André Markowicz : passeur littéraire

Le secret et imprévu André Markowicz  se trouve rarement où on l’attend. Il s’est posé un jour quelque part sur le chemin de la littérature russe, dans une forêt profonde, au carrefour du sens interculturel franco-russe. Ses traductions de Ostrovski Pouchkine, Gorki, Dostoievski,  Gogol, Tchékov… s’inscrivent dans une véritable démarche littéraire qui ne relève pas d’une simple transcription, mais d’une mûre digestion.« Je me rends compte qu’il est tellement plus intéressant pour moi de traduire L’Idiot plutôt que d’essayer d’écrire un mauvais roman (…)

Je suis beaucoup plus utile à traduire. Et, en ce qui concerne l’écriture, ce sont les traductions une à une qui posent la question : comment on peut faire ça en français ? »L’œuvre d’André Markowicz se forge de lignes nécessaires qui restaurent la langue russe fil par fil. Il vient de signer chez Actes Sud Le soleil d’Alexandre, celui de Pouchkine ou plus exactement celui des poètes du cercle de Pouchkine toujours présents dans l’âme russe contemporaine où demeure leurs mémoires. D’une œuvre à l’autre, les textes  des poètes russes traversent l’histoire en se faisant écho. Les auteurs furent toujours perturbés par un climat hostile, persécutés, exilés.

Le soleil d’Alexandre débute par un texte de 1845, écrit par Wilhelm Küchelbecker, un ami d’enfance de Pouchkine, décembriste, placé en résidence surveillée dans un village de Sibérie où il finira sa vie aveugle et tuberculeux. La plupart des auteurs de ce mouvement furent décimés par la répression de Nicolas Ier  à la suite coup d’État avorté du 14 décembre 1825.

Le livre d’André Markowicz n’a rien d’une anthologie, il évoque la génération brisée du cercle de ses poètes indignés par l’absolutisme, Joukovski, Batiouchkov, Delvig, Baratynski… On sait que la fin du tsarisme n’ouvrira pas le champ de la liberté comme en témoigne le brigand littéraire Alexandre Vvedenski, (1905-1941), et bien d’autres poètes victimes du stalinisme. Et la malédiction des poètes semble se prolonger dans la Russie du XXIe siècle. Tout le talent de Markowicz est de tirer de cette ombre une vraie lumière.

Jean-Marie Dinh

Aujourd’hui à 19h00, André Markowicz est l’invité de la Maison de la Poésie, en partenariat avec Sauramps.

Le soleil d’Alexandre, éditions Actes Sud, 475p, 28 euros

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En attendant le Révizor : Corrosif, drôle et bien culotté

 En attendant le Révizor par la Cie Faux Magnifico

Un choix judicieux opéré  par Toni Cafiero, en résidence à Lattes, il vient de monter En attendant le Révisor au théâtre Jacques Cœur. La pièce s’inspire d’une comédie de Gogol, Le Révisor, crée en 1836 d’après une idée de Pouchkine. Les lignes de ce textes n’ont pas vieilli. L’action prend cœur dans une tranquille petite ville de province russe. Elle dépeint sur le ton comique les viles pratiques et les arrangements « entre amis » des notables locaux.

A l’occasion d’une visite surprise d’inspection du Révisor, qui incarne l’autorité du pouvoir national, les administrateurs de la petite ville tentent de se montrer sous leurs meilleurs jours. Mais faire mains propres se révèle une tâche bien ardue quand on les sort à peine du pot de confiture, d’autant que le Révisor est un curieux personnage.

L’adaptation soignée de Toni Cafiero, qui signe aussi les décors, joue sur l’abondance des jeux de scène et la gestuel comique. La mise en scène renforce le jeu en portant un soin particulier à la musique et au rythme. Le travail de Vladimir Granov sur les déplacements dans l’espace est remarquable.

La petitesse d’esprit que  dévoile cette comédie de caractère fait rire. Sans doute parce que ce monde de déférences et de mesquinerie, ne nous apparaît pas si étranger, et qu’au final, la visite du Révisor nous ramène sur le chemin de l’intérêt général.


Jean-Marie Dinh

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