Crise grecque : l’Europe libérale s’inquiète

Des experts de l’Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne sont arrivés mardi à Athènes pour examiner les comptes de la Grèce toujours sous la pression des marchés alors qu’un nouveau plan de sauvetage est envisagé.

La « troïka », comme les Grecs appellent ces experts de la Commission et de la Banque centrale européennes, ainsi que du FMI, doit évaluer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre du plan de redressement des finances grecques instauré il y a un an après une première crise grave, mais qui marque le pas et a aggravé la récession. Devant l’ampleur des difficultés rencontrées par le pays, dont la dette doit dépasser 150% du PIB en 2011, les Européens n’excluent pas un nouveau soutien au pays. D’autant plus que l’envolée des taux grecs sur les marchés d’obligations, au-dessus du taux prohibitif de 15%, présage pour le moment de l’incapacité d’Athènes à revenir sur les marchés en 2012, comme le gouvernement grec et les institutions internationales l’avaient initialement prévu.

Pour emprunter mardi 1,625 milliard d’euros à six mois, la Grèce a ainsi dû se soumettre mardi à un taux de 4,88%, en légère hausse par rapport à celui qu’elle avait obtenu lors de la dernière émission similaire d’obligations le 8 mars, à 4,75%. L’émission a toutefois été sursouscrite plus de trois fois. La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré mardi attendre « les résultats » de la mission de la troïka avant de tirer des conclusions sur l’éventualité d’un nouveau plan de sauvetage.Pour sa part, le Premier ministre grec, Georges Papandreou, s’est prévalu du « soutien d’une grande majorité des Grecs » pour faire part, au cours d’une rencontre avec le chef de l’Etat, Carolos Papoulias, de sa « détermination à poursuivre les grands changements » en chantier.

Les experts de l’UE, du FMI et de la BCE doivent rester à Athènes au moins une semaine et doivent s’entretenir entre autres à partir de mercredi avec les ministres des Finances, Georges Papaconstantinou, de la Santé, Andreas Loverdos, et de l’Emploi, Louka Katseli. Cette expertise, précédée d’une première mission technique d’experts la semaine dernière, intervient avant le versement début juin de la cinquième tranche du prêt accordé au pays en 2010 d’un montant total de 110 milliards d’euros.

Le quotidien financier grec Naftemporiki titrait ainsi mardi sur « l’option d’un nouveau prêt accompagné de nouvelles mesures » tandis qu’Eleftherotypia (gauche) parlait d' »un nouveau prêt de 50 à 60 milliards d’euros ». Le chef économiste de la BCE Jürgen Stark a estimé mardi que l’aide à la Grèce n’était « pas un puits sans fond » et que le pays « n’était pas insolvable », dans un entretien à une radio régionale allemande.

Quant à une restructuration de la dette souveraine grecque, le gouvernement grec ainsi que l’UE et la BCE, elle-même détentrice d’obligations publiques émises par Athènes, rejettent catégoriquement une telle éventualité. Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE, a indiqué dans un entretien paru mardi dans le journal italien La Stampa, qu’une telle opération ferait s’écrouler l’économie du pays et aurait un impact sur l’ensemble de la zone euro, y compris sur l’Allemagne. Cela n’a pas empêché l’agence de notation Standard & Poor’s d’abaisser à nouveau lundi la note de la Grèce, en invoquant, à la suite de la révision à la hausse du déficit public du pays et dans la perspective d’un nouveau soutien européen, le risque croissant d’une restructuration.

Déplorant la « cacophonie » prévalant actuellement à l’étranger sur le sort du pays, M. Papandreou a aussi appelé les Grecs à faire preuve de sang-froid face « aux nombreux scénarios ».

AFP (10/05/11)

Dans la presse européenne

Les ministres des Finances de plusieurs Etats membres de la zone euro ont tenu une réunion secrète vendredi 6 mai à Luxembourg pour évoquer l’assainissement du budget grec. Le pays pourrait nécessiter à l’avenir davantage d’aides financières de l’UE. Athènes ne pourra pas s’en sortir seule, estime la presse qui juge erronée une éventuelle exclusion du pays de l’Union monétaire.

Tiroler Tageszeitung – Autriche

Après la rencontre secrète des représentants des grands pays de la zone euro vendredi dernier, le quotidien Tiroler Tageszeitung critique la communication opaque de l’Union et estime que l’exclusion du pays de l’Union n’est pas une bonne idée : « Avec une telle politique d’information, les ragots fusent de toutes parts et il n’est guère étonnant que l’on évoque même une sortie de la Grèce de la zone euro. … Le fait est que la Grèce n’a jamais été prête à adhérer à l’Union financière et qu’elle n’est parvenue à introduire l’euro qu’au moyen de folles combines financières. Cela montre une fois de plus que les contrôles et les droits d’intervention sont insuffisants dans l’UE. Aujourd’hui, la Grèce est pratiquement en situation d’insolvabilité et ne pourra éviter la faillite qu’avec les milliards de l’UE. Le caractère légal d’une éventuelle exclusion de la zone euro est sujet à controverse. En pratique, cela reviendrait à un hara-kiri économique qui plongerait les Grecs dans un chaos encore plus grand. La confiance des marchés financiers est déjà proche de zéro actuellement. » (08.05.2011)

De Tijd – Belgique

Les discussions secrètes sur la crise de la dette de la Grèce montrent que le pays ne parviendra pas à surmonter seul la crise, estime le journal économique De Tijd : « Il est grand temps que Bruxelles et Francfort admettent que leur programme d’urgence pour la Grèce et l’Irlande ne résoudra pas le nœud du problème. L’Irlande et la Grèce n’ont pas un problème de liquidités, mais un problème de solvabilité. Dans les prochaines années, Athènes et Dublin ne pourront jamais soutirer suffisamment à leurs contribuables pour rembourser leurs dettes. Et dans un futur pas si lointain viendra certainement un moment où les citoyens grecs et irlandais en auront assez de ce travail de Sisyphe. … Un qualificatif qui résume aussi parfaitement le cœur du problème grec – et irlandais. … Une dette publique écrasante et une position concurrentielle catastrophique. … Les Grecs et les Irlandais ne parviendront jamais à résorber d’eux-mêmes leurs dettes publiques et bancaires. » (09.05.2011)

Die Welt – Allemagne

La crise de la dette de la Grèce et du Portugal coûtera beaucoup d’argent au contribuable européen et pourrait entraîner l’effondrement de l’euro, estime le quotidien conservateur Die Welt : « Il n’est pas donc pas étonnant qu’aucun politique responsable ne veuille risquer une telle chose. Mais cela ne durera pas éternellement. Si les Grecs et les Portugais ne maîtrisent pas leurs problèmes avec l’aide de l’UE, il n’y a que peu d’alternatives : soit les contribuables nord-européens, par crainte pour leur propre prospérité, proposent leurs milliards aux pays pauvres du sud, soit des mouvements comme les Vrais Finlandais font en sorte que l’UE ferme sa manne financière et contraignent ces Etats à sortir de l’UE. Ces deux alternatives coûteront des milliards aux contribuables européens. La politique européenne devra se montrer sage et patiente si elle veut surmonter cette crise. » (09.05.2011)

Il Sole 24 Ore – Italie

Par sa position ambiguë concernant le sauvetage de la Grèce, la chancelière allemande Angela Merkel augmente la pression sur le pays fortement endetté, estime le journal économique Il Sole 24 Ore : « L’Europe est une nouvelle fois l’otage de la politique intérieure allemande. … Les uns menacent de rejeter les aides de l’UE, les autres évoquent une restructuration de la dette. La chancelière allemande Angela Merkel mise sur l’ambivalence. … Cela jette des interrogations préoccupantes sur sa véritable opinion. … Les échéances électorales de cette année et les faiblesses de la majorité libérale-démocrate dans les sondages ne contribuent pas à clarifier les choses. … De nombreux politiques, dont Merkel, savent très bien que ni une restructuration de la dette ni une sortie de la Grèce de la zone euro ne sont des options indiquées. Mais en agitant la menace de telles éventualités, ils espèrent contraindre la Grèce à des efforts plus efficaces dans l’assainissement de son budget. » (08.05.2011)

Euro/topics

 

10 000 personnes dans la rue selon la police

 

Manifestation à Athène le 11 mai 2011

Des milliers de Grecs ont manifesté mercredi, jour de grève générale, contre les mesures d’austérité et les privatisations décidées par le gouvernement socialiste qui cherche à obtenir une nouvelle aide internationale afin d’éviter une restructuration de la dette grecque.

Environ 10.000 personnes selon la police ont battu le pavé à Athènes contre les sacrifices imposés au pays. Les deux compagnies grecques, Olympic Air et Aegean, ont annulé des vols. Les ferries vers les îles sont restés à quai, et les trains en gare. Pour la deuxième fois depuis le début de l’année, les syndicats – GSEE pour le privé, Adedy pour les fonctionnaires ainsi que le front syndical communiste Pame – protestaient contre un durcissement de la cure d’austérité, assorti d’une intensification des privatisations (50 milliards d’euros d’ici 2015), un plan qui est actuellement évalué et discuté avec les représentants des bailleurs de fonds du pays (zone euro et FMI), présents à Athènes.

« Les nouvelles mesures frappent unilatéralement les travailleurs et l’emploi et pas les possédants ni les banquiers, ni tous ceux qui ont fait la crise et en profitent » a déclaré à l’AFP Stathis Anestis, secrétaire général adjoint de la GSEE. « Après un an (d’aide internationale), nous sommes hélas dans une situation pire, le chômage a explosé, les salaires sont au plus bas niveau et le pire c’est qu’il n’y a aucune perspective d’issue, » a-t-il ajouté.

« On veut nous supprimer des acquis sociaux de plusieurs siècles » a renchéri Vangelis Papadoyannis, 46 ans, employé d’Intracom, une société de nouvelles technologies. « Dans mon entreprise, on a eu une vague de licenciements, une centaine en janvier, ils nous ont changé nos conditions de travail, ils nous ont baissé le salaire de 15% et ça continue (…) Ce prêt qui selon le gouvernement devait nous sauver, est allé aux banques », a-t-il regretté. « Non au bradage » indiquaient certaines banderoles critiquant le programme de privatisations qui prévoit d’ouvrir le capital des grands groupes publics (électricité, eau…) afin de réduire la dette, qui a explosé au dessus de 340 milliards d’euros et doit atteindre 152% du PIB d’ici la fin de l’année.

AFP 11/05/11

 

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