Pour la recherche ce n’est pas la fête

ZDS3546-900x720Mobilisation. Le collectif la Sciences en marche sensibilise le public et le gouvernement sur la nature des investissements

 A l’occasion de la fête de la science qui se tient dans l’hexagone jusqu’au 11 octobre pour vulgariser l’activité scientifique auprès du grand public, le collectif Sciences en marche s’est mobilisé hier à Montpellier Strasbourg, Toulouse et Lyon pour dénoncer la dégradation de la recherche en France.

« Nous sommes là pour partager avec les gens les problèmes rencontrés par les scientifiques, explique Guillaume Bossis chercheur en biologie au CNRS, un des fondateurs du collectif qui a vu le jour à Montpellier, l’idéologie de l’excellence amène des effets pervers. Les investissements dans la recherche se concentrent dans quelques secteurs au détriment de beaucoup d’autres alors que l’économie de ces secteurs reposent sur une recherche diversifiée qui se tarit. On ne peut pas mettre l’argent que dans la recherche finalisée sur le cancer ou l’Alzheimer, alors qu’on a besoin de comprendre comment marche le cerveau pour progresser. Couper le tuyau de la recherche fondamentale est un non sens

Si le projet de loi de finance 2016 affiche un budget au même niveau que l’année précédente, le discours ministériel reste peu audible. « Avec un peu plus de 7 mds d’euro consacrés aux programmes de recherches, ce n’est pas la fête commente Guillaume Bossis, Nous avons en France 50 000 doctorants employés en CDD et le nombre de poste pérenne ne cesse de réduire. Les doctorants sont une source de valeur importante pour l’industrie. L’Allemagne et la Grande Bretagne l’ont bien compris. En France, les DRH qui sortent des grandes écoles les considèrent comme des thésards. La culture du tout ingénieur conduit à un déséquilibre. On travaille sur le développement des produits qui existent et on prend du retard sur l’innovation rupture qui permet d’inventer de nouveaux produits. Alors que nous étions en la tête en matière de recherche, la France se situe désormais en milieu de tableau des pays de l’OCDE

L’Etat favorise le crédit impôt recherche (5,5 mds annuel) perçu comme un outil d’optimisation fiscale pour les grands groupes du CAC 40 sans se soucier des retombés réelles sur le secteur. Le collectif Sciences en marche se joindra à la mobilisation  du  16 octobre à Paris avec l’intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche contre la politique d’ austérité. Le financement que consacre la France à sa recherche, publique et privée, stagne autour de 2,25 % du PIB, bien loin de l’engagement de 3 % du PIB pris au niveau européen.

JMDH

Source : La Marseillaise 10/10/2015

Voir aussi : Actualité France ; Rubrique Science, rubrique Education, Enseignement supérieur, Un rapport passé sous silence, rubrique Politique, Politique de l’Education, rubrique Economie,

Ringards sur le monde, par Marie Darrieussecq

Au programme de littérature de troisième, un recueil de nouvelles ne laisse aucune chance à «la» femme de s’exprimer avec ses mots et son regard.

Mon fils est en troisième et il étudie, en français, la nouvelle : c’est au programme de littérature, et forcément, ça m’intéresse. Douze Nouvelles contemporaines ; regards sur le monde, c’est le titre du livre conseillé, que vont lire quantité d’élèves cette année. Un tableau de Martial Raysse fait la couverture, une jolie femme avec un cœur sur la joue. Au dos, la liste des douze auteurs : dix Français, un Italien, un Américain ; je ne les connais pas tous, mais ce qui me saute aux yeux, c’est que ce sont tous des hommes. J’ai un petit espoir sur un ou une Claude ; ah non, c’est un Claude. «Regards sur le monde», au pluriel peut-être, mais tous masculins. L’ambitieux sous-titre du recueil est : «Portrait des hommes et des femmes d’aujourd’hui, de la naissance à la mort» ; les hommes sont donc vus ici par des hommes, et les femmes aussi. Dans le dossier pédagogique, un chapitre est intitulé : «Un portrait critique de l’homme d’aujourd’hui» ; j’y lis que «les personnages féminins ne sont pas davantage épargnés par la critique que les hommes» ; la femme y est traitée en dix lignes et quatre personnages : deux tueuses, une quinquagénaire «vénale et hypocrite» et une jeune coquette «qui semble réduire la femme à un être sans profondeur intellectuelle». Il est vrai que ce recueil ne laisse aucune chance à «la» femme de s’exprimer avec ses mots et son regard. Peut-être aurait-il fallu «des» femmes ? Mon fils, amusé et déjà féministe – c’est-à-dire raisonnablement sensible à l’injustice -, me montre le dossier pédagogique final. Dans le chapitre «Regards sur le monde en poésie et en chansons» sont proposés cinq autres auteurs… tous des hommes. Dans le chapitre «Visions du monde de demain», ils sont quatre, attention… tous des hommes. Le fou rire nous gagne, nous allons au chapitre «Fenêtres sur» : quatorze noms… suspense… deux femmes ! Bravo, Andrée Chedid et Fred Vargas ! Mais rien d’Alice Munro, qui semblait tout indiquée puisqu’elle pratique exclusivement la nouvelle, prix Nobel en 2013, deux ans avant la composition de ce recueil «pédagogique».

Comment éduquons-nous nos enfants ? Christine Pau, professeure d’histoire-géo à Laval, commentait récemment ici les modifications du nouveau programme d’histoire : «Le chapitre « Les femmes au cœur des sociétés qui changent », que j’avais repéré dans la première version, devient « Femmes et hommes dans les sociétés des années 1950″». Il est louable que le mot «femmes» vienne, pour une fois, en premier ; mais probable que le cours novateur sur les femmes d’action se transforme en panorama des fifties.

Une jeune amie australienne me montre avec étonnement la carte d’étudiant qu’elle vient d’obtenir à la Sorbonne : «Est-ce que le « e » du féminin est toujours mis entre parenthèses ?» Sous sa photo, les mentions «étudiant(e)» et «né(e)» l’ont choquée. Mais ma propre carte d’étudiant, dans les années 90, était au masculin d’évidence, au masculin universel du «neutre». J’étais donc «étudiant» et «né» ; à l’époque, ça ne m’avait même pas surpris(e).

Ici-même, dans Libération, je n’ai jamais pu obtenir le moindre «e», parenthèse ou pas, à «auteur» écrit sous ma pomme (ne parlons d’«autrice», qui serait pourtant la forme correcte en français). Toute la vie d’une femme en France est à l’avenant ; ma carte d’«assuré social» est à mon nom d’épouse ; je paie mes impôts à mon nom à moi depuis peu de temps et après avoir beaucoup insisté (c’est-à-dire à mon nom de jeune fille, qui est de facto le nom de mon père). Il se trouve que j’en paie plutôt plus que mon mari ; ça aussi, ça amuse mes enfants. Et mon mari aussi, ça l’amuse, que la plupart de nos biens soient à mon nom mais que, pour toutes les administrations, le «chef de famille», ce soit lui. Il parvient à me faire rire quand tous mes formulaires de réservation en ligne se bloquent si je refuse de renseigner la case «madame» ou «mademoiselle», alors que lui, on ne lui demande rien de son état conjugal, de sa virginité de damoiseau ou de sa disponibilité sexuelle quand il doit remplir un bordereau quelconque. La case «civilité» est obligatoire, madame ou mademoiselle : cochez ! Oui, nous nous mettons en colère et nous rions aussi, plutôt que de nous taper la tête contre les murs. Parce que nous sommes féministes, lui plus encore que moi, et que la lourdeur du monde en est moins accablante. Féministe, la vie est plus gaie. D’ailleurs, on ne dit plus «chef de famille». On dit «personne de référence». Un changement purement cosmétique. Allez voir les définitions de l’Insee : dans les couples homosexuels, la personne de référence est la personne la plus âgée ; et dans les couples hétérosexuels, c’est l’homme. Un regard sur le monde aussi simple que ça.

Cette chronique est assurée en alternance par Olivier Adam, Thomas Clerc, Marie Darrieussecq et Camille Laurens.

 

Marie Darrieussecq

Source Libération 9/10/2015
Voir aussi : Rubrique Politique de l’Education, Rubrique Livre, Littérature, rubrique Société, Droits des femmes,

Comment éviter le chaos climatique ? Tous responsables ?

L’exploitation des ressources fossiles a provoqué l’avènement d’une nouvelle ère géologique. Une prouesse des nations industrialisées et de leurs élites, qui ont bâti leur suprématie sur des échanges écologiques inégaux.

Isaac Cordal. – « Résistance », 2013

Isaac Cordal. – « Résistance », 2013

Anthropocène : ce mot désigne une nouvelle époque de l’âge de la Terre, ouverte par une humanité devenue force tellurique (1). Le point de déclenchement de ce nouvel âge géohistorique reste sujet à controverse : la conquête et l’ethnocide de l’Amérique ? la naissance du capitalisme industriel, fondé sur les énergies fossiles ? la bombe atomique et la « grande accélération » d’après 1945 ? Mais il y a du moins un constat sur lequel les scientifiques s’accordent : bien plus qu’une crise environnementale, nous vivons un basculement géologique, dont les précédents — la cinquième crise d’extinction, il y a 65 millions d’années, ou l’optimum climatique du miocène, il y a 15 millions d’années — remontent à des temps antérieurs à l’apparition du genre humain. D’où une situation radicalement nouvelle : l’humanité va devoir faire face dans les prochaines décennies à des états du système Terre auxquels elle n’a jamais été confrontée.

L’anthropocène marque aussi l’échec d’une des promesses de la modernité, qui prétendait arracher l’histoire à la nature, libérer le devenir humain de tout déterminisme naturel. A cet égard, les dérèglements infligés à la Terre représentent un coup de tonnerre dans nos vies. Ils nous ramènent à la réalité des mille liens d’appartenance et de rétroaction attachant nos sociétés aux processus complexes d’une planète qui n’est ni stable, ni extérieure à nous, ni infinie (2). En violentant et en jetant sur les routes des dizaines de millions de réfugiés (22 millions aujourd’hui, 250 millions annoncés par l’Organisation des Nations unies en 2050), en attisant injustices et tensions géopolitiques (3), le dérèglement climatique obère toute perspective d’un monde plus juste et solidaire, d’une vie meilleure pour le plus grand nombre. Les fragiles conquêtes de la démocratie et des droits humains et sociaux pourraient ainsi être annihilées.

 

Cette logique d’accumulation a tiré toute la dynamique de transformation de la terre

Mais qui est cet anthropos à l’origine de l’anthropocène, ce véritable déraillement de la trajectoire géologique de la Terre ? Une « espèce humaine » indifférenciée, unifiée par la biologie et le carbone, et donc uniformément responsable de la crise ? Le prétendre reviendrait à effacer l’extrême différenciation des impacts, des pouvoirs et des responsabilités entre les peuples, les classes et les genres. Il y a eu des victimes et des dissidents de l’« anthropocénéisation » de la Terre, et c’est peut-être d’eux qu’il s’agit d’hériter.

A dire vrai, jusqu’à une période récente, l’anthropocène a été un occidentalocène ! En 1900, l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest avaient émis plus des quatre cinquièmes des gaz à effet de serre depuis 1750. Si la population humaine a grimpé d’un facteur 10 depuis trois siècles, que de disparités d’impact entre les différents groupes d’humains ! Les peuples de chasseurs-cueilleurs aujourd’hui menacés de disparition ne peuvent guère être tenus responsables du basculement. Un Américain du Nord aisé émet dans sa vie mille fois plus de gaz à effet de serre qu’un Africain pauvre (4).

Pendant que la population décuplait, le capital centuplait. En dépit de guerres destructrices, il a crû d’un facteur 134 entre 1700 et 2008  (5). N’est-ce pas cette logique d’accumulation qui a tiré toute la dynamique de transformation de la Terre ? L’anthropocène mériterait alors la qualification plus juste de « capitalocène ». C’est d’ailleurs la thèse des récents ouvrages du sociologue Jason W. Moore et de l’historien Andreas Malm (6).

Depuis deux siècles, un modèle de développement industriel fondé sur les ressources fossiles a dans le même temps dérouté la trajectoire géologique de notre planète et accentué les inégalités. Les 20 % les plus pauvres détenaient 4,7 % du revenu mondial en 1820, mais seulement 2,2 % en 1992  (7). Existe-t-il un lien entre l’histoire des inégalités et l’histoire des dégradations écologiques globales de l’anthropocène ? Non, répondent les tenants du « capitalisme vert », qui reprennent le vieux discours du « gagnant-gagnant » entre marché, croissance, équité sociale et environnement. Pourtant, de nombreux travaux récents, à la croisée de l’histoire et des sciences du système Terre, mettent en évidence un ressort commun aux dominations économiques et sociales, aux injustices environnementales et aux dérèglements écologiques désormais d’une ampleur géologique.

Si toute activité humaine transforme l’environnement, les impacts sont inégalement distribués. Quatre-vingt-dix entreprises sont ainsi responsables à elles seules de plus de 63 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre depuis 1850  (8). Les nations qui en ont émis le plus sont historiquement les pays du « centre », ceux qui dominent l’économie-monde (voir la carte « Pollueurs d’hier et d’aujourd’hui »). Ce fut d’abord le Royaume-Uni, qui, à l’époque victorienne, au XIXe siècle, produisait la moitié du CO2 total et colonisait le monde. Ce furent ensuite, au milieu du XXe siècle, les Etats-Unis, en concurrence frontale avec les pays sous influence soviétique, dont le système n’était pas moins destructeur. C’est de plus en plus la Chine, qui émet aujourd’hui plus de gaz à effet de serre que les Etats-Unis et l’Europe réunis. Pékin est engagé dans une compétition économique avec les Etats-Unis qui passe, à court terme, par une ruée sur les ressources fossiles et, à moyen terme, par le numérique, la finance et les technologies « vertes ». Au vu de cette réalité historique, peut-on limiter les dérèglements globaux sans remettre en question cette course à la puissance économique et militaire ?

Plus profondément, la conquête de l’hégémonie économique par les Etats-nations du centre (9) a permis la suprématie de son élite capitaliste, ainsi que l’achat de la paix sociale domestique grâce à l’entrée des classes dominées dans la société de consommation. Mais elle a été possible qu’au prix d’un endettement écologique, c’est-à-dire d’un échange écologique inégal avec les autres régions du monde. Tandis que la notion marxiste d’« échange inégal » désignait une dégradation des termes de l’échange (en substance, le montant des importations que financent les exportations) entre périphérie et centre mesurée en quantité de travail, on entend par « échange écologique inégal » l’asymétrie qui se crée lorsque des territoires périphériques ou dominés du système économique mondial exportent des produits à forte valeur d’usage écologique et reçoivent des produits d’une valeur moindre, voire générateurs de nuisances (déchets, gaz à effet de serre…). Cette valeur écologique peut se mesurer en hectares nécessaires à la production des biens et des services, au moyen de l’indicateur d’« empreinte écologique » (10), en quantité d’énergie de haute qualité ou de matière (biomasse, minerais, eau, etc.) incorporée dans les échanges internationaux, ou encore en déchets et nuisances inégalement distribués.

Ce mode d’analyse des échanges économiques mondiaux apporte depuis quelques années un regard nouveau sur les métabolismes de nos sociétés, et sur la succession historique d’autant d’« écologies-monde » (Jason W. Moore) que d’« économies-monde », selon la définition de l’historien Fernand Braudel. Chacune se caractérise, selon les périodes, par une certaine organisation (asymétrique) des flux de matière, d’énergie et de bienfaits ou méfaits écologiques.

La gloutonnerie énergétique des « trente glorieuses »

L’historien Kenneth Pomeranz a montré le rôle d’un échange écologique inégal lors de l’entrée du Royaume-Uni dans l’ère industrielle (11). La conquête de l’Amérique et le contrôle du commerce triangulaire permirent une accumulation primitive européenne ; accumulation dont les Britanniques profitaient au premier chef au XVIIIe siècle grâce à leur supériorité navale. Cela leur offrit un accès aux ressources du reste du monde indispensables à leur développement industriel : la main-d’œuvre esclave cultivant le sucre (4 % de l’apport énergétique alimentaire de leur population en 1800) ou le coton pour leurs manufactures, la laine, le bois, puis le guano, le blé et la viande. Au milieu du XIXe siècle, les hectares de la périphérie de l’empire mobilisés équivalaient à bien plus que la surface agricole utile britannique. L’échange était inégal puisque, en 1850, en échangeant 1 000 livres de textile manufacturé à Manchester contre 1 000 livres de coton brut américain, le Royaume-Uni était gagnant à 46 % en termes de travail incorporé (échange inégal) et à 6 000 % en termes d’hectares incorporés (échange écologiquement inégal) (12). Il libérait ainsi son espace domestique d’une charge environnementale, et cette appropriation des bras et des écosystèmes de la périphérie rendait possible son entrée dans une économie industrielle.

De même, au XXe siècle, la croissance forte des soi-disant « trente glorieuses » de l’après-guerre se caractérise par sa gloutonnerie énergétique et son empreinte carbone. Alors qu’il avait suffi de + 1,7 % par an de consommation d’énergie fossile pour une croissance mondiale de 2,1 % par an dans la première moitié du XXe siècle, il en faut + 4,5 % entre 1945 et 1973 pour une croissance annuelle de 4,18 %. Cette perte d’efficacité touche aussi les autres matières premières minérales : alors qu’entre 1950 et 1970 le produit intérieur brut (PIB) mondial est multiplié par 2,6, la consommation de minerais et de produits miniers pour l’industrie, elle, est multipliée par 3, et celle des matériaux de construction, quasiment par 3 aussi. C’est ainsi que l’empreinte écologique humaine globale bondit de l’équivalent de 63 % de la capacité bioproductive terrestre en 1961 à plus de 100 % à la fin des années 1970. Autrement dit, nous dépassons depuis cette époque la capacité de la planète à produire les ressources dont nous avons besoin et à absorber les déchets que nous laissons.

La course aux armements, à l’espace, à la production, mais aussi à la consommation, à laquelle se sont livrés le bloc de l’Ouest et le bloc de l’Est durant la guerre froide a nécessité une gigantesque exploitation des ressources naturelles et humaines. Mais avec une différence notable : le camp communiste exploitait et dégradait surtout son propre environnement (échanges de matières premières avec l’extérieur proches de l’équilibre et nombreux désastres écologiques domestiques), tandis que les pays industriels occidentaux construisaient leur croissance grâce à un drainage massif des ressources minérales et renouvelables (avec des importations de matières premières dépassant les exportations de 299 milliards de tonnes par an en 1950 à plus de 1 282 milliards en 1970  (13)). Ces ressources provenaient du reste du monde non communiste, qui, lui, se vidait de sa matière et de son énergie de haute qualité.

Ce drainage fut économiquement inégal, avec une dégradation des termes de l’échange de 20% pour les pays « en voie de développement » exportateurs de produits primaires entre 1950 à 1972. Mais il fut aussi écologiquement inégal. Vers 1973, tandis que la Chine et l’URSS atteignaient une empreinte écologique équivalant à 100 % de leur biocapacité domestique, l’empreinte américaine était déjà de 176 %, celle du Royaume-Uni de 377 %, celle de la France de 141 %, celle de l’Allemagne fédérale de 292 % et celle du Japon de 576 %, tandis que nombre de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine restaient sous un ratio de 50 % (14).

On comprend que le moteur de « la grande accélération » de cette période fut le formidable endettement écologique des pays industriels occidentaux, qui l’emportent sur le système communiste et entrent dans un modèle de développement profondément insoutenable, tandis que leurs émissions massives de polluants et de gaz à effet de serre impliquent une appropriation des fonctionnements écosystémiques réparateurs du reste de la planète. Cette appropriation creuse un écart entre des économies nationales qui génèrent beaucoup de richesses sans soumettre leur territoire à des impacts excessifs et d’autres dont l’économie pèse lourdement sur le territoire.

Aujourd’hui, un échange écologique inégal se poursuit entre ceux — Etats et oligarchie des 5 % les plus riches de la planète — qui entendent asseoir leur puissance économique et leur paix sociale sur des émissions de gaz à effet de serre par personne nettement supérieures à la moyenne mondiale (voir la carte « Pollueurs d’hier et d’aujourd’hui ») et, d’autre part, les régions (insulaires, tropicales et côtières, principalement) et les populations (essentiellement les plus pauvres) qui seront les plus durement touchées par les dérèglements climatiques. Ces régions et populations sont aussi celles dont les écosystèmes — leurs forêts — sont les plus mis à contribution pour atténuer les émissions excessives de déchets des régions et populations riches ; et ce à titre gratuit — une dette écologique incommensurablement plus élevée que les dettes souveraines — ou contre une faible rémunération, via des mécanismes tels que Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation (REDD) et autres marchés des biens et services environnementaux, qui constituent une nouvelle forme d’échange inégal.

Il incombe à notre génération, et il est de la responsabilité des dirigeants du monde, de rompre avec cette trajectoire destructrice et injuste. Il en va, à long terme, d’un basculement majeur de la géologie planétaire et, à court terme, de la vie et de la sécurité de centaines de millions de femmes et d’hommes, des zones côtières au Sahel, de l’Amazonie au Bangladesh. Que ces violences frappent déjà durement les populations les plus pauvres et les moins responsables des émissions passées est un héritage du capitalocène. Mais le choix d’ajouter ou non à ce bilan des dizaines de millions de déportés climatiques supplémentaires, de nouvelles violences, souffrances et injustices, relève de notre responsabilité.

Toute démarche qui retarderait le gel d’une partie des réserves fossiles et toute émission nous amenant à dépasser le seuil des + 2 °C (voire + 1,5 °C, selon certains climatologues — lire « Deux degrés de plus, deux degrés de trop »), doivent désormais être prises pour ce qu’elles sont : des actes qui attentent à la sûreté de notre planète, lourds de victimes et de souffrances humaines (15). Même si les causalités et les calculs sont complexes, on sait déjà qu’à chaque gigatonne de CO2 émise en sus du « budget + 2 ° » correspondront plusieurs millions de déplacés et de victimes supplémentaires. Comme Condorcet ou l’abbé Raynal surent le faire à propos de l’esclavage, osons donc l’affirmer : ces émissions incontrôlées de gaz à effet de serre méritent la qualification de « crimes ».

Après les crimes esclavagistes, coloniaux et totalitaires, voici donc l’idée de la valeur intangible de la vie humaine à nouveau menacée. Dès lors, comme le note l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, autrefois engagé dans la lutte contre l’apartheid, réduire notre empreinte carbone n’est pas une simple nécessité environnementale ; c’est « le plus grand chantier de défense des droits de l’homme de notre époque (16) ». Il est désormais inacceptable que des individus et des entreprises s’enrichissent par des activités climatiquement criminelles. M. Tutu appelle à s’attaquer aux causes et aux fauteurs du réchauffement climatique comme on a combattu l’apartheid : par les armes de la réprobation morale, du boycott, de la désobéissance civile, du désinvestissement économique et de la répression par le droit international.

 

Mettre hors d’état de nuire les négriers du carbone

A-t-on vaincu l’esclavage, il y a deux siècles, en demandant aux dirigeants des colonies et territoires esclavagistes de proposer eux-mêmes une baisse du nombre d’êtres humains importés ? Aurait-on accordé aux négriers des quotas échangeables d’esclaves ? De même, aujourd’hui, peut-on espérer avancer en comptant sur des engagements purement volontaires d’Etats pris dans une guerre économique effrénée, ou en confiant l’avenir climatique à la main invisible d’un marché du carbone à travers une monétisation et une privatisation de l’atmosphère, des sols et des forêts ?

Ne faut-il pas rechercher plutôt les forces capables d’arrêter le dérèglement climatique dans l’insurrection des victimes du capitalisme fossile (Pacific climate warriors océaniens, militants anti-extractivistes, précaires énergétiques, réfugiés climatiques) et dans le sursaut moral de ceux qui, dans les pays riches, ne veulent plus être complices et le manifestent par diverses actions — solutions pour vivre autrement et mieux avec moins, campagnes pour contraindre les banques à se désinvestir des entreprises climaticides, pressions sur les gouvernements pour qu’ils passent des paroles aux actes en matière de réduction des émissions (17), résistance aux grands projets inutiles, etc. ?

Il faut également espérer un retour du courage politique. Nul doute que si Bartolomé de Las Casas, Condorcet, Jaurès, Gandhi ou Rosa Parks vivaient aujourd’hui, l’abolition des crimes climatiques, la mise hors d’état de nuire des quatre-vingt-dix négriers du carbone et la sortie du capitalocène seraient leur grand combat (18).

Christophe Bonneuil

Historien, coauteur de L’Evénement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Seuil, Paris, 2013, et de Crime climatique stop ! L’appel de la société civile, Seuil, 2015.

(1) Paul J. Crutzen, « Geology of mankind », Nature, vol. 415, n° 23, Londres, 3 janvier 2002.

(2) Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, L’Evénement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Seuil, Paris, 2013 ; Bruno Latour, Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, La Découverte, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », Paris, 2015.

(3) Lire Agnès Sinaï, « Aux origines climatiques des conflits », Le Monde diplomatique, août 2015.

(4) David Satterthwaite, « The implications of population growth and urbanization for climate change », Environment & Urbanization, vol. 21, n° 2, Thousand Oaks (Californie), octobre 2009.

(5) Calcul effectué en dollars 1990 constants à partir des données de Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle, Seuil, 2013.

(6) Jason W. Moore, Capitalism in the Web of Life : Ecology and the Accumulation of Capital, Verso, Londres, 2015 ; Andreas Malm, Fossil Capital. The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Verso, janvier 2016.

(7) François Bourguignon et Christian Morrisson, « Inequality among world citizens : 1820-1992 » (PDF), The American Economic Review, Nashville, vol. 92, n° 4, septembre 2002.

(8) Richard Heede, « Tracing anthropogenic carbon dioxide and methane emissions to fossil fuel and cement producers, 1854-2010 » (PDF), Climatic Change, vol. 122, n° 1, Berlin, janvier 2014.

(9) Immanuel Wallerstein, Comprendre le monde. Introduction à l’analyse des systèmes-monde, La Découverte, 2006.

(10) Pour la méthode et les résultats récents, cf. www.footprintnetwork.org

(11) Kenneth Pomeranz, Une grande divergence. La Chine, l’Europe et la construction de l’économie mondiale, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », Paris, 2010.

(12) Alf Hornborg, Global Ecology and Unequal Exchange. Fetishism in a Zero-Sum World, Routledge, Londres, 2011.

(13) Anke Schaffartzik et al., « The global metabolic transition : Regional patterns and trends of global material flows, 1950-2010 », Global Environmental Change, vol. 26, mai 2014.

(14) « National footprint accounts 1961-2010, 2012 edition », Global Footprint Network, 2014.

(15) Laurent Neyret (sous la dir. de), Des écocrimes à l’écocide. Le droit pénal au secours de l’environnement, Bruylant, coll. « Droit(s) et développement durable », Bruxelles, 2015 ; Valérie Cabanes, « Crime climatique et écocide : réformer le droit pénal international », dans Crime climatique stop ! L’appel de la société civile, Seuil, 2015.

(16) Desmond Tutu, « Nous avons combattu l’apartheid. Aujourd’hui, le changement climatique est notre ennemi à tous », dans Crime climatique stop !, op. cit.

(17Cf. par exemple Andrea Barolini, « Une décision historique : un tribunal néerlandais impose à l’Etat d’agir contre le changement climatique », Reporterre, 25 juin 2015.

(18Cf. la pétition « Laissons les fossiles dans le sol pour en finir avec les crimes climatiques ».

Source : Le Monde Diplomatique Novembre 2015

Voir aussi. Rubrique Ecologie, On Line 100 entreprises responsables de plus de 70 % des émissions mondiales de carbone,

Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…

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Tous les chats sont gris
Chronométrés, programmés à la seconde près jusqu’à parfois manquer de spontanéité, mais toujours désarmants de bonheur, les mariages restent l’un des derniers survivants de la nuit libanaise, lorsque cette dernière touche le fond…es couples se séparent, les familles se recomposent, les enfants grandissent en alternance : c’est la noria des ex et des demis, l’institution matrimoniale version 1.0 qui vieillit mal et s’en prend plein la figure.
C’est ainsi et il faut arrêter de s’en désoler. Cela dit, en cette ère où s’ouvrent comme jamais les gouffres salés des divorces dévorants, une question nous taraude : comment les Libanais trouvent-ils encore l’envie et surtout le courage de se jurer amour éternel ? Comment ont-ils foi en des épousailles de fer à l’heure des séparations de coton et des recompositions de cocon ? Comment osent-ils s’unir devant Dieu ou la loi, alors que la bague au doigt étrangle désormais comme une corde au cou ? Et que les mariages pluvieux ne présagent (presque) même plus des jours heureux ? Car ni le taux élevé de mariages brisés, encore moins le marasme du pays n’ont réussi à refroidir les Libanais qui ont, cet été plus que jamais, fait honneur à la wedding season, toujours au centre des polémiques.

Devoirs et émotions
Au Liban plus qu’ailleurs, là où les arbres généalogiques ont des tentacules s’épanchant du Nord au Sud, avec cap sur le Brésil et le Canada, les jours de noces sont ces retrouvailles qui sortent de la naphtaline les tendresses faisandées comme les griefs abusifs. Mais aussi, les complicités secrètes des passés composites et encore les mélancolies mauves de se voir vieillir ensemble…

Avec toujours, en toile fond, une obsession des obligations, même en ce jour initialement consacré à la fête. Devoir inviter le cousin par alliance de troisième degré, devoir être toute de blanc vêtue, devoir faire acte de présence face à un patriarche ou un cheikh, devoir désigner comme témoin la cousine bedonnée, devoir se coltiner le tapage d’une dabké ou l’invasion d’une armée de riz sur une chevelure bien montée. Mais, avec un peu de recul, c’est cette douce répétition des mêmes attentions, des mêmes détentions qui nous font aimer ce moment presque énervant de gaîté.

Alors, oui, militons pour ce rituel made in notre petit pays. Pour la robe surbrodée, surdentelée, sur-swarovskiée de la maman, cousue à la main tout l’hiver durant ou louée pour un soir, comme une Cendrillon senior. Pour le mascara waterproof qui lâche lorsque la mariée sort de sa chambre de jeune fille, sous le regard intact de ses ours en polystyrène et de sa grand-mère un peu hagarde, qui ne sait plus qui d’elle, de sa fille ou de sa petite fille va passer la bague au doigt.

Pour les demoiselles d’honneur, ces véritables anges, princesses avant le temps. Pour la seule et unique version de la zaffé, cette chanson kitsch et élimée qui arracherait une larme au plus endurci des Vikings du jurd. Surtout pour le jus d’ananas et les bonnes vieilles dragées casseuses de dents, parce qu’on nous a assez cassé les pieds avec les buffets de traiteurs branchés et autres gâteaux sans gluten.

Évidemment pour la zalghouta de la nounou centenaire qui déguisait la 3arouss en princesse, du haut de ses trois ans. On est même pour la meringue de la mariée en cinq dimensions, oui, pour sa tignasse honnête qui fait souvent rappel au bouquet offert par son prétendant, merci de nous sortir de la fadeur de ces modeuses mordues de haute couture. Pour l’immeuble qu’on orne en entier, les chaises en plastique qui débordent jusqu’à l’entrée et les voisins qui s’y mettent aussi. Pour la voiture couleur crème qu’on emprunte pour l’occasion, et le convoi qui laisse traîner les vagues d’un voile blanc alors que ce qui fume autour n’est que buées noires et vapeurs grises.

 

Comme une horloge bien réglée
Sauf que dernièrement, les jours de noces s’apparentent davantage à un bonheur artificiellement téléguidé qu’à une pétarade de joie partie en vrille, lorsque l’enchaînement est programmé à la minute près par des wedding planneurs, depuis l’arrivée des convives jusqu’au cadeau de retour. Alors contre les mariages minutés comme des parades de l’armée, parce qu’une toile inachevée est toujours plus touchante qu’un tableau parfait.

Contre les hôtesses venues en renfort nous arracher nos verres lors du welcome drink, nous traînant de force vers les tables d’où l’on se toise comme des chiens de faïence. Contre les zones Mykonos, Santorini et Poros car la féodalité est révolue et que ces noms d’îles grecques n’ont pas leur place sur cette colline du Kesrouan.

Contre les entrées du jeune couple en grande pompe, parachutées d’une montgolfière, jaillies d’un coquillage en marbre ou conduites par un carrosse car la réalité devient trop artificielle et rien ne vaut un retour à l’essentiel. Contre les discours guimauves qui réveillent des vieux démons, et les présentations power point pleines de photos que le jeune marié n’avait pas l’intention de revoir de sitôt.

Contre la first dance en version rap ou hip hop car rien n’égale des mots murmurés à l’oreille, une tête reposant sur l’épaule, une main au creux des reins, et des hanches en avant façon Maria Schneider dans Last Tango in Paris. Contre enfin le manque de surprise, ces mêmes cracheurs de feu, cette même band sud-américaine qu’on doit se farcir tout l’été et cette même pièce montée qui aurait mieux fait d’être en sucre qu’en carton blanc.

 

Pour, quand même
Mais parce que les parents se sont saignés afin que ce jour soit le plus marquant de la vie de leurs enfants, et que dépenser de telles sommes dans un pays qui tient à un fil de soie est un acte indiscutablement courageux : pour ces mariages libanais. Pour ces 3a2bélak à la pelle qui finissent par faire sourire, pour l’alcool qui coule à flots et la mariée qui se retrouve en tongs, pour les expats qui ont enfin une bonne occasion de rentrer au bercail, et ce sentiment rassurant de grandir avec les mêmes visages. Pour ces soirées qui nous redonnent goût à la fête, à l’été et à l’amour. Pour se dire « OUI » et s’aimer donc, envers et contre tout.

| OLJ
Source ; L’Orient du Jour 29/08/2015
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WikiLeaks. Comment l’Arabie Saoudite promeut l’islamisme à l’échelle planétaire

For Courrier InternationalThe New York Times a trié et vérifié 60 000 câbles diplomatiques saoudiens révélés par WikiLeaks. Conclusion : le royaume wahhabite a mis en place un redoutable système de prosélytisme à échelle planétaire pour faire la promotion d’un islamisme rigoriste.

Depuis des dizaines d’années, l’Arabie Saoudite injecte “des milliards de pétrodollars dans des organisations islamiques à travers le monde, pratiquant une diplomatie du chéquier”, révèle le journal américain New York Times.

Pour arriver à cette conclusion, le journal a trié et analysé 60 000 documents diplomatiques saoudiens dont les fuites ont été orchestrées par le site WikiLeaks. Le SaoudiLeaks ne fait que commencer. D’autres informations pourraient être bientôt révélées : WikiLeaks a révélé que quelque 400 000 autres documents étaient en attente de publication.

On sait que l’une des priorités de Riyad est de répandre une vision rigoriste de l’islam sunnite. Ce que l’on sait moins, c’est que l’Arabie Saoudite investit également énormément d’argent pour combattre son principal ennemi : l’Iran chiite.

“[Les Saoudiens] craignaient que la levée des sanctions internationales contre l’Iran après la signature de l’accord nucléaire [le 16 juillet] donne davantage de moyens à Téhéran pour soutenir des groupes [chiites et pro-iraniens]. Mais les documents révèlent une compétition qui va bien au-delà, avec de profondes racines idéologico-religieuses”, écrit le quotidien américain.

Un soft power efficace

C’est tout un système d’influence que les autorités saoudiennes ont mis en place et financé par l’argent des pétrodollars, montre l’enquête du quotidien américain. Riyad a notamment accordé des moyens financiers à des prédicateurs à l’étranger, construit des mosquées, des écoles, des centres et soutenu des campagnes pour “contrer des responsables et des médias à l’étranger qui étaient susceptibles de s’opposer à l’agenda du Royaume”.

“Dans la seule région du Kerala [en Inde], les Saoudiens ont donné 4,5 millions de riyals [1,1 million d’euros] à différents organismes”, rapporte par exemple le site India TV en réaction aux informations révélées par Wikileaks.

De même, le quotidien de Toronto The Globe and Mail a relevé un “don de 211 000 dollars canadiens [150 000 euros] à une école d’Ottawa et un autre de 134 000 dollars [96 000 euros] à une école de Mississauga” gérée par la Muslim Association of Canada, qui gère également des mosquées et d’autres écoles.

Si les sommes peuvent paraître relativement modestes pour chacun des cas pris isolément, elles deviennent énormes une fois additionnées les unes aux autres. Tout le mérite du New York Times est précisément d’avoir fait cette addition. “Il s’agit de milliers et de milliers d’organisations militantes et religieuses (…) directement ou indirectement financées par eux”, explique Usama Hasan, chercheur en études islamiques à la fondation Quilliam à Londres, cité par le journal.

L’organisation mise en place consistait globalement à identifier les personnalités et les associations étrangères à aider ou financer. “Le ministère des Affaires étrangères transmettait les demandes de financement à des officiels de Riyad, parfois les services de renseignements donnaient leur accord après examen des bénéficiaires potentiels et la Ligue islamique mondiale contribuait à avoir une stratégie coordonnée, tandis que les diplomates saoudiens supervisaient le projet à travers le monde”, explique encore le New York Times.

Les pays concernés ne sont pas seulement ceux du Moyen-Orient où la lutte fait rage entre l’Arabie Saoudite et l’Iran pour l’influence régionale, mais aussi les pays africains, notamment le Mali, où des acteurs locaux ont fait référence à la “menace du chiisme iranien” pour appuyer leurs demandes de fonds auprès des Saoudiens. “La peur de l’influence chiite allait jusqu’à englober des pays dotés de minorités musulmanes aussi réduites qu’en Chine. Aux Philippines, où seulement 5 % de la population est musulmane, des documents présentent également des propositions pour ‘restreindre l’influence iranienne’.”

Source : Le Courrier International 17/07/2015

Voir aussi : Actualité Internationale, Arabie Saoudite, Politique, Politique Internationale, Société, Religion,