Ces corps machine qui nous fascinent

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Matt Mullican : Le lynchage de l’empathie dans la représentation humaine

Art. L’ancienne faculté de pharmacie de Montpellier devenue La Panacée renoue avec son passé à l’occasion de l’expo d’art contemporain Anatomie de l’automate.

La nouvelle exposition d’art contemporain de la Panacée Anatomie de l’automate s’inscrit dans la continuité d’une ligne programmatique qui interroge notre époque. C’est aussi un retour aux sources, aux belles heures de la dissection qui se tenaient en ce lieu au XVe siècle. Conçue en collaboration avec le Musée d’art moderne et contemporain de Genève, Manco, l’expo a trouvé localement un partenaire logique avec l’Université de Montpellier. La ville dont dépend La Panacée y a vu une occasion intéressante de valoriser l’histoire de la médecine à Montpellier.

« L’exposition prend pour point de départ l’analogie du corps humain et de la machine pour explorer les imaginaires de la vie artificielle, indique le commissaire d’exposition Paul Bernard, l’homme a souvent été perçu comme une machine et la machine peut être perçue comme un homme « , hasarde le jeune commissaire.

On est proche du champ de réflexion du Post humain développé par des philosophes comme Gilbert Simondon, qui s’intéresse au mode d’existence des objets techniques ou comme Dominique Lecourt qui nous invite à réexaminer le système des valeurs admises et à inventer de nouvelles formes de vie qui intègrent les nouvelles techniques de procréation, et les NTIC.

Au-delà du contexte manufacturier, l’avancée des techniques issues de la robotique produit paradoxalement de l’émotion. Mais elle porte aussi en germe une multiplicité d’usages et de conséquences, plus ou moins prévisibles. On sait le peu d’attention que portent les chercheurs aux bouleversements sociaux et éthiques qui pointent. Avec Anatomie de l’automate, on ne doit pas s’attendre à une résistance d’ordre artistique.

Tout au contraire, l’intérêt de l’expo est de mettre en exergue la fascination de la relation homme machine à travers l’histoire depuis les Lumières. Descartes affirmait déjà  que l’animal n’est rien d’autre qu’une machine perfectionnée et ne voyait pas de différence fondamentale entre un automate et un animal.

Une trentaine d’oeuvres de provenance internationale sont mises en regard autour de ce thème, de la frappante dissection verticale du peintre médecin G Alexandre Chicotot, (XIX e) à nos jours. Des pièces sortent du lot comme celle de l’américain Matt Mullican qui réinvente le monde dans une logique post-conceptuelle. L’oeuvre exposée fait état du lynchage de l’empathie dans la représentation humaine. On croise le travail du japonais Tetsumi Kudo, marqué par la bombe atomique, avec une installation au sol pleine de force. On vogue dans l’étrangeté avec l’artiste autrichien Markus Schinwald qui invoque les fantômes contemporains.

Autour de Anatomie de l’automate, la Panacée propose des visites guidées thématiques durant toute la durée de l’exposition.  Et présente aussi des installation plus ludiques. On pourra ainsi se faire tirer le portrait par un robot, réjouissant non ?

JMDH

Source :  La Marseillaise 20/11/2015

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Grand bain dans un petit labo

La baignoire se rêve en piscine

La baignoire se rêve en piscine

Création théâtrale. Des découvertes, de l’étonnement, de l’émotion, on trouve tout cela dans le laboratoire artistique de la rue Brueys qui fête ses 10 ans.

« Bienvenue dans l’intimité de la création et des écritures contemporaines »  lit-on dans le programme de la dixième saison de la Baignoire. Cette phrase posée comme un épitaphe par l’artiste fondateur du lieu Béla Czuppon s’inscrit toujours comme une invitation, car ce lieu d’à peine 100 m2 reconnu par les meilleurs comédiens de la région et les plus grands auteurs de théâtre contemporain d’Europe existe encore. Mais qui se soucie aujourd’hui de l’intimité de la création et de la pertinence de l’écritures contemporaine théâtrale ?

« Le péril n’est pas tant la fonte générale des budgets que l’idéologie répandue laissant entendre, à qui veut, que la disparition de la culture, n’est pas si grave que ça » constate le maître des lieux qui sort la vraie baignoire de son lieu pour gagner un peu de place.

La Baignoire se rêve en piscine laisse entendre l’image de couverture du programme, peut-être un clin d’oeil, aux partenaires institutionnels qui maintiennent le lieu en survie sans mesurer les enjeux d’une démarche qui explore les savoirs sensibles en tenant à bout de bras depuis dix ans.

Suivant une alternance dans le temps entre textes contemporains et dispositifs sonores, l’offre proposée cette année, aborde des questions humaines. « C’est sans doute moins politique, observe Béla Czuppon, les textes procèdent par infusion pour produire une perception du réel.»

Le 9 octobre, pour l’ouverture de la saison le spectacle Lever l’encre propose des textes littéraires écrits par des chercheurs. Du 14 au 17 oct, « Nous  jouerons un texte sur l’amour évoque Mama Prassinos qui met en scène et interprète avec Béla Une séparation, un texte de Véronique Olmi. « C’est difficile d’aimer et de se quitter…»

En préambule à la création Air Vivant, performance sonore et chorégraphique pour cinquante performers, Maguelone Vidal et Dalila Khatir offriront un aperçu de cette joyeuse exploration du souffle à nu, les 13 et 14 nov. Du 18 au 21 nov on retrouvera Du côté de la vie de Pascal Lainé, un texte inspiré par Récit d’un jeune médecin de Mikhail Boulgakov magistralement interprété par Philippe Goudard.

La Baignoire clôturera l’année en musique du 10 au 12 décembre avec deux créations Far Est’ Depuis l’Est féminin  et un Hommage à Thomas Edison,  des Kristoffk. Roll en compagnie de Jean Kristoff Camps et Carole Rieussec qui placent l’écoute, le son, l’histoire, la performance au centre de la Dramaturgie.

Sont annoncés pour 2016 un Stanislas Cotton Le roi Bohême, mis en scène par Béla Czuppon qui avait déjà monté du même auteur Le Bureau National de Allogènes, l’adaptation intégrale de Dr Folamour par le collectif la carte blanche.

A noter également, un fascinant texte de Frédéric Vossier La forêt ou nous pleurons proposé par Fabienne Augié et deux pièces de Sarah Fourage. La Baignoire, les artistes connaissent l’adresse.

JMDH

La Baignoire 7 rue Brueys à Montpellier : Tel 06 01 71 56 27

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Zoom noir avec Thomas H Cook

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Le célèbre écrivain américain évoque son  « dernier crime » à Montpellier

A Montpellier, les amateurs de roman noir sont archi pourris gâtés  avec la proximité du Firn de Frontignan et sa marée annuelle d’auteurs venus des quatre coins de la planète mais aussi le travail fondateur de l’association Soleil noir, sans compter la chance de pouvoir disposer d’un des plus grands rayon de roman noir de France dans la grande librairie indépendante en coeur de ville.

Ces acteurs du travail noir abreuvent les nombreux addictes locaux des Rencontres K-Fé- Krim animées par le libraire Jérôme Dejean, un connaisseur. Il recevait jeudi au Gazette Café, un poids lourd américain en la personne de Thomas H Cook un type bien, reconnu pour ses intrigues obsessionnelles autour des secrets de famille, de culpabilité, de rédemption…

Son dernier bouquin, Le crime de Julien Wells débute par un suicide propre et sans bavure de l’écrivain Julian Wells qui se tranche les veines avec une froide détermination au milieu d’un étang. L’acte hante son ami Philip Anders, critique littéraire, qui décide, comme par devoir, de mener une enquête sur la vie secrète du défunt.

Sur cette piste faite de rencontres étranges et de sordides allusions, il va bientôt approcher les tueurs qui peuples l’oeuvre de Wells et percevoir avec effroi, l’état d’esprit qui l’animait.

On est happé par ce parcours ambigu dans lequel on s’enfonce dans le noir au fil des pages. Thomas H Cook nous entraîne dans une atmosphère qui n’est pas sans rappeler le film d’espionnage de Carol Reed, Le troisième homme dans un contexte clairement plus horrible.

JMDH

Le crime de Julian Wells, éditions du Seuil, 21,5 euros

Source La Marseillaise 02/11/2015

Voir aussi : Rubrique Livre, Lecture, Roman noir,

Les étangs, la mer et la misère

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Les noirs de l’été. « La maudite » de Waldeck aux éditions du Fil a retordre.

Dans le pedigree provisoire de Waldeck, petit fils d’immigré Républicain, figure entre autres faits d’armes une tentative en politique et différents engagements dans des mouvements sociaux pour des luttes foutues d’avance, une activité apparemment licite de plasticien et de constructeur de roulotte, sans vol de poule déclaré, une implication avérée dans la création de la FAR, maison d’édition associative du Fil à retordre, basée à Villeneuve-les-Maguelone et trois bouquins dont le dernier a pour nom La maudite

 L’auteur se fait à nouveau remarquer avec cet ouvrage qui met en scène des gens pas du tout fréquentables autour du village de Floréargues. Un nom fictif, mais qu’il situe tout de même précisément entre Montpellier et la plage des Aresquiers. Il peuple son livre de personnages dénués de valeurs, dopés à mort, ou qui s’accrochent sempiternellement à des commérages idiots, tels Jacqueline la fouineuse, Maryse-couche-toi-là, Jérémie le fumeur de chichon, Franck le fouille-merde…

Tout ce petit monde auquel l’auteur associe un élu local et un patron de pêche sétois qui fait régner la loi du silence, se retrouve mêlé à plusieurs meurtres et une disparition. On suit plusieurs versions de l’intrigue à partir des protagonistes qui éclairent partiellement les mêmes scènes de leurs illusions.

Tout se passe comme un cauchemar glauque dont on ne pourrait sortir. Les personnages subissent et s’agitent dans le vide absolu d’une société centrée sur la vie paisible des propriétaires à crédits. Un beau désenchantement local qui questionne.

JMDH

www.polar-dufilaretordre.com/

Source : La Marseillaise 18/08/2015

Voir aussi : Rubrique LivreRoman noir, Editions,

Montpellier. Yeux ouverts derrière des lunettes noires

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Roman d’été. Antoine Chainas et Anthony Pastor signent «Le soleil se couche parfois à Montpellier ». Un captivant petit polar de la collection SNCF Le Monde.

C’est un lieu commun pas dénué de charme. On voit mieux l’été, derrière des lunettes noires. Avant d’arpenter Montpellier la nuit, on vous conseille de trouver un coin à l’ombre pour vous délecter de « Le soleil se couche parfois à Montpellier» un petit polar qui arrose les idées bien en place d’un petit coulis de fruit rouge avec un sens inné de la mise en scène qui met en lumière l’obscure nature du pouvoir.

Pour répondre à la commande du Monde et de la SNCF qui traversent cet été une dizaine de villes françaises pour la saison 4 Les Petits polars, Antoine Chainas, grand prix de la littérature policière 2014 pour son roman Pur, et le dessinateur Anthony Pastor, prix Fauve à Angoulême en 2013 pour son album Castilla Drive, croquent la cité Montpelliéraine.

« Cette histoire se déroule à Montpellier, l’ancienne Surdouée (…) A dix kilomètres au sud, la Méditerranée, plate et lourde. En saison estivale, les flots adoptent une teinte d’huile de vidange usagée. L’été paraît ici plus féroce qu’ailleurs. Le soleil, boule de magma vorace, pétrifie la cité, étend son empire ardent jusqu’aux confins du département. Le Lez, à l’est, s’essouffle. La Mosson et le Verdanson, à l’ouest, deviennent des filet d’eau à peine perceptibles, des chuchotement sur un lit de béton

Le décor planté en 2018, laisse place aux retrouvailles de MZ et d’Anna un couple de sexagénaires qui ont oeuvré 50 ans plus tôt, aux basses oeuvres des constructeurs, Frêche, Bofill et autres Dugrand, pour réaliser le grand rêve de gauche post  soixante-huitard « coulé avec un naturel confondant dans les aspirations du libéralisme des années 80. Aujourd’hui, en 2018, le rêve a pâle figure. Le capitalisme ne survit plus aux désastres économique et écologique qu’il a lui-même enfantés que par la perfusion des instances publiques

Le récit fait des aller-retours dans le temps exhumant, contextes politiques, luttes intestines, réalisations urbaines sans omettre les faits d’armes sur les terrains vagues attenants. Cette approche singulière de l’histoire contemporaine de Montpellier passe comme un songe. On n’en sort pas indemne, avec une légère mais tenace odeur de sous-sols qui persiste.

« Le réel n’existe pas, le réalisme non plus. L’ennemi de la vérité s’incarne dans la certitude »; rappelle Antoine Chainas, rien n’est donc moins sûr que les événements relatés dans ce précieux petit livre.

JMDH

En vente en kiosque jusqu’au 31 août 2015 . En septembre un Petit Polar sera diffusé dans l’émission « Samedi noir », et tout l’été sur le site Fictions. franceculture.fr !

Source La Marseillaise  05/08/2015

Voir aussi . Rubrique Livre, Roman noir, rubrique MontpellierMontpellier : Métamorphose aoûtienne, Pas de bouchon sur la voie du milieu, rubrique Politique, Politique locale, Un regard  sans fard sur le Languedoc-Roussillon,