Négociations explosives sur l’indemnisation des intermittents

unedic_manif.600Le patronat, la CFDT et la CFTC veulent économiser 185 millions par an sur leur régime. La CGT juge cet effort « inacceptable » .

C’est un autre dossier explosif que le gouvernement devra surveiller comme le lait sur le feu. Un de plus… Réunis jeudi au siège du Medef pour une nouvelle séance de la négociation Unédic, les partenaires sociaux ont arrêté le document de cadrage des discussions sur l’avenir des règles spécifiques d’indemnisation des intermittents du spectacle. Ce document fixe le cadrage financier des économies à réaliser, charge ensuite aux syndicats et au patronat du spectacle d’établir, dans le cadre de discussions parallèles, les changements de règles permettant d’y aboutir.

Le texte patronal, qui devrait avoir l’aval de la CFDT, de la CFTC, voire de la CGC, mais pas de FO et de la CGT, évoque un objectif d’économies de « 1 85 millions d’euros en rythme de croisière en année pleine » d’ici à 2018. Cela correspondrait à une réduction de l’ordre de 15% des dépenses actuelles – autrement dit des allocations – des annexes VIII (techniciens) et X (artistes) de l’Unédic, tant la piste d’une hausse des cotisations patronales du secteur, déjà deux fois plus élevées que la normale, semble exclue. Mais ce total de 185 millions inclut les 80 millions d’euros d’économies annuelles que représente le différé d’indemnisation imposé lors de la négociation Unédic de 2014 aux intermittents mais pris en charge depuis, suite au conflit qui en découla, par le gouvernement. « Charge aux organisations ?[…] du secteur de demander à l’Etat de maintenir le versement de tout ou partie de sa participation actuelle », indique le document de cadrage rédigé par le Medef, tout en précisant que l’effort propre aux intermittents « ne pourra être inférieur à 105 millions d’euros » par an. Autrement dit : soit Matignon continue de payer pour les intermittents, soit ils devront trouver des économies équivalentes ailleurs… « L’Etat a mis le doigt dans l’indemnisation en 2014 sans qu’on lui demande. On le prend au mot, il n’a qu’à continuer… », commente Véronique Descacq (CFDT).

Une nouvelle manière pour le patronat de tenter de mettre l’exécutif face à ses responsabilités : « L’Etat doit prendre sa part de l’indemnisation des intermittents […] au titre de la politique culturelle française », indique le document. C’est surtout un nouveau pavé dans la mare, tant un tel objectif risque de tuer dans l’oeuf tout espoir d’accord entre patronat et syndicat du spectacle. D’autant que le document de cadrage fixe aussi un objectif à moyen terme pour les annexes VIII et X : revenir d’ici à 2020 à un ratio dépenses/recettes de 3 (il est de 4,1 aujourd’hui), ce qui nécessiterait de trouver 185 millions d’économies supplémentaires entre 2018 et 2020. « Ce serait la fin des annexes VIII et X. C’est totalement inacceptable » a réagi Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT Spectacle, fustigeant un patronat « qui reste sur les mêmes antiennes qu’en 2014. » « On n’arrivera pas à un accord dans la branche sur la base de ce cadrage. On prévient Matignon : ce document va mettre le feu », abonde le négociateur Unédic de la CGT, Eric Aubin. « L’heure est à la mobilisation », conclut Denis Gravouil. Une de plus…

Derek Perrotte

Source : Les Echos 25/03/2016

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On est tous grecs !

Evi Tsirigotaki : « J’ai voulu mettre en avant la mobilisation des artistes ».   Photo Rédouane Anfoussi.

Expo. Collective éphémère et solidaire, Greeting From Greece. 20 artistes nous ouvrent les rues d’Athènes.

La Grèce fait la Une cette semaine. Dans une conciliante logique avec celle du couple Merkel-Sarko les médias français et allemands annoncent que le scénario catastrophe est évité, grâce à l’heureuse conduite des créanciers privés disposés à effacer une partie de l’ardoise grecque. Mais étrangement, on ne trouve que les comptables de l’addition pour s’en réjouir. On en sera un peu plus sur ce qu’en pensent, les Grecs et le peuple européen privés de banquet, en se rendant au bien nommé Luthier Gourmand* qui a ouvert, depuis hier, ses fenêtres sur Athènes.

A l’initiative de la journaliste Evi Tsirigotaki, l’exposition éphémère Greeting From Greece permet de découvrir les travaux d’une vingtaine d’artistes grecs qui inventent un autre mode de vie depuis le chaos de la réalité. « J’en ai marre de voir des images de violence sur mon pays. J’ai voulu mettre en avant la mobilisation des artistes, explique Evi. Beaucoup d’entre eux s’expriment actuellement en renouant avec le street art dans les rues d’Athènes ou à travers les collectifs qui se montent pour soutenir les victimes sociales de la crise. L’usage des nouvelles technologies permet de faire circuler des regards en contrepoint à la litanie des médias dominants. » A l’instar du patron du lieu d’accueil qui affirme avec simplicité « Je me suis senti concerné. On est tous Grec », l’initiative non subventionnée a rencontré un élan spontané très participatif.

Artistes et sphère publique

Documentaires, vidéos, photos, Djset, et concerts se succèdent jusqu’à 22h dans un lieu artistiquement désacralisé. Le temps semble en effet venu de porter un autre regard sur les créateurs grecs. L’annonce de la disparition, en janvier, du plus connu d’entre eux, le réalisateur Theo Angelopoulos décédé en raison du mauvais fonctionnement des services ambulanciers de la ville, invite à tourner la page. Comme le dit à sa manière, radicalement minimaliste, l’artiste Diohandi qui a emballé le pavillon grec de la dernière biennale de Venise dans une caisse en bois en portant à son entrée l’inscription « Sold Out », tout semble à reconstruire dans le berceau de la démocratie.

Cette expo offre l’occasion de découvrir une nouvelle génération  en prise avec le vide postmodernisme, pense le metteur en scène Théodoros Terzopoulos auquel est consacré un documentaire. « Si les artistes institutionnels restent très silencieux, les jeunes sont débarrassés du décorum. Ce qui leur permet d’exprimer des commentaires politiques, de la colère. Beaucoup ont recours à l’humour noir. On assiste a un vrai renouveau, indique Evi Tsirigotaki, la photographe Stefania Mizara montre dans un Webdoc, comment les Athéniens sont sortis dans la rue qu’ils ont occupée pendant des mois pour réagir contre les mesures d’austérité. Le salaire minimum à baissé de 40% en deux ans. Les créateurs qui s’expriment ici sont en contact avec le mouvement social. »

Les artistes participants à Greeting From Greece reflètent un état de la société. Ils ne sont pas les seuls à vouloir renouveler l’écriture de leur destin…

Jean-Marie Dinh

* Place St Anne à Montpellier, rens : 06 42 61 73 46.

Christos Chryssopoulos : l’intelligence par le vide

Roman. La Destruction du Parthénon de Christos Chryssopoulos.

Un livre vivement conseillé à tous ceux que l’odieuse version des faits qui nous est donnée de la crise obsède. La lecture de La Destruction du Parthénon, dernier ouvrage du jeune et talentueux écrivain grec Christos Chryssopoulos, apaisera certainement les esprits contrariés, mais peut-être pas tous… C’est un court roman d’anticipation pourrait-on dire, si l’on se réfère à la prévisible et hallucinante exigence de Berlin de démolir le Parthénon au motif non moins attendu  que le coût de l’entretien du site serait trop élevé et menacerait l’équilibre des finances publiques grecques.

Christos Chryssopoulos pose lui aussi comme nécessité vitale de s’attaquer au symbole de marbre vieux de vingt-cinq siècles, en situant l’action libératrice de son principal protagoniste dans la ligné du cercle surréaliste Les Annonciateurs du chaos. Ceux là même qui dès 1944, appelaient à faire sauter l’Acropole ! Un slogan choc et provocateur relayé à Athènes au début des années 50 par un groupe d’intellectuels affiliés au Mouvement des irresponsables.

L’action du livre a lieu soixante ans plus tard. Le jeune héros de Christos Chryssopoulos vient de passer à l’acte. Il a ruminé sur sa ville, son fonctionnement, la béatitude de ses habitants. L’absurdité de la situation lui a donné l’énergie d’agir.  Il a pulvérisé le Parthénon. La ville est orpheline. Est-elle encore elle-même ?

A Athènes, c’est la consternation. L’enquête s’ouvre. On recherche le terroriste, son mobile… Sur ce point, le probable monologue de l’auteur des faits, livre quelques pistes : «  Quand je me suis lancé, je n’avais pas la moindre idée de la façon dont je devais m’y prendre. Je n’avais pas de plan. Je n’avais aucun idéal. Le point de départ à été une impulsion, un élan qui m’a poussé à en arriver là. Cela aurait tout aussi bien pu m’emporter je ne sais où. »

Quel avenir, pour le pays amputé de son miroir déformant ? La beauté serait désormais à chercher dans chacun de ses habitants.

JMDH

La destruction du Parthénon, 12 euros, éditions Actes-Sud

Voir aussi : Rubrique Grèce, L’Europe libérale s’inquiète, Grève générale, Plan d’austérité inefficace et dangereux, rubrique Finance, Comment l’injustice fiscale a creusé la dette greque, rubrique UE, Extension du domaine de la régression, rubrique Débat Jürgen Habermas pour une Europe , démocratique, rubrique Livre,