L’interdiction de séjour, utilisée pour empêcher des militants de rejoindre les cortèges anti-loi travail, avait été censurée par le Conseil constitutionnel.
Ce sera la première loi votée sous la présidence d’Emmanuel Macron. La sixième prolongation de l’état d’urgence est en cours d’examen au Sénat. Le texte gouvernemental doit être adopté selon une procédure accélérée avant le 15 juillet, date de la fin de l’actuelle période d’état d’urgence.
À l’occasion de l’examen en commission des lois du Sénat, le gouvernement a déposé un amendement réintroduisant l’interdiction de séjour. Il a été adopté mercredi 28 juin. Censurée le 9 juin par le Conseil constitutionnel, cette disposition donne aux préfets le pouvoir d’interdire à une personne de paraître dans « tout ou partie du département », si elle cherche à « entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ».
L’interdiction de séjour est dénoncée par ses détracteurs comme un détournement de l’état d’urgence. Assimilée à une interdiction de manifester, elle a essentiellement été déployée pendant le mouvement contre la loi travail, pour empêcher des militants soupçonnés de vouloir commettre des violences de rejoindre les cortèges. Il ne s’agissait donc pas de prévenir un risque d’attentat.
Loi travail et hooliganisme
D’après les chiffres communiqués au Monde par le Sénat, parmi les 618 mesures individuelles d’interdiction de séjour prises depuis le début de l’état d’urgence, 438 l’ont été dans le cadre de la mobilisation contre la loi travail (seules 169 auraient cependant été notifiées aux personnes visées).
Les premiers arrêtés ont été pris, fin 2015, au moment de la conférence de Paris sur le climat (COP21) – des militants avaient en outre été assignés à résidence –. D’après le Sénat, des personnes soupçonnées de hooliganisme ont aussi été empêchées d’accéder aux « fan zones » pendant l’Euro 2016.
Le Conseil constitutionnel a censuré l’interdiction de séjour, jugée trop imprécise dans sa formulation et pas assez encadrée. L’institution a considéré qu’elle ne conciliait pas suffisamment la sauvegarde de l’ordre public et celle de la liberté d’aller et venir et du droit de mener une vie familiale normale.Dans la nouvelle rédaction adoptée mercredi, il faut qu’il existe « des raisons sérieuses de penser » que le comportement de la personne « constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». L’arrêté préfectoral devra en outre être limité dans le temps et l’espace, en tenant compte « de la vie professionnelle et familiale ». Il ne pourra pas inclure le domicile de la personne.
« Nous mettons simplement en application la décision du conseil constitutionnel », résume le sénateur centriste Michel Mercier, rapporteur du texte. Depuis le début de l’année, près de 80 interdictions ont été prises. Leur emploi a diminué mais la réforme du code du travail par ordonnances promet une rentrée sociale à risque.
Qui s’intéresse à l’écriture échappe difficilement à l’attraction pour Sade, qui aime les actrices et les comédiennes ne peut être insensible au parcours imprévisible d’Isabelle Huppert. De quoi saisir l’engouement pour cette lecture, étonnement donnée dans les conditions d’un spectacle. A Montpellier, lors d’une soirée de fin de printemps, Isabelle lit Sade dans le grand amphi du Domaine d’O, face à 1 200 spectateurs.
Sa frêle silhouette d’adolescente se dessine sur la grande scène. Elle paraît fragile, dans sa robe légère rouge vermillon. Pourtant, le rythme sec de ses petits pas, la détermination avec laquelle elle traverse la scène, indiquent que cette pieuse image pourrait être une apparence.
Photo Marie Clauzade
La première de Juliette et Justine, le vice et la vertu a été donnée en janvier 2013 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, depuis l’actrice reprend régulièrement le spectacle, comme un souffle, qu’elle intercalerait selon ses désirs entre ses nombreux projets. « Il y a un suspense, une naïveté, commente-t-elle à propos du spectacle. C’est pathétique, bien sûr, mais la chose que je ressens en lisant Sade, c’est l’humour.»
A vrai dire, cette risée silencieuse que la comédienne interprète parfaitement en l’enfouissant profondément en elle, démasque les fondements de notre savoir. Elle ébranle la norme, l’alliance du trône et de l’autel, du pouvoir et de la croyance…
Tantôt Justine, perdue par la vertu, tantôt Juliette triomphant par le vice, Isabelle nous fait entrer dans l’immensité du texte, dont les extraits sélectionnés par Raphaël Enthoven composent un récit. Les textes choisis se trouvent en position charnière, portant les instances de refoulement de l’oeuvre sadienne, immoralisme, érotisme, folie, littérature, inconscient, font surgir la pensée s’y trouvant enfermée
. Par l’écriture et la fiction, Sade permet au crime de trouver sa voie. C’est l’auteur qui a vaincu le miroir narcissique et se retrouve de fait au coeur de l’actualité contemporaine. Dans la bouche d’Isabelle Huppert, l’écriture méditée de Sade nous traverse corporellement comme une radiographie.
Le 37e festival Montpellier Danse débute aujourd’hui. Le chorégraphe Angelin Preljocaj, capitaine du Pavillon noir d’Aix, pose une ancre new-yorkaise pour deux jours, ouvrant une riche programmation dédiée à la danse contemporaine jusqu’au 7 juillet.
Ce pourrait être une lapalissade de constater que l’art de la danse contemporaine n’est pas fixe. Ses mouvements se propulsent dans les corps à partir de l’énergie du moment, ce qui ne le condamne pas pour autant à une perpétuelle fuite en avant. L’écriture chorégraphique se nourrit de sa propre histoire pour inventer à nouveau et Montpellier Danse la suit depuis presque quatre décennies sans jamais parvenir à synthétiser ce qui se passe. Cela plaide en sa faveur, mettant en exergue une de ses principales lignes de conduite : celle de respecter, et donc de soutenir la création au niveau international. Avec certains partis pris évidemment critiqués, mais en tenant la barre et en imposant ainsi au politique le souci de l’exigence artistique.
Ce n’est pas aujourd’hui le moindre des combats. Combien de festivals ont fermé ces dernières années au motif de ne pas obérer les budgets publics ? A cet égard, s’il a toujours défendu une ligne créative, le Festival Montpellier Danse, ne l’a pas fait en reléguant la résolution des équations économiques au second plan, ce qui explique en partie sa longévité.
Cette année, la programmation semble s’être construite avec un goût du risque modéré et une volonté évidente de satisfaire un large public avec des locomotives telles Preljocaj, le ballet de l’Opéra de Lyon où le Dutch National Ballet, quelques figures bien connues du public Montpelliérain : Emmanuel Gatt, Mathilde Monnier, David Wampach…
A l’instar de ce que nous ont révélé les théories de l’opinion publique, on note un retour au néo classique qu’illustre notamment le néerlandais Hans van Manen, mais l’on pourra se consoler avec les pourvoyeurs de poil à gratter, surtout des femmes, comme la cap verdienne Marlene Monteiro Freitas, l’argentine Ayelen Parolin, l’ivoirienne Nadia Beugré mais aussi l’américain Daniel Linehan ou le sud africain Steven Cohen.
Quant au questionnement identitaire, souvent présent lors des précédentes éditions, il se résoudra cette année dans le mélange des genres et des danseurs avec un maillage artistique inter-compagnies.
Les historiens considèrent que le « Nouveau Monde » correspond à l’Amérique découverte par Christophe Colomb. En cette fin de séquence électorale, le Nouveau Monde découvert par Emmanuel Macron ressemble fortement à l’américanisation de notre pays, contaminé par les pratiques politiques en vigueur outre atlantique : Le peuple s’abstient et les lobbies font la loi.
Les 56,6 % d’abstention, soit 26 millions d’électeurs, sans compter les 2 millions de votes blanc, montrent que, au-delà des louanges des courtisans, la crise de représentation a atteint un nouveau pic particulièrement inquiétant. La seule élection qui mobilise les Français – exceptée peut-être celle des municipales – est la présidentielle, quand ils se choisissent un monarque républicain. Comme aux Etats-Unis, c’est cette élection qui structure l’organisation du paysage politique. Les Américains l’ont tellement intégré qu’ils laissent ceux qui se passionnent encore pour la politique faire la loi lors des « Primaires » puis, après que leur champion a été élu par leurs Conventions respectives, ce sont les électeurs, matraqués par des campagnes de publicité ciblées, qui se déplacent dans les « swing states », ces quelques Etats qui font basculer l’élection du Président. Ensuite les citoyens se retirent sur leur Aventin, laissant les professionnels de la profession politique, « ceux de Washington », les lobbyistes, le big-business, voire la mafia, s’occuper des affaires sérieuses.
Le nouveau Président a scénarisé sa campagne selon un storytelling très écrit : mettant en avant son couple, comme aux Etats-Unis, chantant la Marseillaise la main sur le cœur comme lors de l’hymne américian… A cela s’ajoute la volonté d’Emmanuel Macron de s’appuyer sur une technocratie dotée désormais des pleins pouvoirs, pratiquant le spoil system, comme aux Etats-Unis, en remplaçant tous les directeurs d’administration sur des bases politiques.
Un pouvoir soi-disant au dessus des partis, au-delà du clivage droite-gauche, un pouvoir fondé sur la seule gestion comptable, est en train de s’installer sous nos yeux. Les citoyens, épuisés par trente ans d’austérité, de montée du chômage, de lois sécuritaires, laissent faire. Pourquoi, après tout ne pas donner sa chance au nouveau Président puisque les autres, droite et gauche confondues, ont de toute manière montré leur incompétence ? L’idée que la politique doit être jugée uniquement sur ses résultats concrets est aussi une idée venue d’Amérique où le pragmatisme est érigé en valeur suprême. Est bon ce qui marche. Les citoyens sont d’abord des consommateurs. Comme dans l’émission de téléréalité, The Apprentice, animée par Donald Trump de 2004 à 2015, si ça ne marche pas, vous êtes viré. Les députés socialistes et écologistes se reconnaitront dans ce scénario, eux qui ont été viré sur la seule base de leur étiquette, qu’ils aient ou non travaillé avec acharnement. Le produit PS, victime d’un accident industriel a été boycotté par les électeurs consommateurs. Tout le reste n’est que baliverne.
Reste que tout ne s’set pas passé comme prévu. La vague d’En Marche n’a pas submergé entièrement le paysage politique. La France insoumise est en mesure d’organiser un groupe, le FN aura 8 députés, sans compter l’ineffable Dupont -Aignan et Les Républicains ont pu sauvegarder près de 150 députés. Seul le PS, divisé entre macronistes compatibles et sociaux-démocrates « old school », subit une déroute sans précédent, comme l’a dit son chef démissionnaire, Jean Christophe Cambadelis. Pour les Verts c’est plutôt Waterloo, morne plaine. Les seuls députés réélus étant ceux qui les ont trahis.
Mais la France n’est pas l’Amérique. Le débat politique risque de se déporter vers la rue, accentuant un peu plus la crise de la Vème République, incapable de représenter dignement et équitablement ses citoyens. D’autant que si Emmanuel Macron entend aller vite pour détruire les acquis sociaux, il se garde bien d’avancer un quelconque agenda pour changer les institutions. Pourquoi changer un système qui donne 70 % des sièges à un parti qui ne représente au final que 15 % des inscrits ? La République en Marche fait croire qu’elle change tout pour ne rien changer. Une fois de plus, le Guépard a frappé !
Ce Nouveau Monde ressemble en fin de compte à l’Ancien Monde. L’ordre politique est conforme à la Constitution voulue par De Gaulle. Un souverain bienveillant met sous tutelle son peuple appelé à le plébisciter. Comme aurait pu le dire Marguerite Duras, dans son commentaire sur l’affaire du petit Grégory, qui revient à l’antenne comme un remake nostalgique de l’Ancien Monde, celui d’avant Macron : Emmanuel, « sublime, forcément sublime ».
Source : Blog Médiapart de Noël Mamère 19 juin 2017
Le discours dominant sur la dette publique prétend qu’elle découle d’une croissance excessive des dépenses publiques. Or un examen des faits montre que la dette publique a été largement constituée par des politiques économiques favorables aux créanciers et aux riches.
Cette étude a été réalisée par un groupe de travail du Collectif pour un Audit citoyen de la dette publique. Elle se veut une contribution au nécessaire débat public sur des questions cruciales : d’où vient la dette ? A-t-elle été contractée dans l’intérêt général, ou bien au bénéfice de minorités déjà privilégiées ? Qui détient ses titres ? Peut-on alléger son fardeau autrement qu’en appauvrissant les populations ? Les réponses apportées à ces questions détermineront notre avenir.
Résumé du rapport : 59 % de la dette publique proviennent des cadeaux fiscaux et des taux d’intérêt excessifs
Tout se passe comme si la réduction des déficits et des dettes publiques était aujourd’hui l’objectif prioritaire de la politique économique menée en France comme dans la plupart des pays européens. La baisse des salaires des fonctionnaires, ou le pacte dit « de responsabilité » qui prévoit cinquante milliards supplémentaires de réduction des dépenses publiques, sont justifiés au nom de cet impératif.
Le discours dominant sur la montée de la dette publique fait comme si son origine était évidente : une croissance excessive des dépenses publiques.
Mais ce discours ne résiste pas à l’examen des faits. Dans ce rapport nous montrons que l’augmentation de la dette de l’État – qui représente l’essentiel, soit 79 %, de la dette publique – ne peut s’expliquer par l’augmentation des dépenses, puisque leur part dans le PIB a chuté de deux points en trente ans.
Si la dette a augmenté, c’est d’abord parce que tout au long de ces années, l’État s’est systématiquement privé de recettes en exonérant les ménages aisés et les grandes entreprises : du fait de la multiplication des cadeaux fiscaux et des niches, la part des recettes de l’État dans le PIB a chuté de cinq points en trente ans.
Si l’État, au lieu de se dépouiller lui-même, avait maintenu constante la part de ses recettes dans le PIB, la dette publique serait aujourd’hui inférieure de vingt-quatre points de PIB (soit 488 milliards €) à son niveau actuel.
C’est ensuite parce que les taux d’intérêt ont souvent atteint des niveaux excessifs, notamment dans les années 1990 avec les politiques de « franc fort » pour préparer l’entrée dans l’euro, engendrant un « effet boule de neige » qui pèse encore très lourdement sur la dette actuelle.
Si l’État, au lieu de se financer depuis trente ans sur les marchés financiers, avait recouru à des emprunts directement auprès des ménages ou des banques à un taux d’intérêt réel de 2 %, la dette publique serait aujourd’hui inférieure de vingt-neuf points de PIB (soit 589 milliards €) à son niveau actuel.
L’impact combiné de l’effet boule de neige et des cadeaux fiscaux sur la dette publique est majeur : 53 % du PIB (soit 1077 milliards €). Si l’État n’avait pas réduit ses recettes et choyé les marchés financiers, le ratio dette publique sur PIB aurait été en 2012 de 43 % au lieu de 90 % comme le montre le graphique ci-dessous.
Au total, 59 % de l’actuelle dette publique proviennent des cadeaux fiscaux et des taux d’intérêts excessifs.
– La hausse de la dette publique provient pour l’essentiel des cadeaux fiscaux et des hauts taux d’intérêt :
Source : Insee, comptabilité nationale ; calculs CAC –
Le rapport d’audit propose aussi une évaluation des impacts des paradis fiscaux ainsi que de la crise financière de 2008 dans l’envolée de la dette publique.
Au total, il apparaît clairement que la dette publique a été provoquée par des politiques économiques largement favorables aux intérêts des créanciers et des riches, alors que les sacrifices demandés aujourd’hui pour la réduire pèsent pour l’essentiel sur les salariés, les retraités et les usagers des services publics. Cela pose la question de sa légitimité.
Le rapport se conclut par une série de propositions destinées à alléger le fardeau de la dette (près de cinquante milliards d’euros d’intérêts par an et plus de cent milliards de remboursements) pour rompre avec le cercle vicieux des politiques d’austérité et financer les investissements publics dont l’urgence sociale et écologique n’est plus à démontrer.
La réalisation d’un audit de la dette publique effectué par les citoyens ou sous contrôle citoyen, devrait permettre d’ouvrir enfin un véritable débat démocratique sur la dette publique. Ce débat devrait amener à déterminer quelle partie de cette dette est jugée par les citoyens comme illégitime. Les premières évaluations ici proposées par le groupe de travail du Collectif pour un audit citoyen se veulent une contribution à ce débat.