Les Dessous de l’ascension au pouvoir d’Hitler

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A l’école on apprend qu’Hitler et l’Allemagne sont responsables de laSeconde guerre mondiale. Mais des auteurs et chercheurs variés exposent l’arrière fond des évènements de l’accession au pouvoir d’Hitler.

Hitler a été financé par Wall Street dès le départ. L’historien Antony Sutton a étudié et parfaitement documenté les transferts d’argent des banques américaines vers des banques tampons dans son livre « Wall Street et la montée en puissance d’Hitler

Comment Londres et Wall Street ont mis Hitler au pouvoir

par William F. Wertz, Jr.

La guerre économique et financière menée aujourd’hui par l’oligarchie peut se réclamer essentiellement de trois antécédents historiques : 1) l’empire vénitien au cours de la période précédant la guerre de Cent ans et l’âge des ténèbres du XIVème siècle ; 2) l’empire établi, sur le modèle vénitien, par la Compagnie des Indes orientales suite au traité de Paris qui mit fin à la guerre de Sept ans en 1763 ; et 3) les cartels anglo-américano-allemands mis en place dans les années 20. C’est ce dernier aspect que nous allons examiner ici, car il est l’incarnation la plus récente du danger que représente actuellement une oligarchie financière déterminée à dominer le monde sous couvert de « globalisation ».

Il s’agit ici de montrer que le système financier oligarchique d’après-guerre, décrit en partie par John Perkins dans son livre Confessions d’un tueur à gages économique [1], représente la continuation des accords de cartellisation des années 20, qui menèrent à la Deuxième Guerre mondiale. Ces accords, que le président Franklin Roosevelt comptait démanteler après la guerre, constituent en quelque sorte un précurseur de la globalisation actuelle. (Source)

 

Le Salaire de la destruction

Formation et ruine de l’économie nazie de Adam Tooze

 

le_salaire_de_la_destruction_adam_toozeCertains livres sont appelés à demeurer sans équivalent, dépassant tout ce que l’on a pu lire sur un sujet. Le Salaire de la destruction, une histoire économique du IIIe Reich, est l’un d’eux, tant pour le nombre d’idées reçues qu’il balaye que pour les conclusions inédites et l’approche globale qu’il propose.

La catastrophe de 1939-1945 est-elle née de la puissance implacable de l’Allemagne nazie ou bien a-t-elle été précipitée par ses faiblesses économiques? Captivant, unanimement reconnu, fruit des recherches d’un historien au sommet de son art, cet ouvrage capital donne un poids nouveau et central à l’économie dans la politique de conquête mondiale élaborée par Hitler. (Source & achat)
Cet ouvrage a été couronné par de nombreux prix : Economist Book of the Year, (catégorie « Histoire ») en 2006, Wolfson History Prize en 2006, Longmann-History Today Book of the Year Prize en 2007.

Revue de Presse :

  • Ce livre démontre avec brio la capacité de l’histoire économique à expliquer les événements historiques. –The Time
  • Cet ouvrage n’est ni plus ni moins qu’un chef-d’oeuvre, qui se lit avec enthousiasme de la première à la dernière page. –Sunday Telegraph
  • C’est le livre le plus passionnant qu’on puisse lire sur l’histoire économique (…) Tout simplement captivant. Il fera date dans le champ des études consacrées au Troisième Reich. –BBC History

Source  : L’Amer dessous des cartes : 21/12/2014

Voir aussi : Rubrique Histoire, rubrique Livres,

Comment le discours médiatique sur l’écologie est devenu une morale de classe

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On nous conseille d’éteindre les lumières mais pas de remiser les 4×4. On culpabilise les individus mais pas les entreprises. Entretien avec le sociologue Jean-Baptiste Comby.

 

Jean-Baptiste Comby est sociologue, maître de conférences à l’Institut Français de Presse de l’Université Paris-2. A quelques jours de la COP21, il vient de publier «la Question climatique. Genèse et dépolitisation d’un problème public» aux éditions Raisons d’agir.

BibliObs. Votre ouvrage analyse la montée en puissance de la question climatique dans les médias généralistes depuis la grande conférence de Kyoto, en 1997. Comment avez-vous travaillé et qu’avez-vous découvert ?

Jean-Baptiste Comby. J’ai regardé et analysé les sujets consacrés aux enjeux climatiques des journaux télévisés du soir de TF1 et France 2 entre 1997 et 2006, soit 663 sujets. J’ai également examiné les campagnes de communication des agences publiques, notamment l’ADEME, et de façon moins systématique les articles consacrés à la question par la presse quotidienne nationale, notamment lors de la ratification du protocole de Kyoto en 2005, ou encore les nombreux documentaires, débats ou docu-fictions diffusés entre 2005 et 2008.

J’ai également réalisé des entretiens avec une quarantaine de journalistes chargés de la rubrique «environnement» ainsi qu’avec une trentaine de leurs «sources» (scientifiques, militants, fonctionnaires, etc.). Il se dégage de ce corpus que, si la question du climat occupe une place de plus en plus importante dans le débat médiatique au cours des années 2000, la présentation qui en est faite connaît une torsion significative: l’accent est mis sur les conséquences de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, beaucoup moins sur ses causes. Plus les journalistes traitent la question climatique, plus ils contribuent à la dépolitiser.

Pouvez-vous donner des exemples ?

Les sujets télévisés que j’ai analysés se servent d’effets esthétiques assez répétitifs: le soleil qui brille, la tempête, le symbole du thermomètre, le contraste bleu/rouge qui représente le froid et le chaud. Du reste, on parle de «réchauffement climatique», comme si le seul enjeu était la température, alors qu’on devrait parler de « changements climatiques », puisque seront également altérés les régimes pluviométriques, la dynamique des courants marins ou des vents, etc.

Une autre expression consacrée attribue la responsabilité du dérèglement aux «activités humaines», comme si toutes les activités polluaient de façon équivalente. Enfin, très majoritairement, ces reportages incitent plus ou moins explicitement les citoyens à changer leurs comportements, relayant à leur manière la politique de l’Etat (crédits d’impôt, prêts à taux zéro, etc.). On tient un discours de morale individuelle. Toute cette grammaire évacue la question de savoir quelles décisions politiques et mécanismes économiques sont à l’origine d’activités polluantes.

En quoi cela dépolitise-t-il la question climatique ?

Dépolitiser, c’est passer sous silence les causes collectives et structurelles de la pollution: l’aménagement des villes et des transports, l’organisation du travail, le fonctionnement de l’agriculture, le commerce international, l’extension infinie du marché. La politique, c’est l’organisation de la vie collective, le choix de nos valeurs, le mode de répartition de la richesse, etc.

Or, le discours actuel revient à placer la question de l’environnement en dehors de ce champ de discussion. Certes, les discours officiels préparatoires à la COP21 en appellent à une transformation des sociétés pour les «dé-carboner». Mais si l’énoncé est politique, aucun de ces mots d’ordre ne jugent nécessaire d’interroger l’emprise croissante des logiques marchandes qui sont désormais au principe de la vie sociale. En somme, on nous propose de changer de société… sans modifier les structures sociales !

Au fond, politiser, ce serait montrer le lien entre le changement climatique et le capitalisme.

Comment faire face au changement climatique sans changer de modèle économique ? Pour «digérer» la crise écologique et faire croire qu’un «capitalisme vert» est possible, plusieurs logiques sont mobilisées : l’innovation technique, le recours au marché (par la création des droits à polluer) ou encore la militarisation de l’accès aux ressources naturelles. Dans mon livre, je m’intéresse plus particulièrement à une quatrième tendance, qui consiste à dépeindre la question environnementale comme un problème de morale individuelle.

Il reviendrait à chacun de nous de sauver la planète en changeant son comportement. Or c’est plutôt en imaginant et en luttant pour d’autres organisations sociales que nous rendrons possible l’adoption durable de styles de vie à la fois moins inégaux et plus respectueux des écosystèmes naturels.

Pourtant, n’est-il pas exact que nous sommes tous un peu responsables de notre environnement ?

On retrouve à propos de l’environnement le schéma du discours néolibéral: il n’existerait que des individus agissant rationnellement et vivant comme en apesanteur du social. Séparer ainsi l’individu du collectif n’a aucun sens et finit par déformer la réalité.

Par exemple, au milieu des années 2000, le ministère de l’Environnement a mis en avant une affirmation clairement discutable: «Les ménages sont responsables de 50% des émissions de gaz à effet de serre.» Ce chiffre a été fabriqué à partir d’une statistique qui calcule la part des grands secteurs producteurs de CO2: énergie, industrie manufacturière, agriculture, résidentiel-tertiaire, transport routier, autres transports, etc. L’astuce consiste à attribuer aux ménages toutes les émissions de CO2 qui ne viennent pas de l’énergie, de l’industrie et de l’agriculture. Ce qui revient à oublier que les avions et les trains transportent d’abord des hommes d’affaires ; que les camions sont en général affrétés par les entreprises ; que les déchets sont fabriqués par l’industrie…

Surtout, en parlant des «ménages» en général, cette statistique laisse entendre que tous les individus ont la même part de responsabilité. Or, un riche pollue généralement plus qu’un pauvre. Il n’est pas juste de mettre sur un pied d’égalité un cadre de direction qui possède deux voitures et prend l’avion trois fois par mois et une personne touchant le RSA qui circule principalement en bus. Un tel discours occulte les inégalités sociales.

Que sait-on sur les inégalités sociales d’émissions de CO2 ?

Les statisticiens commencent tout juste à construire des outils pour les mesurer rigoureusement. Une étude réalisée en 2010 par François Lenglart montre qu’un ouvrier produit 5 tonnes de CO2 par an et un cadre 8,1. Début octobre, les économistes Lucas Chancel et Thomas Piketty ont publié une étude qui montre que les 10% d’individus les plus polluants au niveau mondial (c’est-à-dire les classes moyennes et supérieurs des pays industrialisés et les classes supérieures des pays émergents), émettent 50% des gaz à effet de serre, tandis que les 50% les moins polluants n’en produisent que 10%. Mais il y a encore beaucoup de travail pour évaluer et expliquer de façon scientifique la contribution des groupes sociaux à la dégradation de l’environnement.

Pour autant, n’allons-nous pas devoir en effet changer nos comportements, y compris sur un plan individuel ? Ces messages permettent peut-être d’amorcer une prise de conscience ?

Dans mon travail, j’ai aussi mené des entretiens collectifs et analysé des données statistiques pour étudier comment les personnes, en fonction de leurs milieux sociaux, pensent, discutent et se comportent vis-à-vis de ces enjeux. Cela permet de comprendre le paradoxe suivant: si les classes supérieures sont les plus disposées à faire valoir leur attitude «eco friendly», ce sont aussi elles qui tendent à polluer le plus. Partageant les valeurs véhiculées par les campagnes de «sensibilisation», elles seront plus facilement portées à mettre en œuvre une bonne conscience écologique en triant leurs déchets ou en fermant le robinet.

Mais ces quelques gestes et ce verdissement partiel de leur quotidien, dont elles peuvent tirer une certaine reconnaissance sociale, ne remettront pas en cause leur mode de vie et elles continueront à polluer plus qu’un ouvrier. Et l’on remarquera que la morale écocitoyenne, si prompte à nous dire qu’il faut éteindre la lumière, s’abstient de dévaloriser par exemple le fait de rouler en 4×4 en ville, un comportement pourtant très énergivore.

Tout cela explique, du reste, l’agacement de plus en plus vif suscité par ces injonctions écocitoyennes: on nous vend comme une morale universelle ce qui n’est qu’une morale de classe. Dans mes entretiens, je constate que de nombreuses personnes, plutôt au sein des milieux populaires, démasquent intuitivement cette hypocrisie.

Propos recueillis par Eric Aeschimann

Source : Le Nouvel Obs 26/11/2015

Livre : La question climatique
Genèse et dépolitisation d’un problème public
par Jean-Baptiste Comby
Raisons d’agir, 242 pages, 20 euros.

« VatiLeaks » : la justice vaticane enquête sur deux journalistes italiens

Le Vatican a annoncé, mercredi 11 novembre, l’ouverture d’une enquête sur la possible complicité de deux journalistes italiens « dans le délit de divulgation de nouvelles et de documents confidentiels ». TONY GENTILE / REUTERS

Le Vatican a annoncé, mercredi 11 novembre, l’ouverture d’une enquête sur la possible complicité de deux journalistes italiens « dans le délit de divulgation de nouvelles et de documents confidentiels ». TONY GENTILE / REUTERS

Nouvelle secousse place Saint-Pierre. Le Vatican a annoncé, mercredi 11 novembre, l’ouverture d’une enquête sur la possible complicité de deux journalistes italiens « dans le délit de divulgation de nouvelles et de documents confidentiels », et examine d’autres complicités éventuelles.

Les deux journalistes, Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi, ont publié la semaine dernière deux livres, Chemin de croix (Flammarion) et Avarizzia (non traduit), jetant une lumière crue sur l’administration du Saint-Siège. Ils s’appuient sur des fuites de documents à l’intérieur du petit Etat, provenant nécessairement du proche entourage du pape. Les deux auteurs y décrivent également la mauvaise gestion et les dérives financières constatées par les équipes nommées par François.

Dans Chemin de croix, dont Le Monde a publié de larges extraits, Gianluigi Nuzzi, journaliste du Corriere della sera et auteur de Sa Sainteté et Vatican SA, dresse effectivement le tableau d’un Etat à la dérive, agité par un violent affrontement entre le pape, aidé d’une petite équipe d’ecclésiastiques et de laïques, et une administration vaticane jalouse de ses prérogatives, assise sur ses petits secrets et ses grands privilèges.

Le souvenir de 2012

A la fin d’octobre, le Saint-Siège a annoncé l’arrestation par la gendarmerie du Vatican, le 2 novembre, d’un prêtre espagnol, Vallejo Balda, et d’une experte des réseaux sociaux, Francesca Chaouqui, dans le cadre d’une enquête pour soustraction et divulgation d’informations et de documents confidentiels. Mme Chaouqui a été libérée en raison de sa collaboration avec la justice.

A Rome, cette double arrestation a fait resurgir le souvenir des VatiLeaks, tels qu’avaient été appelées, en 2012, les fuites, dans la presse, de documents confidentiels volés dans le bureau du pape par son majordome. Des faits qui avaient assombri les derniers mois du pontificat de Benoît XVI.

Dimanche, le pape François a pris à témoin les fidèles rassemblés place Saint-Pierre, à Rome, pour répondre à cet épisode :

« Je veux vous assurer que ce triste événement ne me détourne certainement pas du travail de réforme que nous effectuons avec mes collaborateurs et avec le soutien de vous tous. »

Source : Le Monde.fr avec AFP 11/11/2015
Lire Les extraits de « Chemin de croix », de Gianluigi Nuzzi

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Vatican, rubrique Politique, Affaires, rubrique Société, Religion, rubrique LivresEst-ce Dieu qui guide cette main ?, Essais,

«L’arrogance démocratique de l’Occident, c’est d’ignorer le désenchantement de ses citoyens»

file6mwkn9032bkxqbwpfw7Pierre Rosanvallon recevra, samedi 31 octobre, les honneurs de l’Université de Neuchâtel lors de son «Dies Academicus». Dans son dernier livre, il met en garde contre la colère engendrée par la «crise de la représentation» et contre les impasses de la démocratie directe

Après son intervention, samedi, lors du «Dies Academicus» de l’Université de Neuchâtel, Pierre Rosanvallon, 67 ans, s’envolera pour l’Argentine et les Etats-Unis. Au programme du professeur titulaire de la Chaire d’histoire moderne et contemporaine du Politique au Collège de France Une série de conférences sur le fil conducteur de son œuvre: vivre dans un régime dit démocratique ne signifie pas être gouverné démocratiquement, y compris en Suisse.

Son dernier livre, « Le Bon gouvernement », paru au Seuil, complète la fresque brossée au fil de ses trois précédents ouvrages: «La Contre-démocratie», «La Légitimité démocratique» et la «Société des égaux». Entretien avec un observateur engagé, inquiet de la montée des populismes alimentée par le désenchantement des citoyens occidentaux et par la forte dégradation du rapport de confiance entre gouvernants et gouvernés, dans les pays dits démocratiques.


 Le Temps: Impossible, après avoir lu «Le bon gouvernement», de ne pas s’inquiéter sur l’état de nos démocraties occidentales…

Pierre Rosanvallon: Je nuancerai. L’histoire de la démocratie est celle d’une crise permanente et de citoyens perpétuellement désenchantés. La recherche d’une bonne représentativité découle des limites du principe majoritaire. Entre l’idée de base démocratique, qui consiste à déléguer le pouvoir pour œuvrer à l’intérêt général, et la réalité qui aboutit à l’exercice du pouvoir par le parti majoritaire – ou par le parti arrivé en tête dans les urnes – la source de frustration est évidente. Cette logique majoritaire se justifie bien sûr par un principe d’action et de décision. Il faut pouvoir trancher.

Mais elle illustre ce que j’appelle la souveraineté intermittente des électeurs, et la contradiction inhérente entre la validation démocratique d’un pouvoir, et le permis de gouverner accordé à celui-ci. C’est pour cela que l’on a progressivement doté nos systèmes démocratiques d’institutions présumées indépendantes et impartiales, comme les Cours constitutionnelles. Il faut toujours garder à l’esprit cette «fiction démocratique» originelle.

La démocratie directe, telle que pratiquée en Suisse, ne préserve-t-elle pas, justement, une plus grande souveraineté des électeurs ?

Cela se discute. Historiquement, la Suisse paraît en effet rimer avec démocratie. La preuve, En 1788, soit un an avant la révolution française, la démocratie est définie dans les livres comme un mot «vieilli», faisant référence «à la gestion de quelques cantons helvétiques»! Mais je ne crois pas que les citoyens rêvent de démocratie directe, au sens strict du terme. Ils acceptent la division du travail entre gouvernants et gouvernés si les premiers font correctement leur travail. Regardons les faits: la Confédération accorde avant tout une plus grande importance que la moyenne des Etats démocratiques aux décisions prises par référendum. Elle fonctionne donc totalement sur le principe majoritaire, ce qui nourrit de sérieuses questions. Le citoyen y reste avant tout un électeur.

Or la démocratie ne peut pas être qu’un ensemble de décisions sorties des urnes. Pourquoi ? Parce que la réalité politique est complexe, donc difficile à résumer par des questions simples. Parce que le temps de délibération et d’information, mais aussi les circonstances au moment du vote, pèsent lourd sur les résultats. Et parce que le référendum ne prend pas en compte les conditions juridiques d’application de ces décisions lorsqu’elles contreviennent, par exemple, aux règles que la Suisse a adoptées et aux accords qu’elle a signés. Le citoyen, l’histoire le montre, tend à aimer les solutions et les décisions simples. Or la démocratie ne va pas de pair avec les idées simples.

Le lien a longtemps été fait entre prospérité économique et bon fonctionnement démocratique. Vous le contestez ?

Je constate que la croissance économique, lorsqu’elle s’accommode de trop grandes inégalités ou pire, quand elle contribue à les creuser, engendre un «mal à vivre la démocratie». C’est, entre autres, le problème que doivent affronter les Etats-nations européens, où les fractures sociales, sur fond de relatif bien-être économique, nourrissent un désenchantement démocratique. Un autre élément perturbateur est, en Europe, la question de la souveraineté. A force d’insister sur la souveraineté démocratique à l’intérieur des frontières nationales et de refuser une forme de fédéralisme qui correspondrait aux nouvelles frontières de l’économie européenne, on aboutit à une impasse.

Tout mon travail consiste par conséquent à réfléchir aux moyens pour mettre en œuvre une démocratie qui ne soit pas seulement intermittente, limitée aux élections. Mettre l’accent sur la lisibilité des décisions, la transparence, la réactivité, le parler vrai, l’intégrité, ce que j’appelle la «démocratie d’exercice», est aujourd’hui indispensable. Pour perdurer, la démocratie doit améliorer la qualité de son fonctionnement. C’est un impératif.

Les Occidentaux donnent pourtant des leçons de démocratie au monde entier…

– Vous soulevez un réel problème. Il y a une arrogance démocratique de l’Occident, aveugle sur le désenchantement croissant de ses propres citoyens. L’insistance mise sur l’organisation d’élections est révélatrice, car elles aboutissent souvent à donner la parole à un peuple introuvable.

L’Europe doit réapprendre à parler de sa démocratie comme une expérience, pas comme un modèle. Nous ferions mieux, parfois, d’enseigner nos échecs démocratiques, nos tâtonnements problématiques. Le pire est de favoriser, dans des pays en transition, des situations où l’emballement des promesses démocratiques est suivi d’un retrait désenchanté et brutal, de la part de citoyens déboussolés.

Conséquence: l’émergence de régimes «illibéraux», ces régimes autoritaires qui se maintiennent au pouvoir via des élections plus ou moins contrôlées, tout en laissant ouvertes quelques «fenêtres démocratiques». Cela vous rend pessimiste sur l’avenir de la démocratie ?

A court terme, il y a en effet des raisons d’être pessimiste. L’exercice du pouvoir en Russie, en Turquie ou en Chine, pour parler des grands pays à la fois partenaires et rivaux de l’Occident, pose de sérieuses questions. Tout comme le vent mauvais des populismes et des extrémismes en Europe. En Chine, les citoyens ne peuvent pas être des électeurs démocratiques car ils mettraient à bas, sinon, l’oligarchie au pouvoir. Pékin n’est pas près d’accepter des élections pluralistes et concurrentielles.

N’empêche: face aux pressions citoyennes, le Parti communiste chinois doit couper des branches et se résoudre à des mœurs plus démocratiques dans un certain nombre de domaines. Mais ne nous laissons pas abuser par la propagande de ces régimes: la liberté de la presse, la transparence, le principe de responsabilité demeurent les conditions indispensables d’une vraie «démocratie d’exercice».


Aux côtés de Pierre Rosanvallon, trois autres personnalités du monde académique recevront samedi le titre de docteur honoris causa à l’Université de Neuchâtel: Georges Lüdi, professeur de linguistique, John Anthony Cherry, professeur émérite d’hydrogéologie à l’Université de Waterloo (Canada), et James Richard Crawford, juge à la Cour internationale de justice et professeur de droit international.

Richard Werly

 

Source : Le Temps 29/10/2015

Voir aussi : Rubrique Débat, rubrique Science politique, rubrique Livres, Essais,

Rationalité et scepticisme..

Paul-Jorion

Paul Jorion : « La leçon de Keynes fut et demeure ignorée. »

Idées. Paul Jorion pense tout haut l’économie avec Keynes à Montpellier.

Ce passage de Paul Jorion à Montpellier, invité par la librairie Sauramps et le campus Richter à l’occasion de la sortie de son essai sur Keynes, compte parmi les rares moments où l’économie devient passionnante. Peut-être parce que Paul Jorion a une formation d’anthropologue et de sociologue et donc qu’il pense l’économie autrement. Justement, dans Penser tout haut l’économie avec Keynes*, on mesure à quel point Keynes aussi. Cela explique qu’il reste encore très « incompris » des milieux financiers nous explique Jorion.

L’auteur rappelle dans son introduction le tournant, qui vit jour à partir des années 1870 entre la pensée économique répondant à l’appellation d’économie politique dont Keynes est un enfant prodige et l’appellation science économique adoptée sous la houlette du milieu financier.

Prenez le Traité de probabilités, ouvrage très peu mathématique, rédigé par le jeune économiste entre 1906 et 1914 et partiellement réécrit en 1921. La question pose par exemple, le problème de partager les enjeux de façon équitable d’une partie de carte interrompue alors qu’elle est déjà entamée.

Keynes rapporte les travaux de ses prédécesseurs mais n’aborde pas le problème à partir de la doxa. Il ne considère pas l’état présent de la question mais rase toute construction existante pour la rebâtir entièrement à partir de ses fondations. Le lecteur se trouve contraint soit de garder « les oeillères que lui proposent les autorités du moment et le livre lui apparaît comme une bizarrerie produite par un excentrique coupé  des usages de la profession, commente Jorion, soit il l’aborde tous sens éveillés et les livres contemporains sur le sujet lui apparaissent prisonniers d’une profession académique. »

Le prix Nobel d’économie qui vient d’être décerné au chercheur américano-britannique Angus Deaton pour ses travaux sur la consommation illustre bien comment on privilégie le traitement des conséquences, plutôt que de s’attaquer à celui des causes. Il est plus que temps de revenir à une économie politique qui maîtrise aussi bien les problèmes techniques que politiques et humains, ne serait-ce que pour comprendre ce qui nous arrive !

JMDH

 * Edition Odile Jacob 23,90 euros

Source: La Marseillaise 16/10/2015

 

Voir aussi : Rubrique Livre, Essais, rubrique Economie, rubrique Finance,