Cinéma: Grandpuits et petites victoires

Blocage de la raffinerie à Grandpuits en octobre 2010

Olivier Azam présente ce soir en avant-première nationale son film Grandpuits et petites victoires. Ce film événement qui renoue avec l’histoire populaire française, nous replonge au cœur du conflit qui a mobilisé des millions de Français opposés à la réforme des retraites.

Il y a tout juste un an, alors que le gouvernement résiste aveuglement à un mouvement social de grande ampleur, les dépôts et raffineries de pétrole sont bloqués. Mi-octobre, près de 3 000 stations services sont en rupture de stock : on n’a pas vu cela depuis mai 68. Les grévistes de la raffinerie de Granpuits en Seine et Marne se retrouvent malgré eux sous les projecteurs des médias nationaux. Réquisitions, charges policières, propagande, le pouvoir concentre sa charge contre les raffineurs pour briser le conflit dans son ensemble.

« Quand on est arrivés avec la caméra, on a reçu un bon accueil des grévistes qui ont vite compris notre démarche grâce aux diffusions que l’on retransmettait sur le Net. Cela faisait 15 jours qu’ils subissaient les journalistes de la télé. Ils se sentaient trahis », témoigne le réalisateur. « A la différence du traitement quasi- direct que nous avons diffusé sur le Net, le film met en perspective la lutte en faisant des liens avec l’histoire sociale. Il revient sur la notion de grèves générales, rappelle comment s’est mis en place le système de  souscription en 1906. Certains grévistes ont découvert que leur action s’inscrivait dans une continuité

La démarche fait un usage public de l’histoire des mouvement sociaux. Elle décrypte l’actualité du rapport de classe. « Le film d’Olivier Azam est très construit. Il décrypte un mouvement en train de se construire et la stratégie patronale qui lui répond », analyse Jacques Choukroun qui assure la distribution du film avec sa société Les films des deux rives. La production est assurée par la Scop les Mutins de Pangée sans laquelle le film n’aurait pas vu le jour. Il ne bénéficie d’aucun soutien des chaînes de télé, ce qui le coupe d’autres sources de financement.

« Les films sur le monde du travail sont assez rares, indique Julien Collet le secrétaire de l’UL CGT de Montpellier qui participera ce soir au débat en présence de deux acteurs du mouvement de Grandpuits membre de la CGT Mines énergie. Les images de la télévision gomment généralement les sigles des organisations syndicales. L’image doit être consensuelle. On minimise la présence syndicale. Nous sommes partie prenante des débats qui parlent du monde du travail et  redonnent la parole aux gens. »

Nicolas Sarkozy a fait passer la réforme des retraites en force « comme un joueur de foot qui marquerait un but avec un revolver à la main. » Mais les français ne l’ont pas oublié. Grandpuits et petites victoires reste un élément du débat qui s’apprête à ressurgir prochainement dans la rue.

Jean-Marie Dinh

Ce soir à 19h45 au Cinéma Diagonal en présence du réalisateur. Le film sera également présenté à Sète et à Béziers. La sortie nationale aura lieu le 23 novembre.

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Montpellier. Les ségolénistes tentent d’entretenir le désir

 

La voie n’est pas royale, pour les partisans de Ségolène qui s’efforcent cette fois de faire mentir les sondages en soulignant à raison le manque de référence des instituts face à l’exercice inédit des primaires. « On n’a jamais vu un tel matraquage. A ce jour nous en sommes à la 37e enquête d’opinion depuis le début de la campagne, ce qui équivaut à l’ensemble des sondages réalisés lors de la présidentielle 2007, s’indigne Najat Vallaud-Belkacem, l’ex  porte-parole de Ségolène Royal, adjointe au maire de Lyon. Avec l’ancien ministre des transports Charles Fiterman, et les militants des départements voisins, elle est venue booster les troupes en terre héraultaise.

Pour l’ancien ministre communiste des gouvernements Mauroy 81 et 84, Ségolène apparaît  comme la seule candidate crédible « face à la crise et au mode de gouvernement que rejette une grande majorité de français, j’ai la conviction qu’elle ne se contentera pas de petites retouches. » Tour à tour, les militants mettent en exergue les atouts de leur candidate en vantant : son expérience de la bataille présidentielle, ses qualités morales, sa vision de la démocratie participative… Mises bout à bout, l’ensemble des interventions dessinent une stratégie qui vise  à se distancier du PS pour se positionner en alternative.

Une reconquête difficile

Mais depuis les dernières élections présidentielles, la présidente de la région Poitou a perdu nombre de ses soutiens parmi les « barons locaux ». Dans l’Héraut, cette désertion a été particulièrement massive. Conscience de son handicap local, lors d’un passage à Montpellier en juin dernier, Ségolène avait lancé un appel au PS afin qu’il réintègre tous les frêchistes.  Sans que cela ne modifie l’isolement local d’élus ségolénistes comme Brahim Abou. Le jeune conseiller municipal décèle dans cette situation « Un manque de courage » de la part de ses collègues socialistes : « Localement nous avions un ténor politique. Aujourd’hui il n’y a plus personne. Je ne sais pas quelle aurait été la position de Frêche. Et je ne veux pas faire parler les morts, mais je ressens vraiment un manque d’audace.» Najat Vallaud-Belkacem élargit le débat : « Les prises de position de Ségolène sur le non cumul des mandats – elle a elle-même renoncé à se présenter à l’Assemblée Nationale – ne sont sans doute pas étrangères à cette situation. »

Pour que leur candidate soit présente au second tour, les militants ont conscience qu’il faut contourner l’appareil en mobilisant massivement les sympathisants socialistes non-inscrits dans le parti. Sans désespérer, ils s’emploient à ranimer la flamme.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Politique locale, Frêche et le serment du Jeu de paume, Démocratie de quartier , Mandroux et le village Gaulois, Le problème frêche : copie à revoir ! , rubrique Montpellier, rubrique Livre : Frêche L’empire de l’influence,

Tunisie : Incertitudes politiques et relative confiance économique

Florian Mantione

C’est au septième étage de la tour du Polygone que L’institut de gestion de ressources humaines Florian Mantione tient régulièrement ses Rencontres du 7ème niveau. Régulièrement, une trentaine de cadres et de chefs d’entreprise se retrouvent pour échanger leurs expériences. Le rendez-vous qui s’est tenu hier avait pour thème « La révolution de Jasmin du Printemps de Tunis ». Un sujet d’actualité à trois semaines des élections tunisiennes du 23 octobre dont émergera une Assemblée constituante. « Les thématiques de nos rencontres sont très larges, confie le chef d’entreprise Florian Mantione. La dernière fois, nous avions convié un astrophysicien, aujourd’hui les participants présents entretiennent une relation privilégiée avec la Tunisie. Ce qui est mon cas, puisque je suis né là-bas et que nous gérons une agence de conseil sur place. »

La Tunisie a su tirer profit de la vague du redéploiement d’activités Nord-Sud. Signataire d’un accord de libre échange avec l’UE, le pays affiche un taux de croissance de 5% depuis une dizaine d’année. Mais captés par le système Ben Ali, les fruits de cette bonne santé économique n’ont pas bénéficié au peuple tunisien.

Florian Mantione porte un regard optimiste sur la situation du pays. « Tout le monde a applaudi des deux mains le programme économique et social du gouvernement provisoire. Même si celui-ci s’inscrit dans un contexte économique difficile caractérisé par une baisse du niveau d’activité très importante dans le secteur du tourisme ». Pour l’année à venir, le chef d’entreprise  se déclare plutôt confiant : « Je pense que l’activité repartira après les élections. Une meilleure redistribution devrait consolider les mesures d’appui et de relance du secteur social et économique. »

Une étape dans la reconstruction politique

Interrogée sur la capacité du peuple tunisien à s’y retrouver face à l’explosion du nombre de liste électorale (111 partis), Samia Miossec* estime qu’au- delà des grands partis qui concentrent l’enjeu, « les tunisiens qui ne disposent pas de culture politique apporteront leur soutien aux partis dont le programme annoncé  correspond le plus à leurs aspirations. » Compte tenu du principe proportionnel choisit pour l’élection de l’Assemblée constituante, il paraît peu probable qu’un parti dispose de la majorité. Ce qui renvoie à un second round de négociations d’où se dégageront des grands courants.

« Un pôle constitué de parti de gauche aborde la question de la liberté de pensée en préconisant un état laïque. Mais sur cette question, la plupart des partis jouent la prudence », estime par ailleurs Samia Miossec. « Ils se prononcent pour l’application d’une laïcité dans la pratique, mais sans l’inscrire dans le marbre de la constitution. On rappelle l’exemple de Bourguiba qui en signe de provocation s’était montré en train de boire un jus d’orange en plein mois du ramadan. Mais on oublie qu’il a fait cela dans le contexte du panarabisme. Nous sommes aujourd’hui dans celui de l’islamiste où ce n’est plus imaginable… »

Jean-Marie Dinh

* Samia  Miossec est maître de conférences à l’université Paul Valéry et directrice du département d’Etudes arabes, tunisienne.

Voir aussi : Rubrique Tunisie, Regards croisés sur la révolution de jasmin, rubrique Méditerranée, Le mouvement de l’histoire s’est accéléré, rubrique Montpellier,

Rockstore: L’esprit vivant du rock hante cette salle

 
 

Bonne anniversaire par Jean-Marie Dinh

 

Tout le monde en parle. On célèbre ce soir à juste titre les 25 piges du Rockstore. Un lieu mythique et à la fois un panthéon vivant où se croisent les générations. L’événement est soutenu par la mairie devenue propriétaire  en 2009 (1).  Mais l’histoire de cette salle de  concert, qui figure aussi comme un haut lieu de la vie nocturne, est avant tout celle d’une salle privée.  Les journalistes Eric Delhaye et Jérémy Bernède ont pisté les traces légendaires en signant au Diable Vauvert un livre (2) sur l’esprit du lieu.

On y retrouve les plus chauds instants du rock que Montpellier a vécus en live et en couleur. Dès le début des années 80, le Grand Odéon (l’ancienne enseigne) figure comme une  étape incontournable des tournées rock. C’est l’air gothique du Rockstore. On y croise des monstres comme Iggy Pop, The Cramps, The Cure, Siouxsie, les Lords Of The Nex Church… Tandis que la scène locale se distingue en portant haut le fanion de la ville en pleine apogée du rock français avec des groupe comme OTH, les Vierges,  les Sherrifs ou Pascale Comelade.

Le vendredi 3 octobre 1986 voit l’ouverture du Rockstore, après le rachat du Grand Odéon par un quatuor d’aventuriers sans le sou. Mu par sa passion, l’intègre Philippe Winling, actuel cogérant de l’établissement avec  Stéphane Al-Mallak, demeure le dernier acteur de cette bande des quatre.

C’est en fouillant dans la  mémoire du lieu que l’on découvre à quel point il est lié à l’histoire sociale, politique et culturelle de Montpellier. Le Rockstore a participé à l’explosion des radios libres. Il s’est maintenu dans le paysage, sans vendre son âme, en se confrontant aux orientations des politiques locales. Il est toujours resté ouvert aux artistes locaux, et a su faire le tri, en s’adaptant à l’évolution des genres musicaux.

Les faits d’armes de l’équipe fondatrice sont désormais dans la légende. On peut librement imaginer qu’ils ont un soir eu cette idée déjantée d’incruster une Cadillac dans la façade comme on pose un poing sur le mur, la tête enfouie sous le bras après une soirée arrosée. C’est devenu l’emblème du temple du rock à Montpellier et ça l’est toujours !

(1) La salle fut maintenue au centre-ville en tant que lieu de diffusion dédié aux musiques actuelles. De quoi apaiser les milliers de pétitionnaires qui s’opposaient à son transfert vers Odysséum.

(2) : Rockstore, Aux éditions Diable Vauvert 25 euros

Une nouvelle page s’ouvre en accord majeur

Il y aura du monde ce soir au 20 de la rue de Verdun où fidèle à sa tradition anti-VIP, le Rockstore assure le lancement de l’événement avec une soirée entrée libre.  « On attend des vieilles figures », confie Philippe Winling. Il n’y aura pas de concert : « On ne voulait pas que les gens soient aspirés, on a privilégié les rencontres et les retrouvailles. » Cette célébration des 25 ans fait suite à la volonté de marquer un nouveau départ depuis le rachat des murs par la mairie. « La ville s’occupe de la mise aux normes de l’immeuble. Et nous laisse carte blanche pour l’exploitation. On fonctionne en bonne intelligence. Je pense que la municipalité reconnaît l’apport public de notre travail. D’ailleurs, depuis deux ans, elle n’est jamais intervenue. »

L’esprit de ce mariage de raison transparaît dans la plaquette qui livre le menu des festivités. « L’équipe municipale que je conduis a tenu à maintenir cette salle en centre-ville contre vents et marées à l’heure où d’autres avaient envisagé son déménagement à la périphérie. C’est un acte politique et culturel fort, un message clair à destination de la jeunesse montpelliéraine », réaffirme le maire Hélène Mandroux.

Dans le rôle de grand témoin  « historique » Philippe Winling relève le rôle majeur de Radio Alligator : « On a commencé à émettre en tant que radio pirate*. En 81, on était marié avec Midi Libre qui avait accepté de partir avec une radio rock avant de choisir le réseau NRJ. Quand on s’est retrouvés tout seuls, ça nous a poussés à imaginer un nouveau concept territorial. On a mis en adéquation la musique live et la population dans un rayon de 30 km. Les gens entendaient les groupes à la radio et venaient en concert. Cette expérience profitait aussi aux groupes qui pouvaient se faire entendre au-delà de la salle de concert. Ce modèle de proximité fait partie de l’identité du lieu. Il a perduré même après la radio. »

En 25 ans l’atmosphère du Rockstore a mué, en conservant ses valeurs. Sa vocation créatrice notamment en matière de  lien social est restée intacte. Il suffit de pousser les portes pour se sentir chez soi. Passé une certaine heure, les visiteurs noctambules victimes du couvre feux du centre-ville n’ont qu’à suivre le parcours de l’expo photos issue du livre anniversaire. Il les conduira à bon port,  de la rue Foch à la rue de Verdun, en passant par la rue de la Loge.

Côté programmation, l’affiche du mois d’octobre invite à prendre son agenda. On attend notamment Laurent Garnier le 6, les Britanniques d’US 3 le 15, le collectif australien  Architecture in Helsinki autour du fantasque Cameron Bird le 25, et  l’incontournable John Cale  le 30, qui signe aussi une autobiographie Au diable Vauvert (toujours eux). La météo pour finir qui nous assure que les travaux de la toiture seront terminés en 2011. Et annonce pour 2012, l’ouverture d’un autre grand chapitre puisque qu’il est question de s’attaquer à l’acoustique !

*L’encadrement légal des radios libres correspond à l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981.

Voir aussi : Rubrique Montpellier, rubrique Musique, On line le site du Rockstore,

Au cœur de la réflexion du travailleur social

Faut-il que les travailleurs sociaux mettent du cœur à l’ouvrage ? En cette période de rentrée, la question des sentiments opportunément par le Sociographe n’est pas seulement conjoncturelle. Elle prend tout son sens dans une société où le dogme du résultat balaye toute humanité sur son passage.

Sous le titre Malaise dans la relation, la revue des travailleurs sociaux qui œuvre à l’articulation entre réalités sociales, pratiques professionnelles et prescriptions politiques, ausculte la question complexe des sentiments chez les professionnelles pour associer au mieux les contraintes de l’institution et l’intérêt de l’usager.

Composé de témoignages, et d’analyses, le dossier coordonné par Guy Schmitt s’organise en trois parties. La première aborde la dimension de l’éros et d’un amour possible de l’usager. Dans l’article Faut-il aimer pour accompagner, Didier Morel apporte d’utiles repères en opposant l’éthique aux sentiments spontanés envers autrui. Que la présence de l’autre nous soit agréable ou pas. « On peut dire que l’éthique, la raison, le recul réflexif, la vigilance d’esprit sauvent ce que n’assure pas seul l’aspect « sensible » de la rencontre », pose le spécialiste en sciences de l’éducation. Sans exclure la sensibilité dans le rapport à l’autre qui nourrit l’intelligible, l’éthique met en forme la relation en dosant sa propre présence. «  La conscience éthique réfléchit notamment à la place potentiellement excessive, sinon nuisible, occupée par le moi dans la relation avec l’autre. »

Ne pas être dupe

La seconde partie s’intitule « ne pas être dupe », elle présente des articles qui mettent en avant  l’évolution et les enjeux de l’action sociale. On y interroge notamment la tentation du politique à considérer l’aide à domicile uniquement d’un point de vue marchand. « Les sentiments font partie intégrante de la pratique professionnelle de l’aide à domicile, comme la plupart des pratiques d’intervention sociale. Ils sont bien souvent convoqués pour justifier d’une moindre valeur au travail et surtout à l’accompagnement fournit », constate l’ingénieur social Anne-Sophie Hosking qui interroge  les critères de recrutement qui déconsidèrent le métier et les usagers.

La dernière partie questionne  la qualité des exigences. Est-il raisonnable de se contenter de critère pré-définis pour évaluer ses actions quand chaque situation vécue conduit à un accompagnement particulier ? Comment considérer le temps de la rencontre qui semble sans importance ?
Les idées et les pistes de travail de ce 36e numéro du Sociographe sont riches et nombreuses pour éclairer les travailleurs sociaux dans la gestion du doute relationnel. Elle dévoilent en creux un certain isolement où il faut faire face avec les moyens qui se présentent. Guy Schmitt plaide pour « un triptyque de la sensibilité, des sentiments et de l’intelligence. »

JMDH

Le Sociographe n° 36 septembre 2011, 10 euros, 04 67 07 82 73
La conscience éthique réfléchit à la place potentiellement excessive, sinon nuisible, occupée par le moi dans la relation avec l’autre.

Voir aussi : Rubrique Revue la question religieuse dans le travail social le travail social est-il de gauche ? , rubrique Société,