Un logiciel-espion installé sur plusieurs millions de téléphones américains

Un développeur spécialisé dans Android, le système d’exploitation de Google pour téléphones mobiles, a révélé l’existence d’un programme installé par des fournisseurs d’accès américains sur des millions de portables, qui enregistre de très nombreuses informations sur l’activité des utilisateurs et les transmet au fournisseur d’accès.

CarrierIQ, édité par la société du même nom, enregistre une très grande quantité d’informations, allant des touches activées aux messages envoyés, en passant par les recherches effectuées via le navigateur Internet. Selon CarrierIQ, ce logiciel est déployé sur plus de 140 millions de terminaux, des téléphones Android comme des BlackBerry ou des téléphones Nokia. Le logiciel est présenté comme un outil permettant aux opérateurs d’établir des statistiques sur l’utilisation des téléphones ; il n’est a priori pas utilisé par les opérateurs européens.

Pour Trevor Eckhart, le développeur bien connu dans la communauté Android qui a révélé l’existence de CarrierIQ, ce logiciel est un véritable service d’espionnage. Après avoir publié un long article sur son blog, le jeune homme, âgé de 25 ans, a reçu une lettre de menaces des avocats de CarrierIQ. Après avoir reçu le soutien de plusieurs organisations, dont la puissante Electronic Frontier Foundation, M. Eckhart a reçu une lettre d’excuses (pdf) de la part de CarrierIQ.

Dans ce courrier, CarrierIQ affirme que son logiciel sert uniquement à améliorer le fonctionnement des réseaux. Carrier IQ « n’enregistre pas les activations de touches, ne fournit pas d’outils de traçage, et n’inspecte ni ne communique le contenu de vos communications, comme le contenu des e-mails ou les SMS », explique l’entreprise. Mais ce mardi, dans une nouvelle vidéo publiée sur son blog, M. Eckhart démontre, preuves à l’appui, que CarrierIQ stocke bien le contenu des messages SMS. Il enregistre également des données a priori protégées, comme les recherches effectuées sur un navigateur Internet connecté en « https », un mode de connexion sécurisé.

Le Monde.fr

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Conflits d’intérêts : les députés ne se bousculent pas chez le déontologue

Se faire offrir une Rolex ou un voyage au soleil ? Inimaginable, assuraient les députés interrogés par Rue89. D’ailleurs, rappelaient-ils, l’Assemblée nationale a recruté un déontologue pour empêcher de tels écarts. Celui-ci est en fait au chômage technique jusqu’en juin 2012, et il a écrit aux députés pour se rappeler à leur bon souvenir.

 

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Le poste a été créé en avril, en plein débat sur les conflits d’intérêts. Le bureau de l’Assemblée nationale a choisi Jean Gicquel, professeur émérite de droit public à la Sorbonne.

Les 577 députés devront lui adresser une déclaration d’intérêts, portant sur leur situation personnelle mais aussi sur celles de leurs conjoints, parents et enfants. Ils devront aussi lui signaler les cadeaux supérieurs à 150 euros et les voyages qu’ils n’auraient pas payés eux-mêmes.

Ces obligations n’entreront en vigueur qu’après les prochaines législatives. Jean Gicquel risque de trouver le temps long. Pour l’instant, il rédige un rapport sur le lobbying dans les colloques et les clubs parlementaires, qu’il remettra d’ici début janvier.

Les députés ne sont pas obligés d’attendre leur éventuelle réélection pour soulager leur conscience ou mettre fin à leurs doutes. Fin septembre, ils ont reçu un courrier du déontologue ressemblant à une invitation à passer au confessionnal :

« Même en l’absence de déclaration d’intérêts, qui ne sera rendue obligatoire qu’à compter de la prochaine législature, je me tiens d’ores et déjà à votre entière disposition, si vous le jugez utile, pour dialoguer et, plus encore, vous conseiller, dans la plus stricte confidentialité, étant soumis au secret professionnel. »

Jean Gicquel nous explique avoir reçu une dizaine de réponses. Le nouveau directeur de morale des députés y voit un bon signe : « Ils sont conscients que les choses sont un peu différentes et que les lignes vont bouger. »

François Krug (Rue 89)

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Au PS, le nucléaire est bien gardé

Bernard Cazeneuve, l’un des quatre porte-parole de François Hollande, est un ardent défenseur de l’énergie nucléaire. Photo Photo Joel Saget AFP.

Les écologistes auront tout tenté pour convertir le PS à la sortie du nucléaire. C’était sans compter avec les fervents défenseurs de cette industrie qui peuplent le Parti socialiste.

C’est pourtant bien parti… L’axe Aubry-Duflot devait révolutionner la pensée des socialistes sur la question du nucléaire, comme le raconte Le Monde dans son édition du 22 novembre. Mais en triomphant de la première secrétaire lors de la primaire, François Hollande a sapé le travail de fond entrepris depuis plusieurs mois. Pas question pour le vainqueur de reprendre à son compte l’objectif de sortie du nucléaire énoncé pendant la primaire par sa rivale. Le programme du candidat socialiste inclut toutefois la réduction de 75% à 50% en 2025 de la part du nucléaire dans la production d’électricité, avec à la clé la fermeture de centrales atomiques. Une inflexion importante lorsqu’on sait que le PS compte en son sein de fervents adeptes de l’atome.

D’ailleurs, l’un d’entre eux, le député-maire de Cherbourg Bernard Canezeuve vient d’être propulsé porte-parole du candidat Hollande. Lors de la primaire, ce spécialiste de la Défense s’était abstenu de s’engager en faveur de l’un des candidats. D’où cette interrogation: pourquoi ce fabiusien, certes hollando-compatible, a-t-il obtenu l’un de ces postes si convoités?

Certains mauvais esprits l’imaginent en caution donnée au lobby nucléaire qui aurait besoin d’être rassuré après l’accord PS-écolos. Il est vrai que Bernard Cazeneuve a dans sa circonscription le site de retraitement de La Hague géré par Areva. Environ 6000 personnes travaillent grâce à ce site. Du coup, l’élu socialiste a la réputation d’être proche de ce lobby et voit rouge dès qu’il entend parler de « sortie du nucléaire ». Avec les années, il est devenu l’un des plus ardents défenseurs de l’énergie nucléaire au Parlement.

L’intéressé dément fermement. « D’une part, je n’ai fait aucune démarche pour devenir porte-parole, jure-t-il. Et d’autre part, mes rapports avec Areva sont très mauvais depuis qu’ils ont choisi Le Havre pour implanter leur usine d’éoliennes. »

Pourtant, c’est bien lui qu’Areva s’est permis d’appeler, mardi 15 novembre, pour lui demander quel était le contenu de l’accord avec les écologistes sur l’avenir de la filière. Un coup de téléphone « court et froid », selon Bernard Cazeneuve. Toujours est-il que s’ensuit le retrait temporaire du passage sur le Mox qui a laissé perplexe de nombreux responsables d’Europe Ecologie-Les Verts, dont la candidate Eva Joly. « Il suffit d’un coup de téléphone d’Areva pour que le grand PS, avec sa tradition et son histoire, se mette au garde à vous! » a lâché, amer, Daniel Cohn-Bendit.

« L’OPECST, une bande de scientistes »

Les écologistes découvriraient-ils la Lune? A l’Assemblée nationale, les socialistes partisans du nucléaire ne manquent pourtant jamais une occasion de défendre ce fleuron industriel français.

Christian Bataille est l’un d’eux. La loi de 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs porte son nom. Spécialiste de ces questions, il compose avec l’UMP Claude Birraux le « duo nucléocrate » de l’Assemblée nationale, selon Greenpeace. Tous deux rédigent l’essentiel des rapports parlementaires sur le nucléaire. Christian Bataille est également membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dont Claude Birraux est d’ailleurs le président.

Dans leur livre Députés sous influences, Hélène Constanty et Vincent Nouzille qualifient l’OPECST de « poste avancé du lobby nucléaire ». « C’est un collège de scientistes convaincu que l’avenir du monde passe nécessairement par le développement de la technologie », surenchérit un élu écologiste.

Nucléocratie locale

Arnaud Montebourg n’est pas un spécialiste de ces questions, ni même un membre de l’OPECST, ce qui n’empêche pas Greenpeace de lui reprocher un discours très ambigu sur le sujet. En avril 2011, le député de Saône-et-Loire écrit pourtant sur son blog: « La crise nucléaire japonaise démontre que notre modèle de développement, plutôt que d’assurer la prospérité, risque de nous détruire ». S’il se prononce pour la réduction du nucléaire dans le mix énergique français, il rejette toutefois l’idée d’une sortie. « On ne peut pas raisonner en sortie du nucléaire à court ou moyen terme », expliquait-il durant la primaire.

Pour l’ONG écologiste, cette position s’explique avant tout par la présence dans le département dont il préside le conseil général de sites industriels qui fabriquent des pièces pour les centrales nucléaires. « Quand on a Areva dans sa circonscription ou dans son département, c’est difficile d’être anti-nucléaire », reconnait une élue socialiste. Gisements d’emplois importants, retombées fiscales non négligeables pour les communes: la filière nucléaire arbore de nombreux atouts pour séduire les élus locaux.

Dans cette catégorie, l’ancien socialiste Eric Besson fait figure d’exemple, dépeint comme un dévôt de la cause nucléariste par ses anciens camarades de Solférino. Il faut dire que sa commune de Donzère, dans la Drôme, se situe à quelques kilomètres de la centrale du Tricastin.

DSK le lobbyiste

Ces affinités ne datent pas d’hier. Dans les années 1990, Dominique Strauss-Kahn menait des opérations de lobbying en faveur de ce que l’on nommait à l’époque « le réacteur du futur », le fameux EPR. Dans leur livre, Les vies cachés de DSK, publié en 2000, Véronique Le Billon et Vincent Giret racontent comment DSK aurait reçu plus d’un million et demi de francs (environ 225 000 euros) d’EDF et de la COGEMA pour des missions en France et à l’étranger. Des activités tout à fait légales, même si la Cour des comptes s’était étonnée à l’époque de « l’insuffisance des termes des contrat d’origine, qui ne donne aucune indication sur le contenu de la prestation assurée ».

A l’époque, Dominique Strauss-Kahn est notamment assisté dans sa tâche par Jean-Yves Le Déaut, député socialiste depuis 1986 et toujours membre de l’OPECST, qu’il a lui-même présidé par le passé.

Hollande bien entouré

Aujourd’hui, l’entourage du candidat socialiste compte plusieurs anciens responsables de la filière nucléaire. Selon Le Monde, l’ancien président d’honneur d’EDF, François Roussely, proche des socialistes, aurait été contacté par son successeur, Henri Proglio, pour intervenir auprès du candidat PS et s’assurer que les désiderata des écologistes resteraient lettre morte.

Débarquée de la tête d’Areva en juin dernier par Nicolas Sarkozy, Anne Lauvergeon n’a pas oublié le soutien apporté à sa reconduction par François Hollande. L’ancienne « sherpa » de François Mitterrand connait bien le candidat socialiste. A Solférino, la rumeur court qu’elle pourrait même décrocher une investiture PS aux prochaines législatives.

Michel Verron (L’Express)

Voir aussi : Rubrique Ecologie, rubrique Politique24 réacteurs nucléaires à fermer, rubrique UE, L’allemagne renonce au nucléaire, Parlement européen et corruption, rubrique internationale Fukushima désinformation,

L’exemple grec : L’UE une démocratie totalitaire ?

Athènes face à l’absolutisme européen

Par Bruno Amable professeur de sciences économiques à l’université Paris-I Panthéon- Sorbonne, membre de l’Institut universitaire de France.

Qui aurait souhaité démontrer le caractère antidémocratique de la construction européenne aurait pu difficilement trouver un meilleur exemple que l’histoire du référendum grec. Sa tenue à l’automne avait été annoncée en juin mais cela n’a pas empêché les principaux chefs d’Etat et tous les professionnels de l’intégrisme européen de feindre la surprise et de hurler au «coup de poker irresponsable», mettant en garde contre les «conséquences imprévisibles» (mais certainement abominables) qu’aurait un refus du plan «de sauvetage». On connaît la suite, après s’être vu imposer une reformulation de la question à poser, Georges Papandréou a finalement dû abandonner son projet au terme d’un processus particulièrement humiliant qui a révélé que la Grèce, à la différence de l’Islande, avait un statut de protectorat.

Il y eut aussi cette lettre envoyée le 5 août par le président de la Banque centrale européenne (BCE) et son successeur au Premier ministre italien (son homologue espagnol était destinataire d’une lettre semblable) dans laquelle les premiers, employant à cette occasion le ton qui convient pour indiquer à son majordome la liste des tâches quotidiennes, enjoignaient à Silvio Berlusconi de procéder aux sempiternelles réformes néolibérales : déréglementation du secteur des services, privatisation complète des services publics locaux, décentralisation au niveau de la firme des négociations salariales, abaissement du niveau de protection de l’emploi, durcissement des conditions d’accès à une retraite complète, baisse des salaires dans la fonction publique, instauration de procédures de coupes automatiques dans les dépenses publiques en cas de dépassement des objectifs de déficit, réforme de l’administration pour que celle-ci soit plus «amicale» envers le monde des affaires… Il était aussi précisé que tout ceci devait se faire dans les meilleurs délais : par décrets avec une ratification par le Parlement avant fin septembre.

La démarche des deux banquiers centraux de Francfort a au moins le mérite de dissiper l’hypocrisie habituelle sur ce qui relèverait des domaines communautaires, partagé ou national. Visiblement plus rien n’échappe à la compétence de la Banque centrale européenne. Lorsque celle-ci fut instaurée, comme une banque centrale «indépendante», le traité de Maastricht lui interdit de «solliciter ou accepter» des instructions des gouvernements des Etats membres de l’Union européenne. A l’évidence, ces derniers auraient dû prévoir une clause de réciprocité.

L’intégration européenne a donc d’abord conduit à l’abandon du contrôle de la politique commerciale puis à celui de la politique monétaire avec la création de l’euro. Comme la monnaie unique impose aux pays de la zone euro qui ont perdu en compétitivité (ceux du sud de l’Europe notamment) de chercher à la regagner par la baisse des salaires et des prix au moyen de politiques macroéconomiques restrictives qui mènent à la récession, accroissent le chômage, creusent les déficits publics, rendent les problèmes de dette publique plus difficiles à résoudre et accroissent la fragilité financière, l’abandon de la maîtrise de la politique budgétaire est presque réalisé. Et le renoncement à la conduite de politiques structurelles, de politiques de l’emploi ou de politiques sociales qui s’écarteraient de la saignée néolibérale est en très bonne voie.

Il y a alors une erreur de raisonnement à penser que la situation actuelle, qui voit par exemple les Indignés occuper Wall Street plutôt que manifester devant la Maison Blanche, témoigne du recul de la politique face à l’économie. Ce que cela représente, en fait, c’est le recul de la démocratie élective face à une nouvelle forme de politique, non démocratique. Elle est menée en Europe par des technocrates qui se sont certes garantis une indépendance à l’égard du demos, mais n’en mènent pas moins une action politique au sens où les décisions qu’ils prennent, comme les mesures ou les législations qu’ils contraignent les gouvernements à adopter, favorisent ou protègent certains intérêts, notamment financiers, au détriment d’autres intérêts. De même qu’il n’est pas de pire idéologie que celle de l’absence d’idéologie, il n’est pas de politique plus hypocrite que celle qui se dissimule derrière l’«apolitisme» techniciste ou des «contraintes» qu’on a soi-même contribué à ériger. Abandonner la politique à la bureaucratie néolibérale est bien la dernière bêtise à faire en Europe.

Libération 08/11/11

Papandréou veut bien retirer son référendum mais la crise continue

Georges Papandréou a quasiment enterré jeudi son projet contesté de référendum sur le plan européen de sauvetage de la Grèce pour tenter d’éviter à son pays en crise politique aigüe, la faillite et la sortie de l’euro, alors que les pressions des pays créanciers ont continué de s’accumuler.

A la tête d’un gouvernement déchiré et sur le point de tomber, le Premier ministre grec, aux prises depuis des mois avec la tentaculaire crise de la dette en zone euro, a fait une concession de taille en se disant prêt à retirer son projet de référendum, qui a créé la stupeur en Europe et au delà en début de semaine.

Mais les moyens de sortir de la crise politique dans laquelle s’enfonce la Grèce sont encore loin d’être identifiés, aucun accord de gouvernement n’ayant été trouvé avec l’opposition de droite pour pouvoir ensemble approuver le plan européen de désendettement de la Grèce, adopté dans la nuit du 26 au 27 octobre à Bruxelles.

Gouvernement de transition

Le leader de la Nouvelle Démocratie (droite) Antonis Samaras a pourtant lui aussi fait une concession en laissant entendre pour la première fois depuis le début de cette crise que sa formation était prête, devant la gravité de la situation, à envisager de participer à un gouvernement de transition.

«Là où on en est arrivé avec la politique du gouvernement (socialiste), le nouvel accord sur la poursuite de l’aide à la Grèce est inévitable et il faut le garantir», a déclaré M. Samaras.

Mais à peine les deux camps avaient-ils fait un pas l’un vers l’autre dans la journée que les vieux démons ont repris le dessus. Et le débat parlementaire censé aboutir vendredi à un vote de confiance sur la politique menée par le gouvernement s’est traduit par une reprise des hostilités.

M. Samaras a notamment exigé la démission du Premier ministre en réitérant ses exigences de la tenue d’élections anticipées.

Mais M. Papandréou a répondu qu’«un gouvernement responsable ne peut pas démissionner». Il a appelé en revanche tous les partis politiques «à la formation d’un gouvernement de coalition dans l’immédiat afin de rétablir la stabilité» et assurer l’aide européenne au pays.

A Cannes, réunis pour un sommet du G20, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy ont averti que la Grèce serait jugée sur ses actes.

Ils ont rappelé qu’ils attendaient d’abord de sa part un «oui» aux décisions prises le 27 octobre par les 17 pays de la zone euro et quelques dizaines de banquiers pour assurer le désendettement de la Grèce.

N’excluant plus une sortie du pays de la zone euro, les créanciers ont suspendu mercredi soir le versement de toute aide financière à la Grèce dans l’attente d’une clarification de la volonté des Grecs sur leur soutien au plan de désendettement du pays.

Sortie de la zone euro

Le président français, radouci, a rappelé ses origines grecques et fait part de son «admiration» pour ce pays, en expliquant qu’il ne voulait «en aucun cas» s’insérer dans la vie politique grecque. Mais il a justifié la position de fermeté adoptée la veille vis-à-vis de M. Papandréou destinée à «défendre l’euro et l’Europe».

«L’important, c’est qu’il y ait vite un ’’oui’’pour les décisions du 27 octobre» en Grèce, a résumé la chancelière allemande.

Dans la journée, l’éventualité de la formation d’un gouvernement de coalition avait encouragé la Bourse d’Athènes qui a clôturé en hausse, après s’être effondrée mardi et mercredi sur le projet de référendum qui a fait craindre aux investisseurs une faillite imminente du pays menaçant la viabilité de l’ensemble de la zone euro.

Dans un climat de grande fébrilité, traversé de rumeurs en tous sens, le ministre des Finances Evangélos Vénizélos, numéro deux du gouvernement et poids lourd de la majorité socialiste, a gardé la tête froide en annonçant publiquement pour la première fois l’échéance fatidique à laquelle est confrontée le pays: le 15 décembre.

Il a clairement fait comprendre qu’à cette date, la Grèce serait en situation de défaut de paiement si elle ne recevait pas la sixième tranche du premier prêt accordé à Athènes en 2010 par l’UE et le FMI, soit 8 milliards d’euros.

Il a également réclamé officiellement à M. Papandréou d’annoncer l’abandon de son projet de référendum pour qu’un processus de validation puisse être entamé.

L’heure de vérité devait sonner dans la nuit de vendredi à samedi, à la fin du débat parlementaire, où un vote de confiance était prévu.

AFP (3/11/11)

 

Papandréou attendu au G20

Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, qui se sont rencontrés à Cannes, où doit se tenir un G20 à partir de jeudi, se sont déclarés « déterminés » à faire appliquer le plan de sauvetage de la Grèce malgré l’annonce de référendum.

Georges Papandréou, dont la majorité au parlement fond comme neige au soleil, s’est rendu aussi à Cannes mercredi, où il a rencontré les dirigeants allemand et français, ainsi que ceux de l’Union européenne et du Fonds monétaire international.

L’accord européen du 27 octobre prévoit que les banques créancières de la Grèce acceptent de réduire de moitié la valeur des obligations de dette grecque qu’elles détiennent, ainsi que la poursuite du soutien financier des Etats européens à la Grèce, écrasée par sa dette et par la récession causée par les plans d’austérité successifs.

En échange, il prévoit un renforcement du contrôle des créanciers sur la marche budgétaire du pays, une accélération du programme de privatisations et la poursuite des sévères mesures d’austérité débutées en 2010.

« La seule voie possible »

L’accord est « la seule voie possible pour résoudre le problème de la dette grecque », a martelé Nicolas Sarkozy à l’issue d’une réunion interministérielle à l’Elysée.

Le message que les deux poids lourds de la zone euro doivent adresser à Georges Papandréou est brutal, mais limpide. « Il a le droit de faire un référendum, mais avant Noël et uniquement pour poser la question de l’appartenance à la zone euro », a commenté une source proche du gouvernement français, « et s’ils disent ‘non’, eh bien qu’ils en sortent ».

S’il a lieu, le référendum devrait se tenir en janvier et serait le premier dans le pays depuis celui qui avait aboli la monarchie en 1974.

A Athènes, la fronde de plusieurs parlementaires socialistes, dont l’une a réclamé un gouvernement « de salut national » pour garantir l’exécution du plan de sauvetage, a réduit à 152 sur 300 le nombre de députés acquis à Georges Papandréou.

Au milieu de cette crise politique qui pourrait entraîner la chute du gouvernement, la Grèce a annoncé mardi un changement de tout son état-major militaire.

AFP (02/11/11)

Papandréou est irresponsable

Si l’Europe a montré qu’elle voulait assumer ses responsabilités vis-à-vis de la Grèce, le référendum grec est en revanche une preuve d’irresponsabilité du pays vis-à-vis de l’Europe, critique le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung : « Par son cavalier seul dans le sens d’un référendum, Papandreou vient de replonger l’Europe dans l’incertitude qui caractérisait les jours précédant le sommet européen. Pire encore, alors que l’on pouvait encore agir ces dernières semaines, on risque aujourd’hui la paralysie totale. … Une issue est difficilement envisageable : si Papandreou décide de se retirer une nouvelle fois, il se désavouera lui-même et ne fera vraisemblablement qu’accroître la colère dans les rues d’Athènes et dans les rangs de son propre gouvernement. S’il va jusqu’au bout de son initiative, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, les Etats de la zone euro et l’UE dans son ensemble, la BCE et le FMI, en d’autres termes presque tout le reste du monde, devront trouver quelque chose pour couvrir la période qui s’étendra jusqu’à ce que la décision soit prise ; et aussi savoir quoi faire si une majorité de Grecs se prononcent contre le plan de sauvetage. »

Süddeutsche Zeitung (Allemagne)

Le peuple doit décider seul

Le référendum en Grèce est la bonne voie pour apporter plus de démocratie en Europe, estime le quotidien de centre-gauche Libération : « Papandréou soulève la seule vraie question : que pensent les peuples de la brutale cure d’austérité qui va s’abattre sur eux ? Merci aux Grecs, à l’avant-garde du désespoir, de la poser et d’y répondre en premier. Et de nous rappeler, au passage, que la crise économique sonne toujours le premier acte de l’ébranlement des démocraties. Nous vivons actuellement les effets d’un fédéralisme de la catastrophe, purement négatif. Qui conduit dans l’urgence à mettre sous tutelle certains Etats, dépouillés de leur souveraineté et repris en main par les prêteurs. Gouvernés, de fait, par les dirigeants élus d’autres pays. Dans ce schéma, les peuples ne sont qu’une variable d’ajustement, la démocratie une procédure risquée. En Europe… un fédéralisme positif, doté d’outils de contrôle et de gouvernement, conduira lui aussi à des pertes partielles de souveraineté. … Il devra nécessairement être contrebalancé par des institutions démocratiques. »

Libération

Les Grecs sont leur propre maître

Les vives réactions politiques et économiques consécutives à l’annonce d’un référendum en Grèce prouvent quatre choses, estime l’économiste João Pinto e Castro sur le site de blogs Jugular : « Premièrement, l’idée qui sous-tendait l’accord conclu la semaine dernière n’était pas d’exonérer la Grèce de 50 pour cent de ses dettes, mais de garantir 50 pour cent des paiements. Avec cet accord de nouveau remis en cause, les actions se sont immédiatement mises à baisser. Deuxièmement, le gouvernement allemand n’est pas le seul à avoir le droit de s’inquiéter de son opinion publique. Les Grecs décident dans leur propre pays et leur gouvernement doit répondre devant eux, même s’il prend ainsi des risques énormes. Troisièmement, même les pays en grande difficulté ont toujours une certaine marge de manœuvre. Il est désormais clair qu’aussi bien les débiteurs que les créanciers ont un problème, les deux ayant commis des erreurs dans l’évaluation des risques, et les deux devront au final renoncer à quelque chose. Quatrièmement, si montrer les muscles est la seule langue reconnue dans les relations internationales, chacun utilise les atouts qui sont à sa disposition pour obtenir l’effet voulu. »

Blog Jugular (Portugal)

Les eurocrates refusent d’admettre leur erreur

L’agitation suscitée par l’annonce du référendum grec révèle le véritable problème de l’Europe, à savoir la crainte des eurocrates quant à l’amère réalité de l’Union monétaire, estime le quotidien conservateur The Daily Telegraph : « Les eurocrates sont prêts à payer n’importe quel prix du moment qu’ils n’aient pas à reconnaître que la monnaie unique était une erreur. En d’autres termes, ils attendent de leurs citoyens qu’ils payent tandis que les fonctionnaires européens sont exemptés d’impôts nationaux. Les pays situés à la périphérie de l’Europe souffrent de la pauvreté, du chômage et de l’émigration, les pays au cœur de l’Europe de hausses d’impôts permanentes, afin que les partisans de l’euro puissent sauver la face. Il est triste de devoir écrire cela, mais les dirigeants de l’UE sont manifestement prêts à détruire la démocratie grecque et à anéantir l’économie grecque. Tout cela seulement pour empêcher l’échec de l’euro. »

The Daily Telegraph  (Royaume Uni)

Voir aussi : Rubrique UE, Extension du domaine de la régression, rubrique Grèce, L’Europe libérale s’inquiète, rubrique Débat Jürgen Habermas pour une Europe démocratique,

Entretien avec Yasmina Adi la réalisatrice de : « Ici on noie les algériens »

17 octobre 1961 repression des Algériens à Paris

Un demi-siècle après la tragique répression parisienne du 17 octobre 1961, Yasmina Adi rouvre une page d’Histoire qui 50 ans après n’est toujours pas refermée. Et met en lumière une vérité encore taboue. En octobre 61 dans les derniers mois de la guerre, la tension s’exacerbe en France autour de la question algérienne. Papon déclare : « Pour un coup porté, il en sera rendu dix ». Le 5 octobre est décrété un couvre-feu visant spécialement les  « Français musulmans d’Algérie ». En réaction, le FLN appelle à une grande manifestation pacifiste le 17 à Paris.  Après L’autre 8 mai 1945, le documentaire de Yasmina Adi  Ici on noie les Algériens, revient sur la répression policière qui s’est abattue sur la masse de manifestants algériens venus défiler (vingt à trente mille personnes). Mêlant témoignages et archives inédites, histoire et mémoire, passé et présent, le filme retrace les différentes étapes de cet événement et révèle la stratégie médiatique et les méthodes mises en place au plus haut niveau de l’État.

Yasmina Adi : " C’est ensemble que l’on devient plus fort pour s’affirmer "

Votre film s’appuie sur un important travail de documentation. Avez-vous eu accès aux archives ?

Toutes les archives ne sont pas encore disponibles puisque la loi, réformée il y a peu, permet de maintenir le secret jusqu’à 80 ou 100 ans. J’ai cependant obtenu une dérogation qui m’a permis d’avoir accès à certaines archives de la police. Notamment celles où l’on voit les Algériens enfermés au Palais des Sports. Sur ces images on voit aussi la désinfection qui a été faite pour le concert de Ray Charles après leur transfert.

Le film m’a demandé deux ans de travail. Je suis allée à l’INA et dans toutes les agences photo qui ont couvert l’évènement. Ils me connaissent, ils savent que je ne me contente pas de la base de données. Beaucoup de films n’ont jamais été développés. Je veux voir les planches-contact. Les photos sont très importantes. Elles permettent une traçabilité de ce qui s’est passé.

Quel était votre parti pris à partir de la masse de matière recueillie ?

Je n’ai pas travaillé sur l’esthétique. J’ai cherché à reconstituer le puzzle pour restituer ce qui s’est passé à partir du 17 octobre. Car mon film ne se limite pas à cette date où les policiers ont tiré à balles réelles et noyé des personnes désarmées. Il concerne aussi ce qui a suivi. Dans la seule nuit du 17 octobre, 11 000 algériens sont arrêtés, mais la répression se poursuit pendant deux mois. Au final 15 000 personnes ont été interpellées et interrogées. Outre les milliers de blessés, ce sont entre 100 et 300 personnes qui ont disparu. La dimension humaine est au cœur du film qui s’articule notamment autour d’une femme algérienne restée seule avec ses quatre enfants. Elle demande toujours que l’Etat lui dise la vérité. C’est dommage de devoir aller voir un film pour savoir ce qui s’est passé. Cela devrait figurer dans les manuels d’Histoire scolaires mais cela n’est toujours pas le cas.

Vous donnez également un éclairage intéressant sur le traitement médiatique de ce tragique événement ?

Je ne voulais pas faire un film historique classique. J’ai évité d’être didactique. Il n’y a pas de commentaires, pas de voix-off. Concernant les médias, il y a manifestement une volonté de l’Etat de manipuler l’opinion publique. On entend les ordres donnés aux policiers sur la version des faits qu’ils doivent fournir aux journalistes. Mais il y a aussi celle des journalistes sur le terrain qui commentent en direct ce qui se passe. Les informations sont contradictoires. Je mets en juxtaposition des Une de presse. Cela va de Ils ont pris le métro comme le maquis à On noie des Algériens.

Le titre Ici on noie les Algériens est au présent. Cela revêt-il un sens particulier ?

Cette banderole, que l’on voit sur l’affiche, a été posée dans les jours suivant le 17 octobre par des militants dont le père de Juliette Binoche. Le jour où l’Etat reconnaîtra ce qui s’est passé on pourra dire : Ici on noyait les algériens. Mais ce jour n’est pas encore venu. On met tout sur le dos de Papon qui n’était qu’un exécutant zélé. Pour vivre au présent, il faut appréhender le passé. La réquisition des métros et des bus de la RATP rappelle  la rafle du Vel d’Hiv, même si les événements ne sont pas comparables, je ne parle que des méthodes. Dans le film, on entend le Grand Rabin de France s’exprimer contre la répression des Algériens.

En 2011, on continue de mettre les Roms dans les trams. L’Histoire folle se répète. Il y a les expulsions, via Air France, de 1961 et celles de 2011. Sarkozy qui conseille aux Turcs de reconnaître le génocide des Arméniens, ferait mieux de balayer devant sa porte.

A Montpellier on s’apprête à ouvrir le Musée de l’histoire de la France en Algérie…

Cela peut faire débat. Il faut dépasser les commémorations. Je crois que l’essentiel, c’est que les gens prennent leur histoire en main. Il ne faut pas opposer les mémoires qui sont plurielles. Il y a celle des Algériens, celle des Harkis, celle des Pieds noirs, chacune doit être respectée. Nous allons fêter, en 2012, le cinquantenaire de l’indépendance algérienne. Chaque communauté concernée est en droit de demander des comptes à l’Etat. Je ne souhaite pas que l’on attise les polémiques. C’est ensemble que l’on devient plus fort pour s’affirmer ».

Recueilli par Jean-Marie Dinh

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