Christophe Coello : « Le terme indignés vient des médias, il comporte une petite notion de passivité »
Né au Chili, Christophe Coello est arrivé en France dans son enfance avec ses parents qui ont obtenu le statut de réfugiés politiques. Il a réalisé plusieurs documentaires sur les luttes en Amérique latine dont Chili L’ombre du Jaguar (1998) sur l’absurdité du miracle économique chilien ou Mari Chi Wen (2000) sur les luttes du peuple mapuche. Il co-réalise également avec Pierre Carles et Stéphane Goxe un diptyque sur le rapport au travail avec Attention danger travail ( 2003) et Volem rien foutre al païs (2007). C’est sur ce tournage qu’il rencontre en 2003 les membres du collectif de réappropriation urbaine barcelonais Miles de Viviendas qu’il va suivre avec sa caméra pendant sept ans.
Christophe Coello était sur Montpellier au cinéma Diagonal mercredi. Accompagné de Annie Gonzalez, de C-P Productions qui a produit plusieurs de ses films, il a présenté Squat la ville est à nous, qui retrace la vie du collectif Miles de Viviendas.
Votre film propose un autre regard sur les squatters dont il est souvent donné une image stéréotypée de marginaux, passablement drogués voir de délinquants…
Christophe Coello. C’est un parti pris de ma démarche de documentariste. Je vais souvent au contact de gens qui vivent autrement. Je pense que c’est un enjeu important de donner un autre point de vue sur des mouvements inconnus. Par exemple, rompre avec cette vision que la lutte c’est forcément du sacrifice et de la douleur. Quand je les ai rencontrés en 2003, ils étaient en train de fonder le collectif. La plupart des membres – ils sont une trentaine – s’étaient rencontrés autour de la mobilisation contre la guerre en Irak. Le groupe était quasiment paritaire et regroupait des gens entre 18 et 45 ans.
Annie Gonzalez. Le travail d’auteur de Christophe offre un point de vue sur le monde. Son approche permet de capter l’histoire populaire. Ce qu’on ne trouve pas au cinéma et encore moins à la télévision qui la réduit à une caricature à travers les reality shows.
Comment avez-vous négocié les conditions du tournage ?
CC. C’est un travail de confiance fin 2003 à Barcelone. Le contexte était tendu. Je leur ai proposé de filmer leur vie quotidienne sans la trahir mais je voulais garder une carte blanche. Je ne voulais pas faire un film de propagande. Ils en ont discuté en assemblée et ils ont accepté. On le voit à l’écran, Il y a des moments de tension mais je ne focalise pas sur cela. J’ai privilégié les prises directes. Il n’y a pas d’interview, pas de voix off pour faciliter la compréhension. Ce choix opératoire demande beaucoup plus de temps. J’ai intégré leur mode de vie. Je voulais restituer la vie quotidienne, l’intimité, ne pas montrer que des moments d’exception.
Dans le cas du collectif de réappropriation urbaine, on voit que l’action vise à se loger, mais elle va bien au-delà puisqu’il s’agit de reprendre le contrôle sur sa vie…
CC. Pourquoi ouvrir un squat ? C’est une action illégale qui s’avère complètement légitime. Pour le collectif cela permettait de libérer du temps pour débattre et s’organiser en autogestion de manière transversale. Et aussi stimuler les autres mouvements, pour travailler en réseau avec d’autres collectifs ou soutenir les populations ciblées par les spéculateurs immobiliers. Etre ensemble permet de diminuer la peur, pas seulement celle de la matraque mais aussi celle du vide. Ce ne sont pas des gens qui affirment détenir la vérité avec un V énorme. Ils politisent leur vie quotidienne. L’idée n’est pas de prendre le pouvoir mais de le dissoudre. Il y avait 200 000 personnes dans la rue, samedi dernier à Barcelone, rassemblées sous le slogan : De l’indignation à l’action. Après la manif les gens sont allés occuper la fac de lettres et un immeuble pour reloger les gens expulsés. Le qualificatif des indignés vient des médias, c’est un terme qui comporte une petite notion de passivité…
Un demi-siècle après la tragique répression parisienne du 17 octobre 1961, Yasmina Adi rouvre une page d’Histoire qui 50 ans après n’est toujours pas refermée. Et met en lumière une vérité encore taboue. En octobre 61 dans les derniers mois de la guerre, la tension s’exacerbe en France autour de la question algérienne. Papon déclare : « Pour un coup porté, il en sera rendu dix ». Le 5 octobre est décrété un couvre-feu visant spécialement les « Français musulmans d’Algérie ». En réaction, le FLN appelle à une grande manifestation pacifiste le 17 à Paris. Après L’autre 8 mai 1945, le documentaire de Yasmina Adi Ici on noie les Algériens, revient sur la répression policière qui s’est abattue sur la masse de manifestants algériens venus défiler (vingt à trente mille personnes). Mêlant témoignages et archives inédites, histoire et mémoire, passé et présent, le filme retrace les différentes étapes de cet événement et révèle la stratégie médiatique et les méthodes mises en place au plus haut niveau de l’État.
Yasmina Adi : " C’est ensemble que l’on devient plus fort pour s’affirmer "
Votre film s’appuie sur un important travail de documentation. Avez-vous eu accès aux archives ?
Toutes les archives ne sont pas encore disponibles puisque la loi, réformée il y a peu, permet de maintenir le secret jusqu’à 80 ou 100 ans. J’ai cependant obtenu une dérogation qui m’a permis d’avoir accès à certaines archives de la police. Notamment celles où l’on voit les Algériens enfermés au Palais des Sports. Sur ces images on voit aussi la désinfection qui a été faite pour le concert de Ray Charles après leur transfert.
Le film m’a demandé deux ans de travail. Je suis allée à l’INA et dans toutes les agences photo qui ont couvert l’évènement. Ils me connaissent, ils savent que je ne me contente pas de la base de données. Beaucoup de films n’ont jamais été développés. Je veux voir les planches-contact. Les photos sont très importantes. Elles permettent une traçabilité de ce qui s’est passé.
Quel était votre parti pris à partir de la masse de matière recueillie ?
Je n’ai pas travaillé sur l’esthétique. J’ai cherché à reconstituer le puzzle pour restituer ce qui s’est passé à partir du 17 octobre. Car mon film ne se limite pas à cette date où les policiers ont tiré à balles réelles et noyé des personnes désarmées. Il concerne aussi ce qui a suivi. Dans la seule nuit du 17 octobre, 11 000 algériens sont arrêtés, mais la répression se poursuit pendant deux mois. Au final 15 000 personnes ont été interpellées et interrogées. Outre les milliers de blessés, ce sont entre 100 et 300 personnes qui ont disparu. La dimension humaine est au cœur du film qui s’articule notamment autour d’une femme algérienne restée seule avec ses quatre enfants. Elle demande toujours que l’Etat lui dise la vérité. C’est dommage de devoir aller voir un film pour savoir ce qui s’est passé. Cela devrait figurer dans les manuels d’Histoire scolaires mais cela n’est toujours pas le cas.
Vous donnez également un éclairage intéressant sur le traitement médiatique de ce tragique événement ?
Je ne voulais pas faire un film historique classique. J’ai évité d’être didactique. Il n’y a pas de commentaires, pas de voix-off. Concernant les médias, il y a manifestement une volonté de l’Etat de manipuler l’opinion publique. On entend les ordres donnés aux policiers sur la version des faits qu’ils doivent fournir aux journalistes. Mais il y a aussi celle des journalistes sur le terrain qui commentent en direct ce qui se passe. Les informations sont contradictoires. Je mets en juxtaposition des Une de presse. Cela va de Ils ont pris le métro comme le maquis à On noie des Algériens.
Le titre Ici on noie les Algériens est au présent. Cela revêt-il un sens particulier ?
Cette banderole, que l’on voit sur l’affiche, a été posée dans les jours suivant le 17 octobre par des militants dont le père de Juliette Binoche. Le jour où l’Etat reconnaîtra ce qui s’est passé on pourra dire : Ici on noyait les algériens. Mais ce jour n’est pas encore venu. On met tout sur le dos de Papon qui n’était qu’un exécutant zélé. Pour vivre au présent, il faut appréhender le passé. La réquisition des métros et des bus de la RATP rappelle la rafle du Vel d’Hiv, même si les événements ne sont pas comparables, je ne parle que des méthodes. Dans le film, on entend le Grand Rabin de France s’exprimer contre la répression des Algériens.
En 2011, on continue de mettre les Roms dans les trams. L’Histoire folle se répète. Il y a les expulsions, via Air France, de 1961 et celles de 2011. Sarkozy qui conseille aux Turcs de reconnaître le génocide des Arméniens, ferait mieux de balayer devant sa porte.
A Montpellier on s’apprête à ouvrir le Musée de l’histoire de la France en Algérie…
Cela peut faire débat. Il faut dépasser les commémorations. Je crois que l’essentiel, c’est que les gens prennent leur histoire en main. Il ne faut pas opposer les mémoires qui sont plurielles. Il y a celle des Algériens, celle des Harkis, celle des Pieds noirs, chacune doit être respectée. Nous allons fêter, en 2012, le cinquantenaire de l’indépendance algérienne. Chaque communauté concernée est en droit de demander des comptes à l’Etat. Je ne souhaite pas que l’on attise les polémiques. C’est ensemble que l’on devient plus fort pour s’affirmer ».
Forum social des quartiers populaires à la Paillade une semaine avant les assisses. Photo David Maugendre
La politique des banlieues était au cœur du Forum social des quartiers populaires qui s’est tenu à la Maison pour tous Léo Lagrange de Montpellier une semaine avant le premier rendez-vous des Rencontres Nationales des quartiers populaires qui vient de s’achever à Montpellier.
Le Mouvement de l’immigration et des banlieues 34 (MIB) est à l’initiative du Forum qui fait le point sur la situation à quelques encablures du lancement de la campagne présidentielle et de celle des législatives. Les deux thématiques abordées dans les débats d’hier ont mis en présence différents représentants du réseau des associations de quartier qui maillent l’Hexagone.
Il s’agissait notamment de répondre à la question : « A qui profitent les dispositifs de la politique de la ville ? » à partir du bilan de ces politiques lancées dans le courant des années 70. « Ce que l’on constate, expose le Parisien Tarek Kawtari, c’est que les collectifs de défense des habitants de quartier qui se sont souvent constitués pour dénoncer des bavures policières ou pour s’opposer à des expulsions ont très peu été intégrés dans les dispositifs institutionnels qui se sont succédé depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. » Autre constat unanime : l’échec pur et simple de la politique de la ville. « On masque cet échec en achetant un tel pour le calmer, en adoptant un autre pour la diversité, mais sur le terrain la situation s’empire. J’ai 49 ans, confie Tarek, et plus ça va, plus je me dis que c’est foutu. »
« Trente ans de politique pour l’amélioration des conditions de vie des gens et les choses ne font qu’empirer. Du coup on a assisté à une montée de la contestation dans les quartiers. Ce qui a entraîné la mise en place de moyens et d’outils de coercition sociale très importants et très coûteux, explique Pierre Didier de Vaulx-en-Velin. Comment être contre les discours qui prônent l’aménagement économique ou la mixité sociale ? Mais en réalité ces questions techniques cachent un problème politique. Le terme de mixité sociale sert à modifier la composition d’une population qui pose trop de problèmes. On inscrit bien souvent les populations dans un mode de gestion, pour profiter de plus values foncières. Les instances répondant au concept de démocratie participative sont des outils de communication pour faire adopter des choix qui sont déjà faits. »
Ces constats critiques ne sont pas gratuits défendent les associations. « A quelques exceptions près nous avons joué le jeu avec les représentants des collectivités territoriales en nous engageant dans un esprit constructif, explique Salah Amokrane de Toulouse, Mais nous sommes aujourd’hui dans un système insensé où dans les quartiers populaires les collectivités refusent de refaire un trottoir si elles ne disposent pas de subvention de l’État alors qu’elles le prennent à leur charge dans les autres quartiers. »
La relation entre les forces de gauche et acteurs de quartiers ne coule pas de source. « Il faut intégrer ces acteurs en les considérant à part entière », témoigne l’élu municipal de Nanterre Nordine Iznasni. Mais à Montpellier la situation demeure difficile. « Nous ne sommes pas considérés parce que nous ne voulons légitimer aucun parti politique, indique le président de l’association Justice pour le Petit Bard Khalid El-Hout. Notre implication vise à mener des actions pérennes en faveur des populations, pas à faire de la politique politicienne. D’ailleurs je ne suis pas sûr que les choses avanceraient mieux si nous avions des élus isolés. Pour défendre nos causes, mieux vaut que nos revendications soient un enjeu du champ électoral. »
Jean-Marie Dinh
Le premier week-end de préparation des Rencontres Nationales des Quartiers Populaires s’est tenu les 29 et 30 octobre à Montpellier.
Ce week end, une grande diversité d’acteurs et de mouvements issus des quartiers populaires se sont réunis pour initier ensemble un engagement commun pour les présidentielles de 2012. Ce premier rendez vous à permis à l’ensemble des participants d’acter une organisation collective respectant des valeurs communes pour les Rencontres Nationales des Quartiers Populaires à Montpellier ainsi que la publication d’un manifeste au mois de mars prochain. Ce manifeste synthétisera des réflexions, des expériences à valoriser et des propositions nouvelles pour notre pays. Nous souhaitons ainsi par ce moyen peser sur les débats et placer les questions du devenir des quartiers populaires au coeur des réflexions politiques des prochaines élections présidentielles. Dans les mois qui viennent, nous continuerons, à travers plusieurs rencontres dans le territoire national avec l’ensemble des participants, la coproduction intellectuelle de notre manifeste ainsi que le travail de rassemblement le plus large des acteurs et des mouvements issus des quartiers populaires sur la base du cadre adopté ce week end.
Auteur. Frédéric Beigbeder était l’invité du Forum FNAC vendredi.
La personnalité de Frédéric Beigbeder peut agacer, surtout quand il n’arrive pas à l’heure. Son côté nombriliste exacerbé en fait un modèle des princes irrévérencieux de notre époque. Notre héros apocalyptique s’affiche moderne. Il cultive son image de dandy inspiré en dilettante mais serait plutôt du genre bosseur. Il n’appartient pas au clan des usurpateurs qui encombrent au mois de septembre les gondoles des supermarchés culturels comme des stocks de parasols en solde.
Pour rire on le marierait volontiers à la sombre princesse Nothomb avec qui il a des points communs. « Nous avons dîné ensemble dernièrement. Elle s’améliore, elle ne mange plus n’importe quelle saloperie. Nous avions commandé un plateau de fruits de mer, elle a juste mangé les algues. » Voilà peut-être le début d’une histoire d’amour.
A son crédit, l’homme n’a pas que la mèche rebelle et il sait rire de lui-même. La foule de jeunes lycéens faisant le pied de grue devant la (trop) petite salle du Forum Fnac de Montpellier peut en témoigner. La préface en forme d’alibi, de son dernier livre Premier bilan après l’apocalypse prend l’allure d’un augure sinistre où l’auteur annonce la mort du livre. Cette réflexion n’est pas infondée d’autant qu’elle se nourrit de son expérience dans l’édition, chez Flammarion. « Le livre c’est une aventure qui dure depuis six siècles. Ce serait dommage qu’elle disparaisse sans débat comme c’est arrivé avec le disque. » Il a raison. Ceux qui s’intéressent au monde du livre le savent, on court à la catastrophe.
Voilà pourquoi Super Beigbeder sauve dans son ouvrage les 100 œuvres qu’il souhaiterait conserver au XXIe siècle. Il parle de la littérature mais une fois encore, c’est une forme d’autobiographie. « En parlant des autres, je me retrouve encore à parler de moi ce qui est un enfermement terrifiant », dit-il.
Pour le lecteur c’est plutôt l’inverse car la liste évidemment subjective de l’auteur compte plein d’auteurs méconnus qui donnent envie de lire. On y trouve des auteurs classiques comme Paul-Jean Toulet, F.S. Fitzgerald, Jean Cocteau, ou J.D. Salinger. Mais on trouve aussi de grands auteurs contemporains, tels que, Régis Jauffret, Patrick Modiano, Jean-Jacques Schuhl, ou Philip Roth.
Il y a peu de femme et pas mal d’américains comme Bret Easton Ellis qui figure en tête du hit parade de Beigbeder pour son roman déjanté Américan psycho. « C’est le meilleur roman du XXe siècle car il a digéré tous les autres. Mais la littérature n’a pas vocation à être toujours nihiliste. » dit l’auteur de 99 fr et il le prouve en classant L’Année de l’amour de Paul Nizon en seconde position, un autre romantique dont toute l’implication littéraire consiste à écrire sur lui-même avec une grande liberté.
Jean-Marie Dinh
Premier bilan après l’apocalypse, éditions Grasset, 20,5 euros.
Nadia El Fani : » L’engagement ce n’est pas d’attendre la majorité ». Photo David Maugendre.
Nadia El Fani.Lauréate du prix international 2011 de la laïcité, la réalisatrice franco-tunisienne revient sur les écrans avec le documentaire, Laïcité inch’Allah.
Nadia El Fani, 51 ans, est réalisatrice de films. Fille d’un des ex-dirigeants du Parti communiste tunisien (à qui elle a consacré un film) elle s’est installée en France il y a dix ans parce qu’elle étouffait sous le régime de Ben Ali. En 2003, dans Bedwin Hacker, elle avait anticipé les événements en démontrant que la contestation viendrait d’Internet. Par la suite elle a eu envie de faire un film sur l’athéisme en terre d’islam. En filmant le peuple de la rue dans ses pratiques quotidiennes, Nadia El Fani dénonce l’hypocrisie religieuse. Sur le terrain politique, elle plaide pour un Etat laïc, appelant à la modification de l’article 1 de la Constitution tunisienne qui déclare que l’Islam est la religion d’Etat. Des opposants islamistes ont initié une campagne haineuse à son encontre, via les réseaux sociaux. Le compte « Pour qu’il y ait dix millions de crachats sur la tête de cette truie chauve » a totalisé près de 35 000 « j’aime ». Le propos sur la laïcité de son dernier documentaire Laïcité inch’Allah est central à deux semaines des élections en Tunisie. Il dépasse les frontières de ce pays laboratoire.
Après avoir abordé le thème de la résistance au ramadan obligatoire, vous vous êtes clairement engagée en faveur de la laïcité en Tunisie…
La question centrale du film est celle de la liberté. De la liberté de penser et de vivre, de celle de faire ses choix. Pour asseoir cet espoir, de nombreux démocrates tunisiens se sont engagés pour combattre en faveur de la laïcité. Parce que c’est la seule petite porte par laquelle nous pouvons entrer pour faire émerger l’hypocrisie de la religion et sortir du mensonge. Beaucoup de partis « instrumentalisent » les croyances pour imposer un pouvoir politique illégitime. Au Maroc, Mohamed VI se prétend le commandeur des croyants en tant que descendant du prophète. Ce n’est pas le cas en Tunisie.
Comment s’est déroulé le tournage ?
J’ai débuté le tournage sous Ben Ali, en août 2010. Je voulais montrer comment les gens vivent le ramadan obligatoire. Les mosquées sont pleines comme les cafés sont pleins. La majorité des gens ne font pas ramadan mais se cachent. Quand la révolution a démarré, j’étais en plein montage. Je suis retournée en Tunisie en décembre pour participer au mouvement. La question de la laïcité a été un des premiers sujets débattus après la chute de Ben Ali. On voit dans le film la place que prend ce débat. D’ailleurs c’est ce point qui a fait apparaître les islamistes qui s’en sont pris aux femmes. Sinon, la situation sur place était très stimulante. Nous vivions un état de grâce. Les feux rouges ne fonctionnaient plus, on se laissait passer. C’était une agora permanente. Je me suis engagée aux cotés des progressistes parce que je pense qu’il est extrêmement important que l’on inscrive le principe de laïcité dans la future constitution.
Comment les tunisiens vont s’y retrouver avec l’explosion du nombre de listes * électorales ?
Il faut souligner que depuis la chute de Ben Ali l’Etat fonctionne en Tunisie. Les services publics ne se sont pas arrêtés , il n’y a pas de coupure de courant, et les fonctionnaires sont payés. Ce qui est bon signe pour un pays qui vient de sortir de la révolution. Dans ce type de situation l’émergence des partis est assez normale. Les petits partis essaient de faire campagne mais ils n’ont pas de moyens, à la différence des partis islamistes qui sont soutenus par l’étranger. Le peuple a mené un combat exemplaire et il reste très vigilant.
Vous défendez la liberté citoyenne mais aussi la liberté artistique ?
On ne quémande pas sa liberté artistique, cela s’arrache. On doit l’exercer. On manque en revanche d’un courant fort pour la défendre. Chez les intellectuels, les prises de positions claires sont rares.
Vous avez reçu des menaces des islamistes tunisiens…
Les islamistes ont manipulé mon propos et déformé mon état d’esprit. Je ne combat pas contre l’Islam. Je ne dénigre pas les musulmans sincères. J’évoque le glissement de la religion de la sphère privée à la sphère publique. Je défends l’idée que chacun à le droit de penser et d’agir en toute indépendance. Dans un Etat où il est décrété que tout le monde appartient à la même religion, il est d’autant plus compliqué de se réclamer d’une idée et d’une pensée au mieux ignorée, au pire dénigrée et combattue.
Quel est le poids de l’histoire ? Comment la société tunisienne se situe-t-elle par rapport à la laïcité, le peuple tunisien vous semble-t-il mûre ?
Ce n’est pas ma préoccupation de savoir si la société est mûre ou pas. Moi je m’emploie à propager des idées progressistes. Les islamistes se servent de cela comme arguments. Il disent : On vient de faire une révolution, on a plein de chose à régler. La Laïcité n’est pas une priorité. Cela disant, ils confisquent juste la liberté de penser. Mais comment peut-on réfléchir aux principes de la démocratie en faisant cette impasse ? L’engagement ce n’est pas d’attendre la majorité. Avant la révolution, les forces de progrès n’ont pas attendu que tous les feux passent au vert pour dire qu’il y avait des choses à régler.
Ne faut-il pas pour autant que cette avancée soit portée par un élan populaire ?
On ne peut pas dire à la place du peuple que celui-ci n’est pas prêt pour la laïcité. Il faut en revanche expliquer que piétiner la laïcité c’est un problème de liberté. Il y a cinquante ans au moment de l’indépendance, on a déjà éliminé la réflexion sur cette question majeure. On ne peut pas continuer de refuser le problème aujourd’hui.
Recueilli par Jean-Marie Dinh
111 partis politiques se présentent le 23 octobre prochain pour l’élection d’une Assemblée constituante.
Tunisie. Election de l’Assemblée constituante du 20 au 23 octobre.
Comment voter en France
L’Instance Régionale Indépendante pour les ElectionsFrance Sud informe les citoyens tunisiens résidents en France que les élections de l’assemblée constituante tunisienne auront lieu les 20, 21 et 22 octobre de 8h à 18h. Il s’agit d’élire des députés pour les tunisiens du sud de la France qui siègeront au sein de l’assemblée constituante en choisissant une liste parmi les 23 candidates.
Le vote aura lieu dans 71 bureaux répartis sur tout le territoire du sud de la France. Les électeurs peuvent consulter les listes électorales pour vérifier leurs bureaux de vote d’inscription à l’adresse
Les électeurs inscrits doivent se rendre au bureau de vote munis de leur Carte d’Identité Nationale Tunisienne ou de leur passeport tunisien. Le reçu d’inscription est fortement recommandé. Les électeurs non inscrits pourront également voter. Ils devront aller au bureau de vote le plus proche munis de leur Carte d’Identité Nationale Tunisienne ou de leur passeport tunisien et de leur carte consulaire. S’ils constatent qu’ils ont été inscrits automatiquement, ils pourront voter sur place, sinon, ils seront dirigés vers des bureaux spéciaux.
Le scrutin a lieu en un seul tour. Les sièges sont répartis au niveau des circonscriptions selon un mode de représentation proportionnelle à scrutin de liste.Irie France 2 a été créée par l’Instance Supérieur Indépendance pour les élections (ISIE) afin d’organiser, d’observer et de veiller au bon déroulement des élections dans la circonscription électorale France 2.
La campagne électorale est interdite dans les lieux de culte, sur les lieux de travail et dans les établissement scolaires et universitaires A Montpellier le bureau de vote est ouvert du jeudi 20, au samedi 22 octobre, de 8h à 18h. Il est situé Espace Jacques 1er d’Aragon (salle polyvalente), place de la révolution francaise, 117, rue des états généraux.