La France en première ligne dans la guerre terroriste

Des militaires patrouillent la gare de Lyon à Paris. AFP

Des militaires patrouillent la gare de Lyon à Paris. AFP

La France continue à privilégier la dimension militaire dans sa lutte contre les djihadistes.

 

D’où vient le groupe djihadiste Daech ?

Né en 2006, d’une scission d’Al-Qaida en Mésopotamie, l’irruption de Daech (acronyme arabe de l’organisation armée État islamique) sur la scène du djihadisme international résulte d’une conjonction de facteurs.

En mai 2003, la décision américaine de dissoudre le parti Baas et de démanteler l’armée de Saddam Hussein a eu pour effet de faire basculer une grande partie des soldats et officiers sunnites du côté de différents groupes insurgés, notamment Al-Qaida puis Daech. La politique sectaire du gouvernement central irakien, notamment celui de Nouri Al-Maliki, a joué dans le même sens, poussant une partie de la communauté sunnite dans les rangs des insurgés.

Ces opposants au gouvernement de Bagdad, à dominante chiite, ont été soutenus par l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe, sous forme d’envois de volontaires, d’armes et d’aide financière. Daech a ensuite profité du vide politique né de l’échec du soulèvement contre Bachar Al Assad et de la guerre civile pour se développer en Syrie.

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La Turquie a laissé les combattants étrangers rejoindre Daech, fermé les yeux sur son approvisionnement en armes et accueilli ses blessés dans ses hôpitaux.

Quels sont ses objectifs ? et ses moyens ?

Daech veut mettre en place un État fondé sur la loi islamique et dirigé par le « calife » autoproclamé Abou Bakr Al-Baghdadi.

Le groupe djihadiste contrôle aujourd’hui un territoire de près de 200 000 km2 entre l’Irak et la Syrie et dispose d’une armée de plusieurs dizaines de milliers de combattants, dont un tiers d’origine étrangère, et d’un équipement militaire (chars, humvees et artillerie) laissé sur place par l’armée irakienne lors de la prise de Mossoul en juin 2014.

Ses ressources financières sont également importantes?: avoirs récupérés dans les banques sur son territoire, contrebande de pétrole, trafic des antiquités, racket et financement extérieur. Plusieurs groupes lui ont fait allégeance?en Lybie, en Égypte et au Nigeria.

La France est-elle l’une des cibles privilégiée ?

Revendiqués par l’organisation, les attentats de Paris contre des civils suggèrent une inflexion de la stratégie du groupe terroriste, centrée jusque-là sur la création de ce « califat » sur les ruines de l’ordre établi au Proche-Orient à la fin de la première guerre mondiale avec les accords Sykes-Picot.

Sur la défensive en Syrie et en Irak, Daech se tourne vers l’action terroriste à l’extérieur, particulièrement en Europe, une zone facile d’accès pour ses combattants et lui assurant un maximum de résonance.

La France, avec son passé colonial, sa « laïcité » affichée, son interdiction du voile et son importante communauté musulmane, constitue une cible toute désignée pour l’organisation djihadiste, soucieuse d’affirmer sa capacité de nuisance et son pouvoir d’attraction.

Après l’attentat de Beyrouth et le crash de l’avion russe dans le Sinaï, les attaques de Paris relancent le spectre d’une campagne planifiée et coordonnée par la direction de Daech, qui jusque-là se contentait d’inspirer des actes de violence commis par des « loups solitaires ».

Quelle est la place de la France dans la « guerre contre le terrorisme » ?

Depuis quinze ans, les États-Unis, suivis par leurs alliés européens, mènent une « guerre contre le terrorisme ». De l’Afghanistan, au lendemain du 11 septembre 2001, cette guerre s’est étendue à l’Irak, au Yémen, à la Somalie, aux pays du Sahel, à la Libye et à la Syrie. Sous la présidence de François Hollande, Paris est devenu le premier partenaire militaire de Washington sur de multiples fronts.

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L’intervention française au Mali (opération Serval) s’est élargie depuis le 1er  août 2014 à tout le Sahel (opération Barkhane). En Syrie, Paris a milité pour des frappes aériennes contre le régime en 2013, intervention refusée par les États-Unis et le Royaume-Uni.

L’engagement dans la coalition conduite par les États-Unis des forces aériennes françaises (opération Chammal) en Irak (septembre 2014), puis en Syrie (septembre 2015) s’est ajouté aux théâtres d’opérations au Sahel et en Centrafrique. L’engagement français comprend également une centaine de conseillers et forces spéciales déployées en Irak, à Erbil, et à Bagdad.

La contribution française aux vols de reconnaissance et aux bombardements (4 % des frappes en Irak, trois raids réalisés en Syrie) reste modeste mais François Hollande, chef des armées, a délibérément adopté un discours guerrier, multipliant les déclarations publiques à chaque étape de l’engagement français.

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Cette communication de guerre, comme la traque assumée des recrues françaises de Daech en Syrie, a fortement contribué à installer la posture d’une France en première ligne.

L’action militaire va-t-elle s’amplifier ?

Le nombre de soldats mobilisés en France dans le cadre de l’opération Sentinelle va passer de 7 000 à 10 000 hommes. Le ministre de la défense, Jean-Yves le Drian, a annoncé la définition prochaine d’une nouvelle doctrine d’emploi des armées sur le territoire national. Les frappes françaises vont s’intensifier en Syrie et en Irak avec la participation des moyens aériens supplémentaires apportés par l’envoi du porte-avions Charles de Gaulle dans le golfe Persique.

Les forces spéciales et l’armée de l’air française ont participé, en soutien, à la reprise de Sinjar, la semaine dernière, par les forces kurdes. Les autorités françaises continuent à exclure l’envoi de troupes au sol en Syrie.

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L’éradication militaire des « barbares » est-elle possible?? Certains en doutent. Dans une tribune libre publiée dans L’Opinion, le député européen Arnaud Danjean (Les Républicains) évoque « une grave illusion nous condamnant à être les Sisyphe de l’interventionnisme ».

François d’Alançon

Source La Croix 15/11/2015

Voir aussi : Actualité Internationale, Actualité France , Politique, Politique Internationale, rubrique Société Opinion, rubrique Economie Argent de l’Etat Islamique, Rubrique Débat, L’arrogance démocratique de l’Occident, c’est d’ignorer le désenchantement de ses citoyens,

Terrorisme : notre irresponsable part de responsabilité

Sans attendre que l’émotion légitime née des attentats sanglants du 13 novembre ne retombe, et avant que ceux-là ne se reproduisent, il est grand temps de nous interroger sur les raisons et les responsabilités qui ont déclenché ce désastre.

Paris Photo AFP

Paris Photo AFP

« C’est la guerre ! » entend-on clamer de toute part. La nation doit s’unir et mener une guerre impitoyable au terrorisme !

 

  » C’est nous qui avons déclaré la guerre « 

 

C’est aller bien vite et imprudemment en besogne. Et oublier que « c’est nous qui avons déclaré la guerre », pour reprendre les termes de Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire du Ministère de la Défense (France), maître de conférences à Sciences Po et à l’ENA, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica.

Guerre d’abord contre les autorités légitimes des pays du Moyen-Orient, sous le prétexte d’une croisade pro-démocratique (mais bien plus sûrement pour mettre la main sur leurs immenses ressources énergétiques). On peut penser ce qu’on veut de Saddam Hussein (Irak), de Mouammar Kadhafi (Libye) ou de Bachar el-Assad (Syrie), ceux-là étaient non seulement des dirigeants légitimes, mais ils garantissaient alors leur région de l’épidémie islamiste.

Guerre ensuite contre les monstruosités islamistes que nous avons déclenchées, quand nous ne les avons pas soutenues, armées et encouragées, en jurant de la « modération » sous contrôle de certaines d’entre elles. Rappelez-vous, pas plus tard que le 13 décembre 2012 :

« Sur le terrain, Al-Nosra [nom d’Al-Quaïda en territoire syrien, ndlr] fait du bon boulot » (Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères).

Situation encore plus schizophrène, dit Pierre Conesa, nous prétendons nous battre contre l’État islamique parce qu’il décapite, coupe les mains des voleurs, interdit les autres religions et opprime les femmes, et faisons alliance avec des régimes comme l’Arabie saoudite qui décapite, qui coupe les mains des voleurs, qui interdit les autres religions et qui opprime les femmes.

 

  » On ne fait pas la guerre au terrorisme avec des moyens militaires « 

 

On ne fait pas la guerre au terrorisme avec des moyens exclusivement militaires, déclare Pierre Conesa. Si l’on fait ouvertement la guerre à ces gens, si on les bombarde avec les populations civiles qui sont autour d’eux, alors les populations qui sont sous les bombes se solidarisent avec les combattants terroristes à leurs côtés.

Plus près de chez nous, poursuit Pierre Conesa, nous avons énormément besoin de nous appuyer sur les citoyens français de culture musulmane. Au lieu de cela, nous les stigmatisons, nous les montrons du doigt en leur administrant nos leçons de savoir-vivre, nous les ghettoïsons.

Faut-il s’étonner ensuite que le chaos que nous avons semé au Moyen-Orient nous frappe de plein fouet ? Sous forme d’actions solitaires isolées pour commencer, sous forme maintenant d’attaques simultanées organisées en meute, avec la volonté de tuer un maximum de gens ?

Ça vient de tomber, le nom du premier terroriste du 13 novembre est connu : il s’appelle Omar Ismaïl Mostefaï, il est né il y a 29 ans à Courcouronnes dans l’Essonne, il était connu des services de police pour petite délinquance et plus récemment fiché, en pure inutilité, pour radicalisation.

 

Un engrenage que nous ne maîtrisons plus

 

Unité nationale ? Mais avec qui et comment ? Les dirigeants que nous avons nous-mêmes élus, de droite comme de fausse gauche, se sont déconsidérés, discrédités, ridiculisés. Non seulement, ils sont à l’origine du problème, mais ils ne maîtrisent plus rien du tout.

Croyons-nous que nous allons enrayer cet engrenage terrifiant en continuant d’envoyer nos malheureux Rafales massacrer du haut de leurs 10 000 mètres des populations civiles aussi innocentes que nos victimes du Bataclan ? Nous ne contrôlons même plus nos propres banlieues.

Nous pouvons allumer en signe de deuil toutes les petites bougies que nous voulons à nos fenêtres, illuminer nos monuments de tricolore, de Paris jusqu’à Londres et Washington, nous pouvons entonner à tue-tête nos Marseillaise par désespoir ou par rage, c’est trop tard ! La guerre que nous avons déclarée se répand sur notre territoire et nous subissons les conséquences de tempêtes effroyables dont nous portons une inexcusable part de responsabilité.

Notre seule porte de sortie aujourd’hui serait d’ordre autant politique et diplomatique que militaire. Mais encore faudrait-il que la Raison revienne. Avec à notre tête des Sarkozy, des Hollande ou, en embuscade, des Marine Le Pen, avec pour unique viatique nos pathétiques évangiles de civilisation blanche à prétention supérieure, autant dire que c’est peine et guerre perdues d’avance.

Le Yéti

Source : Politis 15/11/ 2015

Voir aussi : Actualité Internationale, Actualité France, Rubrique Débat, L’arrogance démocratique de l’Occident, c’est d’ignorer le désenchantement de ses citoyens, rubrique Politique, Politique Internationale, rubrique Société Opinion, Le temps de la révolte est venu,

Attentats de Paris : Le temps de la récolte est venu

 

parisattacks-510x287Par Chris Floyd. Article publié dans CounterPunch, le 14 novembre 2015: The Age of Despair: Reaping the Whirlwind of Western Support for Extremist Violence

Nous, les Occidentaux, avons renversé Saddam par la violence. Nous avons renversé Kadhafi par la violence. Nous essayons de renverser Assad par la violence. Tous des régimes très durs s’il en est – mais bien moins implacables et cruels que nos alliés saoudiens et autres tyrannies. Et, quel a été le résultat de ces interventions ? L’enfer sur terre, un enfer qui s’étend, plus virulent d’année en année.

Sans ce crime perpétré par les Américains, leur guerre d’agression en Irak – laquelle, selon les mesures utilisées par les gouvernements occidentaux eux-mêmes, a fait plus d’un million de morts parmi la population civile – il n’y aurait pas d’Etat Islamique, pas d’« al-Qaïda en Irak ».  Sans le financement et l’armement par l’Arabie Saoudite les Occidentaux d’un amalgame de groupes extrémistes sunnites dans tout le Moyen-Orient, utilisés comme mandataires pour frapper l’Iran et ses alliés, il n’y aurait pas d’Etat Islamique.

Mais remontons un peu plus loin en arrière. Sans la création directe, étendue et délibérée par les Etats-Unis et leur allié saoudien d’un mouvement mondial d’extrémistes sunnites armés, durant les administrations Carter et Reagan, il n’y aurait pas de « Guerre contre la terreur » – et il n’y aurait pas eu d’attaques terroristes à Paris la nuit dernière.

Une fois encore, essayons d’être aussi clairs que possible : le monde infernal dans lequel nous vivons aujourd’hui est le résultat de politiques délibérées et d’actions entreprises par les Etats-Unis et leurs alliés au cours des dernières décennies. Ce fut Washington qui dirigea et/ou soutint la répression de la résistance politique laïque dans tout le Moyen-Orient, afin de mettre à genou des dirigeants récalcitrants comme Nasser et de soutenir des dictateurs corrompus et brutaux qui serviraient le programme états-unien de domination politique et d’exploitation des ressources naturelles.

L’histoire de ces cinquante dernières années est très claire à cet égard. Si l’on remonte jusqu’au renversement du gouvernement démocratique d’Iran [Mossadegh], en 1953, les Etats-Unis ont délibérément et consciencieusement appuyé les groupes sectaires les plus extrêmes, afin de saper la résistance laïque à grande échelle, en vue de faire avancer leur programme de domination.

Pourquoi revenir à cette « ancienne histoire », lorsque du sang tout frais coule dans les rues de Paris ? Parce que ce sang n’aurait pas coulé, si ne n’est à cause de cette ancienne histoire ; et parce que la réaction à ces dernières répercussions de l’extrémisme religieux cultivé par Washington, aussi bien par les Démocrates que par les Républicains, conduira très certainement à plus de massacres, plus de répression et plus d’interventions violentes. Lesquelles, à leur tour, produiront encore plus d’atrocités et de bouleversements, comme nous l’avons vu à Paris hier soir.

C’est le désespoir qui guide ma plume. Le désespoir face, bien sûr, à la dépravation de ces meurtriers d’innocents dans les rues de Paris. Mais un désespoir encore plus grand, face à la dépravation de ces formidables assassins qui nous ont amenés à cet endroit épouvantable dans l’histoire humaine : ces personnages du capitalisme triomphant qui ont investi les hauts lieux du pouvoir en Occident depuis des décennies, tuant des innocents par centaines de milliers, écrasant l’opposition laïque au bénéfice de leurs dictateurs favoris, et – encore et toujours – soutenant, finançant et armant certains des sectaires les plus virulents de la planète.

Et j’ai une autre raison d’être empli de désespoir : bien que ces données historiques soient là, accessibles à tous, disponibles pour la plupart des sources du courant dominant, elles continueront d’être totalement ignorées, à la fois par ceux qui luttent pour le pouvoir et par le grand public. Ces derniers continueront de soutenir les premiers, tandis qu’ils reproduisent et régurgitent les mêmes vieilles politiques d’intervention, les mêmes programmes éculés de domination et de cupidité, encore et encore – créant toujours plus de nouveaux enfers pour nous y faire vivre tous, et empoisonnant la vie de nos enfants et de tous ceux qui viendront après nous.

Voir aussi : Actualité nationale Rubrique SociétéCitoyenneté rubrique Politique, Société civile.

Syrie : la diplomatie dans tous ces États

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Partisans ou opposants au régime de Bachar el-Assad, Moscou, Washington, Téhéran, Riyad, Ankara, Paris, Londres, Doha et Berlin sont tous impliqués de près ou de loin dans la crise syrienne. Parce qu’un règlement du conflit qui ravage la Syrie depuis plus de quatre ans dépend de leur capacité à trouver un terrain d’entente, « L’Orient-Le Jour » propose un récapitulatif de l’évolution de leurs positions depuis 2011 et de leurs engagements diplomatiques et sur le terrain.

Caroline HAYEK, Samia MEDAWAR et Anthony SAMRANI |

L’Iran, meilleur allié de Damas

Position initiale
Pourtant plutôt favorable aux « printemps arabes », qualifiés de « réveil islamique », Téhéran a, dès le début des manifestations en Syrie, dénoncé « un complot » venu de l’extérieur. En août 2011, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad parle d’« ingérences malfaisantes de l’Occident et de certains pays arabes dans les affaires intérieures syriennes ». Pour l’Iran, la chute du régime profiterait aux Occidentaux et à leurs alliés turcs et arabes, particulièrement l’Arabie saoudite. Disposant de très bonnes relations avec Damas depuis le début des années 80 et l’éclatement de la guerre Irak-Iran, Téhéran va faire le choix de soutenir coûte que coûte le président syrien Bachar el-Assad, tout en reconnaissant la légitimité de certaines revendications populaires. Anticipant une possible chute du régime syrien, l’Iran va toutefois rentrer en contact avec une partie de l’opposition syrienne, de tendance « Frères musulmans ». Téhéran veut s’assurer que, quelle que soit l’issue de la crise, il ne perdra pas tous ses intérêts stratégiques en Syrie. Ceux-ci sont historiques et nombreux. La Syrie est une pièce essentielle, si ce n’est la pièce maîtresse, de la politique étrangère de Téhéran. La Syrie a été le premier pays arabe à reconnaître la République islamique après la révolution de 1979, et le seul, avec la Libye, à le soutenir durant la guerre Iran-Irak. Le fait que la Syrie soit dirigée par des alaouites (une branche du chiisme) a également certainement favorisé l’entente entre Damas et Téhéran, même si d’autres considérations semblent plus importantes : la Syrie donne à l’Iran un accès au Moyen-Orient arabe et à la Méditerranée. Damas est un chaînon indispensable de l’axe stratégique qui relie Téhéran au Hezbollah, appelé « axe de la résistance », contre Israël. Le gouvernement syrien est d’ailleurs présenté par Téhéran comme le « fer de lance de la lutte contre le sionisme ». Le soutien logistique de Téhéran au Hezbollah passe essentiellement par la Syrie. Le conflit dans ce pays est un enjeu géopolitique majeur pour Téhéran : ce dernier joue sa place de gendarme régional contre son rival saoudien, mais aussi sa capacité à défendre certains fondements de sa doctrine révolutionnaire, islamiste et anti-occidentale.

Engagement sur le terrain
L’engagement militaire de l’Iran en Syrie a été progressif. Dès le début de la crise, Téhéran envoie des conseillers à Damas, pour contrôler l’opposition. En 2012, il commence à envoyer des gardiens de la révolution en Syrie, certains d’entre eux seront capturés par l’Armée syrienne libre puis libérés en janvier 2013. La présence des pasdaran en Syrie a été dans un premier temps niée, puis admise sans toutefois préciser combien de combattants étaient mobilisés. Il s’agirait aujourd’hui de plusieurs milliers de combattants chargés d’encadrer et de former des milices comprenant des Syriens (essentiellement chiites et alaouites), des Irakiens, ou encore des Afghans et des Pakistanais.
En outre, entre 5 000 et 8 000 membres du Hezbollah se trouvent actuellement en Syrie. Le secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, reconnaît la présence de ces combattants en avril 2013, au moment de la bataille de Qousseir. Parallèlement à son soutien militaire, Téhéran fournirait plusieurs milliards de dollars par an à Damas.

Position actuelle
Deux facteurs ont eu des répercussions sur la politique étrangère de Téhéran en Syrie. Un : la présence de plus en plus importante de jihadistes, foncièrement antichiites, au sein de l’opposition syrienne. Téhéran voit dans cette présence une manœuvre de l’Arabie saoudite visant à contrer son influence dans le monde arabe. Cette évolution va amener l’Iran à durcir sa position, à intensifier son soutien au régime et à se présenter comme un protecteur des minorités. Deux : l’accord nucléaire conclu en juillet 2015 à Vienne entre l’Iran et les 5+1. Cet accord ouvre la voie à des négociations entre Téhéran et les Occidentaux dans la mesure où il symbolise le retour de la République islamique dans le « concert des nations ». Mis à l’écart au moment des négociations de Genève I et de Genève II, l’Iran cherche depuis à s’imposer comme un acteur indispensable pour trouver une issue au conflit. Pour l’instant, Téhéran cherche, à l’instar de Moscou, à imposer son propre agenda qui vise à éradiquer la menace jihadiste dans un premier temps, avant de discuter du sort du président syrien dans un second temps. Les discours du président iranien Hassan Rohani laissent entendre que Téhéran ne se sent pas engagé envers Bachar el-Assad. Les Iraniens n’ont jusqu’à présent pas précisé quelles concessions ils seraient prêts à faire et quelles garanties ils souhaiteraient obtenir en cas de négociation sur une sortie de crise.

Les États-Unis, entre hésitation et fiasco

Position initiale
Historiquement tendues, même après la fin de la guerre froide, les relations entre la Syrie et les États-Unis s’améliorent quelque peu après l’arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche en 2009. En effet, le successeur de George W. Bush estime que Damas a un rôle-clé à jouer dans la région. Ces progrès volent en éclats lorsque le soulèvement populaire éclate en Syrie en mars 2011, bien qu’Obama mette plusieurs mois à réagir. Une première vague de sanctions, économiques surtout, est imposée, touchant les réseaux de télécommunications et de banques, ainsi que le pétrole et l’aviation. Bien d’autres suivront au cours des années suivantes, au fur et à mesure que le pays s’enlise dans une guerre de plus en plus complexe et meurtrière. L’administration Obama finit par demander le départ du président syrien Bachar el-Assad à la fin de l’été 2011. Il faudra attendre mars 2014 pour que Washington se décide à fermer son ambassade à Damas, en raison de « l’illégitimité si évidente du régime » Assad, selon les termes du secrétaire d’État John Kerry.

Engagement sur le terrain
Dès juillet 2011, l’Armée syrienne libre (ASL), constituée de soldats et haut gradés déserteurs, ainsi que de civils ayant pris les armes, s’impose sous la houlette de Riad el-Assaad, comme principal courant d’opposition sur le terrain à l’armée loyaliste de Bachar el-Assad. Très vite, l’ASL reconnaît l’autorité du Conseil national syrien (CNS, opposition syrienne en exil formée fin 2011), et s’attire peu après le soutien d’une grande partie de la communauté internationale, dont Washington. Dès le printemps 2012, des agents de la CIA aident l’ASL, lui fournissent renseignements, assistance et matériel dans ses camps en Turquie, en Jordanie et en Syrie, où ils font transiter des armes.
L’année suivante, l’hostilité monte d’un cran entre Damas et Washington, qui accuse le régime d’utiliser des armes chimiques contre la population civile, en référence au massacre au gaz sarin de la Ghouta orientale. Jugeant qu’une « ligne rouge » a été franchie, les États-unis menacent de recourir à la force et décident d’intervenir militairement en Syrie. Une intervention finalement avortée : après un suspense généralisé, Barack Obama décide de s’en remettre au Congrès. Moscou obtient entre-temps de Damas de mettre son arsenal chimique sous contrôle international.
En juin 2014, le Pentagone met en place le Train and Equip Program, dont le but est d’entraîner plusieurs milliers de rebelles triés sur le volet, mais qui s’avère être un fiasco total. Seuls quelques dizaines de combattants sont choisis et formés, avant d’être envoyés en Syrie, où ils disparaissent pour la plupart. À la mi-septembre, le commandant
des forces américaines au Moyen-Orient reconnaissait que seuls « quatre ou cinq » rebelles syriens formés et équipés par les États-Unis combattent effectivement sur le terrain.
C’est à la même période qu’une coalition de plus d’une cinquantaine de pays se met en place, menée par Washington. Cette coalition s’inscrit dans la lutte contre l’État islamique (EI) en Irak comme en Syrie. Les frappes sont aériennes, et surtout américaines. Mais en un an, si l’action de cette coalition a permis de freiner quelque peu l’expansion du groupe jihadiste, elle n’a pas réussi à l’endiguer totalement ni à l’éliminer.

Position actuelle
Plus de quatre ans après le début de la guerre, aucune solution ne semble être en vue. Le conflit est d’une complexité à toute épreuve, et les positions de certaines grandes puissances ont évolué avec la situation sur le terrain. La politique américaine semble hésitante et confuse, sans stratégie bien définie. Ainsi, en mars 2015, tout en répétant comme ce fut le cas dès 2011 que la seule solution au conflit est politique et non militaire, Washington se démarque toutefois de ses positions passées et n’exclut plus de négocier avec Bachar el-Assad. Récemment, le secrétaire d’État John Kerry a estimé que Bachar el-Assad devait partir, tout en indiquant que le calendrier restait à déterminer dans le cadre de négociations pour résoudre le conflit en Syrie.

La Russie, soutien indéfectible au régime syrien

Position initiale
Allié de la Syrie depuis la période soviétique, la Russie a réaffirmé à plusieurs reprises son soutien indéfectible au régime du président Bachar el-Assad. Un soutien illustré notamment par ses livraisons d’armes à ce pays malgré le conflit qui dure depuis maintenant plus de quatre ans. La Syrie est l’un des alliés essentiels de la Russie dans le monde arabe. Damas est d’abord important pour Moscou sur le plan commercial. Si des opposants à Bachar el-Assad venaient à s’emparer du pouvoir, ils pourraient remettre en cause les nombreux investissements russes dans l’économie syrienne. Ensuite, la base de ravitaillement et de maintenance de sa marine dans le port de Tartous dans le nord-ouest syrien est la seule dont la Russie dispose hors de l’ex-URSS, alors que l’accès aux mers chaudes est une obsession pour elle. La chute du régime de Damas entraînerait le départ de Moscou du Moyen-Orient. Depuis le début de la crise, les Occidentaux ont tenté de faire fléchir la position russe à maintes reprises. Mais la Russie a, comme la Chine, opposé son veto à quatre résolutions du Conseil de sécurité sur la situation en Syrie : les 4 octobre et 4 février 2011, le 19 juillet 2012 (condamnations de la répression en Syrie des protestations contre le régime) et enfin le 22 mai 2014 (saisie de la Cour pénale internationale par l’Onu concernant les crimes de guerre en Syrie). Par ces « niet » francs, la Russie s’est attirée les foudres de la communauté internationale qui l’accuse de légitimer les exactions du président syrien. Les Russes n’ont aucune confiance dans les Occidentaux et craignent que l’adoption d’une résolution à l’Onu ne rappelle le précédent libyen (guerre civile de 2011) et que Bachar el-Assad ne subisse le même sort que le colonel Kadhafi. Pour la Russie, il revient aux Syriens de décider de son sort et du leur. En outre, Moscou a toujours démenti le recours aux armes chimiques par le régime, d’où le dernier veto de 2014. Cependant, le soutien de Moscou à Damas n’a, en coulisses, pas toujours été tout lisse. En effet, celui-ci a maintes fois été exaspéré par l’obstination du régime à refuser tout dialogue.

Engagement sur le terrain
La Russie, deuxième exportateur d’armes au monde, a fourni des armes à la Syrie sur la base de contrats signés avant et après le début du conflit en 2011. Les Russes ont envoyé des centaines d’instructeurs et de techniciens entretenir le matériel de guerre qu’elle a vendu : hélicoptères d’attaque, missiles, radars, batteries antiaériennes. Son site militaire de Tartous est précieux. Il s’agit d’une base navale rétablie en 1971 et dans laquelle stationnait jusqu’à présent une garnison de 150 hommes. Le commandant en chef de la marine, l’amiral Vladimir Massorine, avait déclaré en 2012 que la Méditerranée est « une mer de la plus haute importance stratégique » et « une région où la puissance navale et le drapeau russe doivent être vus ». Malgré son soutien au régime d’Assad depuis le début, Moscou n’a jamais émis le souhait d’intervenir militairement jusqu’au déploiement de troupes en été 2015. Les avions russes ont mené plusieurs raids contre des positions « terroristes », selon Moscou, à Hama et à Homs, dans le nord-ouest et le centre du pays. Un engagement de troupes au sol est pour le moment exclu par le Kremlin. L’objectif de cette intervention est, selon Moscou, de soutenir les « forces armées syriennes dans leur lutte contre l’État islamique » et les groupes « terroristes » en général.

Position actuelle
Au cours de cet été, la Russie a intensifié son aide au régime syrien, notamment par la livraison de blindés et d’avions, et renforcé les garnisons russes à Lattaquié (aéroport) et Tartous. Le 28 septembre dernier, Vladimir Poutine défend le régime syrien devant l’Assemblée générale de l’Onu. Le chef du Kremlin a demandé une « large coalition antiterroriste » pour lutter contre les jihadistes en Syrie et en Irak. Cette coalition serait « semblable à celle contre Hitler » au cours de la Seconde Guerre mondiale et les pays arabes « y joueraient un rôle-clé », a-t-il dit. Enfin, Moscou a appelé le gouvernement syrien à dialoguer avec les différents acteurs du conflit. Ce dernier a accepté de participer à des discussions préliminaires proposées par l’Onu afin de préparer une conférence de paix. Lors de son discours à l’Onu fin septembre, le président russe a estimé que refuser de collaborer avec le gouvernement syrien serait une « énorme erreur » car il fait, selon lui, preuve de « courage » dans sa lutte contre les jihadistes.

L’UE, ou la désunion à toute épreuve

Position initiale
Dès le début de la crise, les pays de l’Union européenne (UE) se montrent très fermes à l’égard de la Syrie. Quand le régime lance la répression des manifestants, l’UE condamne avec virulence l’attitude du régime, appelle au départ du président syrien Bachar el-Assad, et impose très vite un premier train de sanctions économiques, commerciales et diplomatiques, ainsi qu’un embargo sur les armes et le pétrole. De même, des personnalités proches ou faisant partie du régime sont interdites de visa pour l’UE. La France, surtout, se démarque par la violence de ses critiques contre le régime de Damas, d’où elle retire son ambassadeur dès novembre 2011. Quelques mois plus tard, c’est au tour de la Grande-Bretagne, de l’Italie et des Pays-Bas de fermer leurs chancelleries dans la capitale syrienne. Les membres de l’UE ont quasiment tous apporté leur soutien à l’opposition syrienne, multipliant les sommets et réunions internationales (comme Genève II, par exemple), malgré le peu de résultats obtenus.

Engagement sur le terrain
Si les États membres de l’UE affichent, dès le début, un front uni contre Damas et ses alliés, ils ne sont toutefois pas d’accord sur la manière de procéder. Ainsi, depuis mai 2013, certains États européens ont le droit de vendre des armes aux rebelles syriens. Toutefois, la mesure n’a pas eu grand impact sur le terrain.
Lorsque le régime syrien est accusé en 2013 par la communauté internationale de perpétrer des massacres au gaz sarin et autres armes chimiques, l’UE le condamne vivement. La fameuse « ligne rouge » américaine franchie, la France s’empresse d’annoncer des frappes punitives en Syrie; mais le Parlement britannique inflige un camouflet à ses partenaires internationaux et vote contre, tandis que les États-unis se rétractent à la dernière minute. Par la suite, les États membres de l’UE prendront part à la coalition internationale contre l’État islamique (EI) en Irak et en Syrie, qui regroupe plus d’une cinquantaine de pays. En termes de frappes concrètes, seules la Grande-Bretagne et la France en ont effectué en Syrie, et seulement récemment.

Position actuelle
Nombreux sont les observateurs et connaisseurs de la région qui estiment que, contrairement à la France, une bonne partie de pays européens (comme la Suède, l’Autriche, l’Espagne, la Roumanie ou la Pologne) ne sont plus opposés à l’idée que Bachar el-Assad fasse partie d’un processus de transition. Même la Grande-Bretagne et l’Allemagne se sont prononcées, récemment, pour l’inclusion du président syrien dans des négociations de sortie de crise. Un virage considérable par rapport à leurs positions depuis le début du conflit.
Autre pression sur l’Europe pour une résolution du conflit : l’arrivée massive depuis quelques semaines de réfugiés syriens.

Riyad/Ankara/Doha, parrains de l’opposition

Position initiale
Malgré d’importants contentieux historiques, Damas et Ankara ont entretenu de bonnes relations au cours des années 2000. Le président turc, alors Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, ne tarissait d’ailleurs pas d’éloges sur le président syrien, Bachar el-Assad qu’il qualifiait « d’ami ». Au moment des premières manifestations, Ankara cherche à être un médiateur entre la Syrie et l’Occident et appelle Damas à faire de sérieuses réformes. Au fil des mois, le discours d’Ankara va se durcir à mesure que le régime va poursuivre sa politique de répression contre les manifestants. Le 2 octobre 2011, des opposants syriens annoncent depuis Istanbul la création du Conseil national syrien (CNS), coalition de courants politiques opposés au régime. De partenaire, la Turquie va progressivement devenir l’un des chefs de file de l’opposition au régime Assad, opérant un réel retournement de position diplomatique qui l’éloigne de Téhéran, mais lui permet de se rapprocher des puissances sunnites du Golfe.

Alors que Riyad a accueilli les révolutions arabes avec beaucoup d’inquiétude, Doha a essayé de tirer profit de ce changement de situation pour favoriser la montée en puissance des Frères musulmans. Cette divergence stratégique a très largement compliqué les relations entre les deux voisins du Golfe, mais ces derniers se sont tout de même retrouvés sur un point : le soutien à l’opposition syrienne. Les pays du Golfe ont misé sur le fait que la chute du régime Assad serait un coup dur pour Téhéran, qui perdrait alors son seul allié dans la région. Les puissances du Golfe vont donc apporter, dès le début de la crise, leur soutien à l’opposition syrienne, non par souci démocratique mais pour des questions d’ordres géopolitique et stratégique. Selon des informations publiées par WikiLeaks, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie auraient conclu un accord secret en 2012 visant à renverser le gouvernement syrien.

Engagement sur le terrain
L’axe Ankara-Riyad-Doha va progressivement mutualiser ses efforts en faveur de l’opposition syrienne, en fournissant argent et armes aux groupes rebelles. Leur entente a permis d’apporter un soutien logistique important à l’Armée de la conquête, coalition de rebelles menée par le Front al-Nosra (branche syrienne d’el-Qaëda) et le groupe salafiste Ahrar el-Cham, au moment de la grande offensive du printemps dernier dans la province d’Idleb. Tous les trois se sont engagés à fournir un soutien politique, financier et militaire à al-Nosra, selon certains spécialistes, bien que d’autres estiment que Riyad serait moins impliqué que ses alliés dans cet engagement implicite. Les trois pays ont également été accusés d’avoir favorisé l’expansion de l’organisation État islamique (EI), mais aucune preuve ne peut étayer ce fait jusqu’à présent.

L’Arabie saoudite aurait transféré les armes les plus lourdes dont disposent les insurgés, parmi lesquelles des lance-roquettes antichars, des lance-missiles sol-air ainsi que quantité de munitions et obus. Au printemps 2013, le Financial Times estimait l’aide qatarie aux rebelles à plus de 2,25 milliards d’euros. Ankara a été de son côté accusé par le quotidien turc Cumhuriyet d’avoir livré un millier d’obus de mortier, 80 000 munitions pour des armes de petits et gros calibres et des centaines de lance-grenades aux rebelles. Officiellement pourtant, le gouvernement turc s’est toujours défendu de ces accusations.
Le 2 octobre 2014, le Parlement turc a adopté une résolution permettant au gouvernement d’intervenir en Syrie et en Irak. Refusant au départ de prendre part à la coalition contre l’EI, les Turcs vont changer de position et accepter, en août 2015, de mettre à disposition des avions de la coalition leurs bases aériennes. Ils se lancent alors dans une guerre « contre le terrorisme » visant surtout le PKK et dans une moindre mesure l’EI. Bien que participant également à la coalition, le Qatar et l’Arabie saoudite n’effectuent officiellement pas de raids en Syrie.

Position actuelle
Ankara, Riyad et Doha continuent de réclamer le départ de Bachar el-Assad, même si Recep Tayyip Erdogan a récemment admis que le président syrien pourrait faire partie d’une période de transition. La Turquie réclame la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au nord de la Syrie, alors qu’elle doit gérer près de deux millions de réfugiés syriens sur son territoire. Riyad a de son côté récemment déclaré, par le biais de son ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, que deux options mènent à la chute d’Assad, l’une étant politique, l’autre militaire.

Source : L’Orient du Jour 06/10/2015

Voir aussi : Rubrique International, rubrique Moyen-Orient, Syrie, Arabie Saoudite, Iran  rubrique UE, Etats Unis, rubrique Géopolitique,

 

 

Les politiques de domination à l’origine des migrations

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En déstabilisant des régions entières par des interventions militaires, un soutien à des despotes locaux, ou tout simplement en coupant dans les subsides au développement, les dirigeants européens contribuent à nourrir les flux de migrants.

 

Ils étaient 700, mercredi, amassés sur un bateau de pêche en quête d’un refuge sur le continent européen. Seuls 367 d’entre eux ont finalement réchappé du naufrage. Les autres ont rejoint les 25?000 chercheurs d’asile morts en Méditerranée depuis vingt ans. Les survivants iront dans un des centres italiens d’accueil ou d’identification, à moins que ce soit un récif mentonnais ou un bidonville rebaptisé «jungle» du côté de Calais.

De janvier à juin, 2 865 de nos semblables, fuyant les guerres et la pauvreté, sont morts sur le chemin de leur exil. D’autres peuplent par millions d’autres bidonvilles et camps de réfugiés sur toute la planète. À une implacable majorité, c’est essentiellement dans les pays du Sud qu’ils trouvent asile. On voudrait nous faire croire qu’il s’agit d’un phénomène inexorable, presque naturel, dont les pays occidentaux ont à se protéger. C’est une manipulation guidée par la peur et une supposée prédominance des idées d’extrême droite dans les opinions publiques. Une manipulation qui veut surtout cacher les responsabilités. Les migrants fuient la pauvreté en Afrique, les bombardements en Afghanistan, la guerre civile en Syrie et en Libye, la dictature en Érythrée… Autant de guerres directement ou indirectement déclenchées, au nom de la lutte contre le terrorisme, par les pays membres de l’Union européenne et leurs alliés atlantistes. Autant de situations politiques, économiques et sociales désastreuses entretenues par une dette immonde et la réduction des efforts d’aide au développement auxquels ces mêmes pays s’étaient engagés.

Les gouvernants de l’Europe se sont révélés d’autant plus incapables, en juin, de se mettre d’accord sur l’ouverture de voies légales pour l’accueil des réfugiés ou encore sur une répartition de ces derniers entre pays membres. Chacun campe sur un égoïsme teinté de xénophobie. Les pays dits de première ligne, ceux qui ont des frontières extérieures à l’UE, ne cessent de demander la fin de la réglementation de Dublin qui contraint les migrants à demander l’asile dans le premier pays où ils ont été enregistrés. Les autres s’y refusent, France et Angleterre en tête. Au lieu de cela, l’Europe externalise sa gestion de l’asile, se barricade et militarise ses frontières, dans un criminel et vain déni de responsabilité.

1 Les guerres impérialistes déstabilisent des pays entiers

Octobre 2014, Lampedusa. L’ancienne porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies et présidente de la Chambre des députés italiens, Laura Boldrini, tient l’un des propos les plus consternants sur les drames de l’immigration aux portes de l’Europe, en déclarant qu’il s’agit là d’« une guerre entre les personnes et la mer ». Poséidon plus coupable que les interventions militaires, en somme. Les Vingt-Huit portent pourtant une lourde responsabilité directe dans les flux migratoires. S’il n’existe pas de diplomatie européenne en tant que telle, l’engagement des États membres dans des conflits meurtriers au Moyen-Orient ou encore en Afghanistan depuis 2001 a ébranlé des régions entières. L’existence de régimes dictatoriaux épouvantables a servi de prétexte plus que d’argument, comme en témoigne la montée en puissance de l’« État islamique » en Syrie, ou encore en Libye où un chaos sans nom s’est substitué au despotisme de Kadhafi. Les Irakiens ne sont pas non plus épargnés.

Septembre?2001, Afghanistan. Au lendemain des attaques contre le World Trade Center, les États-Unis partent en guerre contre les talibans. Flanqués de la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Pologne et la Roumanie, ils claironnent qu’ils en finiront avec ces « fous de Dieu » qui sévissent dans cette région déjà tendue de l’Asie centrale. Après quatorze ans d’occupation militaire, c’est l’impasse. Al-Qaida souffre certes de dissensions internes, mais les fondamentalistes tirent toujours les ficelles. En revanche, entre 4 et 5 millions d’Afghans ont quitté leur pays sous la menace des armes : 2,7 millions se trouvent en situation régulière au Pakistan et en Iran. Loin des 41?000 demandes à l’UE en 2014… La coalition belliciste qui s’est mise en marche, sans mandat onusien, contre Saddam Hussein en 2003, au nom d’objectifs géostratégiques et économiques autrement moins altruistes que le combat contre le despote de Bagdad, ne peut elle non plus se laver les mains. La guerre a fait près d’un demi-million de morts et les fondamentalistes sont désormais aux portes du pouvoir.

Autre exemple : la Libye. Le colonel Kadhafi, à qui l’UE avait confié l’externalisation de ses centres de rétention, est devenu l’homme à abattre. En 2011, la France s’engage aux côtés de l’Otan dans un conflit sans fond. Quatre ans plus tard, de l’avis même de Laurent Fabius, le pays est « une poudrière terroriste » qui menace toute la bande sahélo-saharienne. Deux gouvernements se déchirent le contrôle du pétrole. Impensable, mais cette zone de non-droit est l’une des principales routes de l’immigration en direction de l’Europe. Enfin, l’illustration la plus pathétique est la Syrie. Non seulement Bachar Al Assad est toujours au pouvoir, mais la coopération des démocraties européennes, à commencer par Paris, avec l’opposition syrienne, a servi les desseins des djihadistes de l’« État islamique ». Sur le plan humanitaire, c’est un désastre. Quatre ans plus tard, 4 millions de Syriens ont fui leur pays. La Jordanie en accueille un demi-million, faisant de cette présence une pression sur les ressources naturelles et énergétiques. Au Liban, le nombre d’exilés syriens représente désormais 25?% de la population.

2 Une politique de coopération en berne

Alors que les conflits, les pouvoirs autoritaires, les épidémies… contraignent les peuples de nombreux pays du continent africain et du Moyen-Orient à des conditions de vie à la limite du supportable et à l’exil, le niveau des aides financières internationales pouvant aider notamment à des redynamisations économiques est souvent en déclin. La France, en dépit du vote par le Parlement le 24 juin 2014 d’une première loi dite « d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale », est loin de ses engagements. Loin du rôle qu’elle pourrait jouer alors que d’autres nations européennes comme le Luxembourg, la Norvège, la Suède ou le Royaume-Uni se conforment aux préconisations de l’ONU pour verser l’équivalent de 0,7 % de leur revenu brut national.

La France, pointe l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), qui compte 34 pays membres et que l’on ne peut guère suspecter de s’opposer au libéralisme économique ambiant, note que le pays des droits de l’homme atteint à peine 0,36 %, en recul de 9?% d’une année sur l’autre. Ce qui n’a pas empêché la secrétaire d’État en charge du développement, Annick Girardin, d’affirmer qu’avec ce nouvel arsenal législatif « la France va se doter d’un cadre d’action moderne dans le domaine du développement, pour apporter des réponses aux enjeux du XXIe siècle et promouvoir un développement durable et solidaire… ».

Ce qui pour le moins n’a pas convaincu Christian Reboul, de l’ONG Oxfam, pour qui « depuis quelques années, le gouvernement et le président de la République ont une fâcheuse tendance à annoncer des contributions importantes pour répondre aux crises, comme par exemple la crise syrienne, sans pour autant que cela se traduise par de nouveaux financements dans les faits, dont on pourrait voir la trace dans les lois de finances : les chiffres de l’aide française deviennent ainsi virtuels et incantatoires ». Oxfam s’est indignée publiquement à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2015, estimant que « le gouvernement trace une trajectoire déclinante de l’APD (aide publique au développement) jusqu’à la fin du mandat présidentiel en 2017 ».

Friederike Röder, directrice pour la France de l’ONG One, évoque pour sa part « une aide en baisse pour la cinquième année consécutive », et note que « l’aide aux pays les plus pauvres représente à peine un quart de l’aide totale ». Et One de pointer que dans le budget 2015 l’APD ne représente, « en dons d’argent pur et simple », que 533 millions d’euros, « un chiffre en baisse de 9 % par rapport à l’année dernière ». Le constat est hélas unanime. La France est loin d’être à la hauteur des enjeux financiers et humains…

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3 L’externalisation de l’asile légitime les dictatures

Sur les 16,7 millions de réfugiés dans le monde, seulement 15 % sont accueillis dans les pays riches, en Europe, aux États-Unis, au Canada et en Australie. Les autres sont abrités dans les pays du Sud. Pour les 28 pays membres de l’UE, ce déséquilibre ne doit pas être remis en cause, mais ils sont tous signataires de la convention de Genève, qui impose le principe de non-refoulement. Pour y pallier, ils ont opté, depuis les années 2000, pour « une approche internationale » du traitement des flux migratoires, introduisant le principe « d’externalisation des demandes d’asile » quitte, parfois, à collaborer avec des pays pour le moins douteux du point de vue du respect des droits de l’homme. Dès 2004, l’agence Frontex a commencé à collaborer tous azimuts pour l’identification et le contrôle des migrants. En septembre 2005, l’idée est officiellement avancée par la Commission européenne de créer des « zones régionales de protection » à proximité des lieux de départ des exilés, prétextant que cela « semble moins coûteux que l’accueil dans des centres de réfugiés installés dans des pays membres de l’UE ». Puis, en 2006, s’enclenche le « processus de Rabat », qui impose aux pays nord-africains, notamment le Maroc, de faire la police aux frontières de l’UE en empêchant les migrants de quitter leur territoire.

Les Vingt-Huit sont allés encore plus loin, en novembre 2014, en signant les accords de Khartoum, se souciant peu des dictateurs et des régimes collaborant aux trafics d’êtres humains. Il a été ratifié avec Djibouti, l’Égypte, l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Sud Soudan et l’Érythrée et prévoit « de mettre en place une coopération entre les pays d’origine, de transit et de destination ». Peu avant, au mois d’avril, le 11e fonds européen pour le développement décidait d’accorder, pour six ans, 312 millions d’euros à l’Érythrée pour endiguer la fuite de ses habitants. « Que nous coopérions avec des régimes dictatoriaux ne signifie pas que nous les légitimons », avait alors tenté de se justifier Dimitris Avramopoulos, commissaire européen chargé de suivre le processus de Khartoum. À la suite de la disparition de 700 personnes lors du naufrage d’avril dernier, la Commission européenne a, par ailleurs, repris, le 13 mai, une idée avancée plus tôt dans le cadre des discussions sur ces mêmes accords. On ouvrira donc, avant la fin de l’année, un « centre multifonction », au Niger, pour identifier et trier les migrants. Des personnes interceptées dans les eaux libyennes pourraient directement y être conduites. De nombreuses voix ont immédiatement dénoncé la création de centres de concentration au cœur de l’Afrique, sans garantie de respect de la dignité et des droits humains.

Cathy Ceïbe, Gérald Rossi et Émilien Urbach

Source : L’Humanité 07/08/2015

Voir aussi : Actualité Internationale, Politique de l’Immigration, UE,