Dès janvier, la Panacée, centre de culture contemporaine, va prendre une nouvelle orientation pour assurer la transition et donner la tonalité du futur Centre d’Art Contemporain. Philippe Saurel et Nicolas Bourriaud, en charge de la conduite du projet, en ont tracé la vocation.
Le projet de Centre d’art contemporain de Montpellier qui ouvrira en juin 2019 enfin dévoilé. Il s’appellera Moco, combinaison des deux premières lettres de “Montpellier” et de “contemporain”. « On vise la planète. C’est un projet public d’envergure, innovant, qui s’inscrit dans un modèle de ville durable en recyclant deux bâtiments historiques. Nous avons pris en compte dans la réflexion à la fois la proximité et l’international » s’enthousiasme le maire de Montpellier aux côtés de Nicolas Bourriaud, cofondateur du Palais de Tokyo et ancien directeur de l’école des Beaux-Arts de Paris.
« La France n’a pas connu de projet public de cette ampleur depuis le début des années 2000 », assure l’historien de l’art et éminent critique qui assure la direction de la Panacée, depuis février. Et le maire d’ajouter : « L’espace public est notre partenaire pour l’art contemporain. Les artistes y ont encore leur place. »
Il n’y aurait pas d’espace collectif sans artistes et pas d’artistes sans art… Ces propos relevant de l’argumentaire essentiel à l’art contemporain, soulèvent d’emblée un certain scepticisme. N’avons-nous pas assez vécu et abusé de la « tradition du nouveau » en politique comme en marketing ? Mais l’idée de décloisonnement qui préside au projet et s’inscrit véritablement dans la transversalité en fonctionnant sur la mise en réseau et la synergie des acteurs locaux, apparaît dans sa nature et son intention novatrice.
Défi de l’esprit et de l’ouverture
Rien de commun avec la précédente programmation de la Panacée qui a offert quelques propositions intéressantes sous le concept très générique des écritures numériques. On ne compte plus aujourd’hui les artistes emprisonnés dans cette manie de l’innovation numérique à tout prix, ni les hordes sauvageonnes se revendiquant du street art en peine de reconnaissance institutionnelle.
« Je crois à la singularité du regard, indique Nicolas Bourriaud, une pensée novatrice peut s’exprimer avec un stylo. Il n’y a pas de lien entre l’outil dont on use et ce qu’on exprime. » Localement l’ambition consiste à rattraper le retard. Montpellier n’a jamais décollé en matière d’arts plastiques.
Le projet contourne une partie de la problématique financière. Il n’y aura pas de collection mais de multiples connexions avec le monde. Il contourne aussi le paradoxe inhérent à l’idée de politique en faveur de l’art contemporain. A l’instar des FRAC qui devaient être gouvernés par un principe d’éclectisme et qui ont finalement adopté la logique de collection régie par un principe de cohérence en opposition avec l’idée même d’éclectisme.
Ces instruments de la décentralisation de l’art sont devenus les partenaires, voire les acteurs du marché de l’art. Avec comme corollaire la politique de commande publique qui néglige la création au profit de l’art d’Etat.
Rien de tout cela dans le futur Moco, pôle d’un réseau dont l’objet sera de répondre à la masse d’informations et d’assumer ses choix en provenance de toute la planète. Mais aussi de revenir dans le passé pour désigner les tendances esthétiques importantes dans ce qui forge notre sensibilité.
En janvier la première expo constituera une rêverie inspirée de l’oeuvre de David Lynch. La démarche citoyenne et ouverte de ce centre d’art du XXIe siècle apparaît bien en cohérence avec le monde d’aujourd’hui.
JMDH
Compléter et consolider la place de Montpellier dans l’art
Le Centre d’Art Contemporain tient de longue date une bonne place dans la boîte à outils culturelle de Philippe Saurel dont le diplôme en histoire de l’art et l’expérience en urbanisme le rendent plus sensible aux arts plastiques qu’au spectacle vivant. Adjoint d’Hélène Mandroux en charge de la culture, le futur maire et Président de la Métropole de Montpellier évoquait déjà l’idée d’implanter un Centre d’Art dans les locaux de l’ancienne mairie.Trois jours après son élection, il transforme le Musée de l’histoire de France et de l’Algérie, lancé par son mentor Georges Frêche, en Centre d’art contemporain. Dans l’ancienne résidence militaire de l’hôtel Montcalm, les travaux sont réorientés pour accueillir cette nouvelle institution qui aura pour nom Moco. Le projet de Centre d’art contemporain tendra à consolider la place croissante qu’occupe Montpellier dans le secteur culturel, et plus particulièrement dans le domaine de l’art. Il complète les « outils » publics déjà existants, tels que le musée Fabre (Beaux-arts), le Pavillon populaire (photographie), le Carré Sainte-Anne (art contemporain), le Pavillon Bagouet (artistes régionaux), la galerie St Ravy (nouveaux talents). Le Moco constituera avec la Panacée et l’Ecole des Beaux-arts un trio dédié à l’art contemporain.
Expérimenter la pluridisciplinarité photo Fred Trobrillant
Littérature La sixième Zone d’Autonomie littéraire ZAL se tient ce samedi salle Pétrarque. Quand les auteurs donnent vie à des expériences scèniques.
Balayée la tragédie de l’auteur(e) qui sort fébrile de sa tanière pour affronter ses lecteurs. Celle des plateaux littéraires traditionnels où il doit jouer à l’écrivain en répondant aux questions de l’animateur qui se prend pour un érudit.
La ZAL envisage et expérimente les nouveaux champs du littéraire à l’aune des années 90. Avec des textes qui montent sur scène, accompagnés de création sonore, vidéo, plastique, théâtrale, dans des formats courts, entre 15 et 20 minutes qui s’amorcent vite et nous saisissent par leur intensité. De quoi donner des cauchemars à Modiano.
« La ZAL concourt à une désacralisation du personnage de l’écrivain. On s’émancipe de l’image du génie solitaire et élitiste en ouvrant le champ littéraire à tous les domaines du spectacle vivant », indique Renaud Vischi, membre fondateur de la manifestation et partie prenante de la revue montpelliéraine Squeeze.
Le projet philanthropique de cette structure d’édition s’inscrit dans une redéfinition « des critères d’appréciation, des règles d’élaboration, des goûts et du jugement qualitatif sur la création littéraire. »
L’opération, qui vise au dépoussiérage, ne jette pas pour autant le bébé avec l’eau du bain. « Le support privilégié reste le livre et les relations intimes qui s’opèrent entre l’auteur, le texte et le lecteur. On ne défend pas une école. On se voit comme une porte d’accès pour intervenir sur l’image de la littérature qui n’est pas séparée des influences contemporaines », précise Renaud Vischi. « L’écriture et la mise en scène sont deux compétences très différentes, on ne se situe pas dans l’analyse. La ZAL reste périphérique par rapport au champ littéraire, le défi est de trouver des point d’accès variés, de proposer des moyens pour servir le travail d’un auteur sur scène.»
L’accent sur la poésie
La programmation 2016 s’est construite autour du texte, une implantation sélective d’éditeurs, et un bar convivial. Une place de choix est réservée à la poésie. 25% des invités sont de la région. La manifestation rayonne de plus en plus au niveau national. L’an dernier, le rendez a accueilli 2 000 visiteurs curieux de découvrir les travaux d’auteurs mal représentés ou restés dans l’ombre.
Ce mariage de la littérature aux arts visuels et sonores est une fête, une occasion à saisir pour interagir avec les textes et leurs auteurs.
JMDH
Entrée libre salle Pétrarque ce samedi de 14h30 à 23h.
Théâtre Time’s Journey through a room de Toshiki Okada
Au CDN hTh la pièce scénarisée et mise en scène par Toshiki Okada s’insère dans la programmation entre le bruit et la fureur. Reconnu aujourd’hui comme une figure majeure des arts de la scène dans le monde, Toshiki Okada met en scène les complexités et les doutes d’un Japon hyper contemporain post-Fukushima.
C’est à la suite du séisme qui frappa la côte pacifique du Japon en 2011 que la vision théâtrale du dramaturge s’est orientée vers l’exploration de la validité de la fiction. Mettant à profit la capacité japonaise d’une interrogation profonde post traumatique à l’instar du Butô qui s’inscrivait en rupture avec les arts vivants traditionnels du nô et du kabuki, impuissants à exprimer des problématiques nouvelles. Né en réaction aux traumatismes laissés par la Seconde Guerre mondiale.
Un demi siècle plus tard, la catastrophe de Fukushima semble demander un nouveau dépassement. «?Les émotions qui ont surgi dans le coeur des Japonais durant les jours qui ont suivi la catastrophe n’étaient pas seulement limitées à la douleur et au mal-être?; il y avait également une lueur d’espoir, l’idée que les choses allaient s’améliorer par la suite. Aujourd’hui, alors qu’il n’est plus possible d’espérer ceux qui continuent de vivre sont tourmentés par les fantômes de ceux qui, avant de disparaître, croyaient en l’avenir.?»
Avec Time’s journey through a room Toshiki Okada construit un espace temps commun au passé et au présent qui semble imperméable à l’avenir. Dans cette forme d’expression post Fukushima, plus aucun appui n’est possible, les corps parlent en suspension, l’existence se cherche entre l’ombre et la lumière.
« »Les choses paraissent fragiles mais, en fait, c’est toute la vie qui est fragile » Patrick Neu
Déjà sous pression budgétaire, la vie théâtrale héraultaise et montpelliéraine subit les affres du redécoupage territorial et de la méconnaissance des politiques. Attention fragile !
Beziers : sortieOuest dissolution imminente de l’association
Le lieu culturel populaire et parfaitement compatible avec les questionnements contemporains est menacé. Le Conseil départemental programme la fin de l’association, les spectateurs se mobilisent jeudi à 16h, jour du Conseil d’Administration.
Montpellier. Départ de Rodrigo Garcia
Le président de la Métropole Philippe Saurel botte en touche.
« Il a porté à ma connaissance par courrier qu’il ne souhaitait pas renouveler son mandat. J’entretiens d’excellentes relations avec le directeur du CDN de Montpellier, Rodrigo Garcia. J’ai négocié avec beaucoup de doigté. Nous avons déjeuné ensemble. Il propose une programmation de qualité. C’est vrai que c’est un théâtre peut-être pas à la portée de tous les publics. Je l’ai soutenu. Dans les moments de crise, j’ai pris le parti de dire que le homard n’est pas un animal de compagnie. »
Nomination. Aurelie Filippetti s’adapte. L’ancienne ministre de la culture qui avait nommé Rodrigo Garcia à la tête du CDN assure aujourd’hui la présidence du festival montpelliérain CINEMED. « Pour les artistes c’est toujours délicat. On a souvent le cas de personnes qui ne veulent jamais lâcher leur mandat , cette fois c’est le contraire. C’est lui qui annonce son départ.»
VIE ARTISTIQUE
Déjà sous pression budgétaire, la vie théâtrale héraultaise et montpelliéraine subit les affres du redécoupage territorial et de la méconnaissance des politiques. Attention fragile !
Depuis toujours, le théâtre se passionne pour le quotidien ordinaire des hommes et des femmes. Face à la crise planétaire que traverse l’humanité, il doit faire face aujourd’hui à la barbarie d’une radicalisation religieuse, politique, sociale et économique qui se présente sous les traits d’une violence aux multiples facettes. A Montpellier, dans la Région et au-delà, cette violence quotidienne questionne les artistes et les acteurs culturels de façon aiguë. Comment l’éducation à la consommation qui va de concert avec la paupérisation des connaissances et la montée de la violence pourrait-elle ne pas peser de tout son poids sur les politiques culturelles et plus particulièrement le théâtre ?
Le théâtre est un art politique, non par son contenu idéologique, mais à travers la progression régulière de l’action qui fonde l’intensité dramatique, politique aussi, à travers la contestation des valeurs données comme intangibles. Certains artistes, c’est le cas de Rodrigo Garcia, annonçant vendredi qu’il ne briguera pas un second contrat à la direction du CDN de Montpellier, ont fait du consumérisme le tremplin d’une mutation des formes dramatiques et scéniques. Ils proposent un travail artistique affirmé plein d’ambivalence. Et le désordre s’empare du plateau, parce que le quotidien qui se présente résiste à toute forme de sens. La scène devient le lieu où se renouvelle l’espace.
Le public jeune perçoit l’expression d’une rupture
« Mes choix artistiques peuvent paraître radicaux si on les compare aux autres. Moi, je n’ai pas ce sentiment. La majorité de ce qui est programmé dans les CDN est radicalement conservateur, dans ce contexte, ma propre radicalité ouvre une fenêtre pour l’expression plurielle », formulait ily a peu, le directeur d’hTh.
Le public cultivé traditionnel ne voit pas dans «l’insignifiance» enchanteresse un moyen de relever le défi. Il peut éprouver dans cette transgression le sentiment d’un espace qu’on lui retire. A l’inverse, le public nouveau, plus jeune, perçoit dans cette inquiétante étrangeté l’expression d’une rupture liée à la violence de l’histoire contemporaine. Une alternative aussi à la culture high-tech que lui propose la société de consommation.
Le CDN hTh occupé en avril 2016
Le projet hTh se caractérise par un esprit d’ouverture sans frou-frou. Le hall du théâtre est devenu lieu de création et d’échanges tous azimuts. Rodrigo Garcia n’a jamais revendiqué le statut d’artiste engagé politiquement. Il a eu maille à partir avec le conflit des intermittents du spectacle. En 2014, il annule les représentations de Golgota Picnic au Printemps des Comédiens. S’il affirme à l’époque son soutien aux intermittents et précaires en lutte, il se fend d’une lettre où il fait référence aux artistes étrangers victimes de la grève. «Les intermittents français défendent leurs droits avec un égoïsme prononcé et ne se préoccupent pas de ce qui se passe autour d’eux.» En avril dernier, alors que le CDN est occupé il déclare «Je partage le point de vue des travailleurs. Perdre des droits correspond à un retour en arrière.» Cette fois, les spectacles se poursuivent et le combat trouvera une issue favorable.
Au-delà de la représentation esthétique, force est de constater que le communiqué de Rodrigo Garcia ne focalise pas sur le contenu de ses propositions mais sur l’étroitesse financière de son budget artistique, 350 000 euros, que l’on peut mettre en regard avec le budget d’une ZAT (Zone artistique temporaire), 500 000 euros pour deux jours. Le directeur du CDN hTh pointe notamment le refus de la Métropole de mettre à disposition un bus pour accéder au Domaine de Grammont qui n’est pas desservi par les transports en commun.
Enfin le projet de transfert du CDN au Domaine d’O proposé par le maire de Montpellier et président de la Métropole, Philippe Saurel, apparaît comme un élément majeur dans la décision de Rodrigo Garcia de ne pas prolonger son mandat. «Pour ce qui nous concerne, nous ne refuserons jamais de grandir. Toute initiative qui viserait à faire du CDN un projet plus important, j’y serai favorable », indiquait-il en avril dernier.
Il ne s’est rien passé depuis, qu’une stérile lutte de pouvoir sans l’ombre d’un projet artistique. Jean Varela directeur de sortieOuest et grand défenseur de l’action publique l’a dit d’un autre endroit : « La seule question est de savoir comment les politiques conçoivent un service public de qualité. »
Jean-Marie Dinh
PRODUCTION hTh 2016 Markus Ohrn s’attaque à l’ancien testament
Rodrigo Garcia l’a souligné, il remplira son contrat. Et qu’on se le dise, la saison hTh 2016/2017 mérite le détour. Elle se compose d’une succession de propositions internationales, mais pas seulement, parfaitement décoiffantes. Le coup d’envoi a été donné avec To Walk the Infernal Field, une création post bourgeoise, de l’artiste visuel suédois Markus Ohrn en collaboration avec le dramaturge Pär Thörn, qui s’inspire librement de l’Ancien Testament relu au gré d’un univers Hard metal.
Un retour à la genèse reposant sous la forme d’une série de 70 épisodes en 10 chapitres. L’aventure, pour le moins risquée, a débuté à Montpellier où les trois premières soirées ont été données du 5 au 7 octobre. L’inventivité débridée et le principe performatif adapté à celui de la série produisent pour beaucoup un effet addictif. Qu’ils se rassurent, le chapitre 2 se tiendra à hTh du 1er au 3 décembre. Pour les suivants, il faudra surveiller les programmations des théâtres et festivals des grandes villes européennes.
To walk the infernal fields donne une interprétation des Livres de Moïse en tant que doctrine d’économie politique, construction d’une identité nationale et des lois terrestres autant que religieuses. « Je trouve pertinent de procéder à un examen de la Bible dans une époque au cours de laquelle tout le monde est obsédé par l’interprétation du Coran », indique Markus Ohrn.
Autre parti pris radical exprimé par l’auteur face au public après l’une de ses représentations « Je ne veux pas créer une performance qui puisse être envisagée comme un produit à vendre ou à acheter. Je veux que l’expérience soit réellement ressentie comme l’ici et maintenant. C’est pourquoi, il n’y aura pas d’autre opportunité de la voir ensuite, car elle disparaîtra.»
Dans le public, auquel on a fourni à l’entrée des boules-Quies afin qu’il préserve son audition, une dame interroge le metteur en scène « Moi j’ai 80 ans, et je me demande si vous pensez au public quand vous faites vos spectacles ? – Oui bien-sûr, répond l’artiste, je considère que c’est un don que je vous fais.»
Cette dame reviendra le jour suivant et répondra à l’invitation faite à l’ensemble de la salle d’investir le plateau…
La Baignoire : Elément indispensable au paysage artistique
Béla Czuppon capitaine de La Baignoire , 7 rue Brueys à Montpellier
La Baignoire débute sa saison. Le petit laboratoire montpelliérain consacré aux écritures contemporaines résiste modestement au tsunami qui ravage la création en Région.
Elle n’est pas insubmersible mais tient son cap, comme une petite bête d’eau qui se propulse sans raison apparente à la surface des eaux pas très claires, dans la bassine du mondillo culturel. Chaque saison, la Baignoire accueille des artistes, des auteurs et des compagnies.
« Chaque année la situation s’empire et les demandes s’accroissent, constate le capitaine Béla Czuppon qui sait de quoi il parle puisqu’il est aussi comédien et metteur en scène. Nous participons au glissement général. L’adaptabilité qui encode les solutions aux problèmes nous fait devenir coproducteurs en proposant des résidences dotées de 2 000 ou 3 000 euros » évoque-t-il avec dépit.
Ce lieu, il le tient, avec un budget de fortune, par passion, par goût, et aussi nécessité, celle d’offrir un lieu de travail et de découverte. A la Baignoire, les propositions et les formes sont diverses mais toujours qualitatives.
Lydie Parisse ouvre la saison avec L’Opposante (voir ci-dessous). La Comédienne et metteur en scène Marion Coutarel prendra le relais avec Si ce n’est toi, une sortie de chantier du 17 au 19 nov avant une création programmée au Périscope à Nîmes. Une virée poétique d’Andréa d’Urso sera conduite par le collectif marseillais Muerto Coco accueilli le 24 nov en partenariat avec la Cave Poésie à Toulouse. A découvrir aussi l’installation sonore immersive La Claustra de Marc Cals qui fait causer les meubles, et les micro-concerts de l’Oreille Electrique qui rythmeront la saison, ainsi que les lectures-déjeuners proposées par Hélène de Bissy qui feront la part belle aux nouvelles.
La Baignoire reste un lieu essentiel à l’écosystème du travail artistique local, les artistes et le public le savent déjà, il y aurait-il d’autres personnes à convaincre ?
Rens 06 01 71 56 27
Baignoire. L’opposante mise en scène par Lydie Parisse et Yves Goumelon
C’est à partir d’une histoire réelle que l’auteure a élaboré le récit de cette femme – morte à 97 ans – qui a enfoui dans le secret de son âme un amour interdit. Elle a aimé un Allemand durant la seconde guerre mondiale avant d’en être séparée, sans jamais l’avoir oublié. Depuis le jour de sa mort elle se met à parler pour un compte à rebours avant de s’enfoncer à jamais dans la brume. Lydie Parisse signe un texte saisissant de liberté, celle d’une femme morte un dimanche, jour où la France entre en guerre au Mali. Rapport de la petite histoire à la grande, rapport à une guerre du silence qui forge le destin de l’opposante. La pièce met en lumière une vie sous forme de confidences emportées. La simplicité intense et sincère d’Yves Gourmelon porte l’interprétation à un niveau de sensibilité rare. Le texte est touchant, drôle et jubilatoire quand il bouscule les tabous et les simagrées commémoratives. Pour ceux qui restent, la mort est un grand théâtre. La mise en scène présentée à Avignon, accueille le public dans une quasi-obscurité permettant aux spectateurs d’entrer dans un espace d’entre deux mondes où l’acuité s’aiguise. « C’est comme ça et pas autrement. »
L’opposante à La Baignoire les 14 et 15 oct
LIEU MENACÉ
sortieOuest dans la tourmente
Le poumon culturel du Biterrois en proie aux intrigues politiciennes dr
Créée il y a dix ans par le Conseil départemental et cultivée par son directeur Jean Varela et son équipe, sortieOuest est devenue un espace de diffusion pluridisciplinaire, un lieu privilégié d’élaboration de projets culturels pensés en collaboration avec les acteurs locaux. Une réussite totale remise aujourd’hui en question...
Après le quasi-avis de décès du festival la Terrasse et del Catet, c’est au tour des spectateurs-amis de sortieOuest, qui viennent de se monter en association, de manifester une vive inquiétude quant à l’avenir de leur théâtre « attaqué sur ses missions de service public de la culture par sa propre tutelle : le conseil départemental de l’Hérault.»
Victime des dégâts collatéraux liés au bras de fer qui oppose le Conseil départemental de l’Hérault à la Métropole de Montpellier à propos de la compétence culturelle métropolitaine, le lieu a vu sa présentation de saison repoussée, puis annulée. Aucun programme n’a été édité, ce qui renforce l’inquiétude du public fidélisé autour d’une programmation accessible de grande qualité.
Le directeur artistique Jean Varela, par ailleurs directeur du Printemps des Comédiens garde le silence. Il avait évoqué lors de la présentation à la presse de la saison d’hiver du Domaine D’o « l’impatience du public biterrois» et les répercutions néfastes de la loi NOTRe sur les territoires ruraux : « cette loi pose la question des politiques en milieu rural. Le populisme est partout…»
Depuis la situation n’a pas évolué, des spectacles programmés ont été annulés et rien ne s’éclaircit si ce n’est que l’équipe qui compte dix salariés ne peut plus faire son travail. SortieOuest est en théorie à l’abri du conflit impliquant la Métropole Montpelliéraine mais se retrouve concernée dans un projet alambiqué notamment défendu par le président de la structure Philippe Vidal, qui consisterait à élargir l’Epic du Domaine d’O à d’autre structures dont sortieOuest.
Dans cette perspective, le Conseil départemental a annoncé la dissolution de l’association. Un Conseil d’administration de l’association se tiendra demain à Béziers, précédé d’un rassemblement du public qui s’est approprié la démarche artistique et la convivialité de ce lieu incontournable. Le flou n’est cette fois pas artistique mais bien politique.
THÉATRE UNIVERSITÉ Au coeur de la fac La Vignette consolide sa mission
Les problèmes du théâtre seraient-ils inhérents au marasme politique ? La question mérite d’être posée si l’on se réfère à la bonne santé du Théâtre universitaire montpelliérain La Vignette, qui évolue partiellement hors de cette arène.
L’université Paul Valéry a bien compris l’intérêt d’assumer pleinement sa mission culturelle figurant au cahier des charges de toutes les universités françaises. Elle dispose d’un Centre culturel très actif et d’un théâtre qui développe les échanges intra-universitaires et inter-universitaires tout en restant ouvert au public extérieur.
Douze ans après sa création La Vignette est devenue une scène conventionnée pour l’émergence et la diversité. «Cette année, Patrick Gilli, le nouveau président est venu approuver la place du théâtre en tant que lieu d’échanges et de recherches, se félicite le Directeur Nicolas Dubourg, le théâtre s’est affirmé comme un outil de rayonnement sur le territoire, nous poursuivons maintenant sur la voie de la professionnalisation en tissant des liens qui favorisent l’insertion des étudiants dans le monde actif.»
Le Théâtre s’inscrit par ailleurs comme partenaire du nouveau Master Création Spectacle Vivant du département Cinéma&Théâtre en participant à la formation des étudiants en études théâtrales. En tant que représentant régional du Syndeac, Nicolas Dubourg n’est pas insensible à la crise actuelle.
«Les attaques contre la liberté de programmation par les maires ou par le public via des débats participatifs tronqués se multiplient, il faut que la profession se mobilise. Ici nous ne sommes pas concernés car notre théâtre n’est pas un simple lieu de diffusion. Il y a une différence entre programmer un spectacle et voir ce qui se passe avant et après, pour nous le spectacle n’est pas un événement mais un parcours où interviennent professionnels, chercheurs, étudiants et public.»
La programmation de cette saison réserve de très bonnes surprises ; elle se décline cette année autour de l’engagement et de l’intention de réaffirmer un théâtre de texte contemporain.
Théâtre. Sélection de trois spectacles qui ouvrent les esprits sur le monde
L’offre théâtrale montpelliéraine de cette saison demeure globalement qualitative à l’instar de ces trois spectacles à découvrir prochainement. Les spectateurs citoyens doivent se manifester s’ils ne veulent pas mesurer les répercutions du désastre qui s’annonce dans les années à venir.
Hearing texte et mise en scène de l’artiste iranien Amir Reza Koohestani qui conçoit ses récits comme des jeux de miroirs pour évoquer le rapport aux autres et la distance entre les individus. Proposé par le Théâtre La Vignette les 15 et 16 novembre prochain.
Pleine Texte et mise en scène de Marion Pellissier par la cie montpelliéraine La Raffinerie. Une femme qui n’accouche pas, une sage-femme et un médecin inquiétants, un foetus qui observe la vie de l’intérieur…Spectacle proposé par le Domaine d’O du 13 au 15 oct.
Time’s Journey Through a Room scénario et mise en scène de la japonaise Toshiki Okada reconnue comme une figure majeure des arts de la scène. Les 18 et 19 oct à hTh.
Rodrigo Garcia a été nommé en janvier 2014, par Aurélie Filippetti, à l’époque Ministre de la Culture. Un nomiation pour créer la rupture après le passage de Jean-Marie Besset. En arrivant, l’artiste argentin, a rebaptisé le CDN des Treize Ventes en hTh 6 Humain trop humain. Rodrigo Garcia ne briguera pas un nouveau mandat, pas assez d’argent, lieu excentré, il s’explique dans cette lettre .
PS : La dernière saison ne fait que commencer et elle mérite vraiment le détour…
Je m’empresse d’écrire quelques lignes pour expliquer les raisons que j’ai de ne pas renouveler mon contrat à la fin de mon mandat au CDN de Montpellier en janvier 2018.
De cette façon, j’espère au moins que la presse aura les éléments nécessaires pour traiter la nouvelle sans avoir besoin d’inventer quoi que ce soit, de supposer quoi que ce soit ni, enfin, de faillir involontairement à la vérité.
Je dois avant tout souligner que c’est le jour où mon contrat prendra fin que je ne le renouvellerai pas. C’est-à-dire que je remplis mon contrat. Que je tiens l’engagement que j’ai pris le 1er janvier 2014.
Pour commencer, une chose que je ne peux pas oublier : le projet hTh a été et demeure pour moi un privilège. J’ai pu mettre un rêve en marche, grâce à la collaboration et à l’investissement de toute l’équipe de ce théâtre ; et je serai éternellement reconnaissant à ceux qui au Ministère ont cru en mon projet, ainsi qu’aux institutions locales et, plus que tout, à chaque spectateur.
Lorsque j’ai signé mon contrat, je savais que je disposais d’un budget plus que limité pour développer ce projet. Certainement l’un des plus petits budgets de tous les CDN de France.
Même ainsi, je restais convaincu que je pourrais réaliser une grande partie de ce que je m’étais proposé de faire dans mon dossier de candidature. Ce à quoi je ne m’attendais pas ce fut de recevoir, un mois après être arrivé, c’est-à-dire au tout début de mon mandat, la nouvelle d’une coupe budgétaire de l’Agglomération de Montpellier de 100 000 euros. Des 450 000 euros dont je disposais plus ou moins pour les activités artistiques, il ne me restait plus que 350 000. C’était là le moment de démissionner, et je ne l’ai pas fait. Je ne le regrette pas. Mais quatre années à ramer à contre-courant sont plus que suffisantes, surtout lorsque que l’on ne reçoit aucun signe d’encouragement de ceux qui soutiennent économiquement ce théâtre.
Dans la mesure où le changement que mon projet supposait était radical, j’ai trouvé logique de rebaptiser ce théâtre, pour qu’il soit bien clair que nous commencions quelque chose de nouveau, de différent, et qui nous remplissait d’enthousiasme.
J’ai appelé le CDN « Humain trop humain », et j’ai encore en mémoire le ton, proche du cri, du représentant de l’Agglomération lors d’un comité de suivi, nous opposant un refus catégorique qui par la suite allait se concrétiser. Quoi qu’il en soit, j’ai réussi à rebaptiser le CDN Humain trop humain, même si le bâtiment lui-même n’a pas changé de nom. Ce qui a rendu les choses confuses pour le public, qui ne savait plus où il mettait les pieds.
Ce geste d’incompréhension de la part de l’ex-Agglomération, aujourd’hui Métropole de Montpellier, ne fut que le second (le premier étant les 100 000 euros) d’une longue liste.
Nous savons que ce CDN souffre de son emplacement. Il se trouve en périphérie de la ville, à un endroit où le tram n’arrive pas. Nous sommes tout de suite retournés frapper à la porte de l’Agglomération pour qu’elle nous aide en mettant à disposition des bus spéciaux. Encore une fois, ce fut un refus catégorique, ce qui nous a contraints à acheter un mini bus de 9 places qui chaque soir fait des allers –retours continus pour amener du public depuis la ville jusqu’au théâtre.
J’ai remarqué à mon arrivée que l’un des problèmes financiers du théâtre venait d’un atelier de construction de décors déficitaire que nous partagions avec l’Opéra de Montpellier. Voyant que celui-ci ne s’en souciait guère et que le CDN prenait tous les frais en charge au détriment des projets artistiques (c’est-à-dire qu’il restait encore moins d’argent pour la production et la programmation), j’ai mis le sujet sur le tapis à chaque comité de suivi. Pour toute réponse le silence, rien que le silence.
J’ai proposé à la Métropole de récupérer un très joli petit bâtiment du CDN inutilisé, tombant en ruines, pour en faire mon bureau. Des architectes sont venus et ont dessiné un projet fantastique qui à ce jour n’a toujours pas été réalisé. Trois années se sont écoulées et je continue, en tant que directeur, à recevoir les gens et à travailler dans une loge, que je dois quitter les rares fois où nous recevons une compagnie nombreuse.
Au niveau personnel, mes créations souffrent de cette situation, puisque je pouvais auparavant monter des pièces avec plus d’argent, alors que je dois à présent m’adapter à des budgets serrés.
Le pire, c’est l’impossibilité de faire venir de grandes compagnies avec des pièces majeures (qui sont des atouts pour le public) parce que nous n’avons pas assez d’argent.
Mon intention de fonder une compagnie permanente est restée en demi-teinte. D’abord parce que les moyens sont insuffisants pour la faire grandir, ensuite par impossibilité de collaborer avec l’ENSAD, du fait de sa volonté de se tenir à l’écart du CDN, malgré mon insistance.
Et puis enfin, le projet de transfert du CDN au Domaine d’O.
A l’heure actuelle, on ne nous a toujours pas dit dans quelles conditions cela se ferait, avec quels moyens économiques, quelles seraient nos compétences, ni ce qu’il adviendrait des salariés actuels du Domaine d’O… Tout est flou.
Devant ce panorama que je dresse sous vos yeux, vous semble-t-il abracadabrant que je décide de ne pas renouveler mon contrat pour trois ans de plus ? Qu’est-il advenu du dialogue, où sont passés les échanges d’idées et la collaboration avec les partenaires qui soutiennent ce lieu public ?
Pour finir je veux répéter trois fois le mot mensonge.
C’est un mensonge de dire que notre théâtre n’a pas de public. Ceux qui le disent sont ceux qui ne viennent pas, et qui pensent que parce qu’ils ne viennent pas, les autres habitants de Montpellier non plus.
C’est un mensonge de dire que le projet ne reflète pas la ville. Jetez un œil dans le hall du théâtre et vous verrez toutes sortes de gens, de tout âge et de tous milieux confondus.
C’est un mensonge de dire que dans mon cas un CDN est peut être une charge trop lourde parce que je suis un artiste. Au bout du compte, la raison de mon départ est celle-ci, que cette charge, moi je la souhaite plus lourde encore, parce que je me suis battu pour que ce CDN soit plus grand, dans tous les sens du terme, et je vois que mes efforts ont été vains. Dit autrement : j’ai plus de forces et d’enthousiasme que nécessaire pour ce travail.
Je quitterai ce CDN en décembre 2017 avec tristesse. Voir le public prendre plaisir aux pièces et en débattre, voir les participants aux laboratoires et aux workshops, prendre part à de si nombreuses activités et à une telle vitalité va me manquer.