Nudge : Cette nouvelle méthode de management pour influencer les salariés à leur insu (ou presque)

Le nudge consiste à encourager indirectement les individus (citoyens, clients, patients…) à adopter de nouveaux comportements considérés comme responsables et bénéfiques pour eux et pour la communauté.

Le nudge consiste à encourager indirectement les individus (citoyens, clients, patients…) à adopter de nouveaux comportements considérés comme responsables et bénéfiques pour eux et pour la communauté.

Le «nudge», théorie d’incitation comportementale visant à influencer indirectement les individus dans leurs prises de décisions, a le vent en poupe du côté des marketeurs, et désormais des RH. Au point de devenir la nouvelle lubie des managers ?

En 2016, la SNCF s’attèle à une enquête minutieuse sur les causes des retards de ses trains en Ile-de-France. C’est ainsi que le groupe découvre que 20% d’entre eux seraient directement liés aux incivilités d’usagers empruntant des souterrains et accès interdits. Pour contrer ces comportements, le groupe ferroviaire mène une expérimentation: plutôt que de créer des sanctions ou contrôles supplémentaires, il fait évoluer sa signalisation en remplaçant simplement ses mentions « interdit d’entrer » ou « sens interdit » par « voie sans issue ». Résultat, le mauvais sens de l’utilisation d’un des souterrains a baissé en quelques mois de 50%, selon la SNCF.

Cette ruse est directement inspirée de l’approche du « nudge » -pour « coup de pouce ». Cette théorie du « paternalisme libertaire » est formalisée à travers différents travaux d’économie comportementale et de psychologie cognitive depuis les années 1970, dont certains ont été récompensés par le Nobel d’économie (Daniel Kahneman en 2002, Richard H. Thaler en 2017). L’hypothèse de départ: dans ses prises de décisions (achat, épargne, évolution de carrière…), l’homme se comporte comme un être avant tout irrationnel, influencé par des biais cognitifs multiples (préjugé, aversion au risque, recherche du conformisme, biais d’optimisme…). Concrètement, le nudge consiste à encourager indirectement les individus (citoyens, clients, patients…) à adopter de nouveaux comportements considérés comme responsables et bénéfiques pour eux et pour la communauté, en modifiant le contexte de leur prise de décision, sans pour autant les contraindre.

Avec à la clé, une double promesse alléchante de gain d’efficacité allié à des coûts réduits de mise en œuvre qui séduit nombre d’entreprises et de pouvoirs publics ces dernières années. Parmi les exemples les plus emblématiques, on peut citer l’aéroport d’Amsterdam qui, en déployant des fausses mouches sur les urinoirs de ses toilettes, est parvenu à réduire de 80% ses frais de nettoyage. Le fabricant de soupes Campbell’s a de son côté modifié sa politique de prix. Au lieu d’inciter les consommateurs à acheter plus de boîtes à prix réduit, il a limité à 12 le nombre de boîtes que peut acheter un client dans le cadre de sa promotion. En créant cette fausse rareté, le fabricant a ainsi doublé ses ventes.

Au niveau politique aussi, le nudge intéresse. L’ex-président américain Barack Obama ou encore l’ancien Premier ministre David Cameron ont créé des « nudge unit » en 2009-2010, afin d’améliorer l’efficacité de leurs politiques publiques (collecte d’impôts, plan épargne-retraite, lutte contre l’obésité…). Plus récemment, les Pays-Bas viennent d’adopter en février une loi transformant tout citoyen en donneur d’organes potentiel, à moins qu’il ne le refuse explicitement. Près de 200 « nudge units » seraient ainsi créées à travers le monde selon les estimations de l’OCDE.

Si bien qu’après l’avoir d’abord expérimenté auprès de leurs clients ou partenaires extérieurs, les grandes entreprises et collectivités publiques (ex: Google, eBay, Sécu, EDF…) commenceraient désormais à regarder de près les applications potentielles du nudge dans leur management, afin d’inciter leurs salariés à prendre les « bonnes décisions » et renforcer ainsi leurs performances. C’est d’ailleurs après avoir été contacté sur ce sujet par différents clients, qu’Eric Singler, directeur général de la société d’études et de conseil BVA, en charge de la BVA Nudge Unit, s’est décidé à consacrer son dernier ouvrage au « nudge management »*, qui paraîtra en juin prochain. Les préoccupations des directions qui le contactent en la matière sont variées: comment inciter les femmes à postuler davantage aux postes à responsabilités internes? Comment encourager les salariés à suivre telle ou telle consigne de sécurité pour limiter les risques professionnels? Comment pousser les collaborateurs à adopter des gestes éco-responsables pour faire davantage d’économies? Et bien sûr, comment renforcer l’engagement des salariés à la tâche ?

La carotte et le bâton

« Beaucoup d’entreprises affirment placer l’homme au cœur de leur organisation. Dans les faits, les politiques RH sont encore bien souvent fondées sur le principe de la carotte et du bâton. Or, les facteurs d’engagements au travail vont bien au-delà de cette approche simpliste. Pire, elle peut même dans bien des cas freiner la motivation », affirme Eric Singler, dont le cabinet a conseillé Emmanuel Macron lors de la dernière élection présidentielle. Le consultant cite notamment la crainte de beaucoup de salariés de questionner la stratégie de l’entreprise, ou de pointer publiquement les failles d’un projet. Des remarques qui pourraient pourtant, d’un point de vue purement rationnel, renforcer l’efficacité de process internes. L’expert avance ainsi quatre grandes dimensions de l’engagement que les entreprises négligent trop souvent: l’équité de traitement, l’accomplissement personnel, le sens de la camaraderie et la mission globale de l’entreprise.

« Tout l’enjeu pour les organisations est de créer un environnement physique -bureaux, salles de repos- et psychologique -incentives, management bienveillant…- qui va inciter les salariés à se comporter différemment dans leurs intérêts comme dans celui de l’entreprise », explique Eric Singler qui préconise un plan d’actions en plusieurs étapes du diagnostic interne des biais cognitifs au changement de posture de la direction en passant par l’expérimentation de la méthode nudge au sein d’un service. Il peut typiquement s’agir de généraliser l’impression recto-verso pour limiter les consommations de papier ou encore de multiplier les espaces de détente pour favoriser les rencontres et la coopération entre services.

Le nudge, un moyen détourné de manipuler les consciences de ses salariés? « Absolument pas », selon Olivier Benoît, DG d’Advito, branche conseil de l’agence de voyages d’affaires BCD Travel. Lui se sert par exemple du nudge pour valoriser auprès des salariés de ses clients des offres préférentielles négociées avec des partenaires (hôtels, parkings, compagnies aériennes…). Le but: encadrer davantage le budget et la sécurité de leurs voyages d’affaires. « Le salarié a le choix, personne ne décide à sa place ce qui est bon pour lui. Il peut opter pour plusieurs hôtels, plusieurs compagnies aériennes… La construction du programme voyage, lors des négociations avec les fournisseurs doit permettre ce choix. »

« Le nudge a une forte dimension éthique. Pour réussir, cette approche est en effet fondée sur la transparence et la co-construction. Elle ne fait qu’encourager une intention, donner le coup de pouce nécessaire qui va faire basculer les gens du bon côté de la barrière, sans les forcer à le faire », plaide pour sa part Eric Singler. L’histoire dira si les entreprises suivront cette philosophie à la lettre.

Marion Perroud

Source Challenge 02/05/2018

*Nudge Management, Comment renforcer la performance et le bien-être au travail avec les sciences comportementales, Eric Singler, Ed. Pearson France, 27€.

Congé parental : la France à la manoeuvre pour bloquer une directive européenne favorable à l’égalité femmes-hommes

Pour Emmanuel Macron, l'application de cette directive aurait un coût trop important pour les finances françaises. - Frederick FLORIN / AFP

Pour Emmanuel Macron, l’application de cette directive aurait un coût trop important pour les finances françaises. – Frederick FLORIN / AFP

Un projet de directive européenne ambitionne d’élargir le cadre des congés parentaux dans tous les pays membres pour « équilibrer » l’utilisation qui en est faite entre les femmes et les hommes. Sauf qu’elle pourrait ne jamais s’appliquer, la France s’y opposant aux côtés de la Hongrie et de l’Autriche.

Emmanuel Macron avait décrété l’égalité femme-homme « grande cause » de son quinquennat. A peine un an après son élection comme président de la République, ces bonnes intentions commencent (déjà) à s’écorner. Alors qu’un projet de directive européenne vise à équilibrer le recours aux congés parentaux entre les hommes et les femmes dans toute l’Union européenne (UE), la France s’y oppose et pourrait faire échouer son adoption. « J’en approuve le principe, précisait pourtant le chef de l’Etat, de passage au Parlement européen le 18 avril. Mais les modalités ont un coût qui est potentiellement explosif » pour le système social français.

Trois types de congés pour toute l’UE

Ce projet de directive dite « d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle » devait être un des éléments du futur « socle des droits sociaux » minimums communs à tous les pays membres. Face au reproche d’une Europe loin d’être assez « sociale », les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE avaient approuvé toute une série de mesures provenant de la Commission européenne « pour l’égalité » au mois de novembre 2017 à Göteborg (Suède). Trois types de congés devaient être imposés sur tout le territoire. D’abord, un congé paternité de dix jours à la naissance de l’enfant, ce dont la France dispose déjà. Ensuite, un congé parental de quatre mois pour chaque parent, indemnisé sur la base de l’arrêt maladie par les Etats (un couple pourrait ainsi disposer de 8 mois au maximum, à condition que chacun prenne bien 4 mois). Et, enfin, un droit à cinq jours de congé par an pour tout parent ayant à « s’occuper de proches gravement malades ou en situation de dépendance ».

Pour de nombreux pays européens, ces mesures apparaîtraient comme quasiment révolutionnaires. En Allemagne, en Croatie, en Slovaquie ou en République Tchèque, par exemple, le congé paternité n’existe tout simplement pas. En France aussi, cette directive apporterait quelques avancées sociales en ce qui concerne l’indemnisation des congés parentaux. Aujourd’hui, une fois le congé maternité passé (10 semaines après l’accouchement) ou paternité (11 jours), les parents ont la possibilité de prendre un congé parental pendant un an. Le problème, c’est qu’il n’est que très faiblement indemnisé. En bénéficiant de l’allocation PreParE (prestation partagée d’éducation de l’enfant), ils ne reçoivent que 396,01 euros par mois. Mais si cette directive était adoptée, l’indemnisation mensuelle serait indexée sur la base d’indemnisation des arrêts maladie pendant les quatre premiers mois. Ainsi, le parent recevrait chaque jour, par l’Etat, 50% de son salaire journalier. Soit une indemnité de pratiquement 900 euros pour un salarié touchant habituellement 2.000 euros par mois par exemple. Un coût « insoutenable » pour les caisses françaises selon Emmanuel Macron.

 

Un congé parental plus attrayant = moins d’enfants en crèche

« Faux ! », répond Yann Serieyx, représentant de l’Union nationale des associations familiales françaises (Unaf), auprès de Marianne. Avec 48 autres associations, l’Unaf a adressé une lettre ouverte au président. Ils le prient de rendre possibles ces « avancées sociales » pour « des millions de familles européennes », pour un coût qu’il estime « limité, voire nul » pour les finances françaises. « Si le congé parental est plus attrayant, davantage de pères le prendront et cela libérera des places en crèche. Aujourd’hui, chaque enfant en crèche coûte à l’Etat près de 1.700 euros. C’est considérable », nous explique-t-il.

Mais surtout, pour Yann Serieyx, cette directive amènerait la France sur le chemin d’une égalité entre les sexes face aux tâches domestiques. « Une mesure comme celle-ci permettrait la bi-activité des couples. Les deux parents pourraient se permettre de se relayer auprès de l’enfant avant de reprendre leur activité sans de trop grandes pertes d’argent. Cela ne peut qu’améliorer le taux d’activité des femmes après une grossesse », détaille-t-il. Selon une étude menée par l’OCDE en 2016, les hommes ne représentent que 4% des parents qui prennent un congé parental…

« Soutenir cette directive, c’est soutenir l’idée que l’éducation d’un enfant se porte à deux, à égalité, et ceci quel que soit le sexe des parents », souligne le député européen Edouard Martin (PSE), membre de la commission « Droits de la femme et égalité des genres » au Parlement européen, pour Marianne. Même s’il est un élu français, il a été le premier surpris de la position de son pays sur ce dossier… et de sa stratégie. « La France a coordonné un blocage en réunissant autour d’elle quatorze pays. Si la situation reste telle qu’elle est, le texte ne sera pas examiné au Conseil le 25 mai comme cela était prévu, minorité de blocage oblige », précise-t-il.

 

Mains dans la main avec l’Autriche, l’Allemagne et la Hongrie

Et les visages des amis de circonstance de Paris ont de quoi surprendre. On y retrouve l’Autriche, dont le gouvernement est composé de ministres d’extrême droite, la Hongrie de Victor Orban, qui s’est distinguée par la récente distribution de manuels scolaires officiels expliquant que « les femmes sont bonnes pour la cuisine, leur rôle c’est de s’occuper de la maison et de faire des enfants », comme l’a signalé L’Obs. Puis toute une bardée d’autres pays de l’est (Croatie, Lettonie, Roumanie, Slovaquie), peu connus pour leurs politiques sociales, et quelques voisins plus proches comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, par exemple.

Une situation qui étonne. D’autant qu’en janvier dernier, la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, disait étudier « toutes les possibilités d’allongement (du congé paternité), mais aussi de meilleures rémunérations ». Contacté, le secrétariat d’Etat n’a pas donné suite à nos sollicitations. Mais déjà à l’époque, elle précisait : « Il ne s’agit pas de dire oui pour faire plaisir à l’opinion ou d’aller vers un totem sans savoir comment le financer. » Tout est là : le budget d’abord, les droits ensuite.

Anthony Cortes

Source Marianne Le 03.05.2018

Voir aussi : Droit des femmes,

Vincent Bolloré placé en garde à vue dans l’affaire des concessions portuaires en Afrique

A l'ombre

A l’ombre

Selon les informations du « Monde », le milliardaire est entendu dans une enquête sur des soupçons de corruption autour de l’attribution de concessions portuaires à son groupe, au Togo et en Guinée.

Il aurait sans doute préféré aller pêcher la crevette à Beg-Meil, dans le Finistère, qui l’a vu grandir et où il se trouvait lors de la perquisition du siège de son groupe en avril 2016. Mais deux ans plus tard, ce mardi 24 avril, c’est dans les locaux de la police judiciaire, à Nanterre, où il était convoqué en tant que « mis en cause », que Vincent Bolloré était attendu.

Selon les informations du Monde, le milliardaire breton a été placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire ouverte notamment pour « corruption d’agents publics étrangers » et portant sur les conditions d’obtention en 2010 de deux des seize terminaux à conteneurs opérés par le groupe Bolloré sur le continent africain, l’un à Lomé, au Togo, l’autre à Conakry, en Guinée.

Les magistrats soupçonnent les dirigeants du groupe d’avoir utilisé leur filiale de communication Havas pour faciliter l’arrivée au pouvoir de dirigeants africains en assurant des missions de conseil et de communication sous-facturées. Et ce, dans un seul objectif : obtenir les concessions portuaires des lucratifs terminaux à conteneurs.

Plusieurs autres cadres du groupe étaient eux aussi en garde à vue mardi : le directeur général du groupe Bolloré, Gilles Alix, et Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international de l’agence de communication Havas.

Selon Challenges, Francis Perez, dirigeant du groupe Pefaco a lui aussi été placé en garde à vue. Proche de M. Dorent, il est à la tête d’une entreprise qui développe des casinos et des hôtels en Afrique et notamment à Lomé. Les enquêteurs cherchent à savoir pour quelle raison il a versé plusieurs centaines de milliers d’euros à M. Dorent. « Un prêt pour une maison », avait-il assuré au Monde en 2016.

Recours judiciaires

M. Dorent s’était occupé d’une partie de la campagne présidentielle guinéenne en 2010 pour le compte du candidat Alpha Condé, rentré de son long exil parisien au cours duquel il s’était lié d’amitié avec M. Bolloré. Cette même année 2010, M. Dorent avait aussi été chargé d’une partie de la communication du jeune président togolais, Faure Gnassingbé, toujours au pouvoir aujourd’hui. Le fils de Gnassingbé Eyadema, resté plus de trente-sept ans à la tête de ce pays d’Afrique de l’Ouest, était alors candidat à sa propre réélection.

Les conseils de M. Dorent et de son groupe Havas pour ces campagnes électorales ont-ils facilité l’octroi à Bolloré Africa Logistics des concessions portuaires de Conakry obtenues quelques mois après l’élection de M. Condé, et de Lomé l’année précédente ? Interrogé il y a plusieurs mois, le président guinéen Alpha Condé ne semblait guère inquiet des suspicions pesant sur l’obtention, en 2011, de la concession du port de Conakry par le groupe Bolloré. « Bolloré remplissait toutes les conditions d’appels d’offres. C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ? », disait-il au Monde au printemps 2016.

En novembre 2010, Alpha Condé avait accéder à la magistrature suprême à la suite de la première élection libre du pays, qui sortait de cinquante-deux ans de régime autoritaire.

Une élection omineuse pour le groupe français Necotrans, spécialisé dans la logistique portuaire en Afrique. Dès mars 2011 en effet, la convention de concession du terminal à conteneurs du port de Conakry, octroyée en 2008 pour une durée de vingt-cinq ans à sa filiale Getma, était rompue. Alpha Condé confiait la gestion du port à son « ami » Vincent Bolloré. Une bataille judiciaire s’engageait alors en France, suscitée par Necotrans, une société qui finira en redressement judiciaire et dont une partie des actifs seront rachetés pour une bouchée de pain par Bolloré à l’été 2017.

« C’est un fantasme que de penser qu’un coup de main à la campagne d’un candidat à la présidentielle qui faisait figure d’outsider comme Alpha Condé permettrait l’obtention d’un port », balayait il y a plusieurs mois M. Dorent, interrogé par Le Monde.

Au Togo, le groupe Bolloré a remporté en 2009 – quelques mois avant la réélection de M. Gnassingbé l’année suivante – la concession du terminal à conteneurs du port de Lomé pour une durée de trente-cinq ans. Une décision elle aussi contestée, cette fois par un autre concurrent. Jacques Dupuydauby, ancien associé de Bolloré au Togo, a multiplié les recours judiciaires pour dénoncer les conditions dans lesquelles il considère avoir été évincé.

Sous-facturation

Selon les informations du Monde, la police a saisi de nombreux documents à l’occasion de perquisitions réalisées en avril 2016 au siège du groupe Bolloré à Puteaux (Hauts-de-Seine). Ceux-ci laissent apparaître les pratiques de l’entreprise au Togo et en Guinée et corroborent l’hypothèse d’une sous-facturation des prestations d’Havas au bénéfice des dirigeants de ces deux pays.

La garde à vue de M. Bolloré intervient une semaine à peine après que l’industriel breton a créé la surprise en cédant la présidence du conseil de surveillance de Vivendi à son fils Yannick, patron du groupe de publicité Havas.

Dans un communiqué publié en fin de matinée, le groupe Bolloré « dément formellement que sa filiale de l’époque SDV Afrique ait commis des irrégularités. Les prestations relatives à ces facturations ont été réalisées en toute transparence ».

Alors que Challenges évoquait il y a deux semaines la convocation à venir de M. Bolloré et de plusieurs dirigeants du groupe, l’avocat de ce dernier, Olivier Baratelli, avait affirmé dans un communiqué que « face à une concurrence exacerbée, c’est la seule expérience du groupe Bolloré, son réseau industriel, son expertise portuaire depuis plus de trente ans, sa position de leadeur sur le continent africain et les investissements très importants qu’il y réalise (plus de 2 milliards d’euros sur les huit dernières années) (…) qui lui permet de se voir attribuer, seul ou en partenariat, des concessions portuaires ».

L’annonce de la garde à vue de M. Bolloré a fait plonger l’action du groupe à la Bourse de Paris : le titre perdait près de 8 % peu après midi.

Simon Piel et Joan Tilouine

 Source Le Monde 24/04/2018

Force ouvrière : un congrès qui s’annonce houleux

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Les conflits internes, autour des ordonnances de la loi travail, connaîtront leur épilogue à l’occasion du congrès de Force ouvrière qui s’ouvre lundi 23 avril à Lille. Contesté à l’automne, Jean-Claude Mailly passera la main à son successeur, Pascal Pavageau, dont la ligne pourrait être plus dure vis-à-vis du gouvernement.

Ambiance à couteaux tirés à Force ouvrière où, pour la première fois de son histoire, le congrès pourrait de ne pas voter le rapport d’activité de Jean-Claude Mailly, son secrétaire général. Ses prises de position accommodantes pendant la loi travail ont laissé des fractures profondes dans la troisième organisation syndicale de salariés. Ainsi, le congrès qui se tient à Lille du 23 au 27 avril s’est préparé dans une extrême tension. Malgré une nouvelle carrière déjà anticipée au sein du Comité économique et social européen, la fin du mandat de Jean-Claude Mailly n’est pas un long fleuve tranquille.

La posture bienveillante de Force ouvrière au début des concertations sur les ordonnances avec le gouvernement a été désavouée en septembre 2017. Lors de la réunion de la Commission exécutive (CE) du mois de mai, seulement deux abstentions se sont exprimées sur la ligne ouverte de la confédération. En juin, l’opposition a pointé le bout de son nez avec cinq votes contre sur les 34 membres de la CE. Après l’été, plus de 80 % des unions départementales (UD) et des fédérations se sont opposées à la ligne défendue par Jean-Claude Mailly. Résultat : le 4 septembre 2017, la CE prend ses distances avec la position défendue par son secrétaire général. Puis vient le tour du Conseil confédéral national composé des 130 responsables de fédération et d’UD, qui imposent au bureau confédéral un appel à manifester contre la loi travail. Une mise en minorité sévère, même si le secrétaire général n’est pas débarqué.

Défiance sur l’indépendance de Force ouvrière

« Nous avons eu un problème avec l’indépendance du syndicat quand Stéphane Lardi a intégré le ministère du Travail », affirme en off un responsable syndical qui évoque les rendez-vous hors agenda du secrétaire général de FO avec le ministère dans cette période. Stéphane Lardi, ancien secrétaire confédéral chargé de l’emploi et la formation, était même pressenti jusque-là comme successeur possible de Jean-Claude Mailly. « Pas d’indépendance, pas de fédéralisme, pas de respect et de compte rendu du mandat », constate un autre militant sous couvert d’anonymat pour qualifier la fin de mandat du secrétaire général.

Depuis, Pascal Pavageau est le seul à avoir postulé au poste de secrétaire général. Ce dernier revendique la ligne d’indépendance syndicale défendue par Force ouvrière, rappelant qu’il n’a ni carte politique ni appartenance à la franc-maçonnerie. Nettement critique vis-à-vis de la poitique du « chacun pour soi » du gouvernement, il n’exclut pas un retour à l’unité d’action avec les autres forces syndicales, dont la CGT. Lors de la seule manifestation contre la loi travail à laquelle Force ouvrière avait participé, Pascal Pavageau manifestait à Paris aux côtés de Philippe Martinez, pendant que Jean-Claude Mailly défilait à Marseille pour se démarquer. « Je ne le vois pas signer un accord comme celui de la loi travail », avance un militant plutôt confiant sur la ligne poursuivie par le prochain secrétaire général.

Cela suffira-t-il à un retour à la normale au sein de la « vieille maison » qui revendique encore près de 500 000 adhérents ? Pas sûr. Les fédérations proches de Jean-Claude Mailly manœuvrent en amont du congrès pour obtenir des voix et des mandats afind’éviter un camouflet à l’ancien secrétaire général lors du vote du rapport d’activité. Autre enjeu des proches de la ligne de l’ancien bureau confédéral : placer les leurs dans la prochaine direction entourant Pascal Pavageau. Pour le reste, les résolutions générales, sociales et revendicatives du congrès fixeront la ligne de conduite donnée à la prochaine direction. Probablement la confirmation de la ligne traditionnelle de la confédération réformiste.

La fin de la bataille aura lieu à l’issue du congrès, lorsque le Conseil confédéral national nommera les 34 membres de la Commission exécutive. Les luttes d’appareil s’y révéleront et donneront la température des rapports de force internes entre partisans d’un accompagnement dupouvoir et partisans d’une ligne indépendante et plus contestataire. Résultat le 27 avril.

Stephane Ortega

Source : Rapport de Force 22/04/2018

Voir aussi : Rubrique Société, Mouvement sociaux, Travail, On line, Code du travail : Mailly se moque des « grognons râleurs »,

Les maires se révoltent contre l’encadrement des dépenses de fonctionnement

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Finances locales

Durant le quinquennat de François Hollande, la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales avait suscité la bronca auprès des élus locaux. Cette fois, le gouvernement a joué autrement, en agissant sur les dépenses de fonctionnement. Les effets sont différents mais suscitent autant de colère. Explications.

 

Pétitions, manifestations, banderoles sur les mairies, toutes tendances politiques confondues… La diminution de 11,5 milliards d’euros entre 2014 et 2017 du montant des dotations globales de fonctionnement (DGF) attribuées par l’Etat aux villes, départements, régions, pour contribuer au financement de ces institutions aux côtés des impôts locaux, a suscité des réactions très fortes de la part des élus locaux. Expliquant être pris à la gorge entre de nouvelles obligations, comme par exemple l’accompagnement de la réforme des rythmes scolaires (désormais enterrée quasiment partout), les maires indiquaient que cette baisse des dotations entraînerait une baisse des investissements. De fait, un certain nombre de reports ou rééchelonnements d’investissements dans de nouveaux équipements ont été constatés. Si, sur le fond, le nouveau président de la République n’a pas changé d’objectif, à savoir diminuer le poids de la dépense publique locale, avec un objectif de diminution de 13 milliards d’euros d’ici à 2022, la méthode est différente. Afin de ne pas obérer les dépenses d’investissement, le nouvel exécutif a décidé de jouer sur les dépenses de fonctionnement en demandant aux collectivités de ne pas les augmenter de plus de 1,2% d’une année sur l’autre, inflation comprise. Pour les 340 collectivités dont les dépenses de fonctionnement dépassent 60 millions d’euros, l’Etat a même instauré un système de contractualisation géré au niveau des préfectures. « Ces collectivités représentent à elles seules 80% de la dépense locale », motive le préfet du Val-de-Marne, Laurent Prévost. Concrètement, ce contrat permet de jouer à la marge sur les 1,2%, en autorisant jusqu’à trois fois 0,15% de marge supplémentaire en fonction de différents paramètres comme l’augmentation de la population, la présence de quartiers prioritaires, les efforts déjà engagées en matière de réduction des dépenses, la politique de logement… En contrepartie, l’Etat n’inflige plus de baisse des dotations supplémentaire. Si les 1,2% d’augmentation des dépenses de fonctionnement sont dépassées en revanche, la collectivité se voit infliger une baisse des dotations correspondant à ce dépassement, l’année suivante. Cette baisse est réduite à 75% du montant du dépassement si le contrat a été signé. Les contrats doivent être signés d’ici le 30 juin et sont prévus sur une durée de trois ans.  Concernant les communes dont les dépenses de fonctionnement sont inférieures à 60 millions d’euros, la contractualisation et pénalisation ne sont pas prévues pour l’instant mais l’incitation est la même.

 

9 villes et le Conseil départemental concernées par la contractualisation en Val-de-Marne

Dans le Val-de-Marne, 9 communes sont concernées par cette contractualisation, ainsi que le Conseil départemental du Val-de-Marne. Il s’agit de Champigny-sur-Marne, Créteil, Choisy-le-Roi, Fontenay-sous-Bois,  Ivry-sur-Seine, Saint-Maur-des-Fossés, Villejuif, Vincennes et Vitry-sur-Seine. Au total, les dépenses de fonctionnement de ces 9 communes représente près d’un milliard d’euros. Dans la quasi-totalité des villes concernées, la lettre du préfet les invitant à mettre en place cette contractualisation a suscité la colère.

 

Les villes qui ne rentrent pas dans les clous des 1,2 %

« Nous avons reçu la lettre du préfet fin février alors que le budget doit être voté le 12 avril. Mais un budget ne se prépare pas en cinq minutes. Pour l’heure, le montant des dépenses de fonctionnement prévues est en progression de 1,9% par rapport à l’an dernier, et non de 1,2%. La différence, qui représente 600 000 euros, correspond au budget annuel de fonctionnement d’un service complet!« , détaille Philippe Bouyssou, maire PCF d’Ivry-sur-Seine. « Quand bien même je négocierai les 3 fois 1,5%, je ne serai autorisé à augmenter les dépenses de fonctionnement que de 1,65%, et non de 1,9%. Cette mesure remet en cause notre autonomie de gestion », dénonce l’élu. A Villejuif, l’écart est encore plus important. « Nous avons réduit les dépenses de fonctionnement depuis 2014 et réduit notre dette mais nous avons aussi de grands projets en cours. La ville s’apprête à développer 800 000 m2 dans les années qui viennent, entre le projet de Zac Grand Campus et le programme de rénovation urbaine. Cela implique des nouveaux habitants. C’est dans ce contexte que nous avons par exemple posé la première pierre de l’école des Réservoir la semaine dernière. Le budget a été voté avec une progression d’un peu plus de 4% et nous avons reçu le courrier du préfet après le vote du budget!« , explique-t-on au cabinet du maire de Villejuif.

 

Bâtir d’un côté pour couper les services de l’autre ?

A Champigny-sur-Marne, Choisy-le-Roi ou encore Fontenay-sous-Bois, le budget 2018 ne dépasse pas les 1,2% d’augmentation, contraint par les baisses de dotation des années précédentes, mais ce n’est pas pour autant que les villes sont prêtes à signer le contrat. « En plus de la baisse continue des dotations depuis quatre ans, le fait d’entrer dans l’EPT Paris Est Marne et Bois nous a fait perdre 1,7 millions d’euros de la part du Fonds de compensation suite à l’agrégation du potentiel de toutes les villes. C’est énorme pour nous, cela nous oblige à réduire des services comme par exemple l’activité des deux mairies annexes. Les 1,2% ne sont donc malheureusement pas un problème pour nous de manière concrète. Sur le fond, nous sommes opposés à cette mesure qui remet en cause la libre administration des communes. Lorsque l’on ouvre un groupe scolaire, cela entraîne forcément des dépenses de fonctionnement nouvelles entre les Atsem, le gardien, le régisseur, les personnes qui s’occupent de la cantine… Ces dépenses nouvelles sont liées à un rajeunissement de la ville et correspondent à un certain dynamisme, mais elles nous obligeraient à supprimer d’autres dépenses par ailleurs car elles entraîneraient automatiquement une augmentation de plus de 1,2% du budget. D’un côté l’Etat nous demande de bâtir, de construire du logement et les équipements qui vont avec, et de l’autre de couper d’autres services! Le résultat est que demain, les villes hésiteront à construire des piscines, crèches, conservatoires… car ils entraînent des dépenses de fonctionnement. C’est donc une fausse bonne solution. Je ne veux pas avoir à faire un choix entre une école et un conservatoire! Nous sommes tous fiers, y compris au niveau national, d’avoir des champions olympiques. Mais ces jeunes ont bien souvent commencé par un parcours associatif dans leur ville, c’est le cas des champions olympiques de Champigny-sur-Marne. Nous  conduire à réduire de manière forte ce qui contribue au parcours de réussite de tous les jeunes est dommageable. Pourquoi casser cette réussite lorsque les choses vont bien? » questionne Christian Fautré, premier adjoint au maire de Champigny-sur-Marne.

 

Vincennes a intégré la nouvelle règle

Seule la ville de Vincennes n’est pas montée au créneau contre cette obligation de contractualisation à ce stade.  « Nous avons une tradition de rigueur budgétaire depuis des années et avons intégré cette règle du jeu. Pour l’instant, nous ne sommes pas dans une logique de ne pas signer le contrat, mais nous attendons la réunion avec le préfet qui doit se tenir le 7 avril« , indique-t-on à la ville.

 

L’association des maires du Val-de-Marne fait valoir le développement des communes

L’association des maires du Val-de-Marne, elle, a pris position contre la réforme, à l’instar du Comité des finances locales (CFL), du Conseil national de l’évaluation des normes (CNEN) et de l’Association des Maires de France, et publié une résolution contre cette mesure à l’issue d’une réunion qui s’est tenue la semaine dernière. « Le redressement des comptes publics, ne peut conduire à transférer l’essentiel de l’effort sur les collectivités locales, alors que dans le même temps l’Etat aggrave son déficit sur la période de programmation 2017-2020 (LPFP). Les maires rappellent que les communes ont déjà réalisé des efforts de gestion considérables (baisse des dotations et rationalisation de leurs dépenses de fonctionnement pour ne citer qu’eux) alors que les administrations centrales contributrices nettes au déficit public ne prennent pas leur part à sa réduction« , dénoncent les élus. « Ce nouveau dispositif vise à dégager 13 milliards d’euros pour redresser les comptes publics, somme qualifiée de dérisoire rapportées aux 2000 milliards d’euros de dette publique française à endiguer. Pour mémoire, les maires précisent que les collectivités n’y contribuent qu’à hauteur de 10% et toujours pour investir ».

« Sous des dehors plus techniques, cette mesure est aussi retors que la baisse des dotations car elle entrave les choix politiques des villes. Cela va conduire à des externalisations faute de pouvoir gérer les services directement », note Olivier Capitanio, maire LR de Maisons-Alfort.

Les élus insistent particulièrement sur le fait que leur population est dans une dynamique de développement et cette mesure les contraindra à remettre en cause des services à la population et renoncer à des investissements nouveaux. « Les maires conviennent du fait que les collectivités locales ont réduit le déficit public à hauteur de 0,1 point de PIB en 2016 : ils ne comprendraient donc pas être pénalisés alors que par nature leur budget n’est pas en déficit. Ils rappellent aussi avoir déjà fait les efforts de gestion visant à contracter les dépenses de fonctionnement et qu’ils ne peuvent plus en faire. »

Source : 94 Citoyen.Com  26/03/2018