Vers une société affranchie du travail

Par le Yeti

Traité dans mon précédent billet, le problème de la retraite sans cesse repoussée bien au-delà de la cessation effective d’activité entre dans le cadre bien plus général de la diminution inéluctable du temps de travail. Un fléau de la société moderne ? Non, un progrès humain et social.

De fait, il y a quelque temps que ce phénomène de raréfaction de l’emploi est entré de plein-pied dans notre quotidien. En quelques soixante ans, la durée moyenne globale de travail effectué a baissé d’environ 25 % dans les pays dits « développés »

source : Insee 2010).

source : Insee 2010).

Évolution de la durée annuelle de travail de 1950 à 2008 (Insee)

Raison principale : les formidables gains de productivité engrangés au fil du temps. Nous avons aujourd’hui beaucoup moins besoin de travailler pour produire les biens et services dont nous avons besoin.

Et encore, je ne parle pas des boulots inutiles, destructeurs ou socialement nuisibles (la spéculation financière, par exemple) qui continuent de sévir et de menacer notre environnement de vie.

Créer des emplois n’est pas la fin de l’activité économique

De tous temps, les êtres humains ont cherché à se libérer de la contrainte du travail par le progrès technique. Et voilà qu’ils y parviennent. Normal, devraient se réjouir les esprits sains.

Mais c’est compter sans le poids aliénant et culpabilisant des vieux schémas sociaux-culturels du monde d’avant qui nous font réagir à contre-courant du sens de l’histoire. Au point même de nous faire inverser en toute absurdité la logique des choses.

Par quelle aberration mentale avons-nous fini par considérer le travail comme la finalité ultime de l’activité économique, alors que celle-ci est d’abord de produire les biens et services nécessaires pour satisfaire les besoins d’une population donnée ? On ne travaille plus pour produire, on est prêt à produire (même n’importe quoi) dans le seul but de « créer des emplois ».

Les lieux communs dépassés du monde d’avant

Qu’est-ce qui poussent les ouailles que nous sommes à reprendre en boucle les lieux communs distillés sur la valeur-travail par des grands prêtres dont l’unique préoccupation — intéressée — est d’en diminuer la rémunération au nom de coûts de production prétendument insupportables et autres charlataneries sur la compétitivité ?

Par quel fourvoiement de l’intellect continuons-nous de considérer le travail comme seul moyen de « gagner sa vie » quand le haut de l’échelle sociale est squatté par des rentiers ?

Par quelle faillite du jugement nous obstinons-nous à tenir le travail comme seul apte à procurer considération et reconnaissance, alors que nous traitons pis que pendre nos enfants échouant dans les filières professionnelles de l’éducation ?

Parlez donc d’épanouissement par le travail à la caissière de supermarché, à celui qui ramasse nos poubelles, au tâcheron à tout faire en intérim chronique…

Vers une société de loisirs

Nous confondons le travail rémunéré (même mal) avec la fonction sociale (du latin functio, « rôle, utilité d’un élément dans un ensemble ») qui ne l’est pas forcément. Dira-t-on de la mère au foyer, du chanteur des rues, du créateur de logiciel libre, de tous les bénévoles d’associations qu’ils n’ont aucune valeur, aucune fonction sociale au prétexte qu’ils ne perçoivent aucun salaire pour les tâches pourtant essentielles qu’ils accomplissent ?

La vérité est que, même à notre corps défendant, nous évoluons, cahin-caha mais immanquablement, vers une société de loisirs. Sans doute bien plus épanouissante que le vieux monde du plein-emploi en voie de fossilisation avancée depuis bientôt quarante ans. L’ultime étape à franchir est de déculpabiliser cette évolution.

Déjà, sous la pression des réalités, les certitudes sur la valeur-travail sont battues en brèche. Un récent sondage Ifop-Sud Ouest révélait qu’une majorité des Français considère désormais le travail comme une contrainte (56 %) plutôt que comme un épanouissement personnel (44 %). Les proportions étaient encore inverses il y a huit ans.

En réalité, le « fondamentalisme » du plein-emploi, comme les extrémismes religieux ou les régressions pulsionnelles d’extrême-droite, illustre les ultimes soubresauts du monde finissant, plutôt qu’il ne préfigure le monde d’après.

Source Politis 16/06/2014

Voir aussi : Rubrique Société Travail, rubrique Débat,

Philippe Bataille : « Le procès Bonnemaison est celui de la confiance en la médecine »

5a9faf8abe7639bfc60d88615524976f_LLe sociologue Philippe Bataille figure parmi les 60 témoins, dont l’ancien ministre Jean Leonetti, pionnier de la loi sur la fin de vie, cités au procès aux Assises à Pau du Dr Nicolas Bonnemaison, accusé d’avoir donné la mort à sept malades. Ce spécialiste de l’éthique du soin analyse les problématiques de ce procès qui doit se poursuivre jusqu’au 27 juin.
Vous êtes appelé par la défense à comparaître le 19 juin. Pour quelles raisons avez-vous signé la pétition en faveur du docteur Nicolas Bonnemaison ?
Je crains qu’il soit dans une situation somme toute banale faisant que des médecins se retrouvent dans les services d’urgence face à des patients qu’ils ne connaissent pas forcément et qui ont commencé des processus agoniques, dont les effets sont connus par tous, les équipes, les familles et parfois par les malades s’ils sont encore conscients. Il est très classique alors qu’il y ait la possibilité d’aider ces patients à mourir.
En quoi cette affaire interroge-t-elle notre société ?
Elle l’interroge par rapport au décalage qu’il y a entre la loi qui est au service des Français et celle de 2005 dite Leonetti. Cette loi sur la fin de vie en fait n’aborde pas ces questions, ou du moins ne leur offre aucune issue. Nous avons bien aujourd’hui un problème sociologique entre l’état des mœurs et la réalité des pratiques. Les moyens mis en œuvre dans des services qui pourraient être adaptés à l’accompagnement sont dérisoires. Face à l’évolution des mentalités, il y a ce retard considérable des dispositions législatives. François Hollande candidat à la Présidentielle en 2012, avait d’ailleurs formulé la proposition 21. Cette promesse était très engagée, notamment au niveau du programme, sur sa capacité à pouvoir retoucher ou refondre la loi Leonetti.
Ce procès est-il le procès d’un homme, celui de l’euthanasie, de la médecine ou de cette législation inadaptée ? 
C’est le procès de la confiance en la médecine. Les situations dont on parle sont des situations qui engagent un médecin, une équipe et qu’il faut appréhender en ayant des protocoles. Tout cela devra être revu. Mais une fois que l’on a dit cela, que fait-on ? Le vide législatif ne permet pas au médecin d’accompagner les malades. Et de fait, les patients perdent confiance en la manière dont peuvent se dérouler leurs derniers jours. On compte plus de 2000 suicides par an pour des raisons de maladie ou de handicap sans issue. De la même manière, on voit se développer le suicide de couples âgés en proie à des inquiétudes profondes. Celles de devoir abandonner l’autre alors qu’il y a un engagement, une parole conjugale et amoureuse. On n’a alors pas envie de voir partir l’autre dans les mains d’une médecine qui ne sait pas s’arrêter. Cette situation existe car aujourd’hui rien ne permet de réaliser une aide active à mourir alors que les processus agoniques ont commencé. On sait depuis des années que la loi Leonetti  ne répond pas aux besoins. Tout le monde le dit. Y compris les déplacements de l’ex-ministre pour venir expliquer sa loi jusque dans un procès d’assises le démontrent.
Dans votre dernier ouvrage « A la vie, à la mort : Euthanasie, le grand malentendu », vous avez mené une enquête au sein d’unités de soins palliatifs. Quelle est la réalité de la fin de vie au sein de ces services ? 

Elle est contrastée. On a des situations d’accompagnement avec l’idéal de retrouver à la fin de la maladie, à la fin de l’âge, souvent les deux combinés, une mort naturelle que l’on peut proposer à des patients lorsqu’ils se présentent assez tôt dans ces unités de soins palliatifs. Ils vont y passer entre deux et trois semaines avant que la mort ne les emporte. Eventuellement, les derniers jours, ils disposeront d’un sédatif, pour être dans un état d’inconscience au moment de mourir. On aimerait tous tendre vers ce schéma : une mort douce précédée de quelques jours soulagé de toute souffrance. C’est ce que l’on offre, et même si cela existe pour certains, en vérité, cela ne marche pas. J’ai vu dans des services de soins palliatifs des patients arriver assez tôt pour bénéficier d’une telle prise en charge mais qui finissent par demander à leurs proches de ne plus venir les voir. Après deux, voire trois adieux à la famille, la situation perdure et devient profondément inconfortable, jusqu’au moment où surgit un épisode aigu et qu’effectivement la mort les emporte ou qu’une sédation leur soit proposée. On rencontre dans ces services des histoires magnifiques, des accompagnements extraordinaires d’une humanité débordante et en même temps, des patients à qui cela ne correspond pas. Soit parce qu’ils sont fatigués d’y rester aussi longtemps, soit parce qu’ils n’y accèdent pas. Ce qui représente la grande majorité. Et ce n’est pas seulement une question de moyens, d’égalité des territoires, de rareté des services ou des lits. C’est aussi en raison du refus de ces services eux-mêmes d’accueillir des patients au seuil de la mort. L’activité palliative veut offrir un accompagnement long vers une mort naturelle alors que les Français dénoncent et craignent l’agonie.

Quelles sont les pistes à explorer pour parvenir à supporter les contradictions ou du moins une grande partie d’entre elles que nourrit cette problématique ?
Il faut sortir de l’imaginaire fou de la représentation sociale qui dessert la médecine. S’extraire de cette idée qu’il est impératif de protéger les malades de l’acharnement thérapeutique. Les médecins ne sont pas là non plus pour tuer des patients. C’est d’ailleurs un des éléments qui pèsent sur le procès Bonnemaison : on a attrapé un médecin qui pratique des euthanasies clandestines. Or, cela ne correspond en rien à la réalité. Les médecins font ce qu’ils peuvent au mieux et bien souvent en s’engageant personnellement dans leur conduite médicale. Il y a d’une part cette idée que la médecine est dangereuse et de l’autre, celle selon laquelle les individus réclament la mort. Soit le médecin tue, soit le patient veut se faire tuer. Il est quand même assez incroyable de construire des lois sur des représentations sociales fausses et décalées des réalités. La loi Leonetti est une loi de l’interdit. Elle tend à pénaliser toute aide médicale à mourir qu’un médecin pratiquerait. Or je crois qu’on a besoin de cette aide médicale à mourir dans des conditions qui doivent être celles de la collégialité. Comme cela se fait déjà d’ailleurs. Mais cette demande d’abréger des souffrances doit être entendue.
Que la possibilité de permettre à un patient de s’éteindre au moment où il pense qu’il est arrivé à l’extrême de ses limites soit validée par ceux qui sont engagés dans l’acte soignant.
Clairement, c’est autoriser le geste létal ?
Oui. Ou en tout cas, une injection qui soit capable d’emporter un patient lorsque nous sommes dans des situations où le processus agonique a débuté.
La communauté médicale est-elle prête à l’accomplir ?
La loi Leonetti prévoit d’arrêter un acharnement thérapeutique qui va entraîner la mort. Ce dispositif autorise une intention médicale de faire mourir en retirant des éléments artificiels ou qui sont absolument nécessaires à la vie. Mais il est impératif de rentrer dans la reconnaissance de l’intention de mourir, dans la capacité de la médecine à faire mourir en certaines circonstances. Lorsque l’on est éloigné de la mort, on est effectivement dans des situations d’euthanasie interdites, à l’exception de la suspension de l’hydratation et de l’alimentation. En revanche, lorsque l’on est au seuil de la mort, je ne pense pas que l’on puisse parler d’euthanasie. C’est bien d’une aide médicale à partir dont il s’agit. Alors certains déclarent que l’on n’a pas besoin de ce moment d’assistance puisqu’il faut passer par les services de soins palliatifs. Mais tout le monde ne le souhaite pas.
Pensez-vous qu’il est nécessaire de rendre obligatoire les directives anticipées (*) ?
On peut toujours améliorer ce dispositif encore faut-il qu’il soit respecté ! Et puis, il n’est pas évident également que les gens aient envie de les rédiger. Le plus important est de rétablir la confiance entre les Français et leurs médecins, en arrêtant d’accuser ces derniers de l’intention de faire mourir et de faire une loi qui rappelle cet interdit. De la même manière qu’il faut entendre le patient. Faisons en sorte que l’on puisse s’arrêter sur chacun des cas.
D’où la nécessité de légiférer… 
Aujourd’hui, il est affirmé une intention politique de faire un pas qui sortirait la France de l’impasse totale dans laquelle elle se trouve puisque tout y est interdit. Cependant, ce pas serait retenu au sens politique du terme, par la menace de la Manif pour Tous et la mobilisation des relais catholiques. Je n’y crois pas. L’Assemblée nationale et le Sénat sont très décidés sur cette question. Alors est-ce que cette activité parlementaire, qui devrait arriver dans un terme assez court, sera un saut qualitatif majeur faisant que le pays puisse s’ouvrir à ces questions en entendant les situations telles qu’elles se passent quotidiennement au sein de l’hôpital français ? Je le souhaite. L’écho sur le procès Bonnemaison est assez intéressant : le monde médical vient de comprendre que la loi Leonetti pouvait aussi se retourner contre lui.
Pour quelles raisons la fin de vie est-elle encore un sujet tabou ?
Il existe plusieurs raisons à cela. Il y a d’une part l’influence du catholicisme sur certaines spécialités médicales, dont les soins palliatifs. Et d’autre part subsiste encore un interdit moral  : un héritage européen qui est le procès de Nuremberg et le procès fait à la médecine moderne dans son engagement dans la Shoah et le nazisme. Nuremberg a redéfini l’éthique médicale et a consolidé l’interdit de tuer. Cet héritage très fort renvoie soit à une espèce de valeur morale que la médecine doit faire sienne, soit à l’interdit produit d’une période historique dramatique qui est retravaillé par l’argument moral. Cependant, la médecine a évolué en faisant reculer toutes les frontières, y compris celles de la mort. La traduction heureuse de cela est le vieillissement de la population et cette possibilité d’arriver de manière consciente à certaines extrémités de son corps ou des traitements. Sans oublier enfin l’évolution sociologique sur le rapport au corps. Les patients voient qu’ils avancent vers la mort en raison de l’âge, de la maladie ou du handicap parfois évolutif. Et ils possèdent une capacité de nommer, de rechercher les dimensions personnelles avec ceux qui les entourent ou ceux qui les soignent. Et les malades et les proches expriment désormais le besoin de faire avancer la loi. L’objectif étant que la relation de confiance entre le patient et son médecin puisse faire en sorte que ce dernier ne se sente pas isolé, surveillé et accusé s’il a accompagné son patient dans les derniers moments de sa vie.
La situation actuelle est devenue intenable. Soit l’offre de soins palliatifs est inexistante. Soit elle ne répond pas aux appels des malades. Soit, enfin, elle ne correspond pas à ce que celui qui a lutté tant et tant veut à la toute fin de sa vie. Et là, les directives anticipées ont leur place. Mais nous devons revenir à cette relation particulière entre un médecin et un patient, encore plus lorsque le malade se trouve en extrême vulnérabilité et qu’il dépend totalement de l’autre, qu’il s’agisse de vivre ou de mourir.
C’est une façon de replacer le malade au cœur du débat…
Oui mais je n’oppose pas les droits de l’un contre les droits de l’autre. Les situations évoquées à travers le procès Bonnemaison sont des situations qu’on a largement le temps d’anticiper. Des milliers de personnes meurent dans des camions de pompiers au cours de leur transport. Lorsque les urgentistes sont appelés dans les Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), il est déjà trop tard. On arrive à des cas extrêmes qui font que la médecine elle-même est choquée, brutalisée et amenée à avoir des conduites si elles dérogent à la loi finissent par criminaliser le médecin. Je trouve catastrophique de voir évoluer à la fois les progrès, le confort, une capacité d’aller assez loin dans les traitements tout en gardant une certaine lucidité et en fin de vie une catastrophe totale. Un vide, un désarroi, une incompréhension et dans certains cas où les situations d’attente de la mort se prolongent, de la cruauté.
Entretien réalisé par Sandrine Guidon
Source La Marseillaise 17/06/2014
Philippe Bataille est directeur d’études à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales et directeur du Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS), associé au CNRS. Dans le cadre de son enseignement à l’EHESS, il dirige un séminaire intitulé « Sociologie du sujet vulnérable » où il questionne l’éthique du soin et interroge les normes professionnelles à l’œuvre dans le champ sanitaire. Il est membre du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin. Il est l’auteur de « À la vie, à la mort. Euthanasie : le grand malentendu » (Autrement « Haut et Fort ». 
(*) « Toute personne majeure peut, si elle le souhaite, faire une déclaration écrite, a?n de préciser ses souhaits quant à sa ?n de vie, prévoyant ainsi l’hypothèse où elle ne serait pas à ce moment-là, en capacité d’exprimer sa volonté ».
REPERES
Ce procès qui s’est ouvert mercredi dernier à Pau, intervient en plein débat sur l’opportunité d’une réforme de la loi Leonetti du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie. François Hollande promet depuis la campagne présidentielle de 2012 une nouvelle loi pour « compléter, améliorer » le texte. Il s’est toujours abstenu de prononcer le mot euthanasie (ou suicide assisté) et a appelé à un accord « large », « sans polémique, sans division » sur cette épineuse question. Il n’y a pas de calendrier précis pour le projet de loi mais il pourrait voir le jour d’ici la fin de l’année.
L’association Alliance Vita, proche de la Manif pour tous, a prévenu que « si le gouvernement prend le risque de bouleverser l’équilibre de la loi Leonetti » sur la fin de vie, il y aura « une vaste mobilisation unitaire dans la rue ».
L’affaire divise aussi le corps médical et une pétition en faveur de Nicolas Bonnemaison a recueilli 60.000 signatures. Selon une étude récente de l’Institut national d’études démographiques (INED), il y aurait chaque année en France quelque 3.000 cas d’euthanasie. En Belgique, où l’euthanasie est autorisée depuis 2002, 1.800 personnes ont opté pour cette fin de vie en 2013. Elles ont été 4.000 en 2012 au Pays-Bas, où la loi a été votée en 2001.

Réponse de l’intermittent Franck Ferrara à la lettre de Rodrigo Garcia

 Les nouveaux bulletins de vote proposés par le Medef à tous ceux qui veulent travailler...

Salut Rodrigo,

Je te connais, je connais ton travail, je t’admire pour ce que tu fais et ce que tu défends dans cet art qui est aussi le nôtre.

Je te prie de vraiment croire à mon amitié et ma sincérité à ton égard.

Pour ma part, tu ne me connais pas et tu ne peux pas m’admirer mais on s’en fout. Par contre quand j’ai lu ta lettre, je me suis senti heureux que tu te sentes comme une merde, car ça veut dire que tu ressens un peu ce que je ressens depuis dix ans de lutte.
Car moi aussi je me sens comme une merde.

Comme une merde, quand je dois accepter de faire de la figuration pourrie à deux heures de voiture de chez moi, l’essence non payée pour glaner quelques heures de plus. Comme une merde, quand je fais des sourires pour espérer trouver un rôle que je ne trouve pas car c’est toujours trop tard. Comme une merde, quand je fais des ateliers à des gosses qui s’emmerdent et qui considèrent le théâtre comme une bonne raison pour faire péter les cours, même si je sais que j’ai commencé le théâtre comme eux. Comme une merde, quand je suis à découvert au dixième jour du mois. Comme une merde, quand ma famille me demande pourquoi je ne suis pas encore une star, pourquoi je ne passe pas à la télévision, pourquoi je ne fais pas du cinéma. Comme une merde, lorsque je leur réponds que je ne veux pas devenir un commercial de moi-même et qu’ils se foutent de ma gueule en me disant qu’aujourd’hui tout le monde fait ça. Comme une merde, lorsque les spectacles que nous montons avec mes camarades ne tournent pas, parce que c’est pas assez ça ou c’est trop ceci. Comme une merde, quand j’appelle dix fois un directeur pour qu’il accepte de lire mon pauvre dossier pourri, comme une merde, lorsque je comprends qu’il n’en à rien à foutre de mon travail et qu’il se prend pour mon père. Comme une merde, lorsque je comprend que ce même directeur est pris à la gorge et que ses subventions se voient coupées d’année en année. Comme une merde, lorsque j’applaudis à la grève les larmes aux yeux mais que je sais pertinemment que ce sera le seul moyen de faire avancer les choses car dans ce pays, aujourd’hui, il n’y a que les rapports de force débiles qui font bouger les choses. Comme une merde, quand j’ai lu ta lettre et que je me suis dis : il a raison, qu’est-ce qu’on est en train de faire ? Comme une merde, devant tout les gens qui auront lu ta lettre et qui me diront : “tu n’as pas honte, espèce de feignasse, d’empêcher les braves gens d’aller se distraire au théâtre !” Comme une merde mec !. Une petite merde dont tout le monde se fout… que je joue, que je ne joue pas… que je sois artiste ou pas, intermittent ou pas… et moi le premier car je sais ce que j’ai à faire pour ma gueule.

Mais Rodrigo, ce qu’on fait aujourd’hui, ce qu’on essaie de faire, c’est pour toi, c’est pour tes potes qui reviendrons jouer la prochaine fois dans ton théâtre ou ailleurs, c’est pour tous ceux qui peuvent dire qu’artiste, technicien, ou une autre activité dans l’Art, c’est un métier, pas un passe temps, UN PUTAIN DE MÉTIER, qu’on peut poser sur la table devant sa belle-mère pour qu’elle ferme sa gueule, devant tout ceux qui croient que le théâtre c’est les vacances, ou simplement écrire “intermittent du spectacle” sur n’importe quel document qui te demande ton métier, au lieu d’écrire “chômeur” car c’est encore ce que l’on est officiellement je te le rappelle.
Bref je vais arrêter là …

La prochaine fois que tu veux nous dire quelque chose vient nous parler au lieu d’envoyer ta lettre et nous foutre dans la merde, nos AG sont bordéliques mais au moins on s’exprime, si tu fais mieux, si tu sais mieux, viens nous expliquer ta méthode. Nous ça fait dix ans qu’on suit le dossier, qu’on est là, qu’on lâche rien, parce qu’on sait que nos propositions sont justes, parce qu’on sait de quoi on parle, parce qu’on sait ce que c’est que d’annuler un spectacle, ANNULER UN SPECTACLE ! Comme faire péter son usine, ou s’immoler par le feu, ou foutre en l’air plusieurs mois de travail. C’est archaïque et débile ? Mais c’est la seule façon de contrer une politique archaïque et débile, c’est la seule chose qui nous reste après TOUTES NOS TENTATIVES de dialogues, de rencontres, de propositions. La seule action qui nous reste, le “Théâtre”, pour se faire entendre… et sans nous, il n’y en aura plus de théâtre… Plus de théâtre libre, indépendant, engagé ou bordélique comme nos AG ou ton théâtre aussi…

Le théâtre pour se faire entendre, pour nous battre, pour essayer d’améliorer ce pays qui part en sucette, pour faire entendre les voix des chômeurs, des précaires, des intérimaires…
Je ne t’en veux pas Rodrigo mais la prochaine fois, réfléchis un peu avant d’écrire des lettres à trois heures du matin, ma belle-mère les lit….

Tu sais où nous trouver Rodrigo, à bientôt.

Franck Ferrara
Comédien, scénographe, metteur en scène, pédagogue, vacataire, enseignant, intermittent du spectacle et chômeur.

Voir aussi : Actualité nationale, Lettre de Rodrigo Garcia, Rubrique Festival, rubrique Mouvement sociaux,

De Golgota Picnic à Tristes tropiques

Golgota_picnic_2 - copieLettre de Rodrigo García aux acteurs, aux techniciens et à toute l’équipe (16 personnes) qui participe à la pièce de Golgota Picnic.

Chers amis,

Comme vous pouvez le voir, ce mail a été écrit à 3 heures du matin le 5 juin, et pas parce que j’ai fait la fête ; simplement je n’arrive pas à dormir.

Les représentations de Golgota Picnic ont été annulées.
Cela ressemble à ce que certains d’entre nous ont vécu en 2003, lorsque nous avions des représentations prévues à Avignon et que nous sommes restés chez nous parce que le festival avait été annulé par le boycott des intermittents du spectacle qui revendiquaient leurs droits.

Aujourd’hui, onze ans plus tard, la même chose se produit. Les intermittents mènent un combat légitime contre l’État français et préparent des grèves pour empêcher que l’on touche à leurs droits.

Ils commencent à boycotter le premier festival de printemps-été du sud de la France : Le Printemps des comédiens, et si les choses ne s’arrangent pas ils continueront certainement avec le festival Montpellier Danse et finiront peut-être par empêcher celui d’Avignon, comme en 2003, à moins que le gouvernement ne cède et négocie.

Moi, au nom du CDN, j’ai laissé il y a quelque temps la grande salle du théâtre aux Intermittents pour la première Assemblée générale.
Moi, au nom du CDN, j’ai signé il y a deux jours une lettre de soutien aux intermittents adressée au Premier Ministre Manuel Valls.

Moi, ce matin, j’avais une réunion à la DRAC avec 18 autres directeurs qui font partie comme moi de ce qui s’appelle le Comité d’experts : nous nous réunissons pour débattre des compagnies régionales qui obtiendront des conventions et des subventions. Nous avons décidé ce matin de ne pas faire notre travail et de rejoindre la grève et nous avons rédigé une lettre en faveur des intermittents.

Moi, cet après-midi, j’ai décidé que nous annulions Golgota Picnic en geste de soutien aux droits des travailleurs français que l’on appelle les intermittents du spectacle.

Lorsque j’explique, entre autres, que l’un des comédiens de notre compagnie (Gonzalo Cunill) a renoncé à un travail de plusieurs semaines en Espagne juste pour faire trois représentations de Golgota Picnic à Montpellier, ça n’intéresse personne.

Tout le monde se fout de savoir que d’autres pâtissent économiquement de tout ça.

Qu’ils aillent se faire foutre, les artistes et techniciens espagnols, italiens et portugais de notre équipe, eux qui ne reçoivent aucune aide de l’État quand ils ne travaillent pas parce qu’ils ne travaillent pas en France, en Belgique ou en Suisse.

Tout le monde se fiche de savoir qu’à cause de cette annulation, toute l’équipe de Golgota Picnic perd l’opportunité de faire un autre travail et de toucher un salaire pour vivre avec leurs familles, tout le monde se fiche qu’il s’agisse de pays en crise où il n’y a pas de travail.

Les intermittents français défendent leurs droits avec un égoïsme prononcé et ne se préoccupent pas de ce qu’il se passe autour d’eux.

C’est digne d’une étude anthropologique ; parfois tout à l’air tellement primitif, comme dans Tristes tropiques de C. Lévi-Strauss. Il faut aussi dire que l’assemblée de cet après-midi a connu ses moments stalinistes, qui m’ont paru sombres et pathétiques. Et pourtant, je suis avec eux. Nous les soutenons.

Et plus encore : personne ne se soucie du plus grand perdant : le public, les citoyens, leurs voisins, les professeurs de leurs enfants ou les médecins qui les soignent, c’est-à-dire le public qui, quand il cesse d’être professeur ou médecin, va au théâtre. Qu’ils aillent se faire foutre. Cet été ils resteront à la maison à jouer au solitaire ou ils iront se balader à Odysseum, parce qu’il n’y aura ni opéra, ni théâtre ni danse.

Le débat sociologique et philosophique sur ce sujet serait interminable et je ne veux pas commencer à en discuter dans ce mail que j’écris seulement pour vous communiquer la mauvaise nouvelle de l’annulation.

En tant que directeur d’une institution, j’ai pris parti pour l’un des deux camps, celui des intermittents du spectacle, qui ont été trahis par le parti socialiste. Hollande n’a pas tenu ses promesses. La ministre de la culture refile la patate chaude au ministre du travail qui refuse de faire marche arrière.

En prenant cette décision, je me sens sur le plan personnel comme une vraie merde, parce que nous ne pouvons pas faire notre pièce en Juin comme c’était prévu (nous avions reçu tellement de demandes de places que nous avions ajouté une troisième représentation) et que vous, comme moi, nous retrouvons privés d’un premier contact artistique avec la ville de Montpellier.

Je suppose que ma décision d’annuler la pièce et de me situer du côté des intermittents ne plaira pas beaucoup au Ministère du travail. Je suppose que cette lettre, que nous avons décidé de rendre publique, ne plaira pas beaucoup aux intermittents du spectacle. Très bien : je me prendrai des claques des deux côtés. Au moins je dis ce que j’ai à dire. Je crois indispensable de dire que les gens qui – et c’est leur droit – foutent en l’air un festival doivent prendre conscience des « dommages collatéraux », car il y en a, et pas des moindres.

Pas la peine de dire que les trois cents personnes qui étaient à l’Assemblée cet après-midi m’ont applaudi lorsque j’ai annoncé qu’on ne ferait pas Golgota. Je me suis senti et je me sens comme une merde. Parce que j’aime mon travail.

Je vous envoie un lien d’une vidéo où Nicolas Bouchaud, compagnon de plusieurs de nos pièces, parle à ce sujet, pendant la remise des prix Molière: http://www.youtube.com/watch?v=XgtNuEy3cJk

Je vous recontacte très vite pour savoir s’il est possible de présenter Golgota Picnic plus tard. On verra. Parce que cette annulation affecte, et beaucoup, l’économie précaire de notre petit CDN qui a l’ambition de grandir et de se moderniser.

Rodrigo

Voir aussi : Rubrique Festival, rubrique Mouvement sociaux, Réponse de Franck Ferrara à cette lettre, rubrique Théâtre, Direction artistique. Des idées pour renouveler le théâtre à Montpellier ,

Lettre ouverte à François Hollande après sa visite à Rodez

musee-soulages-l-inauguration-comme-si-vous-y-etiez_886761_500x333pRodez – Le maire de Rodez, Christian Teyssèdre (PS), a déploré jeudi « l’absence totale » d’aide de l’Etat au fonctionnement du musée Soulages, labellisé « musée de France », que le président Hollande inaugurera vendredi.

L’Etat ne donne pas un centime pour le fonctionnement des trois musées de notre ville auxquels il a accordé le label +musées de France+« , a expliqué à l’AFP M. Teyssèdre, évoquant le musée Soulages, le musée des beaux-arts Denys-Puech et le musée d’histoire et d’archéologie Fenaille abritant une collection unique de statues-menhirs.

Le maire a pointé « des inégalités territoriales« en disant: « Ici, à Rodez, les +musées de France+ sont financés à 100% par le contribuable local (pour leur fonctionnement, ndlr), tandis que ceux qui ont ce statut à Paris sont financés par l’Etat. » Alors M. Teyssèdre prévoit de dire au chef de l’Etat qu’il ne comprend pas « pourquoi on aide les +musées de France+ dans la capitale et pas dans nos territoires ruraux« .

L’élu socialiste reproche aussi à l’Etat d’avoir « piqué » à sa ville « 6% de dotation globale de fonctionnement » pour 2014, en application de la loi de finances. « Je dirai à François Hollande qu’on veut bien participer à l’effort de redressement national mais qu’une telle baisse d’un coup, c’est trop! Les frais de personnel augmentent et les attentes sont importantes parce qu’il y a une augmentation de la pauvreté et de la précarité.« 

Le projet du musée Soulages – d’un coût de 25 millions d’euros TTC – a été principalement porté par la communauté d’agglomération du Grand Rodez. L’Etat a apporté 4 millions, de même que la Région Midi-Pyrénées, tandis que le département de l’Aveyron a donné 2 millions.

Le projet avait été lancé il y a dix ans par le précédent maire, Marc Censi (UMP). M. Teyssèdre l’avait repris à son arrivée à la mairie, en 2008.

« Tout le monde nous dit +c’est un beau musée+. Mais on l’avait lancé quand il n’y avait pas la crise et on se retrouve à devoir le faire fonctionner en temps de crise: il faut qu’on assume et qu’on ne compte que sur nous« , a dit le maire, estimant à « 1,2 million d’euros le coût de fonctionnement » annuel de l’établissement.

Dans l’Aveyron – seul département de Midi-Pyrénées présidé par un élu de droite – M. Teyssèdre avait été largement réélu à la mairie de Rodez en mars, alors que la gauche perdait Millau et Decazeville.

Le conseiller municipal de Rodez Jean-Louis Chauzy (PS), président du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), a publié de son côté une tribune appelant à « créer une vraie solidarité entre les collectivités » pour ne pas laisser Grand Rodez (54.000 habitants) payer seule la facture du fonctionnement du musée Soulages.

Source : AFP 29/05/2014

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Lettre Ouverte

Je faisais partie des quelques personnes qui souhaitaient venir à votre rencontre lors de votre venue à Rodez pour inaugurer le Musée Soulages le vendredi 30 mai. Je vous écris parce que je suis persuadé que vous n’avez pu ni voir ni entendre ni sentir ce qui se passait à une centaine de mètres d’où vous vous trouviez. Tant de personnes vous entourent dans ces circonstances que vous apparaissez comme « coupé » du citoyen.

Les agents de la force publique, armés, que vous avez placé par centaines dans la ville m’ont empêché de m’approcher du lieu de votre passage. Des personnes qui voulaient aller dans la direction du musée sont passés. Ils ont pu le faire. Mais d’autres, dont je faisais partie, n’ont pas pu passer.

Les forces de l’ordre m’ont tout d’abord arraché mes lunettes. Puis frappé le crâne à coups de poing. Puis, au moins cinq ou six de vos agents ont, à bout portant, déchargé des vaporisateurs de produits poivrés dans les yeux et ceux de mes amis avec qui je me trouvais. Le tout sans avertissement. Par la suite, pensant peut être que nous étions encore trop près de vous, vos fonctionnaires ont lancé des grenades lacrymogènes en direction des quelques personnes que nous étions. Une petite centaine d’après les renseignements publiés par vos fonctionnaires. Notez au passage, et c’est important, que lorsqu’on détient la force, comme vos agents, lorsque l’on est armé comme le sont vos gens, il n’est pas très glorieux de lancer des grenades sur des gens désarmés, sur des personnes âgées, sur des enfants présents dans la rue à ce moment … Malheureusement, on peut penser que c’est sur vos ordres qu »ils ont agit ainsi.

Je suis, pour ma part, père de 5 enfants, plusieurs fois grand père, amoureux de la culture maraîchère. Si je me trouvais là c’est parce que je ne comprends pas que votre gouvernement s’apprête à agréer un texte voulu entre autres par le Medef et la CFDT qui, manifestement, va accentuer la précarité des chômeurs les plus précaires. C’est à dire des plus précaires d’entre les citoyens. J’aurais voulu pouvoir vous le dire. Je peux vous assurer que j’ai bien d’autres courgettes et tomates à planter en ces jours de printemps plutôt que d’aller me faire frapper un vendredi de mai en pays ruthénois …

Nous, nous n’étions pas armés.

Tout juste avions nous un immense drapeau rouge pour bannière. Je ne vous fais pas l’injure de penser que vous ne connaissez pas la symbolique du drapeau rouge, bien avant qu’il ne soit repris à juste titre par des partis politiques contemporains …

Avez-vous peur à ce point que vous en veniez à vous déplacer avec un tel service de sécurité ? Cela fait penser à votre prédécesseur qui mettait les villes en quasi état de siège pour venir les visiter. Vous qui parliez, en début de mandat que, président normal vous feriez vos visites dans notre pays en vous déplaçant en train sur le réseau Sncf au milieu de vos concitoyens.

Avez vous peur à ce point que vous ne pouvez plus rencontrer ce peuple de gauche qui vous a élu et qui ne comprend pas votre politique sociale qui semble résonner au son du Medef et du CAC 40 ?

Enfin, quelques mots sur une situation ubuesque : un de mes amis qui présent lors de ce rassemblement à était littéralement happé par vos policiers et emmené, menotté, arrêté, détenu en garde à vue et enfin, convoqué en correctionnelle au motif de violence à agent. Il est accusé d’avoir frappé non pas un mais deux CRS ! Un détail dans cette histoire qui vous semblera banale : cet ami a 22 ans et doit faire aux alentours de 50 kg. Il est d’un tempérament plutôt calme et bon enfant. Alors, croire et faire croire qu’il a pu « frapper » deux de vos gardes d’un gabarit de 90 kg, casqués, harnachés de jambières, genouillères et rangers est simplement ahurissant ! Lors de son passage au tribunal, il ne manquera pas de témoins de la scène prêt à établir la réalité.

L’histoire ne retiendra rien de cet événement. En revanche, soyez assuré qu’il procédera au renforcement du sentiment d’abandon, de démission à la cause de la classe dont nous sommes issus. Cela ne peut qu’ajouter à la sensation d’injustice et au constat de distance qui s’installe entre dirigeants se réclamant de la gauche et le peuple que nous sommes. Je n’ose employer le mot de trahison, bien qu’il soit sur beaucoup de lèvres. Devons nous être assurés que vous voulez abdiquer devant les forces du grand capital ? Souvenez vous du « camp » duquel vous venez. Vous avez revendiqué l’héritage de Jaurès. Pensez vous que Jaurès aurait envoyé des gardes armés sur les ouvriers, les paysans, les artistes, leurs techniciens, les salariés, les fonctionnaires, les chômeurs et autres précaires qu’il l’aurait élu ?

Tout comme vous, nous ne nous résignons pas à voir notre société envahie par l’injustice et l’arbitraire. C’est bien la raison pour laquelle nous voulons faire entendre notre voix. L’entendez vous ? Nous, nous ne renoncerons pas. Nous ne capitulerons pas. Soyez assurés de notre détermination si vous avez besoin de compter sur les forces de ce pays. Nous en sommes ! Allez affronter les forces de la finance internationale avec notre force à nous puisque vous avez reçu mandat aussi en ce sens après votre discours du Bourget.

Pour finir, j’en appelle à la conscience de vos camarades de parti. Et je leur pose la question : la fumée, les détonations, les CRS et gardes mobiles par centaines dans les rues de Rodez pour une visite d’un président issu de vos rangs : était-ce vraiment ce que vous vouliez ?

Souhaitiez-vous voir frapper par les CRS, en votre nom, celles et ceux qui se sentent victimes d’accords négociés par le Medef dans ses locaux ?

Est-ce cela que vous voulez ?

Nous vous donnons rendez vous avec l’histoire. Quelle part voulez vous prendre ? Accompagner la dérive financière ou contrer la dérive financière du grand capital qui dicte toujours plus sa loi ? La loi de ces grands groupes qui inondent le monde d’injustice et de désespoir. Qui apportent la désolation, celle qui crée la peur et engendre la violence.

Recevez mes salutations.

Alain Bellebouche

PS : pouvez vous me faire parvenir la liste des composants des produits aérosols gaz poivre que vous commandez, faites fabriquer et distribuez à vos agents de sécurité ?

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