« La Révolte ». L’ambivalence du réel perdu

DownloadThéâtre. La Révolte de Villiers de L’Isle-Adam ce week-end à Montpellier.

Fidèle à sa passion pour le  XIXe siècle transposée avec un goût certain dans le monde d’aujourd’hui, Lydie Parisse monte actuellement La Révolte de Villiers de L’Isle-Adam au Théâtre Pierre Tabard. Créée en 1870, cette oeuvre majeure pour la clarté de la langue l’est aussi pour la révolte qu’elle exprime contre le mariage bourgeois et la société capitaliste. « A la fin de la pièce, Félix conclut sur la dangerosité de la poésie qui détourne les honnêtes gens de l’usage ordinaire du langage », souligne Lydie Parisse.

Dans le climat houleux de 1870 l’avant-gardiste Villiers de L’Isle plonge son propos théâtral dans le réalisme extralucide. Félix dirige une banque, sa jeune femme Elisabeth s’occupe des placements aux détriments de l’équilibre social et de sa nature. Un soir elle décide de partir. La confrontation domestique s’atomise ouvrant sur des questions éthiques, politiques, féminines et spirituelles.

Habitué aux vaudevilles, la pièce heurte le public de l’époque. Dans notre monde où la déshumanisation s’accélère, l’opposition et l’incompréhension entre matérialisme et spiritualisme résonne puissamment. Yves Gourmelon et Julie Pichavant s’adonnent à ce dialogue de sourds avec une intensité remarquable. Pour Elisabeth, le conflit n’est pas une fin, mais une étape du dépassement, «L’abandon provisoire d’une révolte possible

JMDH

 Au Théâtre Pierre Tabard 04 99 62 83 13.

Source : L’Hérault du jour : 18/01/2014

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique littérature française,

Y. Gourmelon et J. Pichavant, un affrontement dans la complicité . dr

Du lard ou du bourgeois

L’immoralité pleine et entière de la non-pensée

Lydie Parisse adapte au théâtre l’Exégèse des lieux communs du sulfureux Léon Bloy. Un pavé dans le bain douillet de la bêtise bourgeoise. Le texte, écrit à la fin du XIXe, décrypte l’immoralité pleine et entière de la non-pensée qui tient lieu de repère au monde de son époque. Le texte qui commente les expressions toutes faites les déshabille de leur innocente vertu. Un siècle après sa première publication, il offre aux spectateurs la démonstration de leurs efficiences dans le temps. On prend plaisir aux jeux de la langue qui offre une vision inversée des choses. Chez Bloy le sérieux côtoie le rire. Pauvre, marqué par la perte de deux enfants en bas âge liée à des conditions de vie insalubres, ce grand pamphlétaire a dédié son œuvre à la notion de perte. Comble de la provocation, il revendique la pauvreté comme un but à atteindre. On comprend que son ironie réaliste et subversive ait séduit les Dadas et outré la conscience des milieux catholiques, d’autant plus que Bloy se revendiquait chrétien. La pièce interprétée par Dominique Ratonnat et Yves Gourmelon tourne autour de trois figures : celles du bourgeois, « inculte primaire bouffi de sa propre importance et de son matérialisme ranci », celle de l’argent qui incarne une valeur cardinale sans avoir de valeur, et celle du pauvre.  Attention, nous dit Bloy, « si vous donnez de mauvais cœur un sou à un pauvre, votre acte, projeté dans l’infini, risque de compromettre l’équilibre du monde. » Dans sa forme, le texte est écrit comme une parole adressée. La mise en scène s’appuie sur une interactivité avec le public qui participe au jeu jubilatoire des questions réponses. Lydie Parisse se saisit de L’Exégèse pour en faire une savoureuse matière à savoir, mais pourra-t-on comme le croyait sincèrement Bloy ramener le bourgeois dans le droit chemin ? La bêtise est une étape, pensait-il…

Jean-Marie Dinh

Après nous le déluge ! Jusqu’au 23 avril  Théâtre Pierre Tabard Rens : 06 62 79 81 25

Voir aussi : Rubrique Théâtre, Puissance ubiquité de la création féminine, rubrique Cinéma, Le modernisme de Marco le subversif,

Novarina monté par Yves Gourmelon et Lydie Parisse « Ce dont on ne peut parler, c’est cela qu’il faut dire »

Lydie Parisse

Le parti est ambitieux et réussi. Il ouvre et s’inspire de l’œuvre singulière de Valère Novarina en englobant sa dimension théâtrale, picturale et théorique autour de la parole. Le spectateur est invité à pénétrer dans le laboratoire de l’écriture ou s’élabore le langage de l’auteur contemporain. Quand on est monté à l’étage, qu’on a fait le tour du propriétaire, on ne sait plus très bien où l’on est. Mais on est bien quelque part. Là justement, sous le haut-parleur qui rabâche son questionnement sur les notions d’intérieur et d’extérieur.

On entre alors dans la salle de spectacle pour regarder la prétentieuse télévision qui parle à notre place et nous laisse dans le silence. Et puis entre l’acteur qui explique que nous sommes en condition physique de ne rien comprendre puisque tout est déjà dit. Est-ce la place du théâtre d’aujourd’hui de présenter notre déreprésentation humaine ? Et que doit-il nous montrer ce théâtre? Que la parole est trouée, nous dit Novarina. Que l’homme lui-même est un trou et qu’il faut jouer au bord !

Cela, on le comprend avec cette pièce qui nous bombarde de sens dans tous les sens, piétine nos valeurs sans pondération pour finalement nous abandonner à notre passivité. Reste l’instinct, la métaphysique et la poésie pour immerger. Ce n’était pas une illusion. C’était un très bon spectacle comme il ne s’en fait plus assez.

Jean-Marie Dinh