Qui détient les médias privés en France ?

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Morozov : « Internet est la nouvelle frontière du néolibéralisme »

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Selon le chercheur et essayiste Evgeny Morozov, la technologie sert le néolibéralisme et la domination des Etats-Unis. « Il faut considérer la Silicon Valley comme un projet politique et l’affronter en tant que tel », dit-il.

Evgeny Morozov s’est imposé en quelques années comme l’un des contempteurs les plus féroces de la Silicon Valley. A travers trois ouvrages – « The Net Delusion » (2011, non traduit en français), « Pour tout résoudre, cliquez ici » (2014, FYP éditions) et « Le Mirage numérique » (qui paraît ces jours-ci aux Prairies ordinaires) –, à travers une multitudes d’articles publiés dans la presse du monde entier et des interventions partout où on l’invite, il se fait le porteur d’une critique radicale envers la technologie en tant qu’elle sert la domination des Etats-Unis.

A 31 ans, originaire de Biélorussie, il apprend toutes les langues, donne l’impression d’avoir tout lu, ne se trouve pas beaucoup d’égal et maîtrise sa communication avec un mélange de charme et de froideur toujours désarmant.

L’écouter est une expérience stimulante car il pense largement et brasse aussi bien des références historiques de la pensée (Marx, Simondon…) que l’actualité la plus récente et la plus locale. On se demande toujours ce qui, dans ses propos, est de l’ordre de la posture, d’un agenda indécelable, ou de la virtuosité d’un esprit qui réfléchit très vite, et « worldwide » (à moins que ce soit tout ça ensemble).

Nous nous sommes retrouvés dans un aérogare de Roissy-Charles-de-Gaulle, il était entre deux avions. Nous avons erré pour trouver une salade niçoise, car il voulait absolument une salade niçoise.

Rue89 : Est-ce qu’on se trompe en ayant l’impression que vous êtes de plus en plus radical dans votre critique de la Silicon Valley ?

Evgeny Morozov : Non. Je suis en effet plus radical qu’au début. Mais parce que j’étais dans une forme de confusion, je doutais de ce qu’il fallait faire et penser. J’ai aujourd’hui dépassé cette confusion en comprenant que la Silicon Valley était au centre de ce qui nous arrive, qu’il fallait comprendre sa logique profonde, mais aussi l’intégrer dans un contexte plus large.

Or, la plupart des critiques ne font pas ce travail. Uber, Apple, Microsoft, Google, sont les conséquences de phénomènes de long terme, ils agissent au cœur de notre culture. Il faut bien comprendre que ces entreprises n’existeraient pas – et leur modèle consistant à valoriser nos données personnelles serait impossible – si toute une série de choses n’avaient pas eu lieu : par exemple, la privatisation des entreprises télécoms ou l’amoncellement de données par d’énormes chaînes de grands magasins.

Cette histoire, il faut la raconter de manière plus politique et plus radicale. Il faut traiter cela comme un ensemble, qui existe dans un certain contexte.

Et ce contexte, c’est, il faut le dire, le néolibéralisme. Internet est la nouvelle frontière du néolibéralisme.

Le travail critique de la Silicon Valley ne suffit pas. Il faut expliquer que le néolibéralisme qu’elle promeut n’est pas désirable. Il faut expliquer que :

  • A : le néolibéralisme est un problème ;
  • B : il y a des alternatives.

Il faut travailler à l’émergence d’une gauche qui se dresse contre ce néolibéralisme qui s’insinue notamment par les technologies.

Le travail que fait Podemos en Espagne est intéressant. Mais voir les plateformes seulement comme un moyen de se passer des anciens médias et de promouvoir un renouvellement démocratique ne suffit pas. Il faut aller plus en profondeur et comprendre comment les technologies agissent sur la politique, et ça, Podemos, comme tous les mouvements de gauche radicale en Europe, ne le fait pas.

Mais vous voyez des endroits où ce travail est fait ?

En Amérique latine, on voit émerger ce type de travail. En Argentine, en Bolivie, en Equateur, on peut en voir des ébauches.

En Equateur par exemple, où la question de la souveraineté est essentielle – notamment parce que l’économie reste très dépendante du dollar américain -,- on l’a vue s’articuler à un mouvement en faveur d’une souveraineté technologique.

Mais on ne voit pas de tels mouvements en Europe. C’est certain.

La Silicon Valley va au-delà de tout ce qu’on avait connu auparavant en termes d’impérialisme économique. La Silicon Valley dépasse largement ce qu’on considérait auparavant comme les paragons du néolibéralisme américain – McDonald’s par exemple – car elle affecte tous les secteurs de notre vie.

C’est pourquoi il faut imaginer un projet politique qui rénove en fond notre conception de la politique et de l’économie, un projet qui intègre la question des infrastructures en garantissant leur indépendance par rapport aux Etats-Unis.

Mais si je suis pessimiste quant à l’avenir de l’Europe, c’est moins à cause de son impensée technologique que de l’absence flagrante d’esprit de rébellion qui l’anime aujourd’hui.

Mais est-ce que votre dénonciation tous azimuts de la Silicon Valley ne surestime pas la place de la technologie dans nos vies ? Il y a bien des lieux de nos vies – et ô combien importants – qui ne sont pas ou peu affectés par la technologie…

Je me permets d’être un peu dramatique car je parle de choses fondamentales comme le travail, l’éducation, la santé, la sécurité, les assurances. Dans tous ces secteurs, des changements majeurs sont en train d’avoir lieu et cela va continuer. La nature humaine, ça n’est pas vraiment mon objet, je m’intéresse plus à ses conditions d’existence.

Et puis je suis obligé de constater que la plupart des changements que j’ai pu annoncés il y a quelques années sont en train d’avoir lieu. Donc je ne pense pas surestimer la force de la Silicon Valley.

D’ailleurs, ce ne sont pas les modes de vie que je critique. Ce qui m’intéresse, ce sont les discours de la Silicon Valley, ce sont les buts qu’elle se donne. Peu importe si, au moment où j’en parle, ce sont seulement 2% de la population qui utilisent un service. Il se peut qu’un jour, ce soient 20% de la population qui l’utilisent. Cette possibilité à elle seule justifie d’en faire la critique.

D’accord, mais en vous intéressant à des discours, ne prenez-vous pas le risque de leur donner trop de crédit ? Dans bien des cas, ce ne sont que des discours.

En effet, on peut toujours se dire que tout ça ne marchera pas. Mais ce n’est pas la bonne manière de faire. Car d’autres y croient.

Regardez par exemple ce qui se passe avec ce qu’on appelle les « smart cities ». Quand vous regardez dans le détail ce qui est vendu aux villes, c’est d’une pauvreté confondante. Le problème, c’est que les villes y croient et paient pour ça. Elles croient à cette idée du logiciel qui va faire que tout fonctionne mieux, et plus rationnellement. Donc si la technologie en elle-même ne marche pas vraiment, le discours, lui, fonctionne à plein. Et ce discours porte un agenda propre.

Il est intéressant de regarder ce qui s’est passé avec la reconnaissance faciale. Il y a presque quinze ans, dans la suite du 11 Septembre, les grandes entreprises sont allées vendre aux Etats le discours de la reconnaissance faciale comme solution à tous leurs problèmes de sécurité. Or, à l’époque, la reconnaissance faciale ne marchait absolument pas. Mais avec tout l’argent des contrats, ces entreprises ont investi dans la recherche, et aujourd’hui, la reconnaissance faciale marche. Et c’est un énorme problème. Il faut prendre en compte le caractère autoréalisateur du discours technologique.

Quelle stratégie adopter ?

Il faut considérer la Silicon Valley comme un projet politique, et l’affronter en tant que tel.

Ça veut donc dire qu’un projet politique concurrent sera forcément un projet technologique aussi ?

Oui, mais il n’existe pas d’alternative à Google qui puisse être fabriquée par Linux. La domination de Google ne provient pas seulement de sa part logicielle, mais aussi d’une infrastructure qui recueille et stocke les données, de capteurs et d’autres machines très matérielles. Une alternative ne peut pas seulement être logicielle, elle doit aussi être hardware.

Donc, à l’exception peut-être de la Chine, aucun Etat ne peut construire cette alternative à Google, ça ne peut être qu’un ensemble de pays.

Mais c’est un défi gigantesque parce qu’il comporte deux aspects :

  • un aspect impérialiste : Facebook, Google, Apple, IBM sont très liés aux intérêts extérieurs des Etats-Unis. En son cœur même, la politique économique américaine dépend aujourd’hui de ces entreprises. Un réflexe d’ordre souverainiste se heurterait frontalement à ces intérêts et serait donc voué à l’échec car il n’existe aucun gouvernement aujourd’hui qui soit prêt à affronter les Etats-Unis ;
  • un aspect philosophico-politique  : on pris l’habitude de parler de « post-capitalisme » en parlant de l’idéologie de la Silicon Valley, mais on devrait parler de « post-sociale-démocratie ».

Car quand on regarde comment fonctionne Uber – sans embaucher, en n’assumant aucune des fonctions de protection minimale du travailleur –, quand on regarde les processus d’individualisation des assurances de santé – où revient à la charge de l’assuré de contrôler ses paramètres de santé –, on s’aperçoit à quel point le marché est seul juge.

L’Etat non seulement l’accepte, mais se contente de réguler. Est complètement oubliée la solidarité, qui est au fondement de la sociale-démocratie. Qui sait encore que dans le prix que nous payons un taxi, une part – minime certes – sert à subventionner le transport des malvoyants ? Vous imaginez imposer ça à Uber….

Il faut lire le livre d’Alain Supiot, « La Gouvernance par les nombres » (Fayard, 2015), il a tout juste : nous sommes passés d’un capitalisme tempéré par un compromis social-démocrate à un capitalisme sans protection. C’est donc qu’on en a bien fini avec la sociale-démocratie.

Ce qui m’intrigue, si l’on suit votre raisonnement, c’est : comment on a accepté cela ?

Mais parce que la gauche en Europe est dévastée ! Il suffit de regarder comment, avec le feuilleton grec de cet été, les gauches européennes en ont appelé à la Commission européenne, qui n’est pas une grande défenseure des solidarités, pour sauver l’Europe.

Aujourd’hui, la gauche a fait sienne la logique de l’innovation et de la compétition, elle ne parle plus de justice ou d’égalité.

La Commission européenne est aujourd’hui – on le voit dans les négociations de l’accord Tafta – l’avocate d’un marché de la donnée libre, c’est incroyable ! Son unique objectif est de promouvoir la croissance économique. Si la vie privée est un obstacle à la croissance, il faut la faire sauter !

D’accord, mais je repose alors ma question : comment on en est venus à accepter cela ?

Certains l’ont fait avec plaisir, d’autres avec angoisse, la plupart avec confusion.

Car certains à gauche – notamment dans la gauche radicale – ont pu croire que la Silicon Valley était une alliée dans le mesure où ils avaient un ennemi commun en la personne des médias de masse. Il est facile de croire dans cette idée fausse que les technologies promues par la Silicon Valley permettront l’émergence d’un autre discours.

On a accepté cela comme on accepte toujours les idées dominantes, parce qu’on est convaincus. Ça vient parfois de très loin. L’Europe occidentale vit encore avec l’idée que les Américains ont été des libérateurs, qu’ils ont ensuite été ceux qui ont empêché le communisme de conquérir l’Europe. L’installation de la domination idéologique américaine – de McDonald’s à la Silicon Valley – s’est faite sur ce terreau.

Il y a beaucoup de confusion dans cette Histoire. Il faut donc théoriser la technologie dans un cadre géopolitique et économique global.

En Europe, on a tendance à faire une critique psychologique, philosophique (comme on peut le voir en France chez des gens comme Simondon ou Stiegler). C’est très bien pour comprendre ce qui se passe dans les consciences. Mais il faut monter d’un niveau et regarder ce qui se passe dans les infrastructures, il faut élargir le point de vue.

Il faut oser répondre simplement à la question : Google, c’est bien ou pas ?

Aux Etats-Unis, on a tendance à répondre à la question sur un plan juridique, en imposant des concepts tels que la neutralité du Net. Mais qu’on s’appuie en Europe sur ce concept est encore un signe de la suprématie américaine car, au fond, la neutralité du Net prend racine dans l’idée de Roosevelt d’un Etat qui n’est là que pour réguler le marché d’un point de vue légal.

Il faut aller plus loin et voir comment nous avons succombé à une intériorisation de l’idéologie libérale jusque dans nos infrastructures technologiques.

Et c’est peut-être en Amérique latine, comme je vous le disais tout à l’heure, qu’on trouve la pensée la plus intéressante. Eux sont des marxistes qui n’ont pas lu Simondon. Ils se donnent la liberté de penser des alternatives.

Pour vous, le marxisme reste donc un cadre de pensée opérant aujourd’hui pour agir contre la Silicon Valley ?

En tant qu’il permet de penser les questions liées au travail ou à la valeur, oui. Ces concepts doivent être utilisés. Mais il ne s’agit pas de faire une transposition mécanique. Tout ce qui concerne les données – et qui est essentiel aujourd’hui – n’est évidemment pas dans Marx. Il faut le trouver ailleurs.

Xavier de La Porte

Source : Rue 89 04/10/2015
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Le Figaro frappe un grand coup dans le numérique

 CCM Benchmarck était détenu à 60 % par Benoît Sillard. AFP

En entendant le nom « CCM Benchmark », peu connu du grand public, on ne comprend pas forcément l’importance de son rachat pour le groupe Le Figaro, jeudi 1er octobre. L’intérêt de la prise pour le groupe de presse est beaucoup plus évident lorsqu’on lit les adresses des sites spécialisés à très forte audience de CCM Benchmark : Commentcamarche, Le Journal du Net, L’Internaute ou Copains d’avant. Les deux groupes sont entrés en négociations exclusives.

« Cette acquisition nous permet de changer de dimension et de nous battre directement contre Facebook ou Orange en France », se félicite Marc Feuillée, directeur général du Figaro, qui revendique, avec CCM Benchmark, la place de « leader français des médias numériques ».

Les chiffres d’audience sont éloquents : dans le Web hors-mobile, CCM Benchmark occupait la 6e place en France (avec 19 millions de visiteurs uniques en juin selon Mediametrie-Netratings). Le Figaro pointait à la 15e place (avec 12 millions de visiteurs uniques environ), comme les groupes Le Monde et M6.

Dans le mobile, CCM Benchmark est actuellement classé 19e (avec 7,2 millions de visiteurs uniques), proche de groupes comme Le Monde, Yahoo! ou Wikimedia. Le Figaro était 10e (avec 8,2 millions).

Importance de l’investissement, pour Le Figaro

Le nouvel ensemble revendiquera près de 24 millions de visiteurs uniques dans le Web hors mobile, ce qui le placera à la 4e place en France, derrière le moteur de recherche américain Google (41 millions) et l’éditeur de logiciel Microsoft (35 millions), mais à portée du leader des réseaux sociaux Facebook (26 millions). Et devant l’opérateur télécoms historique français Orange (21 millions), ou des groupes comme le spécialiste du divertissement Webedia (19 millions), l’encyclopédie de Wikimedia (18 millions), le groupe de presse norvégien Schibsted éditeur de 20Minutes.fr et de Leboncoin.fr (17 millions) ou encore le distributeur en ligne Amazon (16 millions).

Le prix de la transaction indique aussi l’importance de l’investissement, pour Le Figaro et le secteur des médias français : son montant précis n’est pas communiqué mais CCM Benchmark avait assuré, fin 2014, avoir refusé des offres entre 150 et 200 millions d’euros. Le prix est aujourd’hui estimé entre 110 et 130 millions d’euros, selon une source proche du dossier citée par Les Echos. Si les comparaisons ont leurs limites, le prix de l’ensemble des titres du groupe L’Express-Roularta avait été évalué entre 50 et 70 millions d’euros, tandis que la plateforme de vidéo en ligne Dailymotion, « pépite » de l’Internet français, a été cédée à 80 % à Vivendi pour 217 millions d’euros.

La totalité de l’argent a été amené par le groupe d’aviation de Serge Dassault, propriétaire du Figaro, par l’intermédiaire la société Groupe Figaro, qui acquiert 95 % du capital de CCM Benchmark.

A l’image de l’allemand Axel Springer

Pour Le Figaro, racheter CCM Benchmark est d’abord un moyen de renforcer sa rentabilité : les activités d’information pratique et spécialisée et les sites thématiques ou de service sont financièrement plus attractifs que la presse d’information générale et d’actualité. Le groupe acquis, qui compte cent quatre-vingt-dix employés, affiche une marge opérationnelle de 25 % pour un chiffre d’affaires de 36 millions d’euros.

Or, Le Figaro était déjà bénéficiaire, ce qui n’est pas courant dans le secteur des médias : il revendique un résultat d’exploitation de 20 millions d’euros environ pour 500 millions de chiffres d’affaires, en 2014 et 2015. Le futur ensemble réalisera désormais 34 % de son chiffre d’affaires total dans le numérique, qui représentera 60 % de son bénéfice opérationnel.

« C’est la preuve qu’on peut rééquilibrer nos activités en tant que groupe de presse, grâce au numérique », affirme Marc Feuillée.

La stratégie du Figaro rappelle fortement celle d’un autre groupe de presse européen qui a fortement investi dans le numérique en se diversifiant dans les services : l’allemand Axel Springer. Celui-ci possède des titres de presse comme Die Welt ou Bild, mais aussi des quantités de sites thématiques et des plateformes comme Seloger.com, Aufeminin ou Marmiton.org. Il a racheté, mardi 29 septembre, le site Web américain d’économie Business Insider.

Savoir-faire

« Nous avons des marques de presse traditionnelle fortes et des diversifications pour aller chercher de la croissance », décrit M. Feuillée, qui reconnaît le parallèle avec Springer mais rappelle que Le Figaro suit cette voie depuis plusieurs années déjà. En effet, le groupe de presse de Serge Dassault a une histoire de rachat d’entreprises de services et de sites thématiques : il possède Cadremploi et des sites de petites annonces immobilières. Mais aussi de l’e-commerce avec la billetterie Ticketac ou La Chaîne météo, sans compter les annuaires comme Evene ou Le Conjugueur.

C’est ce savoir-faire qui a convaincu les propriétaires de CCM Benchmark, groupe indépendant né en 2007 du mariage de Commentcamarche et Benchmark (Journal du Net). Jusqu’ici, malgré des offres, ils avaient préféré garder les 60 % du capital : désormais, Benoît Sillard et Jean-François Pillou vendent mais ce dernier intègre la direction du Figaro.

Les titres de CCM Benchmark viennent renforcer le groupe Figaro dans des thématiques éditoriales qui sont autant de territoires publicitaires : l’actualité (avec lefigaro.fr et L’Internaute), le féminin (Madame Figaro et Le Journal des femmes), l’économie et la finance (Le Figaro Economie, Journal du Net, Droit-finances.net, Le Particulier), la santé (Santé-médecine.net et Le Figaro santé) et enfin le high-tech (CCM), énumère le groupe.

Enfin, cet accord est le signe d’une tendance forte dans les médias : celle de la recherche d’une plus grande taille afin de s’adapter à la nouvelle donne de la publicité en ligne, dont la promesse est de toujours mieux cibler les consommateurs. Très technologique, le groupe CCM est spécialiste de la « qualification » de ses audiences. il possède des bases de données précieuses comme les 12 millions d’inscrits du site Copains d’avant. Autant d’informations que le groupe pourra croiser avec la masse de données des habitudes de ses lecteurs sur tous ses sites et thématiques. Un jeu de « data », de logiciels et de puissance.

Alexandre Piquard

Source Le Monde Entreprise 01/10/2015

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En Allemagne, médias et personnalités s’engagent pour les réfugiés

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Après une semaine marquée par plusieurs incidents xénophobes visant les réfugiés en Allemagne, médias et personnalités se mobilisent en leur faveur, soucieux d’offrir le visage d’un pays terre d’accueil.

« Nous aidons », proclamait samedi la Une du quotidien populaire Bild, le plus lu d’Europe, qui a choisi de lancer « une grande opération d’aide » en faveur des réfugiés pour « montrer que les braillards et les xénophobes ne gueulent pas en notre nom ».

L’Allemagne fait face à un afflux sans précédent de réfugiés, l’Office fédéral en charge de ce dossier prévoyant l’arrivée de 800.000 demandeurs d’asile en 2015.

Ces arrivées et la nécessaire ouverture de centres d’accueil dans tout le pays pour y faire face se heurtent à des réactions de rejet parfois violentes, notamment dans l’Est du pays.

Incendies volontaires, menaces, agressions, ou encore manifestations, comme à Heidenau (Saxe, est), se sont succédé en Allemagne durant la semaine, conduisant Angela Merkel à visiter pour la première fois un centre de réfugiés, dans cette petite ville, théâtre de heurts entre police et militants d’extrême-droite.

La chancelière devrait revenir une nouvelle fois sur le sujet à l’occasion d’une conférence de presse, lundi.

A l’image de Bild, d’autres médias, comme l’hebdomadaire Der Spiegel ou le grand quotidien de Munich Süddeutsche Zeitung (SZ) s’engagent aussi.

Le premier proposait samedi une double couverture, la première consacrée à la « sombre Allemagne » et illustrée par une photo d’un foyer de réfugiés en flammes, la seconde montrant « l’Allemagne lumineuse » et des enfants de réfugiés lançant des ballons dans le ciel.

« C’est à nous de définir comment nous allons vivre, nous avons le choix », expliquait le magazine tandis que le SZ proposait à ses lecteurs soucieux d’agir un guide pratique pour leurs dons de vêtements, de nourriture, etc.

– « Chers réfugiés » –

« Chers réfugiés, c’est bon que vous soyez là car cela nous permet de vérifier la qualité de nos valeurs et de montrer notre respect des autres », estimait le champion du monde de foot et milieu du Real Madrid, Toni Kroos, cité dans la presse.

Comme lui, d’autres personnalités prennent position comme l’avait déjà fait Til Schweiger, star du cinéma en Allemagne, dont la maison a été placée sous surveillance après l’intrusion d’inconnus dans son jardin.

Le chanteur de rock Udo Lindenberg souhaite par exemple organiser un grand concert pour « célébrer la culture d’accueil » de l’Allemagne qui pourrait avoir lieu le 4 octobre à Berlin.

Dans un pays marqué par le souvenir de son passé nazi, cette mobilisation rappelle celles qui ont pu se produire lors d’autres incidents racistes. En 2000, l’ex-chancelier social-démocrate Gerhard Schröder avait ainsi appelé à un « soulèvement des honnêtes gens » après l’incendie d’une synagogue à Düsseldorf (ouest).

L’Allemagne est « un pays tolérant et ouvert », a encore martelé samedi le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière, dans le quotidien Die Welt.

Dans un éditorial intitulé « Ce que nous sommes », le quotidien conservateur se voulait d’ailleurs optimiste, estimant que loin des incidents xénophobes, « la vigueur de l’engagement bénévole change le visage de l’Allemagne » qui à travers sa « culture d’accueil » est « en train de se redécouvrir ».

Ce mouvement « contribue à cette nouvelle définition du pays comme terre d’immigration », jugeait même Die Welt alors que jadis, l’Allemagne conservatrice du chancelier Helmut Kohl (CDU) refusait catégoriquement de se définir comme telle.

Un sondage publié en janvier par la fondation Bertelsmann montrait que la « culture de l’accueil » était en progression en Allemagne: 60% des sondés se disaient prêts à accueillir des étrangers, contre 49% trois ans plus tôt.

Mais l’étude relevait également que la société était encore partagée sur la question de savoir si l’immigration était une chance. Elle soulignait enfin que dans l’ex-RDA, on se montrait moins enclin à accueillir les étrangers.

Samedi, à Dresde, capitale de la Saxe (est) et berceau du mouvement islamophobe Pegida, entre 1.000 (police) et 5.000 personnes (organisateurs) réunies derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire « Empêcher aujourd’hui les pogroms de demain », étaient venues manifester pour tenter de changer cette image.

Dans la soirée, plusieurs centaines d’entre elles se sont retrouvées à Heidenau, distant de quelques kilomètres, et ont dansé dans la rue avec les réfugiés, sous le regard d’importants effectifs policiers.

Source AFP 30/08/2015

Voir aussi : Actualité Internationale Rubrique Allemagne; rubrique  Politique de l’immigration,

Mohamed Ben Saada. « Une démocratie dévoyée »

mohamed_bensaadaUniversité d’été d’Attac

Ce militant des quartiers Nord de Marseille intervenait  dans l’atelier « Quartiers populaires et démocratie ». Interview.

Mohamed Ben Saada de l’association « Quartier Nord-Quartiers forts », est manipulateur radio dans la vie. Après plus de deux heures de débat dans l’atelier « Démocratie et quartiers populaires » devant une salle pleine, il a répondu à nos questions.

La Marseillaise. Est-ce qu’il n’y a pas de démocratie dans les quartiers Nord de Marseille ?

Mohamed Ben Saada. Il y a une forme de démocratie complètement dévoyée dont on se contente, je le dis sans aucun détour : une démocratie qui repose sur le clientélisme. Il faudrait trouver un nom spécifique à cette forme parce que quand on veut citer des exemples de dénis démocratique, on a toujours en tête des destinations lointaines. Mais il suffit de regarder la manière dont la vie politique s’organise ici, comment les échéances électorales se déroulent dans nos quartiers. Même de façon périphérique, dans la façon dont les gens continuent à harceler les citoyens qui vont voter, à deux mètres du bureau de vote… Il y a une chape de plomb qui repose sur une relation purement clientéliste. On fait fi de tout ce qui est l’engagement citoyen : les convictions, le fait que l’on soit pour tel ou tel parti, le fait que l’on ait telle ou telle vision du monde. Tout ne repose alors plus que sur : « Si je vote pour toi, tu me donnes quoi ? Un emploi, un appartement… »

La Marseillaise. Mais est-ce que cela ne touche vraiment que ces « quartiers » ?

Mohamed Ben Saada. Cela touche principalement les quartiers populaires dans la vulgarité des procédés. On n’y prend pas de gants. Souvent les médias font référence, lors des élections, à des anomalies dans des bureaux de vote, mais on passe rapidement parce qu’on considère qu’il s’agit de zones où les droits et la démocratie… sont ce qu’ils sont et qu’on y peut rien. Mais ce clientélisme est, à mon sens, le plus abjecte car il repose sur la misère des gens. Après, je suis d’accord. Le clientélisme touche d’autres populations, je ne peux pas dire que cela n’existe pas ailleurs. Dans les quartiers Sud, tout aussi brutalement, le clientélisme prend la forme de promesses du type : « Ne vous inquiétez pas, votez pour moi et il n’y aura pas de logement social ici ».

La Marseillaise. Que faudrait-il faire demain pour réinstaurer une dose de démocratie dans les quartiers ?

Mohamed Ben Saada. Demain, ce n’est pas possible. Le délai est trop court… A mon sens, il faudrait repartir sur des programmes nationaux d’éducation populaire qui soient menés de façon volontariste par les acteurs politiques, les organisations, les syndicats, pour outiller les générations à venir, et faire en sorte que l’éducation populaire, comme elle avait été pensée et organisée en 1947, redevienne ce qu’elle est : le moyen de donner à des jeunes adultes des outils d’appréhension et de compréhension du monde dans lequel ils vivent, pour se forger une opinion.

La Marseillaise. On dit que les services publics ont laissé ces quartiers en friche. Mais pourquoi cette action d’éducation populaire n’existe plus non plus ?

Mohamed Ben Saada. C’est le serpent qui se mord la queue. Tout est lié. Les élus, malgré les promesses qu’ils font, voient vite que sur les territoires où ils sont élus, il n’y a pas beaucoup de votants et ils n’ont donc pas une pression électorale forte. A ces endroits où l’abstention atteint des records, l’engagement et les promesses de service public qui devraient faire partie du contrat social entre les élus et les citoyens, restent donc des chimères… La blague qui court dans nos quartiers, c’est que dès qu’il sont élus ils changent d’opérateur téléphonique.

Propos recueillis par Christophe Casanova

Source ; La Marseillaise, le 28 août 2015

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Politique, Politique locale, rubrique Société, Citoyenneté, Pauvreté,