Delteil : J’ai été créé pour me tourner les pouces au soleil.

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Delteil lettre B comme Baiser « Le mot baiser, si chaste en substantif, si lascif en verbe ». photo Dr

Roman. Avec «Delteil Soleil», l’écrivain audois Jean-Louis Malves célèbre la Saint Joseph avec un alphabet pour lui rendre hommage.

Les 26 courts chapitres de Delteil Soleil sont autant de fenêtres ouvertes par l’écrivain audois Jean-Louis Malves pour éclairer l’homme que fut son ami Joseph Delteil. Du « A » comme Alice, l’une des trois héroïnes pubères et vierges de Choléra qui se donne la mort par amour : « Alice se jeta dans le lac, en silence de tout son long, mais de telle façon toutefois que la bouche d’abord touchât l’eau et que cette mort commençât par un baiser », au Z de Zénon et de ses paradoxes comme celui du temps que traverse l’oeuvre du poète, les 26 lettres de l’alphabet assemblées avec la liberté d’un grand jardinier produisent une nouvelle floraison de mots. Mots que Delteil considérait comme des êtres vivants, mots qui dessinent une existence lumineuse, mots dont surgissent une soif nouvelle qui pousse vers les sources d’une oeuvre immense.

C’est le 4e ouvrage que Jean Louis Malves signe à la gloire de son ami Delteil. Ce frère audois avec qui il partage l’amour de leur département natal. On mesure à la lecture, ce que le Midi doit au poète – pas seulement par ce qu’il fut représentant en blanquette de Limoux – et réciproquement ce que le poète doit au Midi. Ce goût de la terre qu’on emporte avec nous sous les semelles, ce goût du sang et de la provocation que l’on a dans la bouche, cet accent effroyable au yeux des grands intellectuels vaniteux comme Derrida. « Delteil est un petit homme blond dont il faut passer sur son air si ordinaire, si pauvret, si empêtré, pour voir qu’il a des traits fins et un regard candide

Il faisait partie de ses individus qui ont l’art de s’attirer les foudres. A ses débuts, dans les années vingt, il fut associé au premier équipage des surréalistes. La parution, en 1922, de son premier roman Sur le fleuve Amour attire l’attention de Louis Aragon et André Bre- ton, ce dernier le cite dans son Manifeste du surréalisme comme l’un de ceux qui ont fait « acte de surréalisme absolu ».

Puis vînt l’excommunication pour s’être attaqué à des sujets (les poilus, Jeanne d’Arc, Jésus…) en apparence plus conservateurs, touchant à la fibre patriotique encore à vif. « Suffisant pour déclencher la colère divine du clan Breton», souligne Jean Louis Malves. C’est à la suite de la parution de Jésus II dans les années 30 que Delteil rencontre Henry Miller avec qui il lie une profonde amitié qui donnera lieu à une longue correspondance rassemblée par le poète Frédéric Jacques Temple qui partage la retraite occitane de Delteil au même titre que Brassens et Soulages. «J’ai été créé pour me tourner les pouces, au soleil, sur une plage » affirmait Delteil avec un goût certain de la provocation.

Jean-Marie Dinh

Delteil Soleil, éditions Domens, 20 euros

Source. La Marseillaise 17/08/2013

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Frédéric Jacques Temple ou les forces élémentaires d’un homme du sud

F-J Temple : La gourmandise du naturel

Médiathèque Emile Zola. L’exposition consacrée à Frédéric Jacques Temple invite au parcours d’une expérience humaine jusqu’au 15 janvier.

La médiathèque Emile Zola, rend hommage à Frédéric Jacques Temple jusqu’au 15 janvier à travers une exposition permettant de découvrir une partie du fond légué par le poète à sa ville natale. Celui-ci vient enrichir les collections patrimoniales de la médiathèque centrale de Montpellier. Livres dédicacés, correspondances, photographies, tapuscrits, objets,  sont autant de traces d’une vie en contact permanent avec l’écriture. « L’écrit n’est qu’une des nombreuses formes du vivre » confie avec simplicité l’auteur montpelliérain.

L’exposition présente plus de 200 pièces et documents sur un total de plus de 5 800 documents que compte la donation.

Né en 1921 à Montpellier, Frédéric Jacques Temple vit aujourd’hui dans un village du Gard. Il entretient très tôt une passion pour la littérature américaine : Melleville, Whiteman, Dos Passos, Faulkner, Hemingway… Il traduit notamment Lawrence Durell, Haniel Long, et Henri Miller avec qui il entretient une solide amitié.

Une vie d’engagements

A Alger où il suit son père nommé préfet en 1942, il rencontre l’éditeur de Camus Edmond Charlot qui publiera son premier recueil de poèmes. En 1943-1944, Frédéric Jacques Temple participe aux combats contre l’Afrikakorps en Tunisie, à la campagne d’Italie, et au débarquement de Provence. Cette expérience le pousse à écrire. Le recueil « poèmes de guerre » (1996) réunit ses textes inspirés de cette expérience.

De retour à Montpellier en 1948, l’écrivain entreprend une carrière dans la Radiodiffusion-télévision française. C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec Joseph Delteil et Blaise Cendrars.

Pour Temple, la vie compte davantage que la fréquentation des salons littéraires. Ses premiers recueils de poèmes ne sont réunis qu’en 1989 par Actes Sud dans une anthologie personnelle plusieurs fois rééditée, qui a obtenu le prix Valery Larbaud. Il a également publié cinq récits chez le même éditeur ainsi que des traductions et des essais. A l’instar de celle de son compagnon Max Rouquette, l’œuvre de Frédéric Jacques Temples se conjugue avec la nature méditerranéenne et une certaine nostalgie d’un paradis perdu.

En complément de l’exposition, une série de manifestations permettent d’approfondir  l’œuvre de cet artiste en prise constante avec son époque. L’attraction qu’exerce la folie du monde nourrit le poète montpelliérain. Elle exhume ses forces élémentaires, le pousse à explorer sans jamais rompre avec les amarres de ses origines.

La carte blanche cinématographique  offerte à l’auteur dans le cadre du Cinemed comme le colloque, ponctué d’un hommage musical organisé par l’université Paul Valéry, ont permis d’approcher l’univers de Frédéric Jacques Temple. La soirée Parcours d’écrits ouvrira prochainement une autre voie d’accès. Le comédien Julien Guill, le musicien Michel Bismut et le sound designer Armand Bertrand ont choisi avec l’auteur des extraits de son œuvre qui donneront lieu à une performance* forte et sensible.

Jean-Mari Dinh

* Le 14 décembre prochain à 19h à la Médiathèque Emile Zola.

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