvres présentées. L’émergence de l’humain revient également avec une certaine constance sous forme de traces, ou de manière franchement organique comme dans la série de Carole Challeau.

Le statut du dessin naguère considéré comme l’esquisse d’un travail à achever, change pour devenir un premier jet définitif. Ce retour au dessin propulsé par le marché de l’art depuis une dizaine d’années est un moyen d’amortir la crise en proposant des œuvres d’artistes cotés mais à petits prix. C’est aussi un stimulant pour la créativité des jeunes plasticiens qui trouvent l’occasion d’exprimer leurs rêves fugitifs.

Jean-Marie Dinh

Samedi 26 novembre à 15h rencontre avec Yan Chevallier et Georges Boulard autour du « mural » , suivie à 16h d’une signature de la dernière parution de l’artiste Hugues Reip.

Voir aussi : Rubrique Art, rubrique Exposition,

On a jusqu’à dimanche 20h pour entrer dans la Drawing Room, histoire de se faire une idée de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui. L’initiative revient à six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) qui choisissent en 2008 le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain sans se prendre la tête entre les mains. D’autres lieux comme Aldebaran (Castries), Hambursin-Boisanté (Montpellier), L’ISBA (Perpignan) et La Vigie (Nîmes) ont rejoint la manifestation depuis. Avec 8 000 visiteurs attendus pour cette troisième édition, le succès se confirme.

Du mur en 3D de Boulard et Vitré aux croquis sur les courriers de relance de la BNP de Benois Chaléas, le parcours proposé au Carré st Anne donne un aperçu de la grande liberté de moyens et de formes offerte par le dessin contemporain. Toutes les tendances sont représentées, du dessin très graphique proche de la BD aux travaux plus conceptuels.

Les œuvres graphiques présentées peuvent avoir recours aux ordinateurs ou faire appel à des pratiques manuelles appliquées. C’est le cas de l’artiste coréen Monn Phi Shin qui présente de petits formats sur papier où les lignes incisées au cutter laissent transpercer la lumière. L’idée de mouvement et de transition voire de métamorphose semble transversale aux œuvres présentées. L’émergence de l’humain revient également avec une certaine constance sous forme de traces, ou de manière franchement organique comme dans la série de Carole Challeau.

Le statut du dessin naguère considéré comme l’esquisse d’un travail à achever, change pour devenir un premier jet définitif. Ce retour au dessin propulsé par le marché de l’art depuis une dizaine d’années est un moyen d’amortir la crise en proposant des œuvres d’artistes cotés mais à petits prix. C’est aussi un stimulant pour la créativité des jeunes plasticiens qui trouvent l’occasion d’exprimer leurs rêves fugitifs.

JMDH

y le samedi 26 novembre à 15h rencontre avec Yan Chevallier et Georges Boulard autour du « mural » , suivie à 16h d’une signature de la dernière parution de l’artiste Hugues Reip.

Frédéric Jacques Temple ou les forces élémentaires d’un homme du sud

F-J Temple : La gourmandise du naturel

Médiathèque Emile Zola. L’exposition consacrée à Frédéric Jacques Temple invite au parcours d’une expérience humaine jusqu’au 15 janvier.

La médiathèque Emile Zola, rend hommage à Frédéric Jacques Temple jusqu’au 15 janvier à travers une exposition permettant de découvrir une partie du fond légué par le poète à sa ville natale. Celui-ci vient enrichir les collections patrimoniales de la médiathèque centrale de Montpellier. Livres dédicacés, correspondances, photographies, tapuscrits, objets,  sont autant de traces d’une vie en contact permanent avec l’écriture. « L’écrit n’est qu’une des nombreuses formes du vivre » confie avec simplicité l’auteur montpelliérain.

L’exposition présente plus de 200 pièces et documents sur un total de plus de 5 800 documents que compte la donation.

Né en 1921 à Montpellier, Frédéric Jacques Temple vit aujourd’hui dans un village du Gard. Il entretient très tôt une passion pour la littérature américaine : Melleville, Whiteman, Dos Passos, Faulkner, Hemingway… Il traduit notamment Lawrence Durell, Haniel Long, et Henri Miller avec qui il entretient une solide amitié.

Une vie d’engagements

A Alger où il suit son père nommé préfet en 1942, il rencontre l’éditeur de Camus Edmond Charlot qui publiera son premier recueil de poèmes. En 1943-1944, Frédéric Jacques Temple participe aux combats contre l’Afrikakorps en Tunisie, à la campagne d’Italie, et au débarquement de Provence. Cette expérience le pousse à écrire. Le recueil « poèmes de guerre » (1996) réunit ses textes inspirés de cette expérience.

De retour à Montpellier en 1948, l’écrivain entreprend une carrière dans la Radiodiffusion-télévision française. C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec Joseph Delteil et Blaise Cendrars.

Pour Temple, la vie compte davantage que la fréquentation des salons littéraires. Ses premiers recueils de poèmes ne sont réunis qu’en 1989 par Actes Sud dans une anthologie personnelle plusieurs fois rééditée, qui a obtenu le prix Valery Larbaud. Il a également publié cinq récits chez le même éditeur ainsi que des traductions et des essais. A l’instar de celle de son compagnon Max Rouquette, l’œuvre de Frédéric Jacques Temples se conjugue avec la nature méditerranéenne et une certaine nostalgie d’un paradis perdu.

En complément de l’exposition, une série de manifestations permettent d’approfondir  l’œuvre de cet artiste en prise constante avec son époque. L’attraction qu’exerce la folie du monde nourrit le poète montpelliérain. Elle exhume ses forces élémentaires, le pousse à explorer sans jamais rompre avec les amarres de ses origines.

La carte blanche cinématographique  offerte à l’auteur dans le cadre du Cinemed comme le colloque, ponctué d’un hommage musical organisé par l’université Paul Valéry, ont permis d’approcher l’univers de Frédéric Jacques Temple. La soirée Parcours d’écrits ouvrira prochainement une autre voie d’accès. Le comédien Julien Guill, le musicien Michel Bismut et le sound designer Armand Bertrand ont choisi avec l’auteur des extraits de son œuvre qui donneront lieu à une performance* forte et sensible.

Jean-Mari Dinh

* Le 14 décembre prochain à 19h à la Médiathèque Emile Zola.

Voir aussi : Rubrique Livre, Littérature Française, rubrique Poésie, rubrique Culture d’Oc,

 

L’expo Gallimard, Un siècle d’édition au Musée Fabre

Par Jean-Marie Dinh

L’expo Gallimard, Un siècle d’édition accueillie au Musée Fabre, retrace une affaire de famille. Ce que donne à voir la première salle d’exposition en localisant les lieux d’implantation successifs de la maison d’édition le confirme. Les images évoquent plutôt le cadre chaleureux d’un foyer, où le bureau du directeur jouxte la salle des auteurs, que les centres d’affaires impersonnels où se façonnent aujourd’hui les grands traits de l’hégémonie culturelle.

Lors de l’inauguration de l’exposition à Montpellier, Antoine Gallimard, un homme en phase avec son temps, a fait cette remarque à propos de l’histoire de son entreprise : « J’éprouve tout à la fois un sentiment de proximité et d’éloignement. » Comme si le Pdg de Gallimard s’interrogeait sur le destin de la maison, une des dernières réellement indépendantes à cette échelle. Il s’est ensuite attardé sur l’amitié que  tissent à Montpellier Gide et Paul Valery en 1890. Cette relation se poursuivra dans les méditations entretenues par les deux jeunes auteurs sur le rôle de la littérature. « A l’heure du numérique, on dit la littérature menacée, mais elle résistera sous différentes formes parce qu’elle nous permet de vivre », affirme Antoine Gallimard.

Le patron de la librairie Sauramps, Jean-Marie Sevestre, qui entretient une complicité de longue date avec l’éditeur confirme : « Montpellier est une ville de lecture, une ville culturelle, une ville intellectuelle, si nous sommes là aujourd’hui c’est grâce à cet entourage. » Mais si le terreau de matière grise montpelliérain était fertile, il a aussi fallu la volonté politique de l’Agglo, qui prend en charge le budget de l’exposition (200 000 euros) et, à la différence de Paris, permet le libre accès à un siècle d’histoire littéraire.

 

L'inauguration à Montpellier

L’esprit Maison

La création de Gallimard en 1911 fait suite à la volonté de La Nouvelle Revue Française de prolonger l’aventure  intellectuelle de la revue en éditant des auteurs auxquels elle croit. Le 31 mai 1911, André Gide et Jean Schlumberger qui président à la destiné de la NRF signent avec Gaston Gallimard l’acte de naissance des Editions Gallimard.

La première partie de l’exposition est consacrée au  processus de l’édition. On découvre l’esprit d’ouverture de la maison, du premier livre de la collection blanche L’otage de Claudel au lancement de la série noire en 1945 par Marcel Duhamel avec les traductions  de La môme vert-de-gris de Peter Cheyney ou du célèbre Pas d’orchidée pour Miss Blandish de James Hadely Chase. Dès 1919, Gaston Gallimard se lance dans l’édition pour enfant avec  Macao et Cosmage dont l’histoire merveilleusement illustrée délivre un message écologique avant l’heure. Chez Gallimard, on a le goût du livre pour le fond et la forme.

La seconde partie du parcours donne à comprendre la complexité du métier d’éditeur. La stratégie éditoriale à long terme implique une gestion faite d’interventions multiples, des relations délicates avec des auteurs comme Camus, Céline, Giono, Sartre, Breton, Michaux… aux adaptations techniques, politiques et commerciales.

L’exposition fait sortir de la confidentialité des documents exceptionnels. A travers les extraits de correspondances, le visiteur trouvera des éléments clés pour approfondir les œuvres des plus grands auteurs du XXe et saisir le contexte de leur époque. A découvrir crayon ou iPhone en main.


Musée Fabre : Gallimard Un siècle d’édition jusqu’au 3 novembre

 

La bibliothèque de la Pléiade ici et maintenant

Musée Fabre. Gros plan sur les petites lettres d’une prestigieuse collection dans le cadre de l’expo Gallimard.

La bibliothèque de la Pléiade est une collection de référence qui rassemble les plus grandes œuvres du patrimoine littéraire. Abritée par les éditions Gallimard depuis 1933, le premier exemplaire est édité par Jacques Schiffrin qui publie le premier tome de l’œuvre de Baudelaire en septembre  1931. L’idée d’offrir au public des œuvres complètes d’auteurs classiques en format poche compact intéresse André Gide qui intercède en faveur de son ami Schiffrin auprès de Gaston Gallimard pour que celui-ci reprenne sa bibliothèque.

Dans la dernière salle de l’exposition Gallimard Un siècle d’édition, on peut appréhender l’impact de cette collection prestigieuse sur les auteurs à travers différentes correspondances. Deux ans après la disparition de Camus (1), René Char renonce à écrire la préface des œuvres de son ami (2) à paraître dans La Pléiade : « Je dois ajouter que l’affection fraternelle que j’éprouvais pour Camus fait encore écran à mes possibilités de jugement touchant son œuvre grande ouverte. »

Soucieux de la postérité de son œuvre, Céline manifeste dès avril 1951 le désir d’entrer de son vivant dans La Pléiade. C’est assez rare. Gide, Montherlant, Malraux y sont parvenus. Sa demande tourne à l’obsession. Un contrat est signé en 1959, mais le premier volume de ses œuvres ne paraît qu’en 1962. Quelques mois après sa mort.

A l’inverse, Henri Michaux prie son éditeur de ne pas le faire entrer dans La Pléiade. Le poète assimile cette reconnaissance imprimée sur papier bible à un enfermement, au fait de devenir définitivement un professionnel alors qu’il revendique son statut d’amateur. « Nous ne sommes pas un répertoire des monuments historiques de la littérature française ou internationale. Nous proposons des œuvres susceptibles d’être lues, ici et maintenant même si elles ont été écrites ailleurs, il y a trois, cinq ou vingt siècles », affirme aujourd’hui Hugues Pradier qui conduit cette Rolls-Royce de l’édition.

(1) Camus dispose à partir de 1946 d’une collection chez Gallimard qu’il baptise « Espoir »
(2) Concernant la relation Char Camus voir correspondance 1946-1957, Gallimard 2007.

Voir aussi : Rubrique Exposition, rubrique Edition, rubrique Livre,

Visa pour l’Image : Le plus grand magazine du monde

Guatemala : Une Paix bien plus violente que la guerre. Rodrigo ABD, Associated Press

Festival. Visa pour l’Image est aujourd’hui le lieu de rassemblement majeur des acteurs internationaux de la presse et du photojournalisme. Quelques raisons de ce succès.

Après La gare de Dali, Visa pour l’Image fait de Perpignan le centre du monde à la différence,  que depuis 23 ans, on est passé en mode réaliste. Pendant deux semaines jusqu’au 11 septembre, le festival revient sur « l’actu » de l’année. Les visiteurs* se succèdent continuellement pour découvrir les 28 expositions gratuites de la manifestation. Nombre de regards traduisent un intérêt acéré. Au-delà de l’esthétisme qui demeure au rendez-vous, ils décryptent l’écriture photographique comme une expérience signifiante qui s’offre à leurs yeux.

C’est peu dire que cette forme d’expression n’a rien de commun avec la télévision et les autres médias tant la puissance des reportages sélectionnés emporte. La vision d’actualité du photojournalisme défendue par le fondateur du festival, Jean-François Leroy, refuse la course médiatique pour rester en phase avec ce qui se passe. Une qualité d’exigence rare qui se heurte aux pratiques d’aujourd’hui. Celles qui bradent les valeurs professionnelles, comme la rigueur, l’engagement pour un sujet, et la crédibilité de l’information sous couvert de l’évolution technologique. Comme si rapidité et rentabilité rimaient avec authenticité. Ce sujet  reste au cœur du débat des rencontres professionnelles.

Kesennuma : The man with a dog 22 mars 2011, Issey Kato Reuter

A travers plusieurs séquences, le festival revient sur les événements qui ont mobilisé les grands médias, comme la manifestation sismique au Japon ou la vague du printemps arabe, mais il ouvre surtout sur le hors champ. Des reportages comme celui de Valerio Bispuri qui a sillonné pendant dix ans les prisons d’Amérique Latine, ou de d’Alvaro Ybarra Zavala sur la guerre civile en Colombie témoignent de l’engagement de ce métier. La moisson mondiale des crises écologiques, économiques, démocratiques, et sociales de l’année écoulée a le goût du sang et de l’abandon. Elle suscite aussi de l’espoir à travers la nécessité absolue qui s’impose pour trouver des limites.

* 190 000 visiteurs en  2010

Lima, Pérou, décembre 2006. Détenus dansant dans la cour de la prison. Valéro Bispuri.

A Perpignan le versant Occident n’est pas épargné

A Perpignan l’hémisphère Sud apparaît en première ligne mais  Visa pour l’Image ne fait pas l’impasse sur les dérives sociétales de l’Occident. Shaul Schwarz signe un symptomatique reportage sur la culture narco qui se propage au sein de la communauté latino américaine aux Etats-Unis. Les film narco et les clubs narcocorridos y font fureur sur la côte Ouest, comme les chansons composées à la gloire des trafiquants. « C’est l’expression d’un mode de vie qui s’oppose à la société », explique le photographe américain.

Construction de tombes monumentales au cimetière Jardine del Humaya, Mexique juillet 2009.

 

Une mode  en forme de bras d’honneur à la mort et à la guerre de la drogue qui emporte 35 000 vies par an. Le reportage donne un nouveau visage à la drogue comme instrument de contrôle social. Les images pimpantes du luxe narco sont à rapprocher de celles tout aussi réelles qu’a ramenées Alvaro Ybarra Zavala de Colombie.

Tumaco, Colombie,  2009. La police interroge les occupants d’un bar. Alvaro Ybarra Zavala / Getty Images

 

Avec son travail sur les classes sociales défavorisées en Israël, Pierre Terdjman lutte également contre les idées reçues en touchant du doigt une réalité oubliée. A Lod, dans la banlieue de Tel Aviv, on ne lutte pas contre les « terroristes » mais pour survivre, manger, se soigner, où se payer sa dose dans l’indifférence totale de L’Etat.

Made in England

L’édition 2011 propose aussi deux reportages Made in England, dont l’un des mérites est de faire un peu baisser la tension. Avec « Angleterre version non censurée », Peter Dench porte un regard sans complaisance sur le monde ordinaire de ses compatriotes. « Accoutrements grotesques, mal bouffe et manque de savoir vivre : beaucoup d’Anglais s’obstinent à se rendre ridicules » observe le photographe. Il démontre ses dires à travers un voyage convivial et humoristique où l’alcool, mais peut-être pas seulement, semble tenir un rôle prépondérant.

Jocelyn Bain Hogg s’est lui replongé dans le milieu pour suivre la vie intime des mafieux britanniques. Ce photographe très british a commencé son travail sur la pègre en 2001 avec un reportage intitulé  « The Firm ». Sept ans plus tard il y retourne en axant son sujet sur la famille. « Ce choix m’a permis d’être validé, confit-il, car depuis mes premières visites une bonne part de mes anciens contacts avaient passé l’arme à gauche. » « The Family » débute par une série de portraits tout droit sortis d’un film de Scorsese. Quand on lui demande s’il n’a pas forcé un peu le trait pour que la réalité rejoigne le mythe, Jocelyn Bain Hogg trouve la réponse qui tue : « Ils ont des têtes de gangsters parce qu’ils sont gangsters. On peut penser au cinéma, mais qui était là les premiers: les films ou les gangsters ? »

Ici, on n’est pas dans un film, mais à l’enterrement du père de Teddy Bambam. Jocelyn Bain Hogg VII Network

Le parcours en noir et blanc nous entraîne dans les salles de combats de boxe clandestins que la famille utilise comme autant de business center pour parler affaires, drogue et prostitution… Les expressions de la famille Pyle expriment un mélange de machisme et de violence teinté de culpabilité. On suit Joe, Mitch, Mick, qui font faire leur première communion à leur fils Cassis et Sonny : « Malgré leurs mauvais côtés, ceux sont des êtres humains qui aiment et sont croyants », commente Jocelyn Bain Hogg qui brosse le portrait d’un milieu en perdition détrôné par les mafias de l’Est qui règnent désormais en Angleterre.

Jean-Marie Dinh (La Marseillaise)

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