Création
Que devient la figure mythologique Até à l’heure du tout numérique ? Avec Alain Béhar, la déesse de la discorde renaît sous les traits d’un avatar. Son origine ne provient pas du fruit de l’amour mais d’une alliance composite. « Un détail important » précise-elle…
Alain Béhar privilégie une approche plastique dans laquelle s’intègre la problématique combinée de cinq personnages dont un comédien qui joue à distance. La mise en scène répond à une belle maîtrise de l’espace. Elle rappelle le principe des calques d’un logiciel de retouche d’images. Le texte est redoutable. L’impertinence des mots frappe et nous traverse, mais leur sens se dérobe sans cesse. L’univers de ce nouveau monde est dominé par le virtuel. L’auteur metteur en scène use du langage comme un terroriste lâche une bombe à fragmentation. Les mots pulvérisent le public sommé de se perdre dans la masse d’informations. Ce n’est que dans le flux des réseaux qui se croisent qu’il trouvera la matière d’une pensée qui prête toujours à caution.
Emotion paradoxale
Entre La Fontaine et Phèdre, la machine s’arrête et une priorité s’impose. Celle du renard convoitant les raisins mûrs de l’amour. Mais comme les fruits lui restent inaccessibles, il finit par se convaincre qu’il ne les désire pas. Un péché d’orgueil qui signe sa perte. L’Até du XXIe parie sur le relationnel mais elle travestit l’émotion qui peut devenir source de nuisance pour l’individu et son entourage. Tout le monde pense et personne ne s’engage. L’Até joue avec l’émotion paradoxale. Comme si le nouveau combat du siècle était de parvenir à s’émanciper de cette hypertrophie de l’ego ou au contraire, d’inscrire la lutte au cœur de la subjectivité. Outre la dimension novatrice d’un langage radicalement contemporain, le parti pris de cette structuration du désarroi, pourrait être de demeurer inexploitable.
Jean-Marie Dinh
Até Création de la Compagnie Quasi. Spectacle co-accueilli avec La scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau.
Au Théâtre de la Vignette 04 67 14 54 34.
Voir aussi : Rubrique Théâtre,