Rockstore: L’esprit vivant du rock hante cette salle

 
 

Bonne anniversaire par Jean-Marie Dinh

 

Tout le monde en parle. On célèbre ce soir à juste titre les 25 piges du Rockstore. Un lieu mythique et à la fois un panthéon vivant où se croisent les générations. L’événement est soutenu par la mairie devenue propriétaire  en 2009 (1).  Mais l’histoire de cette salle de  concert, qui figure aussi comme un haut lieu de la vie nocturne, est avant tout celle d’une salle privée.  Les journalistes Eric Delhaye et Jérémy Bernède ont pisté les traces légendaires en signant au Diable Vauvert un livre (2) sur l’esprit du lieu.

On y retrouve les plus chauds instants du rock que Montpellier a vécus en live et en couleur. Dès le début des années 80, le Grand Odéon (l’ancienne enseigne) figure comme une  étape incontournable des tournées rock. C’est l’air gothique du Rockstore. On y croise des monstres comme Iggy Pop, The Cramps, The Cure, Siouxsie, les Lords Of The Nex Church… Tandis que la scène locale se distingue en portant haut le fanion de la ville en pleine apogée du rock français avec des groupe comme OTH, les Vierges,  les Sherrifs ou Pascale Comelade.

Le vendredi 3 octobre 1986 voit l’ouverture du Rockstore, après le rachat du Grand Odéon par un quatuor d’aventuriers sans le sou. Mu par sa passion, l’intègre Philippe Winling, actuel cogérant de l’établissement avec  Stéphane Al-Mallak, demeure le dernier acteur de cette bande des quatre.

C’est en fouillant dans la  mémoire du lieu que l’on découvre à quel point il est lié à l’histoire sociale, politique et culturelle de Montpellier. Le Rockstore a participé à l’explosion des radios libres. Il s’est maintenu dans le paysage, sans vendre son âme, en se confrontant aux orientations des politiques locales. Il est toujours resté ouvert aux artistes locaux, et a su faire le tri, en s’adaptant à l’évolution des genres musicaux.

Les faits d’armes de l’équipe fondatrice sont désormais dans la légende. On peut librement imaginer qu’ils ont un soir eu cette idée déjantée d’incruster une Cadillac dans la façade comme on pose un poing sur le mur, la tête enfouie sous le bras après une soirée arrosée. C’est devenu l’emblème du temple du rock à Montpellier et ça l’est toujours !

(1) La salle fut maintenue au centre-ville en tant que lieu de diffusion dédié aux musiques actuelles. De quoi apaiser les milliers de pétitionnaires qui s’opposaient à son transfert vers Odysséum.

(2) : Rockstore, Aux éditions Diable Vauvert 25 euros

Une nouvelle page s’ouvre en accord majeur

Il y aura du monde ce soir au 20 de la rue de Verdun où fidèle à sa tradition anti-VIP, le Rockstore assure le lancement de l’événement avec une soirée entrée libre.  « On attend des vieilles figures », confie Philippe Winling. Il n’y aura pas de concert : « On ne voulait pas que les gens soient aspirés, on a privilégié les rencontres et les retrouvailles. » Cette célébration des 25 ans fait suite à la volonté de marquer un nouveau départ depuis le rachat des murs par la mairie. « La ville s’occupe de la mise aux normes de l’immeuble. Et nous laisse carte blanche pour l’exploitation. On fonctionne en bonne intelligence. Je pense que la municipalité reconnaît l’apport public de notre travail. D’ailleurs, depuis deux ans, elle n’est jamais intervenue. »

L’esprit de ce mariage de raison transparaît dans la plaquette qui livre le menu des festivités. « L’équipe municipale que je conduis a tenu à maintenir cette salle en centre-ville contre vents et marées à l’heure où d’autres avaient envisagé son déménagement à la périphérie. C’est un acte politique et culturel fort, un message clair à destination de la jeunesse montpelliéraine », réaffirme le maire Hélène Mandroux.

Dans le rôle de grand témoin  « historique » Philippe Winling relève le rôle majeur de Radio Alligator : « On a commencé à émettre en tant que radio pirate*. En 81, on était marié avec Midi Libre qui avait accepté de partir avec une radio rock avant de choisir le réseau NRJ. Quand on s’est retrouvés tout seuls, ça nous a poussés à imaginer un nouveau concept territorial. On a mis en adéquation la musique live et la population dans un rayon de 30 km. Les gens entendaient les groupes à la radio et venaient en concert. Cette expérience profitait aussi aux groupes qui pouvaient se faire entendre au-delà de la salle de concert. Ce modèle de proximité fait partie de l’identité du lieu. Il a perduré même après la radio. »

En 25 ans l’atmosphère du Rockstore a mué, en conservant ses valeurs. Sa vocation créatrice notamment en matière de  lien social est restée intacte. Il suffit de pousser les portes pour se sentir chez soi. Passé une certaine heure, les visiteurs noctambules victimes du couvre feux du centre-ville n’ont qu’à suivre le parcours de l’expo photos issue du livre anniversaire. Il les conduira à bon port,  de la rue Foch à la rue de Verdun, en passant par la rue de la Loge.

Côté programmation, l’affiche du mois d’octobre invite à prendre son agenda. On attend notamment Laurent Garnier le 6, les Britanniques d’US 3 le 15, le collectif australien  Architecture in Helsinki autour du fantasque Cameron Bird le 25, et  l’incontournable John Cale  le 30, qui signe aussi une autobiographie Au diable Vauvert (toujours eux). La météo pour finir qui nous assure que les travaux de la toiture seront terminés en 2011. Et annonce pour 2012, l’ouverture d’un autre grand chapitre puisque qu’il est question de s’attaquer à l’acoustique !

*L’encadrement légal des radios libres correspond à l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981.

Voir aussi : Rubrique Montpellier, rubrique Musique, On line le site du Rockstore,

Comelade le bien vivant

« Quand j’ai fini. Je dis merci et je m’en vais »

Trente ans de musique, une quinzaine d »albums et autant de collaborations ayant donné lieu à des productions diverses, pour la danse, les arts plastiques, le cinéma… Pascal Comelade poursuit son chemin, sauvage, sensible et singulier. Il est le père d »une œuvre instrumentale avant-gardiste et populaire. Œuvre faite d »impulsions essentielles, fruit de tentatives perpétuelles. On ne fixe pas sa musique dans les registres du commerce. Et pourtant elle traverse les âges et les tendances. Comelade résiste à l »hégémonie de la technique comme le son de ses jouets musicaux. As de la virtuosité répétitive et minimaliste, il distille de la bricole poétique nourrie au sein d »un rock primitif bercé par des senteurs d »enfance. Quoi de neuf chez cet artiste rompu à l »art de la fugue ? Le musicien catalan ne revendique rien et surtout pas l »idée de carrière.  » Tout ça c »est une grande farce. La musique c »est un travail parallèle à ma vie, voilà.  » On pourrait s »arrêter là. Mais on tente d »en savoir plus dans les coulisses du World Wilde Festival à Sète.  » Franchement ce n »est pas casino online pokies une chose normale de monter sur scène. Quand j »ai fini, je dis merci et je m »en vais.  » Il n »y a plus d »amertume dans le regard distancié que l »artiste porte sur le milieu du spectacle. «  Je vis dans un luxe crapuleux. J »ai 52 ans je fais de la musique depuis 30 ans, et je ne vis pas dans la rue tu t »imagines ? « 

Comelade joue pour le plaisir et ça s »entend. Plus de 90% de ses disques sont des compositions personnelles. Pour la scène, il s »entoure de musiciens, dont certains sont des amis de longue date. A Sète on a vu Didier Banon, l »ex batteur d »OTH et Sami le crabe des Vierges.  » Dans mon cas, il n »y a pas de groupe idéal. Le groupe est le fruit de rencontres hasardeuses. Je change la formation environ tous les trois ans. On ne répète pas, on ne se parle pas mais on fait un truc collectif. Les musiciens sont libres mais ce n »est quand même pas une démocratie, s »empresse-t-il de préciser. D »ailleurs on m »interpelle souvent : il ne sourit pas, il ne parle pas… Je fous mes tripes sur scène et ça ne suffit pas ! Mon rapport à la scène s »est un peu amélioré. Avant je mettais un casque intégral avec des rétros. Parce que quand t »es pianiste il y a toujours quelqu »un qui peut te tirer dans le dos. «  La théorie, l »inspiration ne l »intéressent plus. Sa démarche artistique est similaire à celle des peintres.  » Je ne suis pas comme ceux qui font des musiques de film que personne ne connaît. Je suis un peu le cul entre deux chaises, parce que je fais une quinzaine de concerts par an. Dès que tu montes sur scène on te demande ton avis. Moi j »ai mes idées au même titre que le charcutier ou le garagiste, je ne vois pas avec quelle légitimité je te parlerais de politique ou d »écologie… « 

Comelade passe les deux tiers de son temps à Barcelone.  » La France reste très centralisée. J »avais pas donné de mes nouvelles depuis trois ans, à Paris ils croyaient que j »étais mort.  » Ils se trompaient.

Nouvel Album : Mètode de Rocanrol chez Because music