Terrorisme: l’UE confirme son refus d’un Patriot Act…

Photo Reuter.

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Par Jean Quatremer correspondant de Libération

L’Ukraine et la Grèce ont quelque peu éclipsé, lors du Sommet européen de jeudi, à Bruxelles, la lutte contre le terrorisme. Néanmoins, un mois tout juste après les attentats de Paris, les 28 chefs d’État et de gouvernement ont affiché leur détermination à « combattre » les « ennemis de nos valeurs » en adoptant un plan d’action qui se concentre surtout sur l’aspect préventif (identification et contrôle des suspects, lutte contre la propagande extrémiste sur le net et la radicalisation dans les prisons, contre-propagande, échanges systématiques d’informations entre les services via Europol et Eurojust, lutte contre le trafic d’armes et le financement du terrorisme, etc.), l’aspect répressif ayant déjà été largement traité au lendemain du 11 septembre 2001 (mandat d’arrêt européen, harmonisation de la répression du terrorisme, lutte contre le blanchiment d’argent, etc.). Pour l’Union, il s’agit d’éviter de porter atteinte à ses libertés fondamentales en sombrant dans le tout répressif, ce qui serait tomber dans le piège des terroristes.

 En dépit de cette volonté affichée, il n’est pas du tout certain qu’elle y parvienne, comme le montre le projet de fichier « PNR » (passenger name record) destiné à centraliser les renseignements recueillis par les compagnies aériennes sur leurs passagers (nom, prénom, adresse, téléphone, courriel, moyen de paiement, bagages, programme de fidélité, etc.). Selon la Commission et les États membres, il est censé permettre l’identification de suspects jusqu’alors inconnus en fonction de leur profil voyageur, les fichiers européens existants (Système d’information Schengen, Système d’information sur les visas et Système d’entrée/sortie des non-ressortissants communautaires) ne concernant que des personnes identifiées. Créé aux Etats-Unis à la suite du 11 septembre, ce fichier n’a toujours pas vu le jour dans l’Union à cause de l’opposition d’une majorité du Parlement européen (gauche radicale, verts, socialistes et libéraux) qui s’inquiète des atteintes aux libertés individuelles.

De fait, il recensera tous les passagers, européens ou non, empruntant des vols nationaux, intra-européens et internationaux, alors que PNR américain ne s’intéresse qu’aux vols internationaux. Pour l’eurodéputée écologiste Éva Joly, ce fichier instituera « une surveillance généralisée qui ne préviendra pas les actes terroristes (mais) engendrera des démocraties fragiles qui pourraient être tentées par des dérives ». Surtout, les eurodéputés ne sont pas du tout convaincus de son utilité, les auteurs des attentats de Paris étant parfaitement connus des services français…

Au minimum, le Parlement exige de fortes garanties qui ne se trouvent pas dans le texte actuel déposé en 2011 : « pour être acceptable à nos yeux, la solution retenue doit (…) être conforme au droit et au principe de proportionnalité et prévoir des mesures vigoureuses pour la protection de nos droits fondamentaux », a rappelé, jeudi, devant les Vingt-huit, Martin Schulz, le président de l’europarlement. Les chefs d’État et de gouvernement se sont dits prêts à accepter des « garanties solides en matière de protection des données », ce qu’ils refusaient jusqu’à présent. Pour un diplomate français, il s’agira d’adapter le texte « à la marge », par exemple en précisant mieux qui aura accès aux données ou en prévoyant une formation de ceux qui y auront accès…

Un second dossier, tout aussi emblématique, est celui de l’espace de libre circulation Schengen, que certains voudraient remettre en cause. « Si on veut garder Schengen, il faut que la frontière extérieure soit un moyen de contrôler qui vient et qui part », a prévenu François Hollande, le chef de l’État français. De fait, actuellement, les contrôles des citoyens européens qui rentrent dans l’espace Schengen ne sont pas systématiquement contrôlés, ce que les États voudraient changer. Mais la Commission, soucieuse de ne pas remettre en cause les droits des citoyens européens, n’y est guère favorable.

N.B. 1 : J’ai été interviewé sur France Culture sur ce sujet. C’est ici.

N.B. 2 : Version longue de mon article paru dans Libération du 14 février.

Source : Blog Coulisses de Bruxelles 15 février 2015

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Du traité constitutionnel à Syriza : l’Europe contre les peuples

PHOed012d58-ab0e-11e4-82e2-a3a5660d4bd1-805x453Pour Jean-Claude Juncker, «il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens déjà ratifiés». Coralie Delaume rappelle qu’il n’y a pas non plus de choix qui permette qu’un traité européen ne soit pas ratifié …


L’Union européenne est décidément une étrange construction. Il est impératif d’être une démocratie pour y entrer. C’est même l’unique critère. Les élargissements hâtifs et désordonnés aux PECO (pays d’Europe centrale et orientale) opérés en 2004 et 2007 en furent une illustration. En revanche, une fois admis dans le club, requérir à son profit le respect des règles élémentaires de la démocratie est jugé avec sévérité, et donne le plus souvent lieu à des procès en «populisme».

Les menues imperfections antidémocratiques de l’édifice communautaire sont connues de tous les observateurs sincères. En revanche, jamais jusque-là un dirigeant européen n’avait eu le culot de les reconnaître. Jean-Claude Junker vient de s’en charger, sous le coup de la forte émotion qui s’est emparé des tous les défenseurs de l’Union lisbonno-mastrichienne après la large victoire de Syriza en Grèce le 25 janvier.

Certains ont eu de la fièvre et des suées. D’autres se sont mis à dire sans précaution tout ce qu’ils avaient vraiment dans la tête, à l’instar du président de la Commission européenne. Ce dernier est entré directement à la première place du «Top10» des propos les plus invraisemblables proférés la semaine dernière avec cette sortie: «dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités (…) Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens»

Pas de choix démocratique contre les traités européens…: pour un aveu, il est de taille! C’est d’ailleurs un authentique progrès pour un Jean-Claude Juncker dont on peut penser qu’il est en phase de rémission. Tous les psys le disent: pour expurger une névrose, il faut ver-ba-li-ser. Il serait donc très encourageant que le Luxembourgeois poursuive cette opération vérité. Et qu’il pousse l’audace jusqu’à concéder ceci: il n’y a pas vraiment de choix démocratique non plus pour les traités européens.

Cette réalité, encore faudrait-t-il que Junker accepte de la regarder en face. Peut-être peut-on l’y aider ? Rappelons-lui dès à présent quelques faits saillants ayant pris place dans un passé récent.

Au début des années 2000, l’Union européenne veut se doter du traité de Nice. L’Irlande, en vertu de ses institutions, doit convoquer ses électeurs aux urnes pour une ratification référendaire. Le référendum a lieu en juin 2001 et… 54% des votants irlandais rejettent le texte. On laisse alors passer un peu de temps Les peuples, c’est connu, sont oublieux. Un an et demi plus tard, le corps électoral irlandais est à nouveau mobilisé et, cette fois, il vote en faveur du traité de Nice. Du coup, puisque l’entourloupe a réussi une fois, pourquoi ne pas en abuser? Ce sera chose faite avec le traité de Lisbonne. En 2008, les Irlandais sont appelés à se prononcer sur celui-ci et répondent par la négative à 53% Un vote qui sera «corrigé» l’année d’après par un re-vote, afin que le «oui» l’emporte enfin.

Au Pays-Bas, on est moins téméraire. On ne sollicite pas deux fois les mal-votants car c’est dangereux: le peuple étant stupide, il arrive qu’il persiste dans la déviance. Là, quand les citoyens votent de travers, on recourt donc à leurs «représentants», qui acceptent de se transformer de bonne grâce en censeurs de leurs propres mandants. Ainsi, à la question «Êtes-vous pour ou contre l’approbation par les Pays-Bas du traité établissant une constitution pour l’Europe?», les Néerlandais avait répondu «contre» à plus de 61% en 2005. Trois ans plus tard, leur Parlement votait sans moufter le même texte, rebaptisé pour faire bien «traité de Lisbonne».

En France, nous eûmes la chance d’avoir les mêmes gros malins, pour nous écrire le même scénario. Ainsi, alors que le référendum sur le projet de traité constitutionnel organisé en mai 2005 avait placé le «non» à plus de 54 %, le Parlement adopta Lisbonne dans la joie et la bonne humeur dès 2008. Pour l’occasion, les parlementaires du Parti socialiste apportèrent un soutien touchant à leurs collègues de l’UMP, puisque 142 d’entre eux décidèrent de s’abstenir. N’écoutant que leur enthousiasme, trente environ allèrent jusqu’à voter pour. Un coup de pouce bien sympathique, qui permit à Nicolas Sarkozy d’obtenir la majorité des trois cinquièmes au Congrès dont il avait besoin pour nous glisser le traité. Après ça, il se trouve encore de braves ingénus pour s’étonner, des larmes plein les yeux, des scores mirobolants du Front national….

Bref, comme le dit Jean-Claude Junker, il n’y a pas de choix démocratique possible contre les traités européens déjà ratifiés. Mais, on vient de le voir, il n’y a pas non plus de choix qui permette qu’un traité européen ne soit pas ratifié. Or… s’il n’y a pas de choix possible quant à des textes de valeur quasi-constitutionnelle qui encadrent, dans de très nombreux domaines, la conduite des politiques nationales, peut-on nous dire ce qu’il reste, exactement, de la démocratie ?

Coralie Delaume

Coralie Delaume est journaliste. Elle a notamment publié «Europe. Les Etats désunis» (Michalon, 2014).

Source : Le Figaro vox 02/02/2015

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Aurel : « L’humour dérange »

Le dessinateur Aurel livre ses sentiments après l’attentat et raconte son histoire personnelle avec Charlie Hebdo.

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Lendemain de l’attentat, encore la sidération… J’ai fait un dessin hier soir disant qu’on ne pouvait pas pleurer, parce que les larmes sur un dessin, ça fait baver l’encre… J’ai dessiné ça sur un coin de bureau… Je pensais surtout aux infos qui tombaient sans arrêt, aux rassemblements qui se préparaient… Ce dessin n’était qu’une première idée. Mais, c’est vrai, les larmes ont du mal à sortir. Elles sont comme glacées. Il faut pourtant continuer à dessiner… C’est normal qu’on sollicite les dessinateurs parce qu’ils ont payé un lourd tribut dans cet assassinat du 7 janvier contre Charlie Hebdo. Cela étant, ils ne sont pas seuls à être morts. C’est tout un journal que leurs assassins voulaient tuer. C’est à la liberté de la presse qu’ils s’en sont pris. C’est pourquoi les rassemblements me paraissent plus forts que nos dessins. On dessine pour rendre hommage à nos copains, mais on n’est pas plus habilités que d’autres à défendre la parole citoyenne. Cela concerne tout le monde.

Les caricaturistes sont-ils plus une cible que les autres ? Peut-être. Parce qu’on se moque. Et les gens n’aiment pas qu’on se moque. On fait de l’humour. Or, l’humour dérange. Et pas seulement le radicalisme religieux ! Je n’arrive pas à me sortir de la tête plusieurs situations où l’humour a été mal compris. La société a changé. Dans un avant que je n’ai pas connu, l’humour avait plus de place me semble-t-il. L’avènement d’Internet a dû changer beaucoup de choses, y compris pour des abrutis qui y ont trouvé à la fois un exutoire et une caisse de résonance. Ça a donné des ailes à des gens raidis contre l’humour. On les entendait moins auparavant.

Je n’ai jamais travaillé à Charlie Hebdo. J’aurais bien aimé quand j’ai commencé ! J’en étais grand lecteur au lycée. Pour moi, seul Charlie existait. C’était aussi l’endroit où il y avait le plus de dessinateurs qui travaillaient. C’est Tignous qui m’a mis le pied à l’étrier. Quand j’avais 18-19 ans, à Montpellier, j’allais montrer mes dessins aux dessinateurs de Charlie que je croisais sur des festivals. À chaque fois, ils me disaient : « Va voir Tignous, il est de bon conseil. » Je l’ai rencontré en 2001, quand Charlie a fait la tournée des grandes villes dans le cadre de la campagne municipale, il était venu à Montpellier présenter leur supplément. Il m’a dit : « Tes dessins n’ont pas le niveau d’être publiés en presse nationale, essaie d’abord en presse locale. Ils peuvent avoir besoin de quelqu’un sur place. » Comme il était justement en train de discuter avec des gens de la Marseillaise, il leur a demandé s’ils n’avaient pas besoin d’un dessinateur.

Quelques jours après, j’allais à la Marseillaise. Et c’est comme ça que j’ai publié mes premiers dessins, grâce à Tignous. Après, nos liens sont restés très forts : je lui montrais mes dessins, il m’envoyait balader parce qu’il ne les trouvait pas très bons. Mais comme je revenais à la charge et que je n’étais pas dépité par ses critiques, il s’est dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. Il m’a encouragé. J’ai commencé à venir à Charlie, à Paris, aux réunions de bouclage, pour faire mes dessins avec les autres. Aucun n’est jamais paru, pas encore assez bons, en tout cas pour Philippe Val, qui avait alors le final cut… Par la suite, mon chemin s’est éloigné de Charlie. Sans doute, notamment, parce que j’ai commencé à publier ailleurs. Petit à petit, le temps passant, je me suis rendu compte que je n’était pas toujours d’accord avec certaines de leurs approches. Je suis plutôt de l’école « pas de côté » que « coup de poing ». Mais il en faut pour donner dans le coup de poing !

Et puis en 2008, dans le conflit Charlie-Siné, j’ai soutenu Siné. Auparavant, dans l’affaire des caricatures, j’ai soutenu leur publication dans Charlie. Pour moi, les seules limites en dessin sont celles fixées par la loi, quoi que l’on pense des dessins incriminés : pas de diffamation, pas de racisme, pas d’atteintes à la vie privée… C’est la référence commune, celle qui permet le vivre-ensemble. Dans l’affaire des caricatures, la justice a tranché.

On peut trouver que des dessins de Charlie ne sont pas drôles ou qu’ils n’apportent rien, cela fait partie du débat démocratique. Tant que l’on reste dans les limites de la loi, chacun dessine en fonction de ses convictions. Si certains veulent interdire le blasphème, qu’ils déposent une loi, on en discutera.

En tuant les dessinateurs de Charlie, leurs assassins ont voulu tuer un symbole. Mais je ne vais pas vêtir plus qu’avant ma cape de défenseur de la liberté d’expression. C’est le rôle de tout un chacun !

Source ; Politis 11 janvier 2015

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Cadeau : la leçon de communication politique de Pablo Iglesias (Podemos)

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Si j’avais un cadeau à faire pour ces fêtes de fin d’année à nos responsables politiques de la (vraie) gauche, ce serait la leçon de communication que vient de donner Pablo Iglesias.

À écouter cette démonstration magistrale, on comprend mieux comment ce nouveau parti issu du mouvement des Indignés a pu s’imposer en quelques mois seulement dans le paysage politique espagnol, au point d’apparaître comme le leader poil-à-gratter des futures législatives de 2015.

« La politique, ce n’est pas avoir raison, mais réussir »

Pablo Iglesias préconise de ne pas se contenter de parler au sein du seul cercle fermé des militants, mais à tous les gens, AVEC tous les gens. Non seulement pour être compris de chacun d’eux, mais aussi et surtout pour leur faire savoir qu’on s’efforce soi-même de les comprendre et de les écouter.

À ses étudiants cultivés, possédant leur Marx sur le bout des doigts, mais désespérés par cette foule hétéroclite qu’ils côtoyaient sur la Puerta del Sol (« Ils ne comprennent rien ! On leur dit qu’ils font partie de la classe ouvrière, mais ils ne le savent pas ! »), Pablo Iglesias réplique que le problème vient d’abord d’eux-mêmes.

« Vous pouvez porter un tee-shirt avec la faucille et le marteau. Vous pouvez même porter un grand drapeau, puis rentrer chez vous avec le drapeau, tout ça pendant que l’ennemi se rit de vous. Parce que les gens, les travailleurs, ils préfèrent l’ennemi plutôt que vous. Ils croient à ce qu’il dit. Ils le comprennent quand il parle. Ils ne vous comprennent pas, vous. Et peut-être que c’est vous qui avez raison ! Vous pourrez demander à vos enfants d’écrire ça sur votre tombe : “il a toujours eu raison – mais personne ne le sut jamais”. »

Pablo Iglesias donne l’exemple de cette « grève générale » que les militants chevronnés appellent si souvent de leur vœux… en oubliant que la plupart des gens concernés, « les jeunes qui travaillent dans des centres d’appel, ou comme livreurs de pizzas, ou dans la vente », ne bénéficient d’aucune protection syndicale et risquent surtout d’y perdre leur boulot sitôt levés les piquets fatidiques.

C’est comme ça que l’ennemi nous veut

Faire de la politique, dit Pablo Iglesias, exige d’abord beaucoup d’humilité. Le but n’est pas de révolutionner le « sens commun » des citoyens, mais d’essayer de faire aller ce « sens commun » vers le changement. Faute de quoi, échec garanti ! Les concepts les plus brillants se brisent impitoyablement sur le mur d’indifférence de ceux que nous prétendons convaincre.

« C’est comme ça que l’ennemi nous veut : petits, parlant une langue que personne ne comprend, minoritaires, cachés derrière nos symboles habituels. Ça lui fait plaisir, à l’ennemi, car il sait qu’aussi longtemps que nous ressemblerons à cela, nous ne représenterons aucun danger. »

Aux envolées lyriques enflammées, aux incantations vengeresses, aux pensums idéologiques lourdingues, aux joutes oratoires stériles, Pablo Iglesias préfère un parler simple à la portée de tous, complice, au ras des petites pâquerettes citoyennes :

« Il y a plus de potentiel de transformation sociale chez un papa qui fait la vaisselle ou qui joue avec sa fille, ou chez un grand-père qui explique à son petit-fils qu’il faut partager les jouets, que dans tous les drapeaux rouges que vous pouvez apporter à une manif. »

Et le fait est que ça marche. Pablo Iglesias et Podemos sont capables de faire passer n’importe quel de leurs messages chez quiconque, y compris ceux qui ne parlent pas la langue de Don Quichotte. Preuve à l’appui avec cette cette invitation hilarante à une grande « marche du changement » le 31 janvier prochain :

Le Yéti

P.-S.

Le texte intégral en français de l’intervention de Pablo Iglesias se trouve ici (merci à Tatiana Ventôse pour la traduction).

Source : Politis :29/12/2014

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Au Japon, les enjeux cachés des législatives


4539502_6_4e6f_discours-de-campagne-du-candidat-hirotaka_c0487db096887dee25b89b3a14f559bfFocalisée sur l’économie, la campagne pour les élections législatives du dimanche 14 décembre au Japon a éludé bien des sujets controversés, qu’il s’agisse de la révision de la Constitution, de la relance du nucléaire, de la politique de défense ou encore de la protection des secrets d’Etat. Le premier ministre Shinzo Abe a réussi à transformer ce scrutin en référendum sur les « Abenomics », les mesures de relance adoptées depuis son retour au pouvoir en 2012. « Pour le redressement économique, il n’y a que cette voie à suivre », tel fut le message martelé par le chef de gouvernement et ses troupes pendant les deux semaines passées à arpenter l’Archipel.

Surpris par l’annonce des élections anticipées, les autres partis ont tenté de suivre, essayant de capitaliser sur les limites des « Abenomics », en particulier sur le pouvoir d’achat. En vain, faute de pouvoir offrir une alternative crédible. Le 12 décembre, les sondages prédisaient une large victoire de M. Abe et de sa formation, le Parti libéral démocrate (PLD), qui pourrait obtenir plus de 300 des 475 sièges en jeu. Un tel succès restaurerait la popularité du premier ministre, affectée par la démission en octobre de deux ministres et par l’annonce en novembre de l’entrée en récession du Japon.

Absence de débats

Mais les sujets escamotés pourraient revenir dans l’actualité sitôt le scrutin passé. « Une fois réélu, il y a des chances que M. Abe oublie les Abenomics. Il pourrait concentrer son capital électoral sur les sujets qui lui tiennent à cœur, comme la défense ou la Constitution », estime Koichi Nakano, professeur de sciences politiques à l’université Sophia. « Il est compliqué de faire des réformes structurelles comme celles des Abenomics, confirme Michael Cucek, de l’Institut d’études asiatiques comparées de l’université Temple. Cela demande beaucoup d’énergie et peut créer des divisions. »

Le PLD a évité de parler des questions épineuses, aidé par une opposition qui n’a pas su en faire des sujets majeurs. D’après un sondage dévoilé le 11 décembre par le quotidien de centre gauche Mainichi, 49 % des sondés s’opposent à la loi sur les secrets d’Etat, contre 30 % qui la soutiennent. 51 % rejettent le droit à l’autodéfense collective, contre 35 % qui l’approuvent. L’absence de débats sur ces sujets peut aussi s’expliquer par la priorité donnée par les Japonais aux questions des retraites, de la sécurité sociale ou de l’éducation.

La loi sur la protection des secrets d’Etat, adoptée fin 2013 sur fond de vive contestation et entrée en vigueur le 10 décembre, est critiquée pour le flou de sa formulation. Elle prévoit dix années de prison pour une personne révélant une information classifiée et cinq ans pour ceux – journalistes ou militants par exemple – qui inciteraient à en révéler.

M. Abe y voit un moyen d’assurer la sécurité et de protéger l’intérêt national. Mais son application inquiète. Le quotidien de centre gauche Asahi a déploré la « faiblesse de la supervision des modalités du classement des informations ». L’organisation étudiante SASPL (« étudiants contre la loi de protection des secrets ») a manifesté les 9 et 10 décembre devant le bureau du premier ministre.

« Faire taire la population »

Pour le Congrès des journalistes du Japon, le texte est « un moyen de fermer les yeux et les oreilles de la population, et de la faire taire, tout en usurpant la liberté de la presse et d’expression ». Son adoption a déjà fait perdre au Japon six places dans le classement des pays sur la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF), où il est désormais en 59e position sur 180 pays. « La loi restreint de manière inappropriée le droit de savoir de la population », regrette de son côté le syndicat japonais des libertés civiles, qui réunit des professionnels du droit.

Autre sujet évité pendant la campagne : l’énergie et la relance du nucléaire, trois ans après la catastrophe de la centrale de Fukushima. Sous la pression de l’industrie nucléaire et des compagnies d’électricité, Shinzo Abe souhaite redémarrer les réacteurs de l’Archipel, qui pourraient être relancés dès le mois de février.

La réforme de la Constitution et plus précisément la révision de l’article 9, par lequel le Japon avait renoncé à la guerre après la défaite de 1945, n’ont pas non plus été abordés par les candidats. Ce débat « a été occulté pendant la campagne, regrettait un éditorial publié le 11 décembre par Mainichi. C’est le PLD qui porte la responsabilité de l’inquiétant silence qui entoure cette question. » Connu pour ses positions nationalistes, M. Abe a toujours souhaité réviser la Constitution. La mouvance nationaliste nippone rejette cet article 9, qu’elle estime « imposé » par les Etats-Unis après la seconde guerre mondiale.

Budget de la défense en hausse

Dans le domaine de la défense, la révision le 1er juillet dernier de l’interprétation de la Constitution pour permettre aux forces d’autodéfense (FAD) de participer à des systèmes de défense collective oblige le gouvernement à modifier la législation en cours. Les nouveaux textes devraient être finalisés en 2015. De même, alors que le Japon se débat avec une dette qui devrait atteindre 245 % du PIB, le budget de la défense devrait augmenter en 2015 pour la troisième année consécutive, en raison, explique le gouvernement, des risques liés à la menace chinoise.

Pour le professeur Nakano, Shinzo Abe pourrait « se rendre à nouveau à Yasukuni ». Ce sanctuaire shinto rend hommage, depuis la fin du XIXe siècle, aux soldats japonais morts à la guerre et qui se sont sacrifiés pour leur pays. Parmi eux, des criminels de guerre nippons de la seconde guerre mondiale. Il est devenu le symbole du militarisme des nationalistes nippons et chaque visite de premier ministre – la dernière fut celle de Shinzo Abe le 26 décembre 2013 – suscite l’indignation en Chine et en Corée du Sud. Pour Michael Cucek, M. Abe pourrait être tenté par une nouvelle visite, surtout si la présidente sud-coréenne Park Geun-hye persiste dans son refus de le rencontrer et si le numéro un chinois Xi Jinping maintient une attitude distante. Les contentieux historiques du Japon avec ses voisins pourraient être ravivés à l’occasion du 70anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, en 2015.

Cependant, souligne M. Cucek, « compte tenu de l’abstention attendue le 14 décembre, Shinzo Abe pourrait être élu par seulement un cinquième des inscrits. C’est peu même s’il a tous les pouvoirs au Parlement. » Dans ce contexte, renchérit Koichi Nakano, « la moindre difficulté sur l’économie ou sur des sujets impopulaires pourrait faire plonger sa popularité ».

Philippe Mesmer

Source Le Monde 12/12/2014
Les Japonais renouvellent leur confiance au conservateur Shinzo Abe

moody-s-abaisse-la-note-souveraine-du-japonLa coalition conservatrice sortante remporte une large victoire aux élections législatives de dimanche au Japon.

 Elle obtient d’après les premières projections 327 sièges sur 475 à la Chambre des représentants, la chambre basse du parlement japonais, où elle conserve sa majorité des deux tiers. Le Parti libéral démocrate (PLD) d’Abe n’obtient cependant pas à lui seul cette « super majorité » des deux tiers.

Les électeurs japonais étaient conviés dimanche à des législatives anticipées décidées en novembre par le Premier ministre sortant, Shinzo Abe. Ce dernier, âgé de 60 ans, voulait par ce scrutin obtenir un nouveau mandat pour conforter sa politique économique (surnommée « Abenomics »), après sa décision de reporter une nouvelle hausse du taux de TVA. La première hausse, qui a vu ce taux passer de 5 % à 8 % en avril dernier, a provoqué un recul de l’activité.

« Le taux de chômage a baissé, les salaires ont commencé d’augmenter, pensez-vous qu’il faille que l’on arrête, ou faut-il continuer », avait fait mine d’interroger Shinzo Abe tout au long de ses nombreux discours de rue. « Les abenomics (cocktail de mesures économiques) sont la seule voie », répondait-il.

 Le Parti démocrate rate son objectif

Selon les projections, le Parti démocrate (PDJ), la principale force d’opposition, obtiendrait 73 sièges à la chambre basse. D’après les estimations de la chaîne publique NHK, le PDJ (centre gauche), deuxième formation du pays, ne recueillerait qu’entre 61 et 87 sièges, ratant la barre des 100 espérée. D’après la NHK, le Parti Libéral Démocrate (PLD, droite) aurait obtenu entre 275 et 306 des 475 sièges en jeu et pourrait conserver les deux tiers de la chambre basse avec son allié centriste Nouveau Komeito, qui aurait obtenu entre 31 et 36 sièges, contre 31 députés sortants.

Près de 105 millions de Japonais étaient convoqués dans les écoles, mairies et autres lieux publics pour voter, mais la participation a été faible tout au long de la journée en raison du manque d’enjeu et d’une météo défavorable dans une partie du pays.

Le PLD de Shinzo Abe avait 295 sièges et le Komeito, son partenaire de coalition, 31 à la Chambre des représentants quand elle a été dissoute pour ces élections anticipées. Le PDJ, lui, en avait 62. Cinq sièges ont été supprimés dans le cadre d’une réforme électorale. 18H00 (09H00 GMT), elle n’était que de 34,98 %, en recul de 6,79 points par rapport à celle du scrutin du 16 décembre 2012 où le nombre de votants était déjà historiquement faible.

Source : La Tribune.fr 14/12/2014

Voir aussi : Rubrique Actualité Internationale, rubrique Asie, rubrique Japon Il est plus important de limiter les radiations que l’information, On Line, Le Japon revient au nucléaire ,