Les dents de Michel Houellebecq

couple-seniors3Lors de la publication de son dernier livre, Michel Houellebecq a fait un passage dans les médias bien plus court qu’à son habitude. Passage médiatique assez peu remarqué puisque le livre en question est un recueil de poésies, et que la poésie n’intéresse plus personne en France. Si Victor Hugo publiait la Légende des siècles aujourd’hui, il devrait le faire sur un blog gratuit.

Personne ne semble avoir remarqué que Houellebecq est édenté. Sur les plateaux de télévision, temples du propre, du clinquant, symboles du paraître, il est venu parler poésie sans même mettre un dentier. Or, il est peut se payer un dentier. Il a donc fait ce geste sciemment : venir mettre un peu de réel au milieu des quadras liftés, des ratiches blanchies au laser, des tartineurs d’antirides compulsifs. Depuis la mort de Paul Léautaud, on ne pensait plus revoir un écrivain sans ses dents, non pas que ces outils soient tout-à-fait indispensables à son art, ni même à sa carrière dans le monde des lettres, mais tout simplement parce que personne, à part les clochards, ne se promène plus ainsi. Houellebecq l’a fait.

Il suffit de comparer deux photos de Houellebecq, l’une prise le soir de son Goncourt, par exemple, et l’une plus récente de seulement deux ans, pour prendre en pleine poire l’incroyable transformation du mec. Dents absentes, cheveux rares, débraillé plus radical encore, mine d’octogénaire épuisé. Dire que certains dépensent des fortunes pour améliorer leur faciès, pour se fabriquer des rondeurs à grands coups de Botox, pour se lustrer le poil, se rallonger les tibias, s’affiner le tarbouif, se dorer la couenne et, bien sûr, se gonfler les nichons… Dire qu’en pure perte des sommes sont englouties dans des crèmes à cul, des spray redresseurs de paf, des ampoules pour la sphérisation des fesses, des cataplasmes pour se faire rosir l’œil de bronze… Ah, quand on n’a rien d’autre à offrir, il faut bien soigner sa surface. Et quand on a du génie, il est presque facile de négliger d’abord le nœud de cravate, puis le tombé du pantalon, l’hygiène ordinaire, les bonnes manières, pour finir ravagé d’apparence, à mi-chemin de Céline et de Boudu. Houellebecq, c’est le contre-pied absolu de la chirurgie esthétique.

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Mine de rien, il fait tellement exception à la règle hygiéniste qui nous gouverne que tout le monde fait semblant de n’avoir rien remarqué. Bien sûr, on n’imagine pas qu’un animateur d’émission télévisée ait l’indélicatesse d’interpeller Houellebecq tout de go sur l’état délabré de sa salle à manger. Mais qu’aucune réaction ultérieure n’ait été notée dans la presse, que rien ne soit dit sur ce look radicalement nouveau, relève probablement plus de la pétrification idéologique que d’une courtoisie qui a de toute façon déserté notre temps.

Qui sont les édentés ? Les pauvres et les vieux, c’est-à-dire pas mal de monde. La société n’accepte pourtant plus de regarder les vides laissés par ces dents disparues, ni ce qu’ils représentent. De fait, rencontrer une personne qui ne porte pas de dentier est devenu très rare. C’était pourtant banal dans les années 60, il suffit de revoir n’importe quel film de Pasolini pour s’en convaincre. Sur le plan pratique, d’un point de vue masticatoire, c’est un incontestable progrès.
Comme les Américains et les présentateurs du journal télévisé nous le démontrent à leur façon, on associe une bonne dentition à une bonne santé. Mieux, on en est arrivé à regarder le dentier comme une politesse que l’édenté doit aux gens qu’il croise, et quiconque la refuse passe pour une sorte d’ordure. Un rôle que Houellebecq ne pouvait pas refuser.

Censés afficher à la face du monde leur engagement total dans la radicalité d’une post-histoire qui méprise les valeurs anciennes, les tenants idiots d’une certaine modernité essayent d’épater le bourgeois avec leurs scarifications, leurs modifications corporelles, leurs piercings, leurs implants débiles ou leurs tatouages à la con. Ces rebelles multicolores s’esquintent littéralement la peau pour affirmer on ne sait quelle conviction ne supportant pas d’être différée : la venue d’une humanité nouvelle, la mort de l’ancienne, la course aux armements de l’insolite, la montée aux extrêmes de l’esthétique gore… La représentation du crâne humain y règne en valeur suprême, agrémentée de tibias de circonstance et du fatras habituellement associé à l’horreur des séries Z. Pourtant, pas un n’a eu l’idée toute simple de se faire sauter les chicots. Aucun de ces bigarrés n’a pensé qu’un homme sans dents, et qui l’assume, est aujourd’hui, dans nos sociétés, bien plus transgressif qu’un connard avec une tête de chef indien tatouée entre les omoplates.

On se souvient qu’à Rome, lors du triomphe d’un général victorieux, un esclave se tenait près de lui, répétant memento mori, souviens-toi que tu vas mourir. Façon de rappeler à l’orgueil du triomphateur que son temps était compté, et qu’il finirait par quitter la scène. Histoire peut-être de l’inciter à une humilité dont les vainqueurs, les idoles et les héros témoignent rarement. Michel Houellebecq tient un peu ce rôle. Il nous rappelle de ne pas oublier qu’on va vieillir, qu’on sera bientôt semblables à lui, même si les lumières du plateau télévisé, les publicités pour les assurances retraites et l’infantilisation du monde veulent nous convaincre du contraire. Il renouvelle aussi, en l’incarnant, la tradition perdue des vanités, remettant dans l’indifférence générale un peu de dolorisme au cœur du festif.

Observateur chirurgical du gâchis ordinaire de nos vies, Michel Houellebecq vient au cœur du temple, et nous montre ce que le temps lui fait. Il nous montre les attaques de l’âge, sans fard, comme il le fait d’une autre façon dans ses œuvres. Les médias étant ce qu’ils sont, on ne lui fera même pas l’honneur de le lui reprocher, on n’aura pas à lui pardonner son geste, puisque c’est comme si rien ne s’était passé. Il faut un obscur blogueur pour en parler, et lui rendre hommage.

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Source : 10/03/2014 Cultural Gang Band

Paul de Roux juste distance d’un bel endormi

AVT_Paul-de-Roux_5685Poésie. Les éditions Gallimard rendent hommage au poète d’origine nîmoise en publiant un volume réunissant trois de ses recueils.

« Si je n’écris pas, je me défais. Je me fais d’autant plus en écrivant que j’écris contre le désert, l’impuissance, l’ennui, le dégoût : une horde de bêtes hideuses dont le mufle est plat, le plus banal, le plus terne, le plus impalpable qui soit : cette même puissance qui alourdit et ferme mes paupières, fait dodeliner ma tête — jette sur moi l’envie de dormir comme un filet. »

Paul de Roux est né à Nîmes en 1937. Il a travaillé toute sa vie dans l’édition, à Paris, tout en soustrayant à son métier, autant qu’il le pouvait, tôt le matin, un peu de temps pour écrire. En 1969, il fonde avec Henri Thomas, Georges Perros et Bernard Noël la revue La Traverse. La plupart de ses livres de poèmes ont été publiés par Gallimard, qui lui rend hommage en réunissant en un volume trois de ses recueils* ainsi que Au jour le jour 5.

Dire de la poésie de Paul de Roux que c’est une poésie du quotidien consiste à souligner l’aspect le plus évident de son travail. Mais pour ce qui le concerne, il ne faut pas entendre quotidien dans le sens des répétitions qui font le lit des habitudes. C’est bien la vigilance du poète, témoin quasi perpétuel du monde. – Monde souvent lointain – qui le tient à distance pour capter le fugitif.

Un rapport particulier rythme son écriture entre la présence et l’absence des choses de la nature et des hommes. De Roux saisit la lumière, ce qui apparaît un instant avant de disparaître et nous emporte vers un ailleurs de l’ici et maintenant.

La lecture de Au jour le jour 5 est émouvante et cependant, comme l’écrit Gilles Ortlieb dans son avant-propos : « On a l’impression de le voir prendre congé de lui-même, avec effroi parfois, et dans la compagnie devenue constante, pour ne pas dire obsédante, d’une fatigue et d’une anxiété protéiforme – au point que les instants qui parviennent à lui échapper sont ici consignés comme miraculés. » Rejoint par une maladie implacable, Paul de Roux, bien que toujours en vie, est hélas, en dehors de ses livres, c’est désormais là que nous pouvons l’y retrouver.

JMDH

Poésie /Gallimard Paul de Roux Entrevoir, suivi de Le front contre la vitre et de La halte obscure.

Source : L’Hérault du Jour 24 02 14

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« La Révolte ». L’ambivalence du réel perdu

DownloadThéâtre. La Révolte de Villiers de L’Isle-Adam ce week-end à Montpellier.

Fidèle à sa passion pour le  XIXe siècle transposée avec un goût certain dans le monde d’aujourd’hui, Lydie Parisse monte actuellement La Révolte de Villiers de L’Isle-Adam au Théâtre Pierre Tabard. Créée en 1870, cette oeuvre majeure pour la clarté de la langue l’est aussi pour la révolte qu’elle exprime contre le mariage bourgeois et la société capitaliste. « A la fin de la pièce, Félix conclut sur la dangerosité de la poésie qui détourne les honnêtes gens de l’usage ordinaire du langage », souligne Lydie Parisse.

Dans le climat houleux de 1870 l’avant-gardiste Villiers de L’Isle plonge son propos théâtral dans le réalisme extralucide. Félix dirige une banque, sa jeune femme Elisabeth s’occupe des placements aux détriments de l’équilibre social et de sa nature. Un soir elle décide de partir. La confrontation domestique s’atomise ouvrant sur des questions éthiques, politiques, féminines et spirituelles.

Habitué aux vaudevilles, la pièce heurte le public de l’époque. Dans notre monde où la déshumanisation s’accélère, l’opposition et l’incompréhension entre matérialisme et spiritualisme résonne puissamment. Yves Gourmelon et Julie Pichavant s’adonnent à ce dialogue de sourds avec une intensité remarquable. Pour Elisabeth, le conflit n’est pas une fin, mais une étape du dépassement, «L’abandon provisoire d’une révolte possible

JMDH

 Au Théâtre Pierre Tabard 04 99 62 83 13.

Source : L’Hérault du jour : 18/01/2014

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Y. Gourmelon et J. Pichavant, un affrontement dans la complicité . dr

Lou Marin :  » Il y a une sous estimation de la pensée libertaire de Camus »

Lou Marin invité chez Sauramps, Photo Redouane Anfoussi

Lou Marin invité chez Sauramps, Photo Redouane Anfoussi

Lou Marin est un chercheur allemand militant engagé dans le réseau des libertaires non–violents. Résidant à Marseille depuis une quinzaine d’année il a rassemblé l’intégralité des textes écrit par Albert Camus dans les revues libertaires en France et dans le monde. Le fruit de son travail a été publié en 2008 par Egrégores éditions, une petite maison marseillaise mais cet ouvrage est passé quasiment inaperçu. Il vient d’être réédité par les éditions montpelliéraines Indigène dirigé par Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou qui en a signé la préface. Lors de la présentation de l’ouvrage qui vient de se tenir à la librairie Sauramps en présence de l’auteur, J-P Barou s’est insurgé de l’impasse que font les grand médias sur cet ouvrage reçu avec un peu d’agacement par les maîtres à penser du monde intellectuel et médiatique français. Rencontre avec Lou Marin.

Qu’est ce qui vous a poussé à entreprendre ce travail sur Camus auquel vous vous êtes attelé durant vingt ans ?

Cette entreprise est liée à mon parcours personnel de militant au sein du mouvement anarchiste non-violent en Allemagne. En France, ce mouvement est assez méconnu. Il a été occulté par les actions de la Fraction armée rouge, or le mouvement non violent est une vieille tradition. On trouve trace de cette philosophie dès le XVIème siècle dans le Discours de la servitude volontaire de La Boétie. Au XIXème des gens comme Proudhon pensaient que la révolution sociale pouvait être atteinte pacifiquement. J’ai collaboré à des journaux comme le Graswurelrevolution et je me suis engagé dans le combat antinucléaire.

Nous avons mis en oeuvre des stratégies non-violentes nouvelles, celle par exemple, de ne pas s’attaquer au coeur du système nucléaire mais à ses infrastructures en s’en prenant au convoi de déchets nucléaires ou en coupant des pylônes électriques construits par les nazis. Détruire du matériel reste une action non-violente car cela ne produit pas de douleur. Nous avons beaucoup d’influence en Allemagne et aussi des résultats avec la fin du nucléaire programmé à échéance 2021.

La notion de discours est importante. Sur ce point on pourrait nous situer entre Bakounine et Ghandi. Mais nous étions à la recherche de revendications actuelles et modernes. Camus a fondé sa pensée à l’épreuve du quotidien. Il a traversé les catastrophes du XX e siècle, il s’est demandé comment est-ce possible qu’une civilisation soit devenue aussi barbare en partageant ce questionnement avec les anarchistes. L’analyse de sa révolte est utile aux militants qui luttent aujourd’hui pacifiquement partout dans le monde.

Cette question de la violence et de la non-violence reste au coeur de ses préoccupations ?

Il y a une conjugaison entre violence et non-violence chez Camus. Dans une auto-interview (1) il écrit : « La violence est inévitable et je ne prêcherai pas la non-violence », ce qu’il fera finalement dix ans plus tard. En 1942-1943 il observe à Chambon-sur-Lignon l’accord non-violent que passe la population du village pour le sauvetage des juifs. Cela le touche profondément. En même temps il ne souhaite pas que le pacifisme aille trop loin dans les compromissions pour éviter les conséquences qui mènent à la collaboration.

En 1958, il soutient les objecteurs de conscience en Algérie où il constate que la lutte armée échoue là où la non violence réussit.

Camus est aussi très lié à l’Espagne où il défend la cause des libertaires…

Pour lui c’est avant tout une question de moralité en tant que résistant. A la fin de 1944, de Gaule reconnaît le franquisme alors que pour Camus la guerre n’est pas finie sans que l’Espagne soit libérée. Cette position l’oppose également aux alliés, notamment à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis qui ont récupéré les troupes franquistes dans le cadre de la guerre froide. Camus trouve ses amis parmi les 500 000 réfugiés espagnols qui subissent la rétirada. Il s’insurge au côté des anarchistes syndicalistes contre l’ONU lorsque l’Unesco reconnaît l’Espagne de Franco.

camus-idgL’objet de votre ouvrage réhabilite la pensée libertaire de Camus Pourquoi a-t-elle été sous-estimée ?

A son époque Camus était un ovni parce qu’il était  à la fois antimarxiste et anticapitaliste, ce qui était inconcevable dans les années 50. Aujourd’hui, ce phénomène me paraît inexplicable. Alors que les essais sur son œuvre abondent et ont mobilisé plus de 3 000 universitaires, philosophes, hommes et femmes de lettres. Personne n’expose cet aspect de sa pensée. Il y a une sous-estimation du militantisme libertaire qui a bénéficié d’une continuité de pensée jusqu’en 68, avant de s’évanouir dans un grand vide. Le mouvement libertaire est jugé sans importance dans le milieu philosophique.

Il n’y a pas de respect pour ceux qui ont pris L’homme révolté en tant qu’oeuvre philosophique. Je crois que le monde libertaire qui milite dans les mouvement sociaux a un but. Ce n’est pas le cas des chercheurs qui ne font pas le lien entre un principe et sa réalisation sociale. Leur but est avant tout égocentrique. Il s’agit d’avoir du renom.

Ne pensez-vous pas que nous sommes plus mûrs aujourd’hui pour saisir cet aspect de sa pensée ?

Il y a certainement un renouveau d’intérêt pour la pensée libertaire. Camus a écrit une phrase comme : « La propriété c’est le meurtre », ce qui prend une certaine résonance quand les ouvriers se suicident sur leur lieu de travail. Sarkozy voulait le transférer au Panthéon ce qui est fort de café pour un antinationaliste.

Tous les droits que nous avons dans une société n’émanent pas de la société. Ils viennent d’en bas. L’État a pour fonction de les arrêter et de les faire reculer lorsqu’il n’y a pas de résistance pour les conduire vers l’extrême droite. »

Propos recueillis par Jean-Marie Dinh

(1) Défense de l’Homme n°10, juin 1949

Albert Camus écrits libertaires, Indigène éditions, 18 euros.

Source : La Marseillaise 18/11/2013

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A Montpellier, Diderot décrypte l’art contemporain de son temps

Diderot avait capté la virtuosité de David. Photo Rédouane Anfoussi

Présentée en première étape au Musée Fabre de Montpellier, jusqu’au 12 janvier 2014 l’exposition « Le Goût de Diderot » nous invite à suivre l’empreinte originale du premier critique d’art.

Alors que l’expo Signac se poursuit jusqu’au 27 octobre, s’est ouvert hier au Musée Fabre de Montpellier l’exposition d’automne Le goût de Diderot qui se tiendra jusqu’au 12 janvier. « Ces deux expositions d’importance démontrent un dynamisme rarissime pour un musée de province », se réjouit la déléguée à la culture de l’Agglo Nicole Bigas. Le compteur d’entrée qui indique 75 000 visiteurs pour Signac à un mois de la clôture, souligne l’attrait des visiteurs d’été pour cette proposition colorée. La célébration du tricentenaire de la naissance de Diderot s’inscrit dans un autre contexte. Elle répond avec pertinence à la problématique muséale récurrente de faire vivre ses collections permanentes. Ce que la dynamique événementielle des grandes expositions temporaires ne permet pas toujours.

Un rapport à l’histoire

Célébrer Diderot, qui fut un des premiers critiques d’art, ouvre une porte sur la mémoire et renoue avec une des vocations des musées : le rapport à l’histoire. Pour le directeur féru du classicisme français et de la peinture néoclassique Michel Hilaire, la célébration de Diderot est une fabuleuse occasion de mettre en valeur les collections de la seconde moitié du XVIIIe dont le musée détient des œuvres particulièrement significatives. Celles-là même que Diderot célébra en son temps. Le réalisme saisissant restitué par le sculpteur des lumières Jean-Antoine Houdon dans son portrait de Voltaire en est un bel exemple. L’exposition a permis une rotation des œuvres néoclassiques du musée qui bénéficient assurément du réaccrochage.

Près de quatre-vingt peintures, sculptures, dessins et gravures de quarante-trois artistes sont réunis dans cette exposition.

Panorama recontextualisé de l’art français

Le parcours se ponctue d’œuvres des plus grands peintres (Boucher, Chardin, Greuze, Vernet, Vien, David…) et des plus grands sculpteurs (Pigalle, Falconet, Houdon, Allegrain…) de l’art français au temps de Diderot. Outre la qualité intrinsèque des œuvres, un des intérêts de l’exposition repose sur l’approche qu’en avait le philosophe pour qui elles faisaient jour dans un contexte marqué par l’attrait vers la nouveauté. L’expo qui invite le visiteur à suivre les jugements de Diderot s’inscrit dans un décalage temporel qui met en exergue les enjeux contemporains de la confrontation entre l’art, la morale et la politique.

Diderot fait ses premiers pas dans la critique artistique en 1759 dans le cadre de comptes-rendus des salons, expositions de peinture publiques organisés par l’Académie royale au Louvre.

Le philosophe débute avec une approche littéraire basant son interprétation à partir du sens. Il évolue en découvrant les artistes et la technicité de l’art ce qui modifie son approche en profondeur. L’expo s’organise par regroupements thématiques autour de trois valeurs chères à l’encyclopédiste. La vérité qu’il décrit quand il évoque l’expression de la chair des sculptures de Jean-Baptiste Pigalle. La poésie que Diderot retrouve dans les capacités sublimatoires d’artiste comme Vien et David : « l’artiste doit exprimer le plus profond des sujets qu’il traite ». La magie enfin, que rend Vernet dans une oeuvre comme Tempête avec naufrage d’un vaisseau en « abolissant la frontière entre l’art et la réalité. » Une vision des Lumières à découvrir…

Jean-Marie Dinh

Le Goût de Diderot à Montpellier, jusqu’au 12 janvier 2014, puis à Lausanne, à la Fondation de l’Hermitage, du 7 février au 1er juin 2014.

Source La Marseillaise 05/10/2013

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