Yves Bonnefoy : « La poésie, c’est ce qui reprend à la religion son bien »

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Yves Bonnefoy © Michal Cizek / AFP

Yves Bonnefoy vient de fêter ses 90 printemps.

Membre du groupe surréaliste après la Libération, Yves Bonnefoy s’est fait connaître, dès 1953, avec Du mouvement et de l’immobilité de Douve. Poète majeur, traduit dans toutes les ­grandes langues, il est attaché à la présence des êtres et du monde, et a développé une œuvre ouverte : une œuvre en dialogue constant avec les peintres et les artistes, mais aussi avec les poètes étrangers, tels Shakespeare, Leopardi ou Yeats. Que ce soit au moyen de la prose, de l’essai ou du vers, Yves Bonnefoy revient, de livre en livre, avec insistance et profondeur, à ce qui environne tout un chacun : les arbres, les pierres, les sources, la neige et le rêve. Maître d’œuvre du Dictionnaire des mythologies, il aborde aujourd’hui les grandes questions qui ont orienté la pensée et la pra­tique religieuse, et qu’il a lui-même interrogées, à la lumière de ce qu’il a longtemps appelé une « théologie négative », qui, avec le temps, s’est muée en « théologie positive », soit un acquiescement au monde, à ce que son maître intime, Rimbaud, nommait « la réalité rugueuse ». Rencontre avec un maître resté humble.

Vous dites qu’il ne saurait être question en poésie d’autre chose que de se saisir soi-même, que la poésie n’est pas faite pour porter une signification. En quoi peut-elle nous permettre de nous diriger vers nous-même, de renouveler notre « être au monde », comme peut le faire la philosophie ou la spiritualité ?

Fondamentalement la poésie a pour but de rendre aux mots de la langue leur capacité d’évoquer pleinement les choses qu’ils représentent en ce qu’ont celles-ci d’existence actuelle, concrète, au sein de notre propre horizon de vie?: ces arbres, par exemple, sur ce chemin, non l’arbre du dictionnaire. Sa tâche est de faire apparaître dans la parole notre lieu et notre moment, nullement d’en analyser les aspects, comme le font les autres emplois de mots, et ainsi ne dit-elle rien, en sa profondeur, mais accueille en nous les réalités qui importent, les mettant aussi en rapport entre elles, ici, maintenant, comme ne le font évidemment pas les projets de la science ou de l’action. Mais au cours de ce travail de recentrement de notre être au monde, nous ne pouvons que rêver, à des moments, nous tromper, nous laisser prendre à des illusions, et ce seront, cela, des pensées qu’il nous faudra dire, qui emploieront ces mots pourtant réintensifiés, portés au-delà de leurs contenus conceptuels, pour à nouveau de la signification?: autrement dit, le poème, toujours en défaut sur la poésie.

Et c’est à ce niveau du poème que nous avons donc à réfléchir sur nous-mêmes, à nous demander pourquoi ces illusionnements, ces erreurs sur la voie de la présence ? : notre écriture devient le matériau d’une réflexion dont l’intention est de clarifier ce que nous sommes, de délivrer le Je profond des modes d’être du moi que lui substitue en nous la pensée conceptualisée, analytique. La poésie, en pratique, est cette recherche au sein de son propre texte. Et une recherche qui, à mon sens, est mieux placée pour se diriger vers son but que la réflexion philosophique, car elle porte sur des événements d’existence auquel ne peut accéder la généralité du philoso­phique. Et quant à la spiritualité, elle a tout à gagner à cette lecture de soi qui veut se défaire des illusions. La poésie tend à déconstruire les mythes qui l’entravent.

Rimbaud voulait changer la vie. Vous-même êtes rimbaldien. La poésie a-t-elle changé votre vie ?

Je viens de souligner la part du rêve dans l’entreprise de poésie. On a beau espérer délivrer les mots de leurs contenus conceptuels, qui réduisent le monde à des figures abstraites et incomplètes, on restera toujours en deçà de ce que Rimbaud nommait la vraie vie. Mais ce que lui a fait pour sa part, c’est d’appliquer sa lucidité à ces leurres dans lesquels s’empiégeait son espérance fondamentale. Ses utopies successives, révolution sociale, alchimie du verbe, il les a dénoncées tour à tour, même saccagées tant parfois il éprouvait de frustration, de dépit, à découvrir son erreur. Et si on veut être « rimbaldien », c’est-à-dire comprendre l’enseignement de Rimbaud, c’est donc à cette lucidité qu’il faut s’efforcer, plutôt qu’aux impératifs de plénitude physique ou métaphysique qu’il a pourtant si éloquemment formulés.
La poésie a-t-elle changé ma propre vie ? En m’aidant à me délivrer de la pensée utopique. Ce poète qui voulait que l’on soit « absolument moderne » m’a demandé de me détourner du discours naïf des avant-garde, à commencer par le surréalisme, dont j’avais aimé les mots d’ordre, à la sortie de la guerre.

Le monde est dominé par un sentiment diffus d’apocalypse. La poésie offre-t-elle des armes pour résister, pour trouver des issues ?

C’est évidemment la grande question. Craignons-nous une apocalypse ? Mais c’est bien pis qu’une crainte. Tous les signes sont là pour montrer que si on ne prend pas très rapidement les décisions qui s’imposent, et c’est peut-être déjà trop tard, la ruine du climat, la dégradation des sols, le surcroît des populations sur les ressources, en eau par exemple, et la prolifération anarchique des images irresponsables, qui décontenancent l’esprit, étouffent le surmoi, désorganisent l’action, vont faire qu’avant la fin de ce siècle l’humanité perdra son lieu sur terre et s’abîmera dans des guerres. Tout le contraire de l’espérance qu’il y a dans la poésie, cette perception de l’accord qui pourrait unir notre finitude à son lieu. Et donc cette question, oui, en effet, cette angoisse. Que faire ? Continuer de montrer le bien qu’il y aurait dans cet accord, dans ce simple. Continuer d’espérer, vaille que vaille. Continuer de penser que l’arbre et le chemin sont si beaux dans la lumière du soir que ce ne peut être pour rien, et que nous avons toujours la tâche de les montrer, dans leur évidence.

Dostoïevski a dit que la beauté sauverait le monde. Est-ce une illusion ou une prophétie ?

C’est en tous cas une pensée qu’il est bien regrettable que notre époque ne prenne pas au sérieux, si ce n’est méprise, encore que ses sarcasmes cachent mal, quelquefois, qu’elle lui reste attachée. J’ai écrit, pour ma part, un livre intitulé La Beauté dès le premier jour. J’y évoque des objets qui nous viennent des premières heures du fait humain avec en eux des aspects de beauté qui ne peuvent qu’avoir été conscients et même vraiment intentionnels. Faits pour l’emploi quotidien sous le signe de la nécessité tout immédiate de survivre, ils n’en sont pas moins, haches harmonieusement taillées, vases, pris en charge par ce souci de beauté qui peut sembler différer des tâches pourtant aussi vitales qu’urgentes. Mais il y a à cette beauté si instinctivement recherchée une raison méditable. Elle a la simplicité efficace qui permet au nageur de remonter le courant, elle métaphorise donc la confiance, la volonté de confiance, avec laquelle on peut affronter la résistance inhérente à tout environnement. Et ce qui s’exprime ainsi, c’est par conséquent un projet, un vouloir de lutte. En ces objets de nos origines la beauté n’est pas contemplation mais incitation à l’action. Et je ne la vois pas autrement dans les grands poèmes. Reste que cette action est en présence aujourd’hui, nous le disions tout à l’heure, d’obstacles bien redoutables. Cette beauté qu’on méprise est une obstination qu’on peut bien dire héroïque.

Vous liez souvent le sacré et la poésie pour les rapprocher, mais aussi les distinguer. La poésie est-elle pour vous le dernier refuge du sacré ? Vous avez écrit sur l’art gothique, la Rome de la Renaissance, mais vous avez aussi dirigé un Dictionnaire des mythologies. De quel espace sacré vous sentez-vous le plus proche ?

Oui, le sacré. Et c’est vrai que j’ai employé ce mot, à époque ancienne dans mes écrits. Mais aujourd’hui je m’en garde. Je ne me sens plus en mesure de l’employer sans risquer des malentendus qui oblitéreraient, à mes yeux désastreusement, ce que je cherche à penser. Pourquoi ? Parce que ce que je disais le sacré, c’est en fait la chose ordinaire comme elle existe à côté de nous, avec nous, la chose avec laquelle nous partageons notre temps sur terre et qui demande donc d’être reconnue comme la réalité absolue, un mot, ce dernier, lui aussi tout simple mais dont je sais bien qu’il peut être bien mal compris, lui aussi. Le sacré, ce verre avec lequel boire. Le sacré, le pain et le vin, et la maison, le ravin, le bois proche, les êtres que nous aimons et qui sont là. Rien de religieux, vous le voyez donc, rien pour associer ce sacré à quelque système de croyances que ce soit, et quand je parle de transcendance à propos de ces choses du quotidien, c’est tout simplement parce qu’il y a dans la moindre d’entre elles une infinité d’aspects qui en fait de l’inépuisable pour tout projet de la dire, c’est une transcendance par rapport à la parole bien qu’une immanence dans le vécu.

Mais j’ai eu à constater que cet emploi de « sacré » ne peut s’imposer contre les significations plus traditionnelles qui réfèrent à des religions, à de la croyance. Et je ne puis me prêter à cette équivoque, parce que pour moi la poésie, c’est ce qui plonge assez bas dans l’immédiateté de la pratique du monde pour y dissiper toutes les croyances, toutes les postulations de réalité métasensible. La poésie, si j’ose parodier Mallarmé quand il parle de la musique, c’est ce qui reprend à la religion son bien, lequel est une expérience de présence, dans la rencontre de ce qui est, que les croyances, les dogmes, nous dérobent, mais pour aussitôt l’affaiblir. Elle entend dissiper les mythes. Ceux-ci sont intéressants, passionnants même, mais par la perte de la plénitude de l’immédiat qu’on les voit faire et qu’il faut décrire et comprendre. J’ai conçu, en effet, et dirigé, un Dictionnaire des mythologies des sociétés traditionnelles et du monde antique. Mais qui collaborait à ce dictionnaire ? Jean-Pierre Vernant et ses amis du centre de sociologie de la Grèce antique, ou les chercheurs et les enseignants de l’École des hautes études. Et j’espérais, avec Mallarmé encore, ou Leopardi, que faire du mythe un objet d’étude aiderait la poésie à radicaliser son projet, à se faire ardente laïcité.

Quelle différence établissez-vous entre poésie et mystique ? Ne participent-ils pas de la même démarche ? D’autant que certains grands mystiques furent aussi de grands poètes (Angelus Silesius, John Donne, Jean de la Croix).

C’est vrai que poésie et mystique ont en commun une expérience qui les distingue des religions et de leurs croyances. L’une et l’autre se portent dans la perception de ce qui est au-delà des lectures qu’on peut en faire avec le discours conceptuel. Mais c’est en venir à un point, un carrefour, où les deux voies se séparent. La mystique veut aller toujours plus avant dans la profondeur du réel, là où l’abandon de soi à l’unité prend le pas – et c’est comme une nuit – sur tout reste de représentation de choses?: ce n’est pas seulement la langue des concepts qui est transgressée, ce sont les mots, la mystique tend au silence. Mais la poésie constate, en ce même point, que cette plongée est solitude, la présence grandissante de l’Un efface, avec le langage, le souvenir des autres êtres. Et sa décision, c’est alors de se souvenir du langage?; de considérer que le réel, ce n’est pas l’abîme cosmique mais la terre humaine?; et de revenir vers la société pour partager avec les hommes et les femmes du temps présent, historique, cette mémoire de l’infini de la chose dont je disais tout à l’heure que le conceptuel le fait méconnaître. L’infini du pain et du vin, ce qui permet le partage.

La poésie n’est pas la mystique. Mais des mystiques, ainsi Angelus Silesius ou Jean de la Croix, peuvent être des poètes quand pour un moment, qui risque d’ailleurs de durer, ils se retirent du projet de la « nuit obscure ». Ils accomplissent alors ce mouvement de retour que je viens de dire. Et Rimbaud n’est guère différent d’eux quand il écrit Alchimie du Verbe, après « des silences, des nuits », de « l’inexprimable », des « vertiges ».

Qui lisez-vous parmi les auteurs vivants ?

Tous les auteurs sont vivants. Baudelaire, à qui j’ai consacré depuis cinquante ans ces essais que je viens de réunir en volume, ou Shakespeare, que j’ai traduit pièce par pièce pendant la même période, sont vivants pour moi autant qu’aucun de mes contemporains, d’autant que les éditions critiques de leurs livres et pour Baudelaire ses lettres les rendent évidemment plus proches de nous que ces auteurs d’aujourd’hui dont nous ne connaissons que des pages, ou des tableaux. Qui je lis, parmi mes contemporains ? Qui voudrais-je lire ? Des poètes qui, certes, « feraient le négatif », dégageraient la réalité des représentations illusoires qui à travers les siècles l’ont recouverte ?; mais qui sauraient aussi que ce travail du négatif n’a de raison d’être que pour que le positif reprenne ses droits, énonce librement ses valeurs, appelle à lui l’esprit réconcilié avec soi.

Vous écrivez que Baudelaire a choisi « un chemin qui aille à la mort et que la mort grandisse en lui comme une conscience ». Pouvez-vous expliquer cette idée ? Quel rapport entretenez-vous avec la mort ?

Comprenez que ce que j’appelle la mort n’est pas l’événement qui se produit sous ce nom mais ce fait fondamental que l’être humain est délimité dans le temps aussi bien que dans l’espace, qu’il est, essentiellement, finitude, et que c’est d’ailleurs pour cela qu’il est humain, puisque c’est cette condition qui l’incite à des choix, des jugements, et qui lui a donc permis à travers les siècles d’accéder à la capacité d’aimer, ce second degré du réel. Mais se savoir finitude n’est pas facile, tous les rêves sont là pour l’oublier. Baudelaire est grand poète parce que, rêveur comme un autre, et capable de bien beaux rêves, il a choisi de ne pas rêver.

propos recueillis par Stéphane Barsacq et Jennifer Schwarz 

Source :Le monde des religions 30/12/2011

Bibliographie choisie : Le Siècle où la parole a été victime, (Mercure de France, 2010). L’Heure présente (Mercure de France, 2011). Sous le signe de Baudelaire (Gallimard, 2011).

Voir aussi : Rubrique Poésie,

André Markowicz : passeur littéraire

Le secret et imprévu André Markowicz  se trouve rarement où on l’attend. Il s’est posé un jour quelque part sur le chemin de la littérature russe, dans une forêt profonde, au carrefour du sens interculturel franco-russe. Ses traductions de Ostrovski Pouchkine, Gorki, Dostoievski,  Gogol, Tchékov… s’inscrivent dans une véritable démarche littéraire qui ne relève pas d’une simple transcription, mais d’une mûre digestion.« Je me rends compte qu’il est tellement plus intéressant pour moi de traduire L’Idiot plutôt que d’essayer d’écrire un mauvais roman (…)

Je suis beaucoup plus utile à traduire. Et, en ce qui concerne l’écriture, ce sont les traductions une à une qui posent la question : comment on peut faire ça en français ? »L’œuvre d’André Markowicz se forge de lignes nécessaires qui restaurent la langue russe fil par fil. Il vient de signer chez Actes Sud Le soleil d’Alexandre, celui de Pouchkine ou plus exactement celui des poètes du cercle de Pouchkine toujours présents dans l’âme russe contemporaine où demeure leurs mémoires. D’une œuvre à l’autre, les textes  des poètes russes traversent l’histoire en se faisant écho. Les auteurs furent toujours perturbés par un climat hostile, persécutés, exilés.

Le soleil d’Alexandre débute par un texte de 1845, écrit par Wilhelm Küchelbecker, un ami d’enfance de Pouchkine, décembriste, placé en résidence surveillée dans un village de Sibérie où il finira sa vie aveugle et tuberculeux. La plupart des auteurs de ce mouvement furent décimés par la répression de Nicolas Ier  à la suite coup d’État avorté du 14 décembre 1825.

Le livre d’André Markowicz n’a rien d’une anthologie, il évoque la génération brisée du cercle de ses poètes indignés par l’absolutisme, Joukovski, Batiouchkov, Delvig, Baratynski… On sait que la fin du tsarisme n’ouvrira pas le champ de la liberté comme en témoigne le brigand littéraire Alexandre Vvedenski, (1905-1941), et bien d’autres poètes victimes du stalinisme. Et la malédiction des poètes semble se prolonger dans la Russie du XXIe siècle. Tout le talent de Markowicz est de tirer de cette ombre une vraie lumière.

Jean-Marie Dinh

Aujourd’hui à 19h00, André Markowicz est l’invité de la Maison de la Poésie, en partenariat avec Sauramps.

Le soleil d’Alexandre, éditions Actes Sud, 475p, 28 euros

Voir aussi : Rubrique Livre, Littérature, Littérature russe, , Poésie, rubrique Russie, l’Eglise orthodoxe censure un conte de Pouchkine,

Montpellier Retro 2011: La culture au cœur du politique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Jean-Marie Dinh

Ecouter, regarder, découvrir, ce qui restent de l’année 2011. Retour sur les moments forts de la vie artistique montpelliéraine ouverte, riche, diversifiée, et impertinente, preuve que si la culture peut distraire, elle demeure surtout au cœur du politique. Quelques coups d’œil dans le rétro …

Janvier

Théâtre. Un choix judicieux pour débuter l’année opéré  par Toni Cafiero, en résidence à Lattes, il monte En attendant le Révisor au Théâtre Jacques Cœur. La pièce s’inspire d’une comédie de Gogol. L’action prend cœur dans une petite ville de province russe. Elle dépeint sur le ton comique les viles pratiques et les arrangements  « entre amis » des notables locaux.

Février

Théâtre. Le Carré Rondelet relève le défi lancé à la représentation par Sarah Kane qui a toujours fui la théâtralité. Sébastien Malmendier adapte, 4.48  Psychose. La jeune comédienne Poline Marion, incarne une belle impossibilité de vivre.

Mars

Poésie. L’association dirigée par Annie Estèves – la Maison de la poésie – trouve une juste reconnaissance auprès de la Ville de Montpellier. Elle dispose désormais d’un local et d’un soutien au fonctionnement. A l’occasion du 13e Printemps des poètes, elle programme plus d’une vingtaine de rencontres gratuites dans toute la ville.

Bonne nouvelle

Danse. Matthieu Hocquemiller présente Bonne nouvelle au CCN. Une création qui porte l’idée que la recherche identitaire fait diversion pour échapper à la question sociale.

Jazz. Le Jam sacre son 10e  printemps du 12 mars au 1er  avril. Jazz, soul et musiques du monde se croisent dans un cocktail hyper explosif.

Avril

Poésie. Invité par La Médiathèque Emile Zola, Yves Bonnefoy vient nous rappeler que la poésie conserve un devoir critique. Elle ne se situe pas du côté de ceux qui réussissent. Il faut savoir prendre le contre-sens de la médiation par l’image pour percevoir l’œuvre de Rimbaud et la replacer intuitivement dans notre paysage contemporain, nous dit ce grand poète français.

Théâtre. Aux 13 Vents, la mise en scène de Nicomède par Brigitte Jacques-Wajeman nous conduit au cœur de l’intrigue. En cornélienne avertie, l’artiste restitue le cadre du rapport politique colonial à la lumière de notre époque.

Mai

Festival Arabesques. On y parle du vent de démocratie qui souffle sur l’autre rive et on accueille les artistes engagés qui le transmette du raï au rap en passant par le hip hop et les folksong. Les chansons contestatrices sont plus que jamais en prise avec le réel. L’édition 2011 met à l’honneur l’esprit andalou connu pour sa tolérance.

BD. Invité par la librairie Sauramps, Bilal présente Julia & Roem. Son dernier opus s’inscrit dans l’univers post-apocalyptique de Animal’Z, sorti  en 2009 et actuellement en cours d’adaptation cinématographique.

Jeune public Saperlipopette.

Isabelle Grison qui conduit le projet, évoque l’intérêt de s’éloigner de la télévision et peu de monde la contredit. La manifestation décentralisée rassemble 30 000 personnes.

Littérature Comédie du livre. Du 27 au 29 mai, Montpellier célèbre le cinquantenaire du jumelage avec Heidelberg en mettant à l’honneur les écrivains de langue allemande. Cette 27e édition marque un tournant avec un changement d’équipe et d’organisation. La direction relève désormais de l’association Cœur de Livres pilotée par la ville. Les rencontres sont resserrées. Un bémol pour les éditions jeunesse mal représentées mais des invités qui comptent  Paul Nizon, Christophe Hein, Judith Herman…

Juin

Printemps des Comédiens. Le nouveau directeur, Jean Varela, ouvre de nouvelles perspectives avec une exigence artistique  plurielle et populaire. Le festival propose un large éventail du théâtre d’aujourd’hui. Il est dédié à Gabriel Monnet. Dag  Jeanneret y signe la mise en scène  de Radio Clandestine d’Ascanio Celestini. Une tragédie qui emprunte sa forme à l’engagement civique et politique de Pasolini.

Festival Montpellier Danse

Le festival met Tel-Aviv à l’honneur, grâce à la présence de nombreux artistes venus de cette ville d’Israël mais travaillant dans le monde entier.

Juillet

Festival de Radio France du 11 au 28 juillet, la 26e édition offre un large panorama de manifestations. 173, le plus grand nombre de concerts proposés depuis sa création. 17 créations signalent et réaffirment l’appartenance du festival aux grands rendez-vous.

Août

Gérard Garouste au Carre st Anne

Peinture. Les œuvres de Gérard Garouste sont exposées au Carré Sainte-Anne. Les toiles de l’artiste nous introduisent dans un monde baroque fait de l’étoffe des mythes où se mêle une acuité toute contemporaine.

Septembre

Théâtre. Le CDN ouvre sa saison avec La Conférence d’après  le texte de Christophe Pellet qui a reçu le grand prix de littérature dramatique en 2009. La pièce met en scène un auteur français à bout (Stanislas Nordey) qui se lâche sur la médiocrité de l’institution théâtrale française.

Concerts. Internationales de la guitare. Classique, rock, jazz, flamenco, blues, musique tzigane, world… se côtoient du 24 sept au 15 oct. 24 grands concerts : Paco Ibanez, John Scolfield, Saul Williams, Al di Meola… et une myriade de manifestations associées.

Octobre

Cinéma au Cinemed 234 films, beaucoup vus nulle part ailleurs, le parcours étonnant d’Andréa Ferréol, les films du Catalan Ventura Pons, les facéties d’un Benoît Poelvoorde, une rétrospective Pietro Germi font les riches heures de l’édition 2011. Le Palestinien Sameh Zoabi remporte l’Antigone d’Or pour L’homme sans portable.

Rockstore 25 ans. On célèbre ses 25 piges du Rockstore durant tout un mois. L’événement est soutenu par la mairie devenue propriétaire en 2009 sans ôter de liberté au lieu mythique.

Novembre

Hip Hop L’événement culturel Battle of the year distingue à l’Aréna les meilleurs crews (équipes) de breakdance de la planète. C’est la France qui s’impose devant les Etats-Unis.

Décembre

Danse Avec  Salves Maguy Marin affirme une prédilection pour le nocturne. Un langage s’invente. Il traduit l’ébranlement de la cohésion sociale fondée sur des siècles d’Histoire et de valeurs.

Théâtre Alain Béhar signe son retour à la Vignette avec Até, un nouvel ovni. Que devient la figure mythologique Até à l’heure du tout numérique ? La déesse de la discorde renaît sous les traits d’un avatar.

opéra-bouffe
René Koering conclut par une Belle Hélène avec la complicité d’Hervé Niquet à la direction musicale et une mise en scène chocolatée de Shirley et Dino. Les 28 dec,  et 3 et  5  janvier 2012.

Politique culturelle : la carte de l’attractivité

Concert Place de l’Europe

Les collectivités tiennent les budgets. De nouveaux acteurs arrivent.

Suite au remaniement de l’équipe municipale en juin, Philippe Saurel devient délégué à la Culture. Il assure à ce poste la rentrée de septembre. Candidat socialiste déclaré à la mairie en 2014, il était en charge de l’Urbanisme qui revient à Michael Delafosse, son prédécesseur à la culture. La différence de sensibilité et de vision entre les deux hommes laisse certains acteurs culturels dubitatifs. Le projet des ZAT, forme artistique de l’exploration urbaine, recueille en avril, le soutien entier d’Hélène Mandroux. Six mois plus tard, il pourrait être remodelé après les critiques portées par le nouvel adjoint sur la troisième ZAT devant la nouvel mairie.

Au Domaine d’O, Jean Varela est nommé à la tête du Printemps des comédiens six mois avant la 25e édition en juin. Il est aussi directeur de sortieOuest créée à Béziers pour rééquilibrer l’offre culturelle  en faveur de l’Ouest du département. A 44 ans, il devient un bras séculier de l’action culturelle du Conseil général. A ses côtés, le directeur du Domaine d’O, Christopher Crimes, poursuit sa  quête de nouveaux publics  en découvrant la richesse des créateurs héraultais.

Lors de la présentation de saison de l’Opéra, le président de région Christian Bourquin déclare que la valeur ajoutée d’une politique culturelle tient dans sa capacité de faire la différence. Fin novembre, la Région signe une convention avec l’Institut français, chargé de promouvoir  les actions d’échanges et la culture française à l’étranger.

Georges Frêche a toujours considéré  la culture comme un facteur prédominant du développement. Un sondage récent place la culture comme un élément d’attractivité déterminant de la ville comme de la région. En 2012, les collectivités territoriales devraient réaffirmer, la culture comme une priorité politique.

Photo : Lumière sur le Pavillon Populaire

Brassaï Greewich

Au top. Gilles Mora expose les pointures de la photo internationale.

Nommé à la direction artistique d’un navire d’images de 600 m2, Gilles Mora avait pour première mission la célébration du 55e anniversaire du jumelage de Montpellier avec Louisville. Il livre avec Les suds profonds de l’Amérique une exposition qui fait événement (20 000 visiteurs) et ouvre grand la porte de l’imaginaire américain. Les Montpelliérains découvrent notamment l’univers singulier de Ralph Eugene Meatyard.

Après l’Amérique, le printemps marque un retour en Europe avec l’exposition Aires de jeux champs de tensions dont le commissariat de l’exposition est confié à Monika Farber. La conservatrice en chef du Musée de l’Albertina à Vienne, propose des œuvres de trois grands artistes : Bogdan Dziworski, Michael Schmidt, Christ  Killip, tout en ouvrant l’espace à de nouveaux talents.

De Juin octobre l’expo Brassaï en Amérique confirme la nouvelle place de Montpellier dans le paysage de la photo d’art. Elle propose 50 images en couleur et 110 tirages d’époque en noir et blanc jamais publiés par l’artiste français d’origine hongroise. L’expo s’inscrit comme une découverte  qui devrait faire date dans l’histoire de la photo.

Jusqu’au 12 février on peut aller voir Apocalypses, la disparition des villes. De Dresde à Detroit (1944-2010) où l’on découvre quelques icônes de l’historiographie des villes du monde en ruine. C’est la 3ème  exposition présentée dans le cadre de la programmation 2011 centrée sur la photographie urbaine. Le commissariat est assuré par Alain Sayag, ex conservateur pour la photographie au Centre Georges Pompidou.

Ouverte sur les espaces et sur les hommes, la nouvelle dynamique impulsée par Gilles Mora a pour ambition d’affirmer Montpellier comme un lieu qui compte pour la photographie d’art à l’échelle nationale et internationale. Et il est sur la bonne voie !

Classique Lyrique :Une partition un peu dissonante

Départ de Koering arrivée de Scarpitta et de Le Pavec.

Durant les travaux de l’Opéra Comédie les représentations se poursuivent au Corum. Suivez le feuilleton des travaux sur France 3 LR.

Fondateur avec Georges Frêche du Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon, René Koering tire sa révérence avec la 27e édition. Le 11 juillet, le concert d’ouverture illustre la dimension découverte  qui a fait l’identité du festival. La Magicienne de Halevy, donnée par l’Orchestre national de Montpellier dirigé par  Lawrence Foster. Le chef américain attitré de l’orchestre est lui aussi sur le départ avant la fin de son contrat.

Après avoir démissionné de la direction de l’Orchestre et de l’Opéra en décembre 2010, René Koering a quitté la direction du Festival le 28 juillet en laissant un bel héritage. Mais la transition ne s’est pas faite sereinement. Le surintendant de la musique dit avoir appris le nom de son successeur  à la tête du festival dans  la presse. Il s’agit de  Jean-Pierre Le Pavec nommé au début de l’année directeur de la Musique à Radio France. Jean-Paul Scarpitta préside désormais à la destinée artistique de l’Opéra et de l’Orchestre. De loin le plus important  financement culturelle de la région, le budget de la double structure avoisine les 25 M d’euros. Il est géré par l’association Euterp.

Jean-Paul Scarpitta a dévoilé en juin le contenu de la saison 2011-12. On attend en mars, une Electra de R. Srauss dans une mise en scène de Jean-Yves Courrègelongue. Le même mois suivra la première mondiale de l’opéra de Philip Glass Einstein on the Beach en présence des deux autres créateurs Robert Wilson et Lucinda. Une nouvelle production  des Noces de Figaro mise en scène par le directeur, avec des costumes de Jean-Paul Gaultier aura lieu en juin. Et la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi sera donnée sous la baguette de Riccardo Muti les 14 et 15 janvier pour le concert du nouvel an.

Les expos de l’année

L’agglo hisse ses toiles

L’agglomération de Montpellier s’implique fortement au Musée Fabre. En 2011, la qualité des expositions programmées en témoigne.  De juillet à Octobre, on redécouvre Odilon Redon avec l’expo Le prince du rêve repenser dans un parcours muséographique inédit après l’expo du Grand Palais. L’art de Redon  explore les méandres de la pensée, l’aspect sombre et ésotérique de l’âme humaine, empreint des mécanismes du rêve.

En octobre le patron Antoine Gallimard est à Montpellier à l’occasion du vernissage de  Gallimard un siècle d’édition. L’exposition fait sortir de la confidentialité des documents exceptionnels. A travers les extraits de correspondances, le visiteur y trouve des éléments clés pour approfondir les œuvres des plus grands auteurs du XXe.

Depuis le 3 décembre, on peut apprécié Sujets de l’abstraction une grande expo sur la peinture non figurative de la seconde école de Paris. C’est le premier déplacement des chef-d’œuvres issus de la Fondation Gandur pour l’art après le Musée Rath, Genève. Le parcours permet de reconstituer l’histoire de la peinture non-figurative expressionniste entre 1940 et 1960 à travers les œuvres de Lucio Fontana, Jean Dubuffet, Georges Mathieu, Serge Poliakoff…

En novembre, la Drawing Room présentées au Carré St Anne a permis de se faire une autre idée. Celle de la vivacité de la création plastique d’aujourd’hui grâce à l’initiative de six galeries montpelliéraines (AL/MA, Aperto, BoiteNoire, Iconoscope, Trintignan et Vasistas) ayant choisi le dessin comme une approche pertinente de l’art contemporain.

Voir aussi :

Rubrique Livre, BD,

Rubrique Théâtre

Rubrique Danse, Salves Maguy Marin

Rubrique Poésie, Quelques prévisions de veillées poétiques, Voix de la Méditerranée le contenu d’une union , L’espace des mots de Pierre Torreilles,

Rubrique Musique Saison Musique lyrique 2011/12,

Rubrique Expositions, Les chambres noires du Sud, Les sujets de l’abstraction, Cy Twombly tire un trait,

Rubrique Cinéma

Rubrique Photo,

Rubrique Politique culturelle, Le Conseil général de l’Hérault maintien les grands axes, Philippe Saurel,

Festival, Arabesque, Saperlipopette, Printemps des Comédiens , Internationales de la guitare, Montpellier Danse, Festival de Radio France, Festival des Arts Numériques,

Rubrique Rencontre Jean Joubert, René Koering,

Frederic Jacques Temple : « Les poèmes sont des notes marginales, comme des balises qui marquent la vie et le temps »

 

Frederic Jacques Temple, poète occitan évoque les lignes de force de son parcours et l’attachement indéfectible à ses racines culturelles.

Depuis son enfance montpelliéraine, Frédéric Jacques Temple a traversé le XXe siècle. Il est parti cueillir des éclats d’imaginaire à travers le monde pour les ramener près de son arbre. Il réside dans un petit village du Gard où il poursuit sobrement son œuvre de poète, avec un ton juste où l’émotion passe à fleur de mot.. Le personnage atypique et déterminé vient de léguer à la médiathèque centrale de l’agglomération de Montpellier un fonds où s’inscrivent les traces de son parcours. A 90 ans l’écrivain occitan revient sur quelques images de sa vie.

Avez-vous le souvenir d’une enfance heureuse ?

Entre la mer et le Larzac, mes parents sont de souche aveyronnaise, mon enfance ne fut pas tout à fait heureuse. Pour des raisons familiales, j’ai été placé en pensionnat très tôt, dès l’âge de sept ans. J’ai ainsi appris à vivre seul, même si l’enseignement particulier que j’ai reçu m’a permis de m’ouvrir au chant, à la musique et à l’histoire de l’art..

Etait-ce un établissement religieux ?

Oui, mais l’enclos Saint François de Montpellier jouissait d’une réputation particulière. Nous étions le grand rival de l’école Jésuite à laquelle nous nous opposions lors de mémorables matchs de football. Le père Prévost, qui avait fondé cet orphelinat en investissant une partie de sa fortune y accueillait aussi les élèves de bonne famille. Cette institution pratiquait une pédagogie très ouverte sur l’art. Jean Bioulès, le père de François et de Jacques est aussi passé par St François. Je me souviens d’un jour, où l’évêque était en visite, le père Prévost lui a dit : « Ici les âmes vous appartiennent, mais le reste me concerne. »

A quel moment étiez-vous en contact avec la nature qui vous est si chère ?

Pendant les vacances, à l’époque nous avions trois mois. Je m’en donnais à cœur joie sur le Larzac avec mon oncle archéologue. On partait pour fouiller les dolmens et piéger les lapins. Sur la côte, il y avait la mer sauvage. On pêchait les poissons à trois mètres de la plage, du côté de la Grande-Motte qui est devenu plus tard la mer de béton. Près des étangs, j’ai passé des nuits à essayer de surprendre les canards. Je vivais des moments fantastiques tels qu’on peut les trouver dans les romans de Mark Twain ou de Jack London. Les livres ont nourri mon goût pour les grands espaces. Mon grand désir, c’était de voir si mes lectures ne m’avaient pas menti.

Sans quitter la Méditerranée vous passez sur l’autre rive en 1942 pour suivre votre père nommé préfet d’Alger…

Ma mère avait prévu que nous irions le rejoindre plus tard, mais mon père savait que le débarquement était en cours. Il a insisté pour que nous partions ensemble. Dès mon arrivée à Alger, je suis allé rencontrer Max-Pol Fouchet qui dirigeait la revue poétique Fontaine. Il m’a présenté Edmond Charlot (1), Marcel Sauvage, Emmanuel Roblès…

C’est l’époque où Alger est l’épicentre de la résistance intellectuelle française, quelle était la teneur des débats, la question de l’indépendance en faisait-elle partie ?

Après le débarquement, de nombreux artistes et écrivains arrivent à Alger. Charlot qui avait publié les premiers textes de Camus dans sa collection Méditerranéennes, devient l’éditeur de la France libre. Il reçoit clandestinement le manuscrit de Vercors, Le silence de la mer. Moi, je me trouvais dans le bain de ces jeunes écrivains. Je m’imprégnais de tout cela. Je fréquentais la casbah et les cafés maures. Cela n’a duré que quelques mois car j’ai été mobilisé dès le débarquement. J’ai choisi de partir avec un régiment composé de 90% d’indigènes. Je raconte cet épisode et l’histoire des hommes de l’armée d’Afrique dans mon roman La route de San Romano (2). Ben Bella a été décoré de la Médaille Militaire pour avoir combattu avec les troupes françaises sur le front italien. Puis tout cela a dégénéré. Les hommes politiques ont pris le mauvais chemin. On aurait pu régler ces affaires sans tirer un coup de fusil. C’était très possible.

Quelle place accordez-vous à la conscience politique dans votre œuvre ?

C’est à ceux qui lisent mes livres d’en tirer les conclusions. Ce qui m’intéresse, ce sont les hommes, les idées, ce ne sont pas les doctrines. A mon sens le seul homme politique digne de ce nom, c’est Pierre Mendés France.

Etes-vous croyant ?

J’ai reçu une éducation religieuse. Aujourd’hui, j’ai beaucoup d’admiration pour le Christ… beaucoup moins pour Dieu le père. Ma foi, si je peux employer ce gros mot, se compose davantage d’espérance que de certitude…

Pour revenir à votre œuvre, et aux différentes formes d’expressions qui la constituent, comment s’opère la distribution entre poèmes, romans, récits, essais …

Je ne suis pas du tout un romancier. Je suis incapable d’inventer des dialogues, de créer et de faire évoluer des personnages. J’écris à partir d’expériences biographiques revues par l’écriture. C’est une forme d’autofiction. Les poèmes sont des notes marginales, comme des balises qui marquent la vie et le temps. Je n’érige pas de frontières imperméables entre la prose et la poésie. La littérature qui m’intéresse, c’est le résultat de la vie. On ne peut pas faire du pain si on n’a pas semé le grain.

En vous rendant outre-Atlantique, avez-vous confirmé votre goût pour la littérature et les grands espaces américains

J’ai suivi le conseil de mes lectures. Je ne suis pas allé voir les usines de General Motors. Je suis allé vers la grande prairie, vers les Indiens. A Santa Fé, je me suis fait adopter par une famille indienne. L’Occitan que je suis a retrouvé les mêmes problématiques de colonisation que dans le Sud. A tel point que j’ai failli rester là-bas. Mais mes amis indiens m’ont dit : « Tu es ici chez toi, mais il faut que tu ailles vivre parmi tes morts, même si ton pays est une réserve ».

Recueilli par Jean-Marie Dinh

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Corentin Coko : Poésie exaltée de la chanson populaire

Maison de la poésie. Le chansonnier et poète Corentin Coko célèbre les 140 ans de La Commune de Paris.

La Maison de la Poésie de Montpellier renoue avec l’esprit des goguettes du XIXe siècle en invitant  le chansonnier Corentin Coko. « C’est un jeune artiste qui se tourne vers l’histoire pour apprendre le présent, indique Annie Estèves la directrice artistique du lieu, je le suis depuis ses débuts. Corentin Coko dispose d’un talent vraiment original. Il se distingue par la qualité de ses textes qui ne donnent pas dans l’engagement bien pensant. Ici, on tient beaucoup à la poésie engagée qui fait appel à la mémoire du peuple, même si quelque part, la poésie répond toujours à un engagement

Armé de son accordéon, l’artiste célèbrera à cette occasion les 140 ans de la Commune de Paris. On le sait, l’espoir soulevé par le soulèvement de Paris et le bain de sang dans lequel le mouvement fut réprimé ont inspiré de nombreux poètes et auteurs, mais curieusement, ce 140e anniversaire aurait pu passer relativement inaperçu.

C’était sans compter sur ce vibrant artiste montpelliérain qui commença sa carrière à 16 ans en première partie d’Arthur H.  » On trouve souvent des amnésiques, chez les jeunes auteurs de chanson française que j’apprécie beaucoup par ailleurs. Recevoir une leçon sur le passé donnée par un jeune, c’est plutôt rare. Après le Domaine D’O et avant le Théâtre Jean Vilar, programmer Corentin Coko dans le cadre de la manifestation  » Les poètes n’hibernent pas » relève un peu de l’emblématique. Il a tout à fait sa place dans le travail de brassage des générations que nous avons entrepris. »

Un idéal d’humanité

Au travers des textes et chansons d’Eugène Pottier (auteur des paroles de l’Internationale), de Victor Hugo, Louise Michel, Jules Vallès, Jean-Batiste Clément, Emile Zola, Corentin Coko fera revivre ces quelques mois où Paris fut aux mains du peuple et de la révolution sociale.

Passionné par la chanson populaire, l’artiste n’ignore rien du climat de lutte et de misère qui furent à l’origine de la Commune. Mais c’est l’exaltation poétique qu’il retient surtout de cette tentative de rappropriation populaire : « Cet idéal d’une société nouvelle ne se construit pas seulement avec des armes, des canons, mais avec des discours, des mots, des textes, particulièrement emplis de poésie. Une poésie exaltée, vibrante, passionnée, venant de la masse populaire, de la terre rougie de sang, une poésie sortie tout droit des entrailles de Paris. »

Aujourd’hui, il ne reste pas grand chose de l’esprit des goguettes qui émaillaient les nuits françaises du XIXe. On s’y rendait pour boire et chanter. Considérée comme des réunions séditieuses, elles furent supprimées en 1851 par Napoléon III. Mais la chaleureuse ambiance de fête paillarde, propice à l’entraide et à l’amitié décrite notamment par Gérard de Nerval, n’a pas sombré dans l’oubli. Elle a traversé les siècles. On la retrouve encore au carnaval de Dunkerque. Corentin Coko a l’heureuse et riche idée de la faire resurgir près de chez nous. Il suffit de s’y rendre pour se trouver en bonne compagnie.

Jean-Marie Dinh

Maison de la Poésie, Moulin de l’Evêque 78,  av du Pirée.
Le nouvel album de Corentin Coko peut être commandé sur le site : www.corentin-coko.fr

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