Cirque Balthazar. 100 Zissu ou le risque à prendre pour s’en sortir

Le plein d’énergie de la classe pro.   Photo Corinne Gal

Le plein d’énergie de la classe pro. Photo Corinne Gal

Les classes pro du centre des Arts du Cirque Balthazar présentent vingt courts poèmes corporels dans le cadre du Printemps des Comédiens. Espace Chapiteaux jusqu’au 11 juin.

Le  spectacle des classes pro de Balthazar est un rendez-vous attendu du Printemps des Comédiens dont la programmation est largement ouverte à l’art du cirque. Au programme cette année, la Compagnie Vol’e Temps, Yoann Bourgeois, le CirkVOSK, Les 7 doigts de la main, Julien Candy et sa Compagnie la Faux Populaire-Le Mort aux Dents, Zingaro,  Matthieu Gary / Sidney Pin, présentent chacun à leur manière des spectacles qui déplacent les normes traditionnelles et qui ont tous à voir avec l’art du cirque.Cette forme d’expression cultive on le sait une floraison de métaphores de la condition humaine réunies lors de cette édition 2016  en un bouquet très varié.

A Montpellier, porté par des artistes pionniers du renouveau du cirque, le Centre des arts du cirque forme depuis plus de vingt ans les talents de demain. Reconnu par l’Etat, financé par la Région, hébergé par le Département, et soutenu par bien d’autres partenaires, la structure encadre les pratiques amateurs et assure une formation professionnelle en favorisant les passerelles  et en affirmant de nombreux projets novateurs sur le plan artistique et pédagogique.

Assister à la représentation des classes pro du Centre des arts du cirque c’est toujours empoigner le réel avec de jeunes artistes qui savent transformer le manque de maturité en un vrai atout. Le public est composé de beaucoup de fidèles  séduits par l’énergie brute des numéros et l’implication qui lui est demandée. Ce que l’on n’attend généralement plus dans les spectacles rodés, quelle que soit la qualité artistique de  la représentation.

Poèmes Corporel

Le spectacle 2016, mis en piste par Martine Leroy aborde des champs actifs de notre histoire contemporaine. Une vingtaine de jeunes artistes est invitée à chercher des solutions à des situations qui semblent sans issue. Chacun compose un petit poème corporel en lien avec son cheminement personnel depuis une impasse vers une sortie.

La scénographie composée de cartons évoque tout autant la précarité que l’inventivité et la mobilité. Des fenêtres s’ouvrent et se referment du mur en fond de scène comme autant de quêtes de savoir, d’étonnements et de signes culturels.

Si les capacités physiques permettent une belle maîtrise, l’esprit Balthazar a toujours porté en créant une complicité spontanée des hommes et des femmes de tous horizons par l’émotion.

Ce réexamen de ce qui se passe aujourd’hui par le biais poétique libère du sentiment d’impuissance. Il interpelle l’individu. Les identités sortent des cartons. Tels les martinets coincés sous les tuiles des toits prenant leur envol avec le sentiment d’appartenance au ciel, les poètes saltimbanques se livrent au cirque. La piste devient un vaste parvis de corps, de sons, et d’images, dilatant sur une très vaste échelle, les émotions reçues et vécues en commun.

JMDH

Source : La Marseillaise 10/06/2016

Voir aussi ;  Rubrique Théâtre, rubrique FestivalMontpellier,

Festival Résurgence. Esprit ouvert dans l’espace public

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Compagnie Kiaï «Cri» Photo DR

Pour la seconde édition, le festival Résurgence affiche ses couleurs en invitant à la découverte des arts vivants du 21 au 24 juillet.

Théâtre de rue, concerts, cirque une trentaine de spectacles portés par une vingtaine de compagnies investiront les rues de Lodève pour la seconde édition du Festival Résurgence cet été.  Le terme  « résurgence » fut probablement choisi pour réaffirmer la volonté de la Communauté de communes du Lodévois Larzac de maintenir une offre culturelle de qualité après la disparition du festival de poésie Voix de la Méditerranée en 2015 pour des raisons budgétaires. «  Lodève a été nourrie par la poésie durant de nombreuses années et continue de l’être à travers le Printemps des poètes, indique le directeur des affaires culturelles Franck Loyat,  Nous avons repensé un événement culturel  recentré sur les arts vivants avec certes moins de moyens, mais en maintenant le rapport entre l’art et l’espace public.» L’année dernière, la première édition  a rassemblé 8 000 spectateurs (un quart en provenance de la communauté de communes, et 50% d’Héraultais). Ce succès  ouvre de belles perspectives

Soutien à  la création

Résurgence profite de la fraîcheur de la nouveauté et s’affirme « comme une preuve de la capacité du territoire à rebondir même dans les situations les plus difficiles », souligne la maire de Lodève, Marie-Christine Bousquet. Le festival donne aussi l’occasion de découvrir le riche patrimoine de Lodève.

Avec le sourire, si l’on suit La vaste entreprise, dans sa fausse visite de la ville. Cette compagnie utilise des éléments réels comme point de départ de leurs créations. Le groupe partira bien du monument aux morts. Les guides vous souhaitent une bonne visite en  prévenant d’entrée que tout va bien se passer même si vous n’apprendrez rien et qu’il est conseillé à tous de rester groupés…

Autre déambulation proposée par les quatre comédiens du Groupe Tonne, Ae-Les années, s’inspire de l’univers littéraire d’Annie Ernaut concentré sur le matériau autobiographique sans enluminure et à la fois très ouvert sur le monde réel qui nous entoure. Départ place de la république.  «La Place» justement, qui est aussi le nom du roman d’ Ernaut couronné par le Prix Renaudot.

Gratuité et petits prix

La majorité des spectacles sont gratuits à l’exception de Cirques Rouages pour son spectacle Sodade une fable circassienne et musicale  qui se déroule comme un rêve éveillé sur fil infini. De la création Gravitty.0 du chorégraphe Yann Lheureux qui allie dans cette pièce danse contemporaine et  acrobatie et du concert d’Anass Habib  jeune Syrien  accompagné de quatre  musiciens pour un concert de chants sacrés et profanes  associant les répertoires des chants arabes soufis, des chants maronites syriaques, et des chants sépharades andalous dans la Cathédrale de Lodève.

En se positionnant  sur la création,  en la soutenant comme elle le fait avec  la compagnie Nocturne  en résidence sur le territoire, le festival  joue la carte du développement culturel qualitatif à l’échelle locale en tentant de répondre aux attentes d’un public exigeants, sans oublier la convivialité.

 JMDH

Source La Marseillaise 21/05/2016

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Sérignan. Le Mrac pousse les murs avec la complicité de Bruno Peinado

 

Bruno Peinado au MRAC à Sérigan

Bruno Peinado est intervenu sur la façade et prolonge l’exposition « Il faut reconstruire l’Hacienda » à l’intérieur du Mrac. Photo JMDI

La présidente de Région Carole Delga a  inauguré le 20 mai l’extension du Mrac en réaffirmant son engagement en faveur de l’art contemporain. Une utopie vivante prenant forme au plus près de chacun…

L’histoire du musée est née de la passion et de l’engagement d’un homme pour la culture. Ceux d’André Gélis, maire de Sérignan, qui inaugure en 2006, ce lieu de 2 500 m² dédiés à l’art contemporain au cœur du village héraultais viticole de 8 000 habitants. Il y expose 400 œuvres d’une soixantaine d’artistes (Alechinsky, Buren, Combas, di Rosa, Klossowski…) Le coût de construction, 5,5 millions d’euros, lui coûtera son mandat. Deux ans plus tard, son successeur Frédéric Lacas, entame les négociations avec la Région qui en assure la gestion depuis 2010 et renouvelle l’ambition culturelle de ce musée illuminé par l’œuvre  créée in situ par l’artiste Daniel Buren.

L’inauguration architecturale de la semaine dernière marque un nouveau tournant pour le Mrac. Le nouvel espace de 420 m² acquis par la Région qui a investi 1,8 million d’euros, a été redessiné et agencé par l’atelier d’architecture Castelnau Ferri pour s’inscrire dans le cadre des volumes existants. Il permet d’augmenter de 25% la surface initiale d’exposition en la portant à 2 000 m². Les réserves ont été agrandies, optimisées et aménagées afin d’améliorer les conditions de préservation de l’ensemble des œuvres.

La directrice du Musée régional d’art contemporain, Sandra Patron peut ainsi accueillir le dépôt exceptionnel du Fonds d’art contemporain pour une durée de cinq ans qui comprend 167 œuvres de 64 artistes issus de 17 nationalités différentes. En parallèle, la Région a passé commande à l’artiste emblématique de sa génération Bruno Peinado pour concevoir une œuvre pérenne sur la façade du nouveau bâtiment.

La singularité de l’histoire du Mrac tient en partie aux interactions intérieur/extérieur initiées par les artistes comme Buren ou l’Islandais Erro. Avec son intervention sur la façade du nouveau bâtiment, Bruno Peinado, formé à l’Ecole des Beaux Arts de Montpellier qui connut une forte influence du mouvement Supports/Surfaces, poursuit le lien conceptuel du dedans/dehors.

 « Il faut reconstruire l’Hacienda », extérieur . Photo dr

« Il faut reconstruire l’Hacienda », extérieur . Photo dr

Reconstruire l’Hacienda

L’artiste intègre dans un esprit ludique le local de la Poste situé au rez-de-chaussée en empruntant à sa signalétique. « Je me suis inspiré de leur charte graphique et des nombreux supports publicitaires pour créer des enseignes libérées de leur contenu. »  Repeint en gris, le bâtiment revêt l’aspect joyeux d’une maison qui évoque l’univers virtuel des jouets. « Le gris se situe habituellement du côté de la perte. Il n’est pas considéré comme une couleur. Il ne trouve sa valeur qu’entre le blanc et le noir. C’est la couleur des bâtards, pour moi c’est la couleur de la mixité. » Sur ce fond gris, les panneaux colorés et les caissons lumineux renvoient à l’abstraction et participent à l’œuvre d’ensemble intitulée par l’artiste Il faut reconstruire l’Hacienda.

  « Il faut reconstruire l’Hacienda », intérieur , Good Stuff , the pleasure Principle  .  Photo dr

« Il faut reconstruire l’Hacienda », intérieur , Good Stuff , the pleasure Principle . Photo dr

Pour ce projet, Peinado est allé puiser dans l’imaginaire de l’Hacienda, d’après le texte d’Ivan Chtcheglov dit Gilles Ivain, Formulaire pour un urbanisme nouveau  dont une version, établie par Guy Debord, est parue en 1958 dans la revue Internationale situationniste. Avant d’être reprise, dans les années 80, sous le nom d’Hacienda, boîte de nuit mythique de Manchester, issue d’un projet utopique porté par le label de Joy Division, Factory Records. Cette association est à l’origine de toute la scène house anglaise qui fait lien entre la culture populaire et l’avant-garde artistique dans le champ de la communication du design et de la publicité. « Le retrait est une forme de résistance », indique Peinado qui se confronte aux paradoxes avec force et bonne humeur.

Ainsi, la destinée du Mrac de Sérignan,  musée où l’on marche dans la lumière, se poursuit.

JMDH

 

Le programme de l’Hacienda
Pendant toute la durée de l’exposition Il faut reconstruire l’Hacienda visible jusqu’au 9 octobre, l’artiste iconoclaste Bruno Peinado nous invite à des rencontres depuis une reconstruction du dancefloor de la mythique Hacienda de Manchester. Ce lieu fut dans les années 1980 1990 un véritable espace social transversal, tout à la fois salle de concerts, club, espace d’exposition et d’échanges. Il est reformulé au Mrac comme une extension de l’exposition. Concerts, performances, lectures ou conférences, à découvrir tous les dimanches à 15h. Une programmation d’événements variés et gratuits, dans un mix réjouissant entre les styles et les générations. Découvrir le programme sur : mrac.languedocroussillon.fr/

Source La Marseillaise 24/05/2016

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Art, rubrique Exposition, rubrique Politique, Politique culturelle,

Richissime Comédie du Livre 2016

 Par Jean-Marie Dinh

Grandeur de l’abandon pour une renaissance

La Fablr d'Antonio Moresco régénère le territoire du roman

La Fable d’Antonio Moresco régénère le territoire du roman

Roman. Fable d’amour, Antonio Moresco, éditions Verdier.
« Il était une fois un vieil homme qui s’était éperdument pris d’amour pour une fille merveilleuse. Ce n’était pas simplement un vieil homme, c’était aussi un clochard, un de ceux qui dorment dans la rue sur des cartons, un homme perdu, un déchet humain

On ne saura pas avec précision ce que fuit le narrateur, sans doute le monde urbain contemporain, son désordre, ses dissonances, sans doute aussi une lassitude, un désarroi plus intime et plus secret. Quand s’ouvre le roman, il est déjà là, solitaire et attentif, immergé dans ce paysage. Fin observateur de ses contemporains, Antonio Moresco se saisit du pouvoir de la fable à travers une histoire d’amour qui se démarque de l’ordinaire mais comme toute histoire d’amour reste plausible.

Il séduit le lecteur avec ce récit rythmé, limpide et plaisant tout en dénonçant les travers humains. Les deux personnages affrontent leur propre destin au cœur duquel l’auteur fait briller le véritable enjeu, celui d’aimer.

Moresco capture l’attention en faisant appel à notre sensibilité enfantine. Il use de l’art poétique, plus efficace que les discours sérieux et les dénonciations politiques bien que cela en soit une. Les deux personnages principaux sont animés du désir d’échapper à tous les régimes de restriction qui étouffent l’existence et l’imaginaire, ce qui les entraîne dans un abîme de perdition.

L’univers onirique se dessine en dépit de la précision. Comme les protagonistes, le lecteur est porté par une voix créative venue des profondeurs qui libère une énergie enfouie et régénère les territoires du roman d’une multitude de visions littéraires inédites.

A qui parle l’écriture de Moresco ? à nos doutes. Elle rallume un élan de désir, qui pourrait être aussi élan d’amour. La limpidité incandescente de cette écriture laisse entendre une voix mi enfantine-mi adulte, prose dépouillée de tout mouvement pathétique, tragique, ou sentimental. Face au monde qui est en train de disparaître, l’amour prend le dessus.

JMDH

Les frontières poreuses entre pouvoir et crime

Comédie du livre samedi  à 15h à la Panacée

Comédie du livre samedi à 15h à la Panacée

Débat  Paris Palerme
Roberto Scarpinato procureur général auprès du parquet de Palerme et le directeur de Médiapart, Edwy Plenel évoquent leurs combats pour la démocratie.

La Comédie du livre ne permet pas seulement de découvrir l’actualité éditoriale et de faire connaissance avec les auteurs des oeuvres  qui partagent nos nuits. L’échange d’idées permettant d’affûter notre pensée et de développer l’esprit critique figure dans l’ADN même de la manifestation.

Deux rencontres programmées cette année font passerelles avec la crise démocratique que nous traversons, en questionnant le contexte d’une transformation radicale du modèle étatique qui nous est familier. Dans le cadre d’une conférence, Jean-Claude Milner est revenu hier sur la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789 en l’éclairant à la lumière du XXIe siècle.

Après avoir distingué les droits du citoyens  des droits de l’homme, toujours inscrits dans notre constitution, Milner, en vient à la question : Les non citoyens ont-ils des droits  aujourd’hui ? Ce qui pose de manière très sérieuse le problème des réfugiés sans autre statut que celui d’être humain.

Roberto Scarpinato et Edwy Plenel abordent aujourd’hui les liaisons dangereuses qu’entretiennent le pouvoir et le crime en l’Italie ( à 14h  Auditorium  de la Panacée). À travers le prisme d’une vie que la violence mafieuse a irrémédiablement bouleversée, Roberto Scarpinato  a livré en 2011, un premier témoignage avec Le dernier des juges. Il poursuit son analyse avec Le retour du prince pouvoir et criminalité, sorti l’année dernière aux éditions de la Contre allée.

« En début de carrière, je croyais qu’il existait une ligne de démarcation précise entre le monde des criminels et celui des honnêtes gens.Mais j’ai dû me rendre compte que les deux mondes communiquaient entre eux par des milliers de chemins secrets(…) Suivant les traces des assassins aux mains tachées de sang, et celles des capitaux de la corruption et de la mafia blanchis dans le monde entier, je me suis retrouvé à juger plusieurs insoupçonnables hommes au sommet des institutions, de la politique et de la haute finance.» Ce constat sera croisé avec celui d’Edwy Plenel qui vient de publier Dire nous. un plaidoyer contre la peur et le renoncement politique.  Ce renoncement des politiques à affirmer l’intérêt générale face au pouvoir de l’argent, et celui des citoyens à être représentés par leurs élus, devraient apparaître dans ce débat.

«Les secrets du pouvoir sont l’instrument de la corruption et le poison de la démocratie» avance le procureur de Palerme. Mais les contraintes budgétaires imposées par l’UE, ne rendent plus possible de soutenir les coûts de la corruption en augmentant la dette publique. « Aujourd’hui, les coûts de la corruption sont payés en détournant les fonds et l’argent de l’Etat destinés aux services publics»  explique  Scarpinato.   «Ainsi, après avoir épuisé le gras des finances publiques, la corruption s’attaque désormais au tissu connectif de la nation, c’est-à-dire au réseau de solidarité collectif garanti par les services assurés par l’Etat.»  Ce qui ne semble pas concerner seulement l’Italie…

JMDH

 

 

Rencontre L’Italie et ses  fantômes Violence et poids de l’Histoire

Francesca Melandri

Francesca Melandri

Dans, Les Oeuvres de miséricorde, (Verdier) Mathieu Riboulet s’interroge sur le mal tel qu’il s’insinue dans l’histoire des hommes. Singulièrement sur les violence qui les font s’entretuer, violences multiformes, «historiques, guerrières, sociales, individuelles, sexuelles, massivement subies mais de temps à autre consenties». Un poids qui continue à peser sur les épaules des survivants et de leurs descendants. Cette question universelle fait lien avec le débat animé par Fabio Gambaro intitulé L’Italie et ses fantômes : Violence et poids de l’Histoire dans le roman italien qui réunit les auteurs Francesca Malandri, Giorgio Vasta, et Kareen De Martin Pinter. La violence est une composante fondamentale de l’Histoire de l’Italie de la seconde moitié du XXe siècle : les troubles communautaires dans le Haute-Adige, les années de plomb et les actions menées par les Brigades rouges, la mémoire douloureuse de ses drames qui continuent à hanter l’Italie aujourd’hui sont au coeur des fictions des trois écrivains réunis lors de cette rencontre.Aujourd’hui à 18h Auditorium de la Panacée.

BD
Le dessinateur
scénariste Fabcaro lauréat du prix des Libraires
Chaque année, les libraires du réseau Canal BD réseau de libraires spécialisés dans la bande dessinée en Belgique, France, Italie, Québec et Suisse sélectionnent plusieurs albums qui devront par la suite concourir pour remporter le Prix des Libraires de Bande Dessinée. Ce dernier récompense le meilleur album après un vote organisé entre les différentes librairies du réseau. Les libraires des réseaux Canal BD et Album soutiendront les auteurs et le livre primé durant une année entière.  Cette année La bande dessinée Zaï zaï zaï zaï de Fabcaro, publiée par les éditions montpelliéraine 6 pieds sous terre, a reçu le Prix des Libraires de Bande Dessinée.  L’auteur qui vit à Bédarieux signe un album critique et spirituel, un brun paranoïaque, inspiré de situations du quotidien où le schéma de narration joue du miroir pointant l’idéologie fallacieuse qui nous conduit nulle part. Il dédicace son ouvrage hilarant sur le stand de la Région qui regroupe cette année 46 éditeurs.

 

 

Auteurs
Christine Avel, montpelliéraine, dédicace
«Autoportrait à la valise»

01_avelchristinewebS’éloigner, la narratrice en a rêvé toute son enfance. Adulte, elle s’est spécialisée en départs, et son métier l’entraîne sur tous les continents. Piégée dans un aéroport birman par un malentendu administratif, elle attend la décision d’ubuesques autorités. Cernée de faux balayeurs qui sont de vrais espions et de fausses grand-mères aux allures de sorcières, elle s’interroge : d’où lui vient son obsession du départ? C’est ainsi qu’elle nous mène aux quatre coins de nos contradictions entre désir de fuite, d’aventures, de mouvement perpétuel et d’immobilité nostalgique.Christine Avel a travaillé pour des projets de développement en Afrique et en Asie. Elle en a profité pour beaucoup voyager, avant de poser ses valises à Montpellier.

Autoportrait à la valise (Seuil 2016) Christine Avel Une éloge moderne du mouvement et de la fuite, une ode au désir de monde, qui fait décoller quand tout va de travers.

Pierre Assouline
L’écrivain  membre de l’Académie Goncourt Pierre Assouline sera à Montpellier aujourd’hui où il participera notamment a la rencontre Mitteleuropa?: les réécritures d’un mythe littéraire. à 15h au Centre Rabelais. Ecrivain, journaliste, enseignant. Chroniqueur et conseiller, il collabore avec l’Histoire, le Magazine littéraire, ou encore la République des livres qu’il crée en 2005. Avec plus d’une trentaine de titres, Pierre Assouline est l’auteur de dix biographies (Hergé, Gallimard, Kahnweiler…) et de plusieurs romans (Lutetia, Les invités, Le Portrait…). Il produit également plusieurs séries sur France Culture et enseigne l’écriture depuis plus d’une quinzaine d’années à Sciences Po Paris. Pierre Assouline dédicacera son dernier roman Golem

Auteurs
Entretien littéraire avec Sorj Chalandon Espace rencontre à 11h

1961302lpw-1961315-article-jpg_3020664_660x281« Mon père disait qu’il avait été chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d’une Église pentecôtiste américaine et conseiller personnel du Général de Gaulle jusqu’en 1958. Un jour, il m’a dit que le Général l’avait trahi. Son meilleur ami était devenu son pire ennemi. Alors mon père m’a annoncé qu’il allait tuer de Gaulle. Et il m’a demandé de l’aider. Je n’avais pas le choix. C’était un ordre. J’étais fier

Profession du père, le dernier roman de Sorj Chalandon, a récemment reçu le prix du Style 2015. Il met en scène avec force et pudeur une enfance tyrannisée par le comportement d’un père violent et mythomane. A l’occasion de cet entretien animé par Oriane Jeancourt, le grand romancier évoquera également ses livres précédents.

Dialogue entre Maylis de Kerangal et Joy Sorman

contributor_67093_195x320Dans le cadre de la liberté de programmation offerte à Maylis de Kerangal par la Comédie du livre. L’auteur dont l’écriture mêle fiction et documentaire, propose une carte blanche collective en invitant des écrivains dont les travaux entrent en échos avec ses thématiques. C’est notamment le cas de Joy Sorman qui navigue à la frontière des métiers dérivés de la littérature.  Dans Comme une bête, qui dressait le portrait d’un boucher tout en chair et sensualité elle abordait le lien homme-animal, Dans  Boys, Boys, Boys, elle exhortait les filles à prendre la parole et dans son dernier roman, L’inhabitable (Gallimard 2016) Joy Sorman reprend l’enquête de terrain sur les immeubles insalubres à Paris qu’elle avait réalisé en 2010, pour voir où en sont les choses. Une expérience aux frontières du reportage et du récit, de l’enquête et de la dérive urbaine qui devrait donner du grain à moudre à cette rencontre. Aujourd’hui à 11h30 au Gazette café.

Sélection Verdier du jour             

Ecrire la peinture avec Mathieu Riboulet et David Bosc

david-boscUne rencontre à l’auditorium du musée Fabre dans le cadre de l’hommage rendu à l’éditeur Verdier sur le thème Ecrire la peinture. Le riche catalogue des éditions Verdier est peuplé de textes qui placent l’acte de peindre, et les figures de peintre, au coeur du récit. Dans un roman de Mathieu Riboulet le narrateur est hanté par les oeuvres du Caravage, au point d’en reconnaître les personnages principaux dans les corps de ceux qui l’émeuvent. «?Quand il peignait, Courbet plongeait son visage dans la nature, les yeux, les lèvres, le nez, les deux mains, au risque de s’égarer, au risque surtout d’être ébloui, soulevé, délivré de lui-même?», écrit David Bosc dans le roman qu’il a consacré à Gustave Courbet La claire fontaine (Verdier 2012). Ce dialogue dans l’enceinte du Musée Fabre entre les deux écrivains semblait couler de source. Il sera précédé d’une lecture de texte de Pierre Michon autre grande plume de la maison d’édition qui écrit environné d’images qui sollicitent en permanence son imagination. L’échange sera suivi d’une promenade dans les collections du musée, ponctuée de lectures par les romanciers et le comédiens Jean-Marc Bourg. Gratuit mais places limitées. Photo David Bosc

Source La Marseillaise 28/05/2016

 

 

Edition Verdier ou les trois bonnes raisons de mettre cet éditeur à l’honneur.

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Plusieurs raisons pourraient concourir à expliquer les motifs de la mise en lumière des éditions Verdiers à l’occasion de cette 31e édition de la Comédie du livre. Nous en retiendrons trois.

La première concerne le lieu de naissance de la maison dans notre région en suivant le sens que lui donne Colette Olive, une de ses fondatrices : « Le choix de Lagrasse (Aude) s’est imposé à nous naturellement parce que nous y étions bien. » « La misère au soleil c’est quand même mieux » aurait ajouté Gérard Bobillier, autre fondateur, disparu en 2009. « Bien que très attachés à cette région, notre implantation n’induit pas un positionnement régionaliste, précise Colette, nous sommes dans cette région pour l’offrir au monde

Une  formule empruntée à Joë Bousquet dont la maison garde les traces écrites. En d’autres termes se trouver dans une région  suppose qu’on participe à sa vie. Ce que font volontiers les éditions Verdier en organisant depuis 1995 l’événement littéraire, Le Banquet de Lagrasse programmé cette année du 5 au 12 août. « Pour nos auteurs, Le Banquet est une occasion de rencontres.  Il permet de cultiver l’échange de la pensée en public, de célébrer l’humanité et le vivre ensemble », indique Colette Olive. Ce qui pourrait laisser penser que vivre dans une région signifie entreprendre sa métamorphose, et participer au changement…

La seconde raison d’inviter les éditions Verdier à la Comédie du livre est liée à l’ attachement de la maison au pouvoir de l’écriture.

L’écrit comme un combat

« La maison fut conçue comme le dépassement et le fruit d’une longue expérimentation politique des anciens membres de la gauche prolétarienne », expliquait Gérard Bobillier en 1992 dans le 1er numéro du Matricule des Anges. Depuis, ce dépassement pousse vers la subjectivation politique. Il n’a eu de cesse de se développer, sans pour autant renier la  force du lien initial. « Nous formions un groupe qui militait ensemble. On s’est jamais trop quitté, confirme Colette Olive. Verdier est né dix ans après que nous ayons mis fin à cet engagement de jeunesse, nous avons eu le désir d’exprimer des idées par le biais de la littérature, de la philosophie. Et on a poursuivi sous cette bannière. »

Démonstration élégante            
L’engagement et l’ouverture littéraire dont fait preuve la ligne éditoriale conjuguée à l’exigence de qualité qui émerge comme une évidence à la lecture du catalogue, est une troisième raison d’inviter Verdier. La collection Hébraïque constitue les premiers pas de la maison. A l’instar de l’ œuvre majeure  Le Guide des égarés de Moïse Maïmonide (1135-1204) apôtre du savoir et d’une pratique épurés des superstitions fondées sur l’intelligence.

Cette collection sera suivie d’autres initiatives aussi passionnantes que nécessaires comme L’islam spirituel, ou la collection italienne Terre d’Altri inspirée du poète Vittorio Sereni. Verdier abrite des grands noms de la littérature française qui envisagent le rapport au temps présent, comme David Bosc, Patrick Boucheron, Mathieu Riboulet… A (re)découvrir d’urgence en trois jours…

 Jean-Marie Dinh

Dans son dernier roman  Cris murmures et rugissements, Marcello Fois livre un somptueux rendu du silence de l’impensé et de l’absence.  

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Sardaigne
Né à Nuoro, en Sardaigne en 1960, Marcello Fois fait ses premiers pas dans le noir. A trente ans, il cofonde le groupe des treize avec des écrivains de polar bolonais. Deux ans plus tard il emporte le prix Calvino avec son premier roman Picta. Il partage sa vie entre Bologne et son petit village insulaire Gavoi où il a fondé un festival littéraire.

Très attaché à sa terre natale, il la dépeint à travers son héros Bustianu, avocat et journaliste dans la Sardaigne du XIXème siècle ou la saga Mémoire du vide… Le titre de son dernier roman  Cris, murmures et rugissement apparaît comme un clin d’œil à Berman. Dans ce court et intense roman, Marcello Fois rétrécit le champ panoramique de son approche habituelle pour pénétrer la sphère intime, sans délaisser les thèmes récurrents de la mémoire, de l’identité et du silence omniprésents dans son œuvre.

Huis clos
A la mort de leur père qui les a abandonnées alors qu’elles étaient petites, Marinella et Alessandra, deux sœurs jumelles se retrouvent dans l’appartement de leur enfance. Il n’y a pas de description de la situation ou des personnages, juste la règle des trois unités de la tragédie antique chère à l’auteur.

L’univers apparaît en arrière-fond, dans les recoins, sur le papier peint des pièces, comme les morceaux d’une jungle dans laquelle les deux sœurs participent à la faune sauvage que le deuil révèle. L’auteur sculpte dans le temps les silences présents et passés. « Dans l’appartement on n’entend que les lointains cris d’hyènes affamées dans les tuyaux, et les radiateurs, les sifflements de serpents venimeux. »

Alessandra, celle qui n’a pas le droit de s’exposer au chagrin, mesure l’abîme de sa tristesse. « Elle en vint à songer aux absurdités qu’il lui avait fallu accomplir pour balayer toutes manifestations de son mal-être. » Marinella hésite à  confier son secret.

Phrases avortées, sentiments fugitifs, mouvement des ondes transversales issu d’une profonde souffrance, l’auteur sarde pose un climat subtil et féroce invitant à une perception émotionnelle qui dit peu ou rien des faits mais beaucoup sur la vie. Non à travers ce qu’elle est mais selon la manière dont elle est vécue.

« J’ai voulu me situer en un lieu mixte. Le point de rencontre du théâtre et du roman », confie l’écrivain. Comme un accompagnateur invisible, l’auteur place le mystère, la force et le potentiel féminin au cœur de son roman. A l’instar des contours quasi fantomatiques de la voisine, troisième personnage du roman, ou de l’histoire vraie d’une île remontée à la surface au large de la côte sicilienne, à la suite d’un tremblement de terre, puis disparue.

Le livre émerge comme une  vision métaphorique d’un morceau de terre présent et invisible qui existe à l’insu des êtres. L’écriture ciselée de Marcello Fois n’a rien d’inoffensif. Il a dédié son roman au féminin karstique qui est en lui.

JMDH

Cris, murmures et rugissements édition du Seuil 16,50 euros.

Source La Marseillaise 28/05/2016

Voir aussi : Actualité locale, Rubrique Livre, Lecture, Littérature italienne, Edition, rubrique Montpellier, rubrique Italie, Rendez-vous de l’Italie littéraire,

L’éditocratie unanime haro sur les grèves !

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La série de grèves dans le secteur pétrolier et les actions des chauffeurs routiers n’ont pas manqué de provoquer la colère des tauliers des grands médias. Sans surprise, leurs avis sont unanimes : les grèves sont irresponsables, insupportables, et elles doivent cesser au plus vite.

« Une radicalisation tous azimuts »

Le lundi 23 mai, le sujet fait la « Une » du journal télévisé de TF1 : des pénuries de carburant ont frappé de nombreuses stations-services dans le pays. L’occasion de revenir en long et en large sur les « galères » des automobilistes (4 minutes 35). L’accroche de Gilles Bouleau donne le ton : « Chantage, prise d’otage, un vocabulaire rarement employé par un gouvernement de gauche […] Les images d’automobilistes attendant des heures pour faire le plein ont sans doute incité le pouvoir à réagir et à désigner la CGT. » Et les médias à lui emboîter le pas ?

Le JT de France 2 débute sur une note moins caricaturale. Un sujet fait le point sur les blocages, il est conclu par un David Pujadas à la mine sombre : « Et nous apprenons à l’instant que le personnel du terminal pétrolier du Havre, qui représente 40% de nos importations, vote pour la grève. » Allons-nous en savoir plus sur les enjeux ou les revendications de ces grèves ? Non, puisque s’ensuit un long sujet (2 min.) sur la « gêne » des automobilistes et les entreprises touchées ; puis deux sujets sur l’organisation des grévistes (les barnums, tables, palettes et pneus qui brûlent) et sur le profil des manifestants qui tiennent les barrages. Puis une longue explication sur la pénurie. Qu’on se rassure : grâce aux stocks stratégiques, la France pourra encore tenir 2 mois face aux grèves. Une information importante, qui devrait contenir toute « analyse » alarmiste, mais dont personne ne semble tenir compte… y compris sur France 2.

Après douze minutes de journal, va-t-on enfin évoquer la cause de ces grèves ? Oui, mais d’une façon… toute particulière. Très remontée, l’éditorialiste Nathalie Saint-Cricq, responsable du service politique de France 2, tient son explication [1]. Elle dénonce « une radicalisation tous azimuts » de la CGT, qui « paralyse un pays malgré une base rabougrie et même si le mouvement s’essouffle ». Et d’afficher son exaspération devant un tract d’une section locale de la CGT qui apparaît à l’écran : « Alors regardez cette affiche, elle est d’une confondante clarté. On y parle de compte-à-rebours, on y voit des bâtons de dynamites, un slogan « on bloque tout », bref clairement on joue la rue et l’affrontement total ». Effrayant !

S’ensuit une « expertise » d’une rare finesse : « La CGT de Philippe Martinez veut tout faire sauter quand celle de Bernard Thibault laissait toujours une petite porte entrouverte. » Pourquoi cette stratégie, s’interroge Pujadas, n’est-ce pas un pari risqué ? Nouvelle tirade de notre experte qui cache mal son agacement : « Alors cette stratégie est justifiée par un score en chute libre à la CGT. Mais c’est un pari risqué parce que rien ne permet de dire que cette radicalisation va dans le sens de l’histoire, au contraire. » Salariés mobilisés, sachez que vous roulez à contresens de l’histoire. Vous êtes par ailleurs irresponsables, puisque « jouer l’explosion sociale c’est prendre finalement la responsabilité qu’il y ait un accident, un blessé ou un mort ». Tout cela en pure perte, car « exiger purement et simplement le retrait de la loi travail, c’est jouer un va-tout qui n’a pratiquement aucune chance d’aboutir ». Fermez le ban ! Une transition parfaite pour enchaîner avec les déclarations de Manuel Valls qui dénonce la « dérive de la CGT » et Nicolas Sarkozy qui appelle à « remettre de l’ordre et de l’autorité dans le pays »…

« Une loi qui ne changera pas votre quotidien ni le mien. »

Dans le JT de TF1, les mêmes propos de Manuel Valls font office d’introduction à l’intervention de l’« expert » de la chaîne, François-Xavier Pietri. Gilles Bouleau l’interroge : pourquoi la CGT déploie-t-elle une telle énergie pour mettre à bas la loi El Khomri ? On pourrait gager que c’est la colère des salariés qui s’exprime, après la fin de non-recevoir du gouvernement et le passage en force à l’Assemblée nationale. Mais pour le chef du service économie de TF1, il s’agit avant tout d’une « course à la radicalisation » [2] de la CGT. Et son « expertise » ressemble trait pour trait à celle de sa consœur de France 2 : « La CGT a un problème, c’est qu’elle a perdu beaucoup d’influence aux dernières élections professionnelles dans ses bastions. » Résultat : blocage sur l’essence, grèves à la SNCF, débrayages dans les ports, grève des routiers, à la RATP, ainsi que « l’appel à la neuvième journée de mobilisation générale ». Une mobilisation exceptionnelle des salariés ? A entendre notre expert, il s’agirait plutôt d’initiatives organisées d’un coup de baguette magique par l’état-major de la CGT. Et ce par pur opportunisme : si « la CGT joue son va-tout » face à la loi El Khomri, c’est que celle-ci remettrait en cause son influence.

Le matin même, les mêmes refrains étaient assénés par les « experts » de RMC, dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin. Pour Laurent Neumann, « la CGT ne dit pas la vérité ». La véritable raison étant que l’adoption de la loi signifierait « la fin du leadership syndical de la CGT dans les entreprises et sans doute la prise de pouvoir de la CFDT ». Une issue qui ne serait pas forcément sans déplaire à notre éditocrate. Et de conclure : « Est-ce que pour des raisons propres à la CGT, on peut bloquer le pays ? »

Éric Brunet, dont la lucidité n’est plus à démontrer depuis qu’il a publié, en janvier 2012, son désormais culte Pourquoi Sarko va gagner, livre alors son analyse : « La CGT, son équation est simple : je bloque donc je suis ; donc elle a besoin de bloquer et de bloquer n’importe quoi ». Puis s’emporte : « Moi je suis contre Hollande, mais je suis encore plus contre cette CGT absurde qui se bat contre une loi qui ne changera pas votre quotidien ni le mien. » On gage que la loi ne changera pas beaucoup le quotidien d’éditocrates bien nantis. Mais celui des autres salariés ? Et Brunet de se lancer dans un hymne à la « réforme » suivi d’une note pessimiste : « Dès qu’on veut bouleverser, c’est la CGT de 2016 qu’on voit face à nous, c’est un mur ! […] On dit Macron vient avec des idées ; mais si on plaque Macron sur la France de la CGT […] eh bien Macron, tout Macron qu’il est, ne changera rien. » La conclusion est sans appel : « Les Français ne sont que des assujettis sociaux qui ne pensent qu’à leur pomme ».

Les deux compères remettent le couvert le lendemain dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin sur le thème « la CGT est-elle devenue irresponsable ? » Le maître de cérémonie les prévient d’emblée : « Attention ! L’opinion publique n’a pas basculé ! Faites très attention moi hier j’ai posé la question aux auditeurs, c’est 50/50 ». Il est vrai que du côté des médiacrates, le pourcentage est moins équilibré. Mais ce rappel à l’ordre sera sans effet sur Éric Brunet, dont la fureur confine au délire. L’éditorialiste explique que la CGT, minoritaire, n’aurait pas été capable de bloquer les raffineries sans « envoyer des élus CGT, parfois des élus de la fonction publique payés avec l’argent du contribuable, des permanents, des salariés de la CGT ». Et de conclure que « ça n’est pas une grève et c’est illégal ». C’est Jean-Jacques Bourdin qui tentera de lui faire entendre raison (!) : les salariés ont bien voté la grève, par exemple au Havre. « Un cas singulier » répond l’éditocrate avec une mauvaise foi confondante.

Laurent Neumann n’est pas en reste : « La CGT ne défend pas les salariés : elle défend la CGT. » Il évoque le tract présenté par Nathalie Saint-Cricq, sur lequel figure un bâton de dynamite : « Est-ce que c’est de bon goût, en plein état d’urgence, après la séquence attentat que la France a vécu en novembre dernier ? » En revanche l’évocation d’une « prise d’otage » du pays par Manuel Valls, Michel Sapin et Myriam El Khomri ne semble pas lui poser problème – il est vrai que ce vocabulaire, qui surprenait Gilles Bouleau dans la bouche d’un « gouvernement de gauche », fait depuis longtemps partie du lexique éditocratique par temps de grève. Moins courante – mais peut-être promise à un bel avenir – l’inculpation des grévistes pour « terrorisme social », selon le titre de l’éditorial figaresque de Gaëtan de Capèle (23 mai), n’a pas non plus suscité l’indignation de nos experts en « bon goût ». Le mot de la fin, provisoirement, pour Éric Brunet : la CGT est « un syndicat ultra-violent qui souhaite mettre la France cul par-dessus tête ».

Dans la presse écrite aussi…

Ces exemples tirés d’émissions d’information grand-public sur TF1, France 2 et RMC donnent un aperçu de l’unisson du chœur des éditorialistes et autres experts médiatiques. Les réactions dans la presse écrite, qu’elle soit régionale ou nationale, condamnent elles aussi la principale organisation syndicale en France. L’AFP en livre un remarquable florilège, dans une dépêche que nous nous contenterons de reproduire ici :

La presse quotidienne fustige mardi le « jusqu’au-boutisme » de la CGT, des éditorialistes pensant que le syndicat radicalise le mouvement contre la loi travail pour maintenir son « leardership » syndical, d’autres y voyant un « bras de fer » très égotique entre le Premier ministre Manuel Valls et Philippe Martinez.

Sans surprise, dans Le Figaro, Gaëtan de Capèle tire à boulets rouges contre « cette vieille centrale rouillée (…) lancée dans une inexorable fuite en avant ».

« La CGT joue son va-tout », estime de son côté Laurent Joffrin (Libération). « Elle se lance dans un « tout ou rien » (qui) comporte un risque majeur : s’enfermer dans un jusqu’au-boutisme ».

Dans Les Échos, Cécile Cornudet parle même de « sabotage ». « La CGT se sent en danger et sort les griffes » car, n’ayant « plus les moyens de susciter une mobilisation d’ampleur et d’engager une vraie guerre (…) elle choisit la guérilla ».

« À la CGT, les ultras ont pris le pouvoir », estime Olivier Auguste (L’Opinion) qui y voit « une tentative désespérée de ralentir sa chute ».

Si Olivier Pirot dans La Nouvelle République du Centre-ouest « peut comprendre » que les reculades (du gouvernement) sur certains acquis sociaux soient « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». Il n’en estime pas moins, lui aussi, que la CGT « a tout intérêt à montrer les muscles. »

« Philippe Martinez, patron de la CGT, n’a pas laissé plus de chances au dialogue avec le gouvernement que l’article 49.3 n’en a laissé aux frondeurs du PS », écrit Jean-Louis Hervois de La Charente Libre. « Les adversaires s’engagent sur un terrain de plus en plus dangereux ».

Pour Alain Dusart (L’Est Républicain), la CGT, « de plus en plus talonnée par la CFDT (…) joue la carte du durcissement » tandis que « Manuel Valls a poursuivi hier les moulinets en promettant de faire lever les blocages dans les ports et les raffineries ». « Si la pénurie s’aggrave, Philippe Martinez aura remporté ce bras de fer ».

Mais « le risque de mettre l’économie en panne (…) est réel », s’inquiète Hervé Chabaud (L’Union). « Faute de mobiliser dans ses défilés, la CGT a décidé de mettre tout le monde à pied. Jusqu’à quand ? », s’interroge Hervé Favre dans La Voix du Nord.

« En plein état d’urgence, la chienlit, pour reprendre le mot du général de Gaulle, en mai 1968, fait tache d’huile », se désole Laurent Marchand dans Ouest-France.

Le Journal de la Haute-Marne, sous la plume de Christophe Bonnefoy, note que « le Premier ministre, en plus de montrer les muscles, a également adopté la politique de la sourde oreille » et que « la CGT marche sur le même chemin et durcit le ton ».

Dès lors, « l’affrontement semble inéluctable entre un pouvoir qui joue du 49.3 et une minorité qui veut en découdre sur le bitume », s’alarme Yann Marec dans les colonnes du Midi Libre.

Il ne manque à ce triste passage en revue que Gilles Gaetner, « journaliste d’investigation » chez Atlantico, qui pose gravement la question qui fâche : « La CGT alliée objective du Front national ? » (c’est le titre).

Ainsi que celui sans qui l’éditocratie française ne serait pas tout à fait ce qu’elle est :

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 Frédéric Lemaire

Source Acrimed 25/05/2016

Voir aussi : Actualité France, Rubrique MédiasRadicalisation et « prise d’otage » : un lexique partagé par gouvernement, opposition, médias et patronat, rubrique Politique, Affaires, , G Agamben : De l’Etat de droit à l’Etat de sécurité , rubrique Société, Mouvement sociaux, Citoyenneté, « Quelque chose de – vraiment – pourri dans le royaume de France »,