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Lorsqu’on sait que l’artiste Hamish Fulton marche à travers le monde depuis quarante cinq ans, on imagine que ces milliers de kilomètres parcourus constituent d’évidence une expérience pratique dans laquelle il puise le fondement singulier de sa démarche artistique. L’exposition Walking (En marchant) que lui consacre actuellement le Crac à Sète marque le grand retour en France de l’artiste britannique. Elle se compose notamment d’un ensemble de seize wall paintings (peintures murales) réalisés in situ, en très grands formats très précis et non transportables, de photo-textes fortement empruntes de l’esprit du marcheur en harmonie avec sa mère nature.
Le parcours d’exposition dessine une grande traversée au fil des cours d’eau et des côtes qu’il a longés, des routes et sentiers parcourus et des massifs franchis de 1971 à 2012 en France, en Écosse, en Espagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en Italie, en Autriche, en Allemagne, aux États-Unis, au Japon et au Tibet. On traverse donc de part en part le monde cartographié mais surtout le monde personnel et cosmique de l’artiste marcheur.
C’est à l’issue d’une marche de 47 jours du nord-est au sud-ouest de l’Angleterre qu’Hamish Fulton décide en 1973 que son travail artistique résultera exclusivement de la marche. Son oeuvre tente de traduire la quintessence de ses marches et de leur rapport au monde.
Les bienfaits de la marche
Il faut souligner combien les vastes salles et l’importance des volumes propres à l’architecture du Crac s’avèrent déterminants pour le visiteur. Il convient en effet de marcher selon son propre itinéraire, y compris intérieur, pour saisir la dimension mystique en présence. Bien que Fulton s’en défende on pourrait se trouver dans le conceptuel car si l’idée ne prime pas sur la réalité de l’expérience, à contrario de la plupart des artistes conceptuels, la marche immatérielle de Fulton se passe volontiers d’objet. Happés par la monumentalité et la poésie des lignes, les paysages traversés et le corps du marcheur sont quasiment absents.
Le travail de l’artiste se situe en revanche à l’opposé du Land Art qui marque le paysage, alors que Fulton s’y fond et disparaît sans laisser de trace. Il s’agit de partager les impressions senties. Pour le texte, l’artiste emprunte le pictogramme de la montagne chinoise et l’idéogramme du chemin pour ses marches nippones. L’investissement physique est signifié par des signes qui renvoient à différentes partie du corps.
Lors d’une marche peut se poser la question de savoir pourquoi l’on marche ? Chez Fulton, la finalité n’est pas de nature politique sans pour autant exclure cette dimension dans le sens de l’action, du déplacement et du partage que requiert cet art. Tel qu’a pu le saisir un Gandhi. Il n’est point non plus de but à atteindre à travers ses marches mais toujours d’une expérience méditative qui fonctionne en écho avec le monde d’hier et d’aujourd’hui que Fulton tente d’introduire dans la sphère publique.
Jean-Marie Dinh
A découvrir jusqu’au 2 février au CRAC à Sète. 04 67 74 94 37
Source La Marseillaise 24/01/2014
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