Politique culturelle. Vers un Domaine d’O multipolaire

Carnages de François Cervantes.Photo : Christophe Raynaud

Carnages de François Cervantes. Photo : Christophe Raynaud

Politique Culturelle. A l’occasion de la présentation de la saison d’hiver du Domaine d’O, la question de la gouvernance prend des contours incertains.

Une présentation de saison d’hiver peu ordinaire s’est tenue jeudi au Domaine d’O. Le vice-président du conseil général Jacques Atlan et le directeur par intérim Marc Lugand entourés des directeurs artistiques des festivals d’été : Jérôme Pillement pour les Folies lyriques, Habib Dechraoui pour Arabesques, une collaboratrice de Sabine Maillard pour les Nuits d’O, Jean Varéla pour le Printemps des comédiens et Isabelle Grison pour Saperlipopette, ont écouté religieusement l’équipe du service de communication présenter l’offre culturelle du Domaine d’O jusqu’en avril prochain.

Une situation cocasse dont le plus sûr mérite fut sans nul doute d’entrer dans le vif du sujet : la question de la gouvernance du Domaine après le départ de Christopher Crimes qui cumulait, non sans quelques difficultés, la responsabilité de la direction artistique et celle de l’Epic.

« Il n’y aura pas de directeur artistique », a annoncé Jacques Atlan comme pour couper court aux espoirs de ceux qui attendaient encore une fumée blanche. « Marc Lugand assurera la cohérence et la vision départementale dans la gestion administrative et financière du domaine ». Pour le délégué départemental à la culture, la question de la cohérence artistique ne semble pas se poser. « Nous ne nous contentons pas d’être un guichet. Nous voulons plus de publics et de diversité artistique. Nous avons demandé aux directeurs de festival qui connaissent bien le domaine et le font vivre, de proposer des spectacles. C’est une année de transition. »

Si les différents directeurs de festival affichaient une solidarité de rigueur, la tension et l’inquiétude étaient perceptibles chez les acteurs en charge de faire vivre ce lieu incontournable qui concentre, avec SortieOuest, le budget culturel départemental.

La question du budget artistique n’a pas été abordée avec beaucoup de précisions. « Il sera le même, à 90%… » Faut-il entendre que le nouveau théâtre Jean-Claude Carrière de 600 places assises qui complète l’équipement structurel du domaine depuis deux mois doit enrichir l’offre artistique à fonds constants ?

Il serait regrettable que le développement du Domaine d’O et ses acquis en termes d’accessibilité, de fréquentation, et de qualité de l’offre, se réduisent à un mode de gestion patrimoniale. Par ailleurs, la volonté de « sanctuariser les acteurs » habituels ne peut pas tenir lieu de politique. L’économie d’un poste de directeur artistique, correspond aussi à la suppression d’une fonction qui touche l’identité du lieu. Et tous le monde croise les doigts pour que cette identité demeure à la hauteur des ambitions culturelles affichées.

Jean-Marie Dinh   

Les planches qui chaufferont l’hiver 2013/2014

3© Philippe Grignard

Opéra Rock : Les ailes du désir

Spectacles vivants. Les rendez-vous du Festival d’hiver au Domaine d’O.

En 2014, dix-huit spectacles ponctueront nos fraîches soirées d’hiver 2014. ça commence le 11 janvier avec l’Orchestre national de Barbès pour se clôturer par Idir le 12 avril prochain. La plus grande part de cette programmation a été programmée par l’ancien directeur Christopher Crimes. Ce n’est donc qu’à partir du printemps que vont se dessiner les vrais premiers pas de la programmation multipolaire. Rétrécie par les contraintes budgétaires, la programmation d’hiver passe de trente-six dates à vingt-quatre.

Plus de champagne ni fête du nouvel an dans le domaine départemental cette année mais une série de rendez-vous à ne pas manquer. Le Domaine d’O privilégie l’ouverture à de nouvelles formes de spectacles vivants et les relations dans la durée avec les artistes. Ainsi retrouverons-nous la Cie l’Entreprise de François Cervantes avec Carnages : une fête collective des grands clowns du XXe siècle. Toujours en janvier Thomas Fersen est attendu avec Ginger Accident dans une rencontre qui promet d’être surprenante. On aurait tort de manquer le spectacle de Josse De Pauw  autour de Monk, le 4 février. Nasser Djemai sera lui aussi de retour, après sa création sur les Chibanis en 2011,  avec une pièce réaliste sur la jeunesse : Immortels le 7 février. La clown Emma taquinera la mort, pour en rire, et Mulatu Astatke nous emportera dans les profondeurs de l’Ethio-Jazz le 20 février.

Réservation : n°Vert 0 800 200 165
Source l’Hérault du Jour : 23/11/2013

Voir aussi : Rubrique Politique culturelle, Crise : l’effet domino, Printemps des Comédiens une Orageuse réussite, rubrique Théâtre, rubrique Musique,

Festival 2013. Printemps des Comédiens

 

Les yeux se ferment et s’ouvrent au fil des soirs

et des matins, quand on repense

à cette belle aventure artistique

c’est encore le Printemps

Par Jean-Marie Dinh

 

Edition 2013

 

Tabac Rouge : L’ampleur du spectre créatif

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Le monde de Thiérrée atteint une grande intensité. Photo Richard Haughton

James Thiérrée a choisi de rester aux manettes pour nous emporter dans le monde de Tabac Rouge. Cette pièce tient de la démesure, dans une époque, la nôtre, où rien ne s’ancre. Une heure quarante de mouvements permanents où tout se construit et se déconstruit. On embarque pour une traversée hallucinée vers un cap non défini. On plonge dans un univers expressionniste où les décors entrent dans la chorégraphie en modifiant sans cesse l’espace. Dans les tableaux de cette tempête scénique, les comédiens, pour la plupart danseurs, dégagent une énergie de tonnerre. Le propos s’exprime dans une langue corporelle qui agglutine théâtre, pantomime, cirque, danse, et cinéma (sans projection), autour de l’émotion.

On retrouve le rapport central que l’oeuvre de Thiérrée entretient avec l’humanité. A la différence de Raoul, son spectacle précédent où il évoluait en solo, le sujet s’élargit au groupe et se décline autour du rapport au pouvoir. Denis Lavant excelle dans son interprétation de monarque décadent assez proche d’Ubu. Le groupe de danseuses qui incarne le peuple renvoie au choeur de la tragédie grecque. Il rappelle le maître à ses responsabilités, se soumet à son autorité, se révolte… Avec une grande intensité expressive, Thiérrée traduit le drame contemporain du pouvoir politique perdu en mythe. Cette vision sombre et fantastique de la réalité concerne tout autant le monde de l’art semble glisser  ce grand créateur.

 

Thomas Ostermeier : Les Revenants trop policés

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Thomas Ostermeier joue sur l’ambiguïté. Photo Mario-Del-Curto

Très attendue la mise en scène de Thomas Ostermeier nous laisse un peu sur notre faim. Le directeur artistique de la Schaubühne am Lehniner Platz Berlin, une des grandes maisons du théâtre européen, a la réputation de revisiter les pièces de répertoires pour leur donner une prégnance toute contemporaine. C’est en fin connaisseur de l’oeuvre d’Ibsen sur laquelle il a beaucoup travaillé, qu’il adapte l’histoire de cette famille qui refoule ses démons avant de se retrouver en proie aux fantômes de son passé. Avec ce texte écrit en 1881, le dramaturge norvégien mettait le doigt sur l’hypocrisie de  la morale puritaine.

Dans les deux premiers actes et la première partie du troisième, Ostermeier, nous offre un beau moment de théâtre. La mise en scène est sans accroc, l’idée du plateau qui tourne comme le temps, fonctionne. L’esthétique vidéo, signée Sébastien Dupouey, séduit. On s’amuse même des dialogues un peu surjoués entre la veuve Alving et le pasteur Manders. En parallèle, on pressent un certain malaise, mais on a le sentiment de pouvoir y échapper. Cette superposition de registres nuit à la tension des âmes qui est au coeur du propos de l’auteur. A la fin, le dénouement tragique explose le cadre, nous transportant dans un autre univers, proches des formes Fassbinderiennes. Sacrilèges en série qui méritent à eux seuls le détour.

 

 

 Et tourne la folle décadence

300 el x 500 el x 30 el du Collectif FC Bergman
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Une heure d’obsessions proche de la performance. Photo Dr

 Entre Macbeth et Les Idiots de Lars von Triers, Le Collectif FC Bergman d’Anvers, frappe le public avec 300 el x 500 el  x30 el. Un petit déluge, une vision européenne de l’univers lynchien, une mise en abîme de notre affligeante sphère privée… Le dispositif scénique, voire filmique, pose l’action dans un petit village, à la lisière d’une forêt vivante. Au centre, un pêcheur déprimé se morfond devant la mare d’où il entend sortir la prise du siècle. Derrière lui, dans les cabanes, la vie bat son plein. Un travelling circulaire révèle aux spectateurs l’ordinaire intime des villageois qui oscille entre jeux sadiques, boulimie, domination, sexe, guerre, amour puni et rédemption. «Mais de quoi ça parle ? » interrogent deux spectatrices d’un certain âge déstabilisées par les scènes de sexes non simulées.  Il faudra qu’elles finissent leur plaquette de cachetons pour profiter de la catharsis. La troupe flamande joue la carte du réalisme absurde en ouvrant extra large sur la bêtise intime. A chaque passage de la caméra, les comédiens repoussent la provocation plus loin. Un regard inspiré qui n’hésite pas à déstabiliser, pour évoquer l’emprisonnement collectif des individus. En guise de happy-end, le comportement pathologique et sectaire sert de bouée commune dans une célébration mortifère. On adore, on déteste, mais tout le monde en parle en sortant.

 

 Voir aussi : Rubrique Festival, Entretien avec Jean Varela, Entretien avec James Thiérrée, Le Printemps des Comédiens, rubrique Théâtre, On line Le site du festival

Entretien avec Jean Varela directeur du Printemps des Comédiens

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Face aux mutations contemporaines, Jean Varela, le directeur du Printemps des comédiens, qui se tient jusqu’au 30 juin au Domaine d’O à Montpellier, évoque les défis de la politique culturelle publique.

Acteur, directeur de SortieOuest à Béziers et du festival du Printemps des Comédiens à Montpellier, Jean Varela figure aujourd’hui parmi les derniers mohicans. Dans la lignée de Jean Vilar et Gabriel Monnet c’est un acteur convaincu de la décentralisation culturelle et un fédérateur de talents artistiques, qui donne sens à la politique culturelle publique.

Cette troisième saison avec laquelle vous faite l’unanimité vous porte dans un quasi état de grâce. Quels étaient les ingrédients de base de votre programmation??

L’état de grâce, comme vous y allez… J’aime faire la cuisine, mais je n’ai pas vraiment d’ingrédient de base pour travailler la programmation. Je réponds cependant à certaines exigences, qui tournent autour du partage. La programmation est une alchimie particulière. On s’emploie à rassembler des artistes. Après on construit en regardant dans le même temps ce qui émerge. Il y a des renvois, comme par exemple entre les spectacles Kiss and Cry et Nobody, qui proposent chacun à leur manière, des images de cinéma en temps réel. Il s’est également dégagé un fil rouge autour du théâtre allemand avec Les revenants de Thomas Ostermeier, que je voulais faire venir depuis longtemps, le Woyzeck de Marie Lamachère, et le Richard II du Berliner Ensemble.

Le rôle de directeur artistique vous invite à répondre aux enjeux variés de la programmation artistique parmi lesquels l’hybridation des formes. Comment situez-vous l’art proprement théâtral dans cette profusion ?

Je me réfère à l’émotion. Pour présenter Kiss and Cry j’ai inventé une histoire un peu épique qui raconte une visite dans un grenier… Mais la sensualité du spectacle ; ce ne sont que des doigts qui bougent. Si on se réfère à la représentation habituelle du corps dans la pratique théâtrale, au premier abord, on peut éprouver un sentiment lié à l’absence corporelle, alors qu’en réalité, les artistes sont complètement dans leur corps. De la même façon, dans la pièce 300 El X 50 el X 30 EL de F.-C. Bergman, il n’y a pas de texte, mais le procédé narratif, proche du synopsis, nous emporte sans que nous quittions l’art de la représentation dramatique. On a beaucoup dit que le théâtre était en perte de vitesse ces dernières années. J’ai l’impression qu’il envahit d’autres formes d’expression comme la chanson, le cirque, la danse…, un peu comme l’olivier mort qui repart après le gel. Mais qu’est-ce que le théâtre ?

Face à la mutation profonde qui lamine les couches les plus fragiles de notre société et pèse fortement sur les classes moyennes, le spectacle vous paraît-il un moyen d’évasion ?

Je ne considère pas que le spectacle soit un moyen d’évasion dans le sens : offrir une récréation ou un divertissement. Pour moi, c’est un moyen d’édification. J’essaie de faire en sorte que notre action participe à la constitution des individus. Je pense que notre travail devrait se situer au commencement des politiques publiques pour contribuer à la découverte de la part sensible de chaque individu. En s’y prenant très tôt, dès le plus jeune âge, je suis convaincu que nous construirions une société différente, où les uns et les autres seraient plus forts que la crise économique. J’aimerais mesurer notre productivité en terme de bien-être. Envisager les choses ainsi suppose un travail sur le long terme. On a besoin d’un temps long.

Reste qu’aujourd’hui les vertus de la culture semblent loin de prendre le dessus sur les effets immédiats de l’orthodoxie économique. Une partie croissante de la population ne peut plus accéder au spectacle, tandis que le public habituel réduit ses sorties…

On observe concrètement dans notre environnement quotidien le problème du pouvoir d’achat. Les difficultés économiques imposent des choix aux gens qui se demandent : Où vais-je mettre mon argent disponible ? Le Domaine d’O peut procurer un bonheur immédiat avec une programmation qui nous ramène à l’intime, au partage, mais encore faut-il pouvoir le saisir. C’est pour cela que nous avons mis en place un tarif à 8 euros pour les jeunes de moins 25 ans.

Quels choix faites-vous par rapport aux conditions préoccupantes de création et de diffusion ?

Le Printemps est un festival où tous les artistes sont payés. En matière de création, nous affirmons la volonté que le festival redevienne une référence qui entraîne le désir d’autres grandes maisons de théâtre. Nous accueillons cette année beaucoup de programmateurs et de directeurs importants. C’est un travail de retissage pour faire en sorte que les spectacles qui naissent ici, aient une vie en région et hors région.

Que vous inspire la confrontation entre ce qui fonde aujourd’hui les valeurs politiques et culturelles, et notamment la situation alarmante de la culture à Montpellier ?

Je suis très inquiet de cette situation pour les structures. Cela me conforte dans les sentiments que j’ai toujours exprimés en disant : soyez conscients que nos outils qui paraissent immuables sont d’une fragilité extrême. Ils n’existent que par la volonté politique. Cette volonté est grande quand elle porte des projets. On ne doit pas toucher à ça. Il ne faut ni considérer la culture comme un élément d’adaptation budgétaire, ni s’en servir comme un élément de promotion personnelle. Moi je continue à avoir confiance en la chose publique, et j’ai la chance ici, d’avoir avec elle une relation exceptionnellement heureuse. Grâce à l’argent public, je m’efforce de diffuser des valeurs d’ouverture sur le monde dans lequel nous vivons. J’essaie de démontrer qu’à partir du moment où l’on donne les clés, on peut porter les gens très loin.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Festival, rubrique Rencontre, Entretien avec James Thiérrée,

Politique culture 34 : Le maintien des grands axes

Culture. Le Conseil général entend la faire survivre à la récession. Il ancre son action autour de la cohésion sociale et la diversification des publics.

Le budget global 2011 du Département consacré à la culture s’élève à 13,1 M d’euros. En dépit des difficultés budgétaires,  le Conseil général maintient sa volonté de « faire de la Culture un outil de cohésion sociale. » Son président André Vezinhet s’est fait hier le rapporteur principal de la commission en l’absence de son vice-président Jacques Atlan grippé.

« La Culture ce n’est pas le PIB mais le PBB, le produit du bonheur brut que la culture est capable d’apporter à la population. C’est aussi, un outil pour l’équité territoriale », a indiqué André Vezinhet. Il s’est voulu rassurant en rappelant que la nomination précipitée de Jean Varéla à la direction du Printemps des Comédiens après le départ négocié de Daniel Bedos, ne priverait pas l’Ouest Héraultais de cet acteur. Déjà en charge de SortieOuest sur le domaine de Bayssan, celui-ci se retrouve à la tête de deux superstructures.

L’autre objectif poursuivi par la collectivité concerne l’élargissement et la diversification des publics. Ce à quoi s’emploie notamment Christopher Crimes le directeur  du Domaine d’O, qui interroge de façon nouvelle le concept du développement durable. L’espace culturel montpelliérain du Conseil général maintient la richesse  de son offre thématique  en matière de spectacle vivant avec Arabesques autour des arts arabes, dont la montée en puissance aurait contribué à des propositions de la mairie de Montpellier et de la Région.

Le festival Folies Lyriques et Les Nuits d’O, manifestations qui allient l’art et la convivialité initiées par l’ADDM sont également maintenues comme Saperlipopette.  Il semble que la popularité de ce festival dédié au jeune public qui s’est trouvé menacé  après le retrait du Centre dramatique national, ait joué en sa faveur.  De nouvelles négociations pourraient s’ouvrir avec le CDN, a laissé entendre André Vézinhet.

Dans l’ensemble, le financement des grands axes de la politique culturelle départementale sont reconduits. Le budget 2011 a cependant nécessité des redéploiements dont les effets ne sont pas encore visibles. Pour poursuivre ses ambitieux objectifs, le Conseil général entend notamment réduire ou supprimer des subventions aux établissements culturels situés dans l’agglomération de Montpellier. Le résultat d’un bras de fer, plus politique que culturel, entre Gorges Frêche et le Président du département, pourrait impacter le soutien au  Festival de Radio France et celui à Montpellier Danse. Mais l’élection du Conseiller général de Pignan, Jean-Pierre Moure, à la présidence de l’Agglo de Montpellier ouvre la possibilité d’un réchauffement climatique.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Politique culturelle, Crise : l’effet domino, Printemps des Comédiens une Orageuse réussite rubrique Politique locale

Connaisseurs en la chose

Les mots pour dire la chose

Les mots pour dire la chose. Photo Marie Clauzade

Au Printemps des Comédiens, on a entendu. « Les mots et la chose »: un voyage à travers le vocabulaire érotique de la langue française avec Elodie Buisson et Jean Varela.

Le café de la diversité portait particulièrement bien son nom vendredi et samedi dernier à l’occasion du spectacle Les mots et la chose. Car de diversité il fut question à propos des mots qui s’offrent à nous pour dire la chose. Le texte de Jean-Claude Carrière adapté par Daniel Bedos, fait écho à celui du galant abbé Gabriel-Charles de Lattraignant connu pour avoir pris son sacerdoce avec une certaine désinvolture. A n’en pas douter, cet homme défraierait aujourd’hui les chroniques.

De quoi inspirer Jean-Claude Carrière qui en tira une nouvelle avant de l’adapter au théâtre dans une version qui fait l’éloge du beau vocabulaire ! Il s’agit d’une correspondance qui vient au secours d’une jeune comédienne contrainte par la cruauté des temps à faire du doublage de films pornographiques. La pauvre femme qui n’en perd pas pour autant son esprit, se désespère de la pauvreté que l’on met à sa disposition. Elle s’en ouvre donc à un érudit afin que celui-ci enrichisse quelque peu son lexique. Ce qu’il fait avec grand plaisir.

Débute un voyage aux quatre coins du vocabulaire érotique qui nous fait découvrir que rien n’est plus utile que de savoir parler de ce qui ne se dit pas. Paroles succulentes, dit par le directeur de Sortie Ouest, Jean Varela dont la maîtrise du texte et la diction s’avèrent parfaitement adaptées à un exercice scénique assez difficile. On mesure également tout le talent de la comédienne Elodie Buisson qui lui donne la réplique. La complicité est au rendez-vous, le duo fonctionne à merveille. La présence et la qualité du public confirment le succès d’un spectacle parfaitement huilé. « N’ayons pas peur des mots, même quand ils nous parlent de la chose « , indique l’auteur dans la présentation. Les secrets de langue française seraient donc impénétrables !

Jean-marie Dinh