Chapiteaux du livre. Un micro climat culturel à Béziers ?

Bayssan Hogo Da Costa

 par JMDH

Avec la vitalité de sa médiathèque, et son usine à produire de l’imaginaire, baptisé SortieOuest comme pour rappeler qu’il ne faut pas se tromper lorsqu’on sort de l’autoroute, le Domaine départemental d’art et de culture de Bayssan est souvent qualifié de poumon culturel au coeur d’un désert. Une enclave sur le territoire des Tartares. Chaque année les Chapiteaux du livre sonnent le rappel des penseurs qui n’ont pas vendu leur âme au pragmatisme qui les éloigne de l’utilité publique et sociale.

Après Pierre Rabhi,  Benjamin Stora,  Jacques Généreux, Patrick Boucheron et bien d’autres, Raphaël Glucksmann, Frederic Worms, Fatou Diome, Henri Pena-Ruiz sont attendus pour cette dixième édition.

On pourra encore déplorer la misère de ce territoire en regard de son âge d’or, du midi rouge de la coopération viticole, s’imaginer croiser le fantôme grimaçant de Jaurès au détour d’un chemin de vigne entre Cazouls et Maraussan. Mais curieusement, on n’a guère prêté attention au fait que, par un étrange phénomène de vases communicants, ce qui disparaissait d’un côté réapparaissait de l’autre.

Au-delà de la richesse de la programmation de cette édition fourmillante de diversité, et des pactes de lecture que nous conclurons avec les auteurs en présence, Emmanuelle Pagano, Joël Baqué, Jean Cagnard, Natyot, Laura Brignon, Franck Bouysse, Sylvain Pattieu… pour ne citer qu’eux, les aspirations au changement, à la rencontre, à la convivialité insufflée par les équipes issues de culture professionnelles différentes trouvent des réponses très concrètes auprès d’un public qui provient de tout le territoire.

Depuis dix ans les Chapiteaux du livre réinventent la réalité, s’autorisent à créer des histoires en ajoutant au réel l’invérifiable et l’imaginaire. Voilà un souffle bien réjouissant dont s’emparent les gens qui vivent alentour toujours plus nombreux.

La Marseillaise qui s’y associe est heureuse de partager ces temps de réflexion et d’émotion avec les petits et les grands moments, les tristesses en solitaire et les allégresses collectives.

Entretien
En charge de la programmation des Chapiteaux du livre de Béziers, la co-fondatrice de l’événement Hélène Larose  évoque la singularité de cette manifestation,  grande fête du livre pensée dans un esprit participatif.

imagesLa dixième édition des Chapiteaux du livre s’ouvre aujourd’hui. Quelle a été la démarche qui a présidé à leur acte de naissance ?
La médiathèque départementale de l’Hérault dont j’assume la direction existe depuis 1986.  Lorsque SortieOuest s’est implanté il y a onze ans, son directeur Jean Varela est venu me voir.  Il avait dans l’idée d’organiser une fête du livre. Nous avons réfléchi à ce que nous pouvions faire ensemble pour associer nos énergies dans un esprit d’ouverture. C’est ainsi que les Chapiteaux sont nés.

Cette association de la médiathèque et du théâtre avec le livre comme vecteur commun, c’est un peu la rencontre de deux mondes ?
En effet, il y a d’un côté le monde du spectacle vivant et des arts de la scène avec une forme d’impermanence qui lui est spécifique et de l’autre, celui, d’apparence plus sage, des bibliothèques et des médiathèques, lié à l’étude et à la lecture qui sous tend une certaine permanence.

La tenue d’une manifestation de ce type demande beaucoup de travail de la part des bibliothécaires qui sont très impliqués, comme l’est du reste l’équipe de SortieOuest. Les Chapiteaux du livre nous permettent  de nous retrouver. Cela donne du sens et de la valeur ajoutée à notre mission de service public.

L’identité de la manifestation se caractérise par la place qu’elle réserve à l’accueil des publics…
La volonté  d’organiser un événement littéraire de qualité  se conjugue depuis le début avec cette préoccupation du public. Dans mon expérience professionnelle antérieure, j’ai souvent accompagné des scolaires au Salon du livre de Paris. J’en ai gardé une forme d’insatisfaction, avec un peu le sentiment de faire du lèche-vitrine. Ce pourquoi, j’ai souhaité dès le début des Chapiteaux, insuffler un esprit participatif qui se décline dans le parc par une multitude d’ateliers. Cette année nous avons 32 propositions, mais aussi  des découvertes, des expos, des propositions ludiques…

Durant l’événement, le parc rassemble les familles, certaines ne s’intéressent pas aux propositions. Elle viennent juste manger, partager un moment ensemble, et c’est très bien ainsi.

Cette énergie participative se partage aussi avec les acteurs institutionnels, de la société civile et ceux du livre…
Nous débutons généralement la manifestation avec l’accueil des scolaires, jeudi sera une journée spéciale consacrée à la littérature jeunesse. Ce qui suppose l’implication des enseignants mais les publics nous allons les chercher en bus de Saint Pons à Olonzac. Ce qui nous permet de faire venir près d’un millier de scolaires. En partenariat avec les personnels des services sociaux du département, nous concernons aussi les personnes âgées ou hospitalisées.

Et puis nous maintenons  des relations suivies avec le tissu associatif local, comme les CEMEA avec qui nous proposons des films présentés dans le cadre du Festival du Film d’éducation. Au-delà  des auteurs invités, nous souhaitons faire connaître les acteurs du livre de la région, libraires, éditeurs… Cette année nous ferons un focus autour du livre d’art. Une journée professionnelle sera organisée autour des éditions Albin Michel et plus particulièrement son département jeunesse.

Les livres permettent la réflexion, l’orientation du cycle des conférences vers la tolérance s’impose-t-elle ici plus qu’ailleurs ?
La tolérance est nécessaire partout. L’événement s’est constitué, avant l’élection du maire actuel de Béziers, sur l’éloge de la diversité et le vivre-ensemble qui s’avère de plus en plus nécessaire. On est un peu enclavé mais on a envie de mélanges. On ne veut pas rester dans un village gaulois.

 

Pépites errantes aux côtés des auteurs attendus

Emmanuelle Pagano se penche sur la vie recouverte par le lac du Salagou. Photo dr

Emmanuelle Pagano se penche sur la vie recouverte par le lac du Salagou. Photo dr

Rencontres auteurs

Au-delà du rituel d’autoflagellation bien français qui consiste à mépriser systématiquement la production nationale les Chapiteaux opèrent une chasse furtive et pacifique parmi les auteurs à découvrir.

« Ce sont les paroles les plus silencieuses qui apportent la tempête », disait Nietzsche, celles des auteurs, on pourra les entendre tout le week-end en se rendant à Béziers, aux Chapiteaux du livre. La place manque pour l’exhaustivité. On vous signale quand même la présence d’Emmanuelle Pagano, prix Wepler pour Les mains gamines, un drame de l’enfance paru en 2008.  Elle vient évoquer son dernier roman, Sauf riverains (POL 2017) second volet  d’une trilogie interrogeant la relation de l’eau et de l’homme. Dans ce livre elle aborde l’ennoyage de la vallée du Salagou. Son grand père y possédait deux petites vignes qu’elle n’a jamais vues que sur une photographie. L’œuvre de Pagano s’intéresse à ce qui disparaît ou va disparaître. Un auteur dont il faut découvrir la langue magnifique et implacable qui n’a pas son pareil pour décrire l’enfouissement.

Elle participera à une table ronde samedi à 17h en compagnie de Joël Baqué également publié chez POL. Son dernier livre La mer c’est rien du tout, (2016)  se situe entre la biographie et l’univers romanesque. Il décrit sa découverte de la littérature à partir d’un livre trouvé sur la plage où il travaillait comme maître-nageur-sauveteur des CRS. Ses souvenirs professionnels, parfois durs, souvent insolites, côtoient des constats, tendres et amusés, sur les enfants et sur nombre de situations du quotidien. Dans le registre noir

Franck Bouysse, Prix du polar SNCF 2017, pour Grossir le ciel abordera son roman Glaise (samedi à 18h) qui vient de paraître à La manufacture des livres. Un poignant récit de la France rurale qui prend l’intime pour objet au moment où les hommes partent au front en août 1914.

 

Conférence.  Henri Pena-Ruiz :  Qu’est ce que la solidarité ?

201501232489-fullHenri Pena-Ruiz était déjà venu aux Chapiteaux du livre en 2014 pour évoquer la laïcité à l’occasion de la sortie de son Dictionnaire amoureux de la laïcité. Il revient cette année mettre en évidence les fondements de la solidarité comme principe éthique de portée politique et sociale. Une question abordée dans son ouvrage Qu’est ce que la solidarité ? Le cœur qui pense (2011) où l’auteur fait le point sur toutes les formes de solidarité et les met en perspective dans la marche vers un monde meilleur. L’enjeu de ce rappel est d’autant plus important que dans le cadre de la mondialisation et de l’idéologie ultralibérale qui l’accompagne, l’orientation solidariste est reléguée au rang d’un supplément d’âme plus ou moins résiduel, abandonné à la contingence de la charité. Il prend aux mots les références à l’initiative individuelle, au goût du risque et de l’entreprise, pour montrer que pour assumer ces valeurs il n’est pas nécessaire de disqualifier le souci de justice sociale, ou de le considérer comme une logique d’assistanat comme trop souvent on peut l’entendre.

 Henri Pena-Ruiz est philosophe, écrivain, Docteur en philosophie, maître de conférences à l’IEP de Paris.

 

Conférence
Raphaël Glucksmann une certaine fraîcheur
6gSnHws__400x400Dans le cycle de conférences proposé par la manifestation, la forme que prennent les interventions varie selon la reconnaissance plus ou moins établie des intervenants mais aussi de leur caractère. L’intervention de Henri Peña-Ruiz qui fait suite au désistement de Badiou devrait en être un exemple. Après celle de Raphaël Glucksmann venu nous parler de son dernier essai Notre France : dire et aimer ce que nous sommes (Allary éditions) on peine un peu à qualifier le poids des mots dans le propos séduisant et très incarné du militant des droits de l’homme, partisan d’une gauche moderne et ouverte.

La démarche vise à démontrer l’incapacité du politique à produire un futur collectif et le danger que chacun mesure, surtout à Béziers laisse entendre l’intervenant, du repli identitaire et souverainiste. Pourtant lorsque l’on regarde dans le rétroviseur tout démontre une longue tradition de mélange et de tolérance qui fondent les valeurs démocratiques universelles de la nation.

Cette vérité sert de prétexte à une promenade subjective dans l’Histoire de France dans laquelle nous entraîne l’auteur. Du Roman de Renart aux résistants de la Seconde Guerre mondiale en passant par les grandes figures rebelles et émancipatrices qui marquent l’histoire littéraire, Rabelais, Montaigne, Voltaire… auxquels s’ajoutent quelques figures héroïques : Figaro, Camille Desmoulins, ou Fanfan la Tulipe…

L’idée est belle et le constat flatteur, il vise à rallier le plus de monde possible pour faire toucher du doigt la vraie France dont nous serions tous fiers, même ceux qui votent FN. En réalité « la France ressemble à la figure d’Andromaque ». Et l’ordre social dirigé par l’ordre amoureux, c’est pour quand ?

Raphaël Glucksmann explore les figures ou les œuvres qui ont forgé l’identité française

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Livre, Essais, Edition, rubrique Lecture, Rubrique Rencontre, F Worms : « La démocratie fait émerger des problèmes à résoudre »  rubrique Philosophie,

Frédéric Worms : « La démocratie fait émerger des problèmes à résoudre »

Frédéric Worms : « L’esprit a besoin de confiance pour pénétrer la démocratie et la faire vivre »

Frédéric Worms : « L’esprit a besoin de confiance pour pénétrer la démocratie et la faire vivre »

Invité des Chapiteaux du livre de Béziers, le philosophe Frédéric Worms donne ce soir au Théâtre sortieOuest, une conférence sur le thème « Les maladies chroniques de la démocratie ».

Frédéric Worms est philosophe, professeur de philosophie contemporaine, membre du Comité consultatif national d’éthique et depuis septembre 2015, directeur-adjoint de l’École normale supérieure. Frédéric Worms s’intéresse à l’histoire de la philosophie. Il est considéré comme un spécialiste de l’œuvre de Bergson.

Dans votre dernier ouvrage*, vous vous portez au chevet de la démocratie en crise pour poser un diagnostic. Pourquoi avoir user des termes de maladie chronique à propos de la démocratie ?
Pour deux raisons : la thèse de maladie chronique permet de la distinguer de la maladie aiguë. Elle soutient  que les problèmes de la démocratie sont structurels à la démocratie elle-même. La crise correspond à une inflation de problèmes structurels qui  doivent être contenus. Il nous incombe de les conjurer, de les affronter pour qu’ils ne débordent pas du cadre. Par ailleurs, l’usage du mot maladie, implique que la démocratie peut être plus ou moins en bonne santé et qu’elle fait partie de la vie.

Votre approche s’applique-t-elle  à la crise de manière globale ?  Relève-t-on par exemple, les mêmes symptômes de Rangoun à Damas ou de la Floride à la Meuse ?
Non, on distingue des seuils. Aucun pays n’est une démocratie parfaite. La France remplit un certain nombre de critères qui restent inexistants dans d’autres pays.

Vous soulignez l’état d’une partie grandissante de l’opinion qui pense que la démocratie est terminée, pour avoir gagné un statut incontournable ou parce qu’elle est perdue. Ce qui dans les deux cas revient à éluder les questions…
Exactement, ce sont deux erreurs qui se nourrissent l’une l’autre, la démocratie ce n’est justement pas tout ou rien. Ce raisonnement peut conduire à faire la guerre au nom de la démocratie. Je me prononce plutôt en faveur des tribunaux internationaux,  que pour les interventions militaires. Parce que la guerre contribue à renverser tous les principes moraux et politiques de la démocratie. Aucune démocratie n’est complète, elle doit toujours être pensée, programmée. La démocratie fait émerger des problèmes à résoudre, elle n’a pas vocation à les faire disparaître.

Votre démarche ne se limite pas au mode de gouvernance cependant, peut-on considérer que le régime politique français est tempéré d’une part de monarchie voire d’aristocratie  ?
Je ne le pense pas. Ceux qui évoquent une monarchie constitutionnelle, liée au présidentialisme font planer l’idée que nous ne serions plus dans une République, hors, c’est faux ! Cette posture présente le risque de leurrer les citoyens. C’est une forme rhétorique permettant d’exporter les principes pour finalement abandonner la défense de ces principes. Cela n’empêche pas pour autant de critiquer la 5e République mais il faut formuler des critiques avec des exigences précises. Le  système français n’est pas parfait mais il permet de peser sur le gouvernement.

Dans votre interprétation de la crise, vous soulevez la convergence de trois dangers que sont le soupçon, le racisme et l’ultralibéralisme. En quoi le cynisme contemporain repose-t il sur un déni de démocratie ?
L’esprit a besoin d’une confiance pour pénétrer la démocratie et la faire vivre. Lorsqu’on vous dit : on vous ment  ou tous pourris, on sape cette confiance.  Si certains médecins acceptent les cadeaux des laboratoires, cela ne signifie pas  que tous les médecins sont corrompus. On a le droit de critiquer mais on ne doit pas saper la démocratie au nom de la démocratie. Tout citoyen se conforme à des principes, le peuple n’a pas tous les droits. La démocratie appelle aussi à une auto-limitation.

Le racisme vous apparaît comme une maladie de la représentation de soi-même ?
Le racisme, c’est l’illusion de penser qu’il y a eux et nous. Le racisme, c’est une idée de l’autre mais aussi de soi-même qui sous-tend que nous n’avons pas de problème. C’est un piège. Un peuple fort et démocratique assume cette discussion. Il se reconnaît par ses institutions et reconnaît les différences.

Bergson définit les principes moraux comme une nécessité pour la société de régler la liberté humaine. N’est-ce pas tout le contraire que prône aujourd’hui l’Occident ultra libéral sous couvert d’assurer notre sécurité  ?
Même les libertés peuvent devenir des idéologies si on ne voit pas qu’il faut les construire à travers les institutions. L’erreur du libéralisme est d’avoir opposé la liberté à la loi. La liberté c’est bien, mais il faut apprendre que l’on a besoin des autres. Pour les bébés ou les vieillards, c’est une évidence. Les catastrophes qui sont terribles nous le rappellent parfois.

Face à la convergence des dangers, vous prônez la résistance, sous quelle forme de lutte ?
Dans un pays comme la France, des luttes peuvent s’organiser dans le cadre des institutions, de l’université, de la presse …  Nous vivons dans une démocratie mûre, épanouie et solide qui dispose de cadre pour sa propre critique. Nous avons les moyens de lutter sans se cacher, sans avoir peur.

Pour reprendre la question d’Adorno : peut-on mener une vie bonne dans une société mauvaise ?
C’est la vraie question philosophique. J’espère que oui. Cette vie bonne peut être heureuse, mais il faut être critique. Les gens qui critiquent la démocratie sont des gens heureux. Et ce sont souvent  ceux qui sont heureux qui font progresser les choses.

Ce travail intérieur aux relations humaines vous situe dans un esprit rousseauiste, comme votre présence au sein du Comité national d’éthique. Quels sont les dossiers importants qui arrivent sur la table ?
Le dossier de la PMA, et ceux liés aux nouveaux progrès scientifiques dans le domaine  de la biomédecine, du génome, ou encore de l’intelligence artificielle, de la nouvelle médecine connectée. Dans dix ans la médecine sera transformée. Nous serons soignés à distance avec nos téléphones. Comment cela restera-t-il éthique  ? Comment cela restera-t-il  un soin  ? Comment avoir le sentiment d’être soigné par quelqu’un  dans ce cadre ? Que fera-t-on des données médicales fournies ?  Tout cela pose des problèmes relatifs à la démocratie…

« La convergence n’est pas à inventer puisqu’elle nous fait déjà vivre et avancer », votre conclusion porte à l’espérance. Est-ce un appel à l’introspection  ?
C’est un appel à l’endurance lucide, regarder ce qui nous fait vivre, nous permet de comprendre…

Réalisé par Jean-Marie Dinh

*Les maladies chroniques de la Démocratie, éditions Desclée de Brouwer, 18,90 euros.

Source La Marseillaise.23/09/2017

Voir aussi : Rubrique RencontreJean- Claude Milner, rubrique Philosophie, rubrique Livre, Essais,

 

 

 

Kléber Mequida : « Nous maintenons l’orientation et le budget culturel en 2017 »

Kléber Mesquida : "«?Nous reconduirons l’actuel directeur de sortieOuest dans ses fonctions dans le cadre de l’Epic Hérault Culture?»

Kléber Mesquida : « « Nous reconduirons l’actuel directeur de sortieOuest dans ses fonctions dans le cadre de l’Epic Hérault Culture »

Le président du Conseil départemental de l’Hérault Kléber Mesquida (PS) revient sur le volet culture du transfert de compétences entre le Département et la Métropole de Montpellier ainsi que sur les incidences de l’accord qui devrait être scellé jeudi 8 décembre lors de la dernière rencontre à la Chambre régionale des comptes.

 

Les négociations difficiles que vous avez entreprises avec Philippe Saurel autour de la compétence culturelle sont à l’origine de profondes inquiétudes notamment autour de l’avenir de sortieOuest. Pouvez-vous éclaircir la situation ?

Je constate une certaine agitation dont le dessein m’apparaît assez politique. J’ai répondu par courrier au Collectif des spectateurs de sortieOuest pour leur préciser l’attachement que le Conseil départemental porte à la culture. Il n’est pas question d’abandonner sortieOuest. J’en veux pour preuve le budget constant pour 2017 que nous maintenons sur la base de 2016 ; soit 810 000 euros. Cela dans un contexte, c’est important de le préciser, où le Département de l’Hérault se doit de réduire son budget de 54 millions d’euros en 2017. Le budget culturel global est maintenu autour de 12 M.

L’association sortieOuest sera-t-elle dissoute ?

Oui, l’association laissera place à l’EPIC Hérault Culture dans lequel s’intégreront les activités culturelles du Domaine de Bayssan, et probablement d’autres structures ayant la même vocation comme la Cigalière à Sérignan…

Que va-t-il advenir du personnel de l’association ?

L’EPIC Hérault Culture, permet la gestion d’une activité de service public de nature industrielle et commerciale. Il intégrera tous les personnels qui dépendront de la comptabilité publique. Ce type d’établissement ne permet pas les déficits.

Cela pourrait avoir pour conséquence de faire perdre à sortieOuest son label de scène conventionnée attribué par l’Etat à un projet spécifique ?

Dans le cadre des négociations nous sommes également en contact avec l’Etat et la Région Occitanie qui pourraient renforcer leur participation notamment financière.

Cela ne présume pas nécessairement de la reconduite du projet mené actuellement ?

Il n’y a aucune raison de modifier ce projet qui répond bien à la politique culturelle conduite par le département et garantit un service public de la culture sur le territoire. Nous avons l’intention de reconduire les fonctions de l’actuel directeur dans le cadre de la nouvelle structure.

Concernant les programmations de saisons du Domaine d’O à Montpellier, que va-t-il se passer ?

A défaut d’accord, la Métropole de Montpellier devrait hériter de la compétence culturelle sur le haut du Domaine. C’est-à-dire du Théâtre Jean-Claude Carrière et de l’Amphithéâtre d’O.

Quid du Théâtre d’O ?

La salle du Théâtre D’O deviendra une salle de réunion et de réception ce qui constitue déjà une partie de sa vocation.

Quel avenir pour les festivals ?

Nous avons proposé à la Métropole de conserver trois mois de programmation pour assurer leur pérennité, la négociation n’est pas totalement terminée.

Là encore que devient le personnel ?

Dans le cadre du transfert de compétences le personnel sera affecté à des tâches équivalentes. Nous allons lancer un appel au volontariat et nous nous tiendrons à l’écoute en prenant en compte les critères d’ancienneté, la situation familiale… Nous mettrons en application le droit du travail.

Le travail de communication n’a-t-il pas fait défaut justement, pour accompagner les changements ?

C’est possible. Cela a sans doute favorisé les crispations.

Il semble que le transfert concernera 8 compétences. Les agents concernés dans le secteur social craignent un recul de la qualité du service rendu…

Dans un premier temps il peut y avoir un manque de visibilité pour savoir à quel guichet s’adresser mais l’usager bénéficiera des mêmes services et la gestion de l’APA (NDLR Allocation personnalisée d’autonomie) demeurera dans sa totalité départementale.

Recueilli par J-M Dinh

Source : La Marseillaise 06/12/2016

Voir aussi : Rubrique Politique, Politique culturelleDernière saison d’hiver au Domaine d’O ?, Politique Locale, rubrique ThéâtresortieOuest un théâtre de toile et d’étoiles reconnu et défendu, Dossier. Théâtre en péril, fin d’un modèle à Montpellier et dans l’Hérault, SortieOuest archives, Rubrique Rencontre, Béziers, le débat déconstruit la mystification,  rubrique Montpellier,

 

Hommage d’Oppel aux mœurs noires

Romancier polarisé,  Barbu,  lunettes,  motard, pas marchand.  photo David Delaporte

Romancier polarisé, Barbu, lunettes, motard, pas marchand. photo David Delaporte

Auteur
Jean-Hugues Oppel, talentueux et inspiré auteur de roman noir franco-suisse, ne roule pas en Ferrari mais il vit de ses écrits.  Il campe aux Chapiteaux du livres et sera à la table consacrée aux polars pour trinquer aux 30 ans de Rivages/Noir.

« Écrire c’est un métier honorable et passionnant », dit Jean-Huggues Oppel, qui fait partie des rares auteurs français figurant au catalogue Rivages/Noir aux côtés de types comme Westlake, Thompson, Hillerman ou Ellroy. « C’était en 1994, j’avais quelques idées, je suis allé pousser la porte de François Guerif, on a accroché

Le fondateur de la collection dénicheur de talents devenus des incontournables dans le monde du noir, est très axé sur les Américains, mais il est aussi connu pour suivre ses auteurs dans la durée. Avec Brocéliande sur Marne, Oppel obtient le Prix Mystère de la Critique en 1995. Le style rythmé et les angles d’attaque de l’auteur s’aiguisent et les bouquins s’enchaînent. « En tant qu’auteur, j’ai passé les plus belles années de ma vie dans cette maison. »

Rivages/Noir est, entre autres, célèbre pour la qualité des traductions mais Oppel comme beaucoup de romanciers français n’a pas eu la veine d’être traduit. « Le problème avec les Américains c’est qu’ils ont tout ce qu’il faut chez eux et ne s’intéressent pas à autre chose. Les Italiens et les Espagnols n’ont plus de fric. Et pour les Anglais c’est dur si l’action ne se passe pas en Dordogne. »

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Autre passion commune avec Guerif, Oppel est un fan de ciné. Il a été assistant opérateur de Polansky et de Tavernier. « Avec François, qui en connaît un rayon, on fait des paris stupides, que je perds souvent mais pas toujours. »

L’auteur touche à tout aime écrire pour la jeunesse, deux ouvrages sont à paraître chez Syros. Il est aussi auteur de BD : à découvrir l’album Carton blême avec  les dessins Boris Beuzelin (Rivages- Casterman-noir).

Son prochain roman adulte évoquera la spéculation. Un point vue sur la santé du roman noir ? « Quand ça va mal ca va très bien pour nous. Hélas, hélas…»

JMDH

Source : La Marseillaise 22/09/2016

Voir aussi : Rubrique Livre, Mark Haskell Smith maître de la satire loufoque, Céline Minard Faillir être flingué , Rubrique Roman noir, rubrique Rencontre, Bernard Tavernier, Chez Rivages, David Peace, James Ellroy, William Bayer,

La brebis galeuse. La voix ouverte de l’innocence

Christian Mazzuchini sur une corde juste sensible et drôle. Photo  Marie Clauzade

Christian Mazzuchini sur une corde juste sensible et drôle. Photo Marie Clauzade

SortieOuest. La brebis galeuse de Celestini mis en scène par Dag Jeanneret.

Associée à SortieOuest, la Cie In situ vient de présenter  La brebis galeuse en sortie de chantier d’Ascanio Celestini, auteur italien contemporain engagé dans le renouveau du théâtre récit. Une forme de monologue où le narrateur vient remplacer la figure de l’acteur dans la lignée de Dario Fo.

Avec cette pièce, le metteur en scène Dag Jeanneret poursuit ainsi un parcours débuté avec Radio clandestine du même Ascanio Celestini interprété par Richard Mitou en 2011. Le texte revenait sur le massacre des fosses ardéatines perpétré par les nazis et resté dans la mémoire des Romains comme l’événement le plus tragique de l’occupation allemande.

La brebis galeuse, accessible en français grâce au travail de la Maison Antoine Vitez, se situe une quinzaine d’années plus tard. Dans les années 60, celles de l’essor économique induit par la nouvelle logique géopolitique de la guerre froide. Celle de l’accès à la société de consommation, du boum industriel qui laissa le niveau de salaire italien loin derrière la croissance de la production qui s’effectua au détriment du monde agricole.

L’histoire est là, mais le point de vue se déplace dans le théâtre de Celestini qui la restitue à travers le prisme d’un inadapté, Nicola, enfermé dans un asile psychiatrique. Nicola remarquablement interprété par Christian Mazzuchini rêve de supermarchés merveilleux, de films intergalactiques de chansons à la guimauve et de femmes dociles. Son langage, sa gestuelle et ses formules idiomatiques occupent une place centrale qui nous plonge de plein pied dans le monde rural en train de disparaître.

JMDH

Source : La Marseillaise 02 01 2016

Voir aussi : Rubrique  Théâtre, rubrique Italie, rubrique Histoire,