Immigration: Hollande s’inspire de Sarkozy qui court après Le Pen

10 février 2012 | Par Carine FouteauMediapart.fr

Incompréhensible la TVA sociale ? Parlez-leur d’immigration ! Absent jusque-là de la campagne présidentielle, ce thème débarque en force à la faveur des déclarations de Nicolas Sarkozy dans Le Figaro magazine où il présente quelques-unes de ses «valeurs» pour la société. Incapable d’imposer ses réponses à la crise économique et sociale, il s’en prend frontalement, comme Marine Le Pen, au droit des étrangers.

Chargé de cette problématique dès 2002, le chef de l’État, qui a été deux fois ministre de l’intérieur avant d’être élu président, liste les régressions supplémentaires qu’il envisage. Surenchère assumée : il n’est pas officiellement candidat, aucune des mesures annoncées ne peut être votée avant la fin du quinquennat, mais, sans craindre que son bilan – cinq lois en dix ans ! – ne lui soit opposé, il ressort les vieilles recettes qu’il fait passer pour des «surprises», voire des «idées nouvelles».

Après y avoir été favorable, il s’oppose au droit de vote des étrangers aux élections locales, au motif que «ce n’est vraiment pas le moment, avec tous les risques de montée du communautarisme». Faisant dire à François Hollande ce qu’il ne dit pas, Nicolas Sarkozy déclare refuser les régularisations d’étrangers en situation irrégulière, qui «créeraient immédiatement un appel d’air», alors même qu’il n’y a jamais renoncé, au «cas par cas» tout du moins.

Immigration familiale ensuite : après avoir compliqué la tâche des étrangers cherchant à faire venir leurs proches, il veut ajouter des conditions de ressources et de superficie de logement aux Français se mariant avec des étrangers. «Ainsi, nous combattrons plus efficacement les fraudes», indique-t-il. Comme pour les chômeurs, le soupçon de la fraude est latent. De même, il entend «réformer les prestations accordées aux demandeurs de droit d’asile». En cas de «non-coopération avec l’administration», celles-ci seront «limitées».

C’est enfin les expulsions qu’il veut faciliter, en supprimant l’intervention des juges des libertés et de la détention au profit des seuls juges administratifs. Voulu entre autres par le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, ce projet resurgit régulièrement. Une commission d’experts, présidée par Pierre Mazeaud, ex-président du Conseil constitutionnel, a même été consultée. Remises au chef de l’État en juillet 2008, ses conclusions étaient sans appel : l’unification juridictionnelle du contentieux serait non seulement «très difficilement réalisable»mais aussi «ne répondrait pas aux attentes placées en elle ni au regard de la charge de travail des juridictions, ni du point de vue de l’effectivité des mesures de reconduite des étrangers en situation irrégulière». Tranché ? Pas pour Nicolas Sarkozy qui, malgré l’extrême technicité de la question, laisse entendre qu’il pourrait organiser un référendum.

Il a beau courir après Marine Le Pen, du chemin reste à parcourir. Car la présidente du FN, qui conserve sur l’immigration les positions de son père, a une longueur d’avance. S’appuyant sur un raisonnement infondé (les immigrés pèseraient dramatiquement sur les finances publiques, ils feraient baisser les salaires, ils seraient trop nombreux, ils seraient inassimilables, etc.), elle propose une série de mesures toutes plus xénophobes et liberticides les unes que les autres.

Outre la priorité nationale qu’elle déplie de manière transversale, elle veut, dans une logique dirigiste, faire chuter de 200.000 à 10.000 les entrées légales, supprimer le regroupement familial, au mépris de multiples principes de droit internationaux, européens et français, rétablir la double peine, supprimer l’aide médicale d’État, interdire les manifestations de sans-papiers et de leurs soutiens, mettre fin à la libre circulation au sein de l’Union européenne ou encore faire du «racisme anti-Français» une circonstance aggravante alourdissant la peine encourue.

L’« immigration intelligente » de François Hollande

Plutôt que de prendre le contre-pied de cette dérive droitière, François Hollande est tout à son obsession de ne pas apparaître «laxiste», «irréaliste» ou «angéliste», selon les formules alternativement utilisées par la majorité pour critiquer son programme.

Son cheminement, à l’aboutissement encore incertain, est, pour l’instant, l’histoire de renoncements successifs. Parmi ses «60 propositions», celle sur l’immigration est en retrait par rapport au programme du PS, lui-même en deçà des débats de la primaire socialiste, eux-mêmes éloignés des engagements de la première secrétaire Martine Aubry en novembre 2009 (elle proposait, par exemple, une«large régularisation» des sans-papiers).

La dernière inflexion, en date du 27 janvier 2012, la plus surprenante aussi, est intervenue lors d’un face-à-face télévisé avec le ministre des affaires étrangères Alain Juppé. François Hollande y a parlé d’«immigration intelligente», poursuivant sa réflexion de la veille, à l’occasion d’une conférence de presse, de «maîtriser l’immigration»«Chaque année, avait-il indiqué, il y aura un débat au Parlement sur l’immigration économique et les souhaits des universités françaises (…) pour que l’immigration économique corresponde à de vrais besoins et que les étudiants étrangers puissent venir là où ils sont souhaités.»

Comment ne pas faire le rapprochement avec l’«immigration choisie» de Nicolas Sarkozy ? Le projet, qui a pris la forme d’une loi en 2006, était de favoriser les travailleurs au détriment des familles. Ce n’est certes pas ce que prône François Hollande, mais celui-ci reprend à son compte une vision utilitariste de l’immigration, pourtant dénoncée par la gauche tout au long du quinquennat, qui consiste à lier les entrées d’étrangers aux desiderata des entreprises. Pourquoi ce qualificatif d’«intelligent» ? Ferme-t-il la porte aux étrangers peu qualifiés ? Ne cible-t-il que les étudiants post-master à la recherche d’un emploi en France ? Dans son programme, il propose de «sécuriser» l’immigration légale. Qu’entend-il par là ? Est-ce une variante policière de «maîtriser» ou «réguler» ?

Tout aussi ambigu, le reste des propositions l’écarte d’un supposé socle de gauche. À aucun moment, il n’indique vouloir revenir sur les lois régressives votées et mises en place sous l’égide de Nicolas Sarkozy. Les sans-papiers, il ne semble plus les considérer comme des victimes, lançant une «lutte implacable contre l’immigration illégale et les filières du travail clandestin». Sur les régularisations, il se dit favorable «au cas par cas», ce qui correspond ni plus ni moins à la politique actuelle. Tout au plus évoque-t-il des «critères objectifs», mais sans dire lesquels, et entend-il mettre un terme au pouvoir arbitraire des préfets, contesté par les associations de défense des droits des étrangers.

Au regard de cette stratégie, les efforts des élus socialistes, ces dernières années, pour contrer les lois Sarkozy-Hortefeux-Guéant, paraissent périmés. Le soutien apporté par certains ténors du PS aux travailleurs sans papiers lors de leurs grèves devient un lointain souvenir.

Seul le droit de vote des étrangers aux élections locales constituerait une avancée. Mais même cette mesure, déjà inscrite dans les 110 propositions de François Mitterrand en 1981, est en retrait par rapport à la proposition de loi adoptée en décembre 2011 au Sénat, François Hollande n’évoquant pas leur éligibilité.

La politique «ouverte» d’Eva Joly et le recours à l’histoire ouvrière par Jean-Luc Mélenchon

Du côté de deux autres candidats, les droits des étrangers prennent un relief particulier. Se présentant comme «la candidate des Français qui ont grandi avec un accent», la candidate d’EELV, Eva Joly, fait de l’immigration un atout«doublement bénéfique, (…) d’une part pour les pays qui bénéficient de l’arrivée de jeunes éduqués, d’autre part pour les pays de départ auxquels ces migrants envoient souvent des fonds».

Croisant cette thématique aux conséquences du dérèglement climatique, elle insiste sur son aspect mondial et estime qu’une politique «ouverte» permettrait de revisiter les rapports Nord-Sud. Ses propositions sont plus en phase que celles de François Hollande avec l’opposition suscitée au cours de la décennie par la politique de Nicolas Sarkozy.

Mais, plutôt que de marteler les mesures précises inscrites dans le programme des écologistes, telles la régularisation de tous les sans-papiers, la dépénalisation du séjour irrégulier et la fermeture des centres de rétention administratives (CRA) créés en 1984 par le gouvernement socialiste pour y enfermer les étrangers en instance d’expulsion, elle s’en tient le plus souvent aux grands principes un peu flous.

Pour le Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon défend à peu près les mêmes positions, même s’il fait plus souvent référence aux liens entre l’histoire ouvrière et l’immigration qu’aux réfugiés climatiques. Lui aussi favorable au droit de vote des étrangers, il l’envisage uniquement pour les scrutins locaux, à la différence d’EELV qui propose de l’étendre à toutes les élections.

 

Communiqué des Amoureux au ban Public

Couples franco-étrangers, et si votre droit au séjour dépendait de votre compte en banque ?

Dans le cadre d’une interview accordée au Figaro Magazine à paraître samedi 11 février, Nicolas Sarkozy exprime sa volonté de limiter le rapprochement familial des étrangers conjoints de français. Il propose d’aligner les conditions d’obtention du visa de long séjour sur celles du regroupement familial : le montant des ressources et la surface du logement seraient désormais pris en compte.

Au nom de la lutte contre la fraude, le chef de l’Etat souhaite réduire l’immigration des conjoints de français en imposant des critères de revenus. Pourtant, le lien entre la fraude et les revenus est tout sauf évident à moins d’insinuer que les français ayant de hauts revenus seraient moins susceptibles de fraude que les français aux revenus modestes.

Or, s’il s’agit réellement de contrôler la sincérité des sentiments des couples franco-étrangers, le compte en banque n’en est certainement pas le meilleur révélateur.

En réalité, la proposition de Nicolas Sarkozy révèle une nouvelle fois sa volonté de réduire l’immigration des conjoints de français reléguée au rang peu enviable d’immigration subie et confirme ce que nous savions déjà : les couples franco-étrangers dérangent.

Pour autant, peut-on empêcher un citoyen français de vivre avec la personne de son choix dans son propre pays en raison de ses faibles ressources financières ? Cela constituerait une véritable atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que remettrait en cause le principe fondamental de l’égalité des droits entre les citoyens, pierre angulaire de notre système démocratique.

Pouvons-nous accepter qu’au nom de la lutte contre une fraude, dont l’ampleur reste à prouver, se créent des citoyens de seconde classe en raison de leur union avec des étrangers ?

Nicolas Sarkozy après avoir considérablement réduit les garanties individuelles dont pouvaient se prémunir les étrangers s’attaque aujourd’hui à ses propres concitoyens.

Les Amoureux au ban public, association de soutien et de défense des droits des couples franco-étrangers, s’indignent qu’une nouvelle fois le président de la République s’attaque aux couples franco-étrangers, déjà suffisamment malmenés par sa politique migratoire où la présomption de fraude a pris le pas sur le droit au respect de leur vie privée et familiale. Ils appellent une réaction de la part de l’ensemble des citoyens pour que ces propositions inacceptables ne puissent jamais entrées en vigueur dans notre pays.

Voir aussi : Rubrique Politique, politique de l’immigration, Rubrique Société, citoyenneté, La police fouille nos sentiments, Un docu sur les couples mixtes,  Rubrique Essai La responsabilité en miettes,

Jean-Christophe Victor : « Le monde change et il pourrait aller mieux…»

« Le logiciel mental de l’occident débouche sur une lenteur de compréhension ahurissante »

 

A la différence des atlas, vous avez opté pour une présentation sous forme d’itinéraires géopolitiques quels ont été vos choix de lecture ?

 

 » Ce n’est pas facile de construire un sommaire qui puisse refléter les questions du monde en évolution sur une période longue. Ces itinéraires proposent des classements et des hiérarchies qui ont demandé d’opérer des arbitrages. Nous avons par exemple, renoncé à ouvrir une fenêtre sur le Nigeria qui aurait eu toute sa place, nous aurions pu aussi doubler l’espace que nous consacrons à l’Indonésie. Le livre offre une vision politique qui se découpe en trois parties : le basculement du monde, les violences et le passage des frontières. Les éléments évoluent dans chacune d’entre elles et ils se croisent. Ce n’est pas un livre collectif mais j’ai travaillé avec l’équipe du Lépac*, le terme itinéraire signifie que ce sont mes propres choix.

Quels sont les causes et enjeux principaux de la redistribution du pouvoir mondial ?

Parmi les éléments importants, il y a le facteur démographique avec des pays comme le Brésil, l’Inde et la Chine qui disposent d’un taux de natalité important sans être trop élevé pour leur économie nationale. Ce sont des pays qui ont proprement émergé comme en témoignent l’amélioration de leur système de santé publique et l’allongement de l’espérance de vie. Le différentiel de taux de croissance de plusieurs points en leur faveur depuis une quinzaine d’années, apparaît comme un autre facteur incontournable. On observe un troisième point qui découle du second à travers le fait que les élites chinoises, indiennes, indonésiennes, brésiliennes… construisent un discours politique. Elles souhaitent, à juste titre, que leurs voix soient prises en compte dans les orientations de la politique mondiale. Elles voudraient devenir membre du Conseil de Sécurité, elles mènent bataille contre l’OMC pour un accès aux médicaments génériques…

On a pourtant le sentiment que l’occident fonctionne avec le même logiciel. Est-ce une erreur d’appréhension ou un refus de la réalité ?

Pour reprendre votre expression, on peut considérer qu’il y a le logiciel mental et le logiciel économique. L’économie s’adapte au déplacement des espaces vers l’Asie notamment. Elle a compris que les marchés sont là. Elle entend répondre au besoin de consommation des nouvelles classes moyennes. Toutes les analyses de l’OCDE ou d’Ubifrance pour l’hexagone, le confirment. En revanche, le logiciel mental débouche sur une lenteur de compréhension ahurissante que l’on peut considérer comme une forme de refus de s’adapter à la nouvelle donne. C’est un peu comparable à la décolonisation institutionnelle. Elle s’est opérée dans les années 60, mais nous n’en avons toujours pas terminé avec la décolonisation mentale.

Malgré les 30% de sa population sous le seuil de pauvreté, vous qualifiez la situation de L’Afrique du Sud comme une source d’espérance pour le continent…

 

La société sud-africaine demeure, il est vrai, très inégalitaire. L’apartheid s’est déplacé, il est aujourd’hui socio-économique. Mais malgré ses fractures le pays est aujourd’hui une grande puissance économique avec un afflux migratoire important. C’est aussi une grande puissance diplomatique. Le pays investit en Afrique australe. Sur dix ans on relève une augmentation constante de son budget de l’éducation à l’instar de la Corée du Sud dans les années 70. Autre indicateur important, c’est un des premiers pays du monde pour les affectations privées /publiques en recherche et développement ce qui devrait encore propulser son économie.

On a vu les Brics et le FMI se porter au secours de l’Europe engluée dans la crise financière. Quelles incidences peut-on en attendre ?

Pour les Brics, c’est un signal fort. Le ministre des finances brésilien vient d’appeler son homologue portugais pour lui proposer de le soulager de certaines dettes, le ministre angolais a fait la même démarche. On imagine avec quelle satisfaction… Notons que l’offre ne valait pas que pour le plaisir mais aussi parce qu’ils en avaient la capacité. Il en va de même quand la Chine offre sa contribution pour soutenir l’Euro, elle le fait parce qu’elle a diversifié ses placements sur le marché monétaire. Depuis un certain temps, le FMI mène également une politique de diversification des aides. Sa participation financière en Europe découle de cette logique. L’UE n’a pas attendu le FMI pour s’engager dans une politique d’austérité.

Votre itinéraire se conclut sur une note optimiste…

Oui, je dis souvent aux gens de créer leur propre système d’acquisition de l’information. Ce qui est désormais possible avec Internet. Il est difficile de sortir du prisme de l’information qui confond l’urgent et l’important, ce qui ne donne pas un reflet exact de la situation. A la fin du livre, on trouve un tableau qui fait apparaître des évolutions souvent imperceptibles. On se rend compte que globalement le nombre d’enfants scolarisés et d’adultes alphabétisés est en hausse – y compris la scolarisation des filles dans les pays arabes – que les budgets de santé publique sont en augmentation en part du PIB, que le nombre de conflits est historiquement bas… Il reste que ce faisceau de bonnes nouvelles demeure très inégalement réparti, mais le monde change et il pourrait même aller mieux… « 

recueilli par Jean-Marie Dinh

* Le Lépac est un laboratoire privé, indépendant, de recherche appliquée en géopolitique et prospective.

Le Dessous des cartes Itinéraires Géopolitiques, éditions Tallandier, 29,9 euros.

Voir aussi : Rubrique International, rubrique Géopolitique, rubrique Politique internationale, Rubrique Société, Décolonisation, rubrique, Rencontre,

 

Veritas Ipsa et les errances de la république coloniale

Le 23 décembre, Le Parisien écrit « Le Premier ministre turc accuse la France de génocide en Algérie ». Mais les faits reprochés à la Turquie à propos de l’Arménie en deviendraient-ils moins réels ? Et pour quelle raison les instances internationales qualifiées ne font-elles pas la transparence sur l’ensemble de ces questions que des lois nationales ne paraissent pas aptes à régler « par la bande », dès lors que l’ONU existe et qu’en théorie ses compétences ont été admises ?

Paris Match constate à son tour « France-Turquie: Le divorce », et Le Point se demande « À quelle sauce les entreprises françaises vont être mangées en Turquie ». Camer répercute « France – Turquie : Erdogan accuse la France de « génocide » en Algérie », et Le Monde : « La Turquie accuse la France d’avoir commis un « génocide » en Algérie ». Se référant à l’appréciation d’un ancien diplomate, France 24 souligne « « Ankara prépare une deuxième vague de représailles contre Paris » ». Le Nouvel Observateur rapporte à son tour « La loi sur les génocides n’est « pas opportune », estime Alain Juppé ».

Mais en tout état de cause, peut-on imputer à un pays entier des faits dont quelques groupes dominants (économiques, politiques…) se sont trouvés à l’origine ? S’agissant de la politique coloniale française, il paraît indispensable de rappeler qu’elle rencontra en France une opposition très conséquente. Non seulement de la part du mouvement ouvrier et de groupes républicains progressistes, mais aussi de la part de courants catholiques fidèles à l’esprit de la bulle déjà ancienne Veritas Ipsa (1537) du Pape Alexandre Farnèse (Paul III) dont nous avons rappelé le contenu dans notre article « Crise, élections et « valeurs de gauche » (I) ».

Ce texte de Paul III avait été suivi d’une deuxième bulle du même Pape au contenu similaire, intitulée Sublimis Deus. Laissant de côté toute considération à caractère religieux, il paraît indispensable de rappeler clairement et de commenter encore ce document par rapport au colonialisme « moderne » qui lui fut très postérieur.

Quel a été vraiment, dans ce contexte colonial, le rôle de l’école prétendument laïque instituée par Jules Ferry ? Une école instrumentalisée à l’époque pour diffuser très largement une idéologie favorable au colonialisme, au racisme et au chauvinisme imposés à la population au cours de cette période historique. Et quelle est la facture historique de la première guerre mondiale, qui fut très largement le résultat de la montée de ce type d’idéologie au sein des principales puissances européennes ?

Indépendance des Chercheurs

[la suite, sur le lien  http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2011/12/23/veritas-ipsa-et-les-errances-de-la-republique-coloniale.html ]

Crise, élections et « valeurs de gauche » (I)

Le 20 décembre, Les Echos publie un éditorial sur la crise intitulé « La grande fatigue ». Jean-Marc Vittori y évoque des « dirigeants européens » qui se trouveraient « au bout du rouleau ». Ces dirigeants font-ils autre chose que d’appliquer la politique des multinationales et des milieux financiers ?

La population faisant de moins en moins confiance aux partis politiques influents, les « petits candidats » se plaignent des blocages qui peuvent leur être opposés via l’exigence de 500 signatures d’élus. Mais Christophe Barbier (L’Express) estime « Présidentielle: il faut 1000 signatures ». Les « bonnes idées » dont parle Barbier seraient-elles « dévalorisées » par les résultats modestes des « petits candidats » ? Ou craindrait-on des résultats inattendus, dans un contexte de détresse croissante de la population ?

Le 20 décembre également, Radio Chine Internationale souligne « Le chef de la BCE appelle à l’ accélération du lancement du MES par crainte d’une dégradation de la note de la France », et Le Maghreb, « Crise de la dette : La zone euro sous pression se prépare à une nouvelle semaine délicate ». Challenges écrit « FMI : l’UE appelle le monde à la rescousse ». En réalité, l’image de la situation économique de l’Europe occidentale ne cesse de se dégrader dans le monde entier, alors que la coupole de l’Union Européenne défend systématiquement les intérêts des banques au détriment de la grande majorité de la population. Qui en fera les frais, si ce n’est les « petits citoyens » à qui, tout compte fait, on essaye de vendre la propagande électorale des mêmes partis politiques dont la stratégie des trois dernières décennies (délocalisations, privatisations…) a conduit à la crise actuelle ?

Et que signifient vraiment les prétendues « valeurs » au nom desquelles on cherche à attirer l’électorat ? « Valeurs de droite », « valeurs de gauche », « valeurs de centre »… Léon Gambetta et Jules Ferry, étaient-ils « de gauche » lorsqu’ils ont défendu une expansion coloniale qui, tout compte fait, s’est soldée par deux guerres mondiales et par la décadence des puissances européennes ?

Paradoxalement, alors que le colonialisme des « républicains » Gambetta et Ferry véhiculait une idéologie incroyablement raciste, un Pape du Concile de Trente (Paul III) avait diffusé trois siècles et demi plus tôt la première bulle antiraciste en défense des populations indiennes d’Amérique.

Indépendance des Chercheurs

[la suite, sur le lien http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2011/12/20/crise-elections-et-valeurs-de-gauche-i.html ]

Voir aussi : Rubrique Chronniques, rubrique Société civile, Pour une république sans supplément d’âme,

Immigration en France éléments d’études 2011

Immigration, vieillissement démographique et financement de la protection sociale,

par Xavier Chojnicki et Lionel Ragot

(CEPII, mai 2011)

Globalement les principaux effets sur les finances de la protection sociale sont positifs et le sont d’autant plus, à court moyen-terme, que la politique migratoire est sélective (en faveur des plus qualifiés). A long-terme ces effets bénéfiques peuvent disparaître pour une politique très sélective. Cependant, les gains pour les finances publiques provenant de flux migratoires nets plus conséquents sont relativement modérés en comparaison des évolutions démographiques qu’ils impliquent.

L’immigration peut être une aubaine pour les pays industrialisés

par Isabelle Moreau (La Tribune, 1 déc 11)

Dans leur ouvrage « les Trente glorieuses sont devant nous », Valérie Rabault et Karine Berger estiment que l’économie française a besoin de 10 millions d’étrangers d’ici à 2040. « Compte-tenu de la structure de la population et des projections de l’Insee, la part des plus de 65 ans passera de 17 % à 28 % en 2040 si la France ne modifie pas sa politique d’immigration », prévient Valérie Rabault. Partant de là, ajoute-t-elle, « les dépenses de santé vont augmenter et la population active diminuer. Pour corriger cette évolution, il faut que la France redevienne attractive. Il ne faut ni une immigration subie, ni une immigration choisie. Pour que les ingénieurs indiens viennent en France et non aux États-Unis, il faut être attractifs, innovants et dynamiques. A cette condition, la France pourra se positionner dans la compétitivité mondiale. »

Immigration, vieillissement démographique et financement de la protection sociale.

CEPII. Mai 2011.

Document de travail du CEPII n°2011 (13 Mai 2011) : « Immigration, vieillissement démographique et financement de la protection sociale: une évaluation par l’équilibre général calculable appliqué à la France ».

par Xavier Chojnicki et Lionel Ragot.

L’immigration est souvent avancée comme l’un des instruments d’adaptation des économies confrontées au phénomène du vieillissement démographique. Dans cet article, nous évaluons, à l’aide d’un modèle d’équilibre général calculable dynamique, la contribution d’une politique migratoire à la réduction du fardeau fiscal lié au vieillissement démographique en France. Quatre variantes, par rapport à un scénario central qui reprend les projections officielles pour la France (INSEE, COR….), sont réalisées, avec pour objectif de quantifier au mieux les effets de l’immigration sur les finances de la protection sociale. La première consiste à évaluer les effets économiques de l’immigration en France telle qu’elle est projetée dans ces prévisions officielles. Les trois autres sont construites sur l’hypothèse d’un flux annuel d’immigrés plus élevé (correspondant aux flux qui ont caractérisés la deuxième grande vague d’immigration en France au XXème siècle). Elles se différencient par le niveau de qualification des nouveaux entrants. Nous montrons que la structure par qualification et par âge des immigrés est une caractéristique essentielle qui détermine en grande partie les principaux effets sur les finances de la protection sociale. Globalement ceux-ci sont positifs et le sont d’autant plus, à court moyen-terme, que la politique migratoire est sélective (en faveur des plus qualifiés). A long-terme ces effets bénéfiques peuvent disparaître pour une politique très sélective. Cependant, les gains pour les finances publiques provenant de flux migratoires nets plus conséquents sont relativement modérés en comparaison des évolutions démographiques qu’ils impliquent.

Source TERRA : http://ses.ens-lyon.fr/1306825935340/0/fiche___actualite/&RH=40

L’immigration peut être une aubaine pour les pays industrialisés

Société – 01/12/2011 |

Alors que la France veut diminuer le nombre d’étrangers en situation régulière, d’autres pays européens optent pour la démarche inverse.

« Ne faisons pas des immigrés des adversaires », a lancé mardi l’ex-Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, en direction de l’UMP et de ses militants réunis lors d’une convention nationale sur le projet du parti majoritaire pour 2012. À quelques mois de la présidentielle et dans un contexte de crise et de flambée du chômage, le thème de l’immigration fait son grand retour sur la scène politique. Très incisif sur le sujet, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, rappelle en boucle que la France accueille chaque année 200.000 étrangers en situation régulière et que c’est « trop ». D’où son objectif de diminuer en un an de 10 % cette immigration. Balayant les critiques qui l’accusent de braconner sur les terres du FN, il entend agir sur le regroupement familial, le recrutement des étrangers, dont les étudiants en fin de cycle, et même le droit d’asile qui serait « détourné » par des migrants économiques.

Déjà, en août, le gouvernement avait réduit la liste des métiers ouverts aux travailleurs non européens pour freiner l’immigration légale de travail. Car Claude Guéant est persuadé que l’on peut « résoudre les problème de l’emploi chez nous, au prix de la formation professionnelle ou de la réorientation professionnelle, plutôt que de faire venir des personnes d’ailleurs ». Reste que l’équation n’est pas si simple.

En France, comme ailleurs, « les travailleurs immigrés occupent des emplois dont ne veulent pas les populations locales et sont souvent surqualifiés par rapport aux postes occupés. Dans les pays affichant des forts taux de chômage, ils occupent des métiers comme le bâtiment ou les services à la personne », explique Raymond Torrès, directeur de l’Institut international d’études sociales de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Ces questions d’immigration traversent l’ensemble des pays qui, tous, doivent jongler avec leurs impératifs démographiques et leurs besoins de main d’œuvre étrangère. La semaine dernière, le syndicat helvétique Travail.Suisse a appelé à une plus grande « flexibilité dans la politique d’administration de main d’œuvre étrangère en Suisse », estimant qu’il manquera d’ici 2030 quelque 400.000 travailleurs dans la Confédération. Outre-Rhin, la ministre des Affaires sociales veut, elle, faciliter l’entrée de travailleurs, non ressortissants de l’UE, sur son territoire. Ces positions sont à rebours de celles de la France. Pourtant, certains économistes estiment que l’immigration est une planche de salut pour la France.

Dans leur ouvrage « les Trente glorieuses sont devant nous », Valérie Rabault et Karine Berger estiment que l’économie française a besoin de 10 millions d’étrangers d’ici à 2040. « Compte-tenu de la structure de la population et des projections de l’Insee, la part des plus de 65 ans passera de 17 % à 28 % en 2040 si la France ne modifie pas sa politique d’immigration », prévient Valérie Rabault. Partant de là, ajoute-t-elle, « les dépenses de santé vont augmenter et la population active diminuer. Pour corriger cette évolution, il faut que la France redevienne attractive. Il ne faut ni une immigration subie, ni une immigration choisie. Pour que les ingénieurs indiens viennent en France et non aux États-Unis, il faut être attractifs, innovants et dynamiques. A cette condition, la France pourra se positionner dans la compétitivité mondiale. »

Isabelle Moreau (La Tribune)

 

Aki Kaurismaki Le Havre : La police des frontières face au stoïcisme

Cinéma. Le Havre, le dernier film d’Aki Kaurismaki aujourd’hui sur les écrans. Un conte attendrissant  et un nouveau regard sur le drame des clandestins.

Marcel Marx (André Wilms), ex-écrivain bohème reconverti en cireur de chaussures, a jeté l’ancre au Havre où il coule une vie tranquille. Loin du bling bling, hors du temps, la culture populaire de la ville portuaire suffit à son bonheur. Marcel s’adonne à une vie routinière. Il aime son travail anonyme et ouvert aux hasards de la vie. Le soir, il retrouve Arletty (Kati Outinen), sa splendide femme finlandaise qui lui mitonne des petits plats pleins d’amour.

Marcel ne roule pas sur l’or mais dans le quartier tout le monde le respecte. Sa boulangère lui accorde une ardoise longue comme le fleuve Congo, son épicier s’efforce de lui masquer son grand cœur et il atteint des sommets dans la communication non verbale avec la patronne du bistro du coin. Toute cette humanité sans prix va se mobiliser quand le destin met sur le chemin de Marcel, Idrissa, un petit Gabonais clandestin débarqué de son cargo par erreur.

Avec Le Havre, premier volet d’une trilogie consacrée aux grandes villes portuaires, Kaurismaki nous aiguille hors des eaux glacées du réalisme. A la police, bras armé d’une politique aveugle, le réalisateur finlandais renvoie la beauté sensible du monde. Il prend le contre-pied du film documentaire en puisant dans la magie du conte.

Morceaux d’histoire

Le film joue avec le passé, se saisit de l’atmosphère intemporelle du Havre, des carrosseries anguleuses des voitures des sixties et des seventies, remonte le temps pour faire référence à la France occupée. Le réalisateur saisit sans complaisance les morceaux d’histoire qui ont fécondé la politique nationale française. Jean-pierre Leaud  incarne la France de la collaboration dans le rôle du voisin délateur. Le costume du commissaire, placide et ambivalent (Jean-Pierre Darroussin) rappelle celui de la gestapo.

Mais Kaurismaki ne s’en tient pas là. Il use de la magie populaire. On assiste au retour de l’ange du rock havrais Little Bob Story. On saisit la force du personnage Idrissa dans l’innocence de son regard, enchanté par cet étranger dont toute la famille est désignée indésirable. Sa mère est à Londres, son père n’a pas survécu à l’exil, son grand père est en camp de rétention, mais il sait, lui, que le Havre ne sera qu’une étape.

Le conte stoïque de Kaurismaki transmet de façon simple et populaire l’art de traverser les épreuves et de se ressourcer aux origines de l’humain. Le Havre ouvre des passages qui permettent de comprendre et d’agir dans une réalité de plus en plus complexe. Un film à voir qui offre des clefs de sagesse et des portes d’inspiration. Le souffle Kaurismaki nous emporte. Il est bien plus puissant que le populisme et le racisme ordinaire.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Cinéma,  rubrique Politique Politique de l’immigration, rubrique Société, La crise morale nous touche de l’intérieur,