L’Allemagne renonce au nucléaire

L'Allemagne renonce au nucléaire

 

Dans la nuit de dimanche à lundi, la coalition libérale-conservatrice allemande s’est entendue sur une sortie du nucléaire. D’ici 2022 au plus tard, la dernière des 17 centrales nucléaires allemandes devra avoir fermé ses portes. Une initiative visionnaire qui profitera à l’économie allemande pour certains commentateurs, une mise en péril de l’approvisionnement énergétique européen pour d’autres.

Aftonbladet – Suède 

Berlin montre la voie

En décidant de sortir du nucléaire, l’Allemagne assume au moins dans le domaine de l’énergie la position de précurseur qui lui échoit en Europe, salue le journal à sensation de gauche Aftonbladet : « L’Allemagne est la quatrième nation industrialisée de la planète, la première économie européenne et vient de décider de prendre les devants. La décision d’hier constitue une avancée inédite pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Le Financial Times écrit que la liquidation du nucléaire allemand déclenchera un boom en Europe pour l’utilisation des énergies renouvelables et la réalisation d’économies d’énergie. … Ce changement nécessite des investissements massifs mais générera aussi des coûts d’électricité plus élevés. L’efficacité énergétique revêt donc une importance primordiale. Les études montrent que l’Allemagne pourrait réduire ses coûts énergétiques de 10 à 20 pour cent en améliorant son efficacité. … Ces derniers temps, l’Allemagne n’a cessé de temporiser et de refuser à assumer le rôle de leader que l’Europe attend de son meilleur représentant. C’est précisément ce que fait le pays aujourd’hui dans le domaine de l’énergie. » (31.05.2011)


Polityka – Pologne 

Les énergies vertes à la place du nucléaire

Sortir du nucléaire en Allemagne d’ici 2022 est véritablement audacieux mais faisable du fait de l’économie innovante du pays, estime l’édition en ligne du magazine d’information Polityka : « L’Allemagne s’est donc décidée à mettre fin à l’ère du nucléaire sur son territoire et ce bien qu’elle ait construit 17 centrales qui couvrent 23 pour cent des besoins en électricité du pays. Ils ont eu le courage de prendre cette grande initiative mais on ignore encore comment les choses se poursuivront. L’objectif est clair et décrit du reste précisément depuis longtemps : miser sur les énergies vertes. Cela est-il possible ? Dans le cas de l’Allemagne, il semble que oui. L’Allemagne est aujourd’hui déjà le leader incontesté du marché en Europe dans l’exploitation des sources d’énergie renouvelables. » (31.05.2011)

 

De Tijd – Belgique 

Une décision bénéfique à l’économie

La décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire est légitime mais constitue aussi un défi pour l’économie, estime le journal économique De Tijd : « L’accident de Fukushima a montré que l’énergie nucléaire n’est pas fiable à 100 pour cent. Les tests de résistance peuvent au mieux réduire les risques de catastrophe nucléaire sans toutefois complètement les exclure. Si la population allemande n’est pas prête à prendre ce risque, elle est dans son bon droit. Mais le pays doit alors accepter toutes les conséquences. Ce sera un défi important de garantir l’approvisionnement énergétique à un prix acceptable sans affaiblir la position concurrentielle des entreprises allemandes. La décision de sortir du nucléaire d’ici 2022 a le mérite d’être claire. Cela pourrait constituer une formidable impulsion pour le secteur des énergies renouvelables et pour la recherche de techniques permettant de rendre les centrales conventionnelles plus écologiques. Si l’Allemagne y parvient, elle aura une longueur d’avance sur les autres pays. » (31.05.2011)


Blog Géopolitique – France 

Les écolos allemands importeront du nucléaire

La sortie du nucléaire en Allemagne est une initiative électoraliste et hypocrite qui affaiblira l’Europe, estime Pierre Rousselin dans son blog Géopolitique : « Face à l’effondrement de ses alliés libéraux du FDP, Angela Merkel parie sur une alliance avec les Verts. Cette équation politique a des répercussions pour toute l’Europe. Notre continent renonce pour longtemps à toute indépendance énergétique. Sa dépendance à l’égard de la Russie et de son gaz va s’aggraver. La France, elle, exportera davantage de son électricité. Comble de l’hypocrisie?: ce sont nos centrales qui éclaireront et chaufferont les écolos allemands. Quant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce n’est déjà plus une priorité. » (31.05.2011)

» article intégral (lien externe, français)

Die Welt – Allemagne 

La pression écologique menace la démocratie

Deux mois après l’accident de Fukushima, le gouvernement allemand a décidé de sortir définitivement du nucléaire. Le quotidien conservateur Die Welt s’irrite d’un rythme décisionnel qui nuira selon lui à la démocratie : « Hans-Jürgen Papier, ex-président de la Cour constitutionnelle, juge ‘illégal’ le moratoire que la magicienne Angela Merkel a sorti de son chapeau quelques jours après Fukushima. … Et cela ne semble choquer personne que l’instance établie par Merkel pour imposer la sortie du nucléaire ait été effrontément nommée ‘Commission d’éthique’. … Si un membre fondateur de l’UE aussi puissant que la République fédérale d’Allemagne souhaite autant une nouvelle voie énergétique pour l’Europe et la planète, il aurait été indispensable de mener cette entreprise au niveau européen. … Il se forme déjà une alliance impie entre ceux qui veulent enfin pouvoir gouverner comme ils l’entendent et ceux qui souhaitent occulter le Parlement et l’opinion publique en exerçant une pression écologique ‘morale’. » (31.05.2011)

Voir aussi : Rubrique Ecologie, rubrique Politique24 réacteurs nucléaires à fermer, rubrique UEParlement européen et corruption, rubrique internationale Fukushima désinformation,

Des livres et des mots

Comédie du Livre 2011

dossier réalisé par Jean-Marie Dinh

Photo archive Dr

Comédie du livre. Une nouvelle organisation pour célébrer la langue allemande du 27 au 29 Mai.

A Montpellier, La Comédie du livre figure comme un rendez-vous ancré dans la vie de la population. Elle se tient cette année du 27 au 29 mai en mettant à l’honneur les écrivains de langue allemande. Le pays invité correspond à la volonté de la ville de célébrer les cinquante ans des liens qui unissent Montpellier et Heidelberg. La 27e édition marque un tournant avec un changement d’équipe et d’organisation. La direction relève désormais de l’association Cœur de Livres pilotée par la ville et présidée par Etienne Cuenant, un chirurgien urologue qui préside aussi la Société montpelliéraine d’histoire de la médecine. Dans la logique citoyenne impulsée par les libraires et le tissu associatif, l’ex-délégué général, le journaliste Philippe Lapousterle et son équipe avaient trouvé un deuxième souffle à la manifestation, en multipliant les rencontres, avec la volonté de placer les auteurs et les idées sur la place publique.

Nouvelle donne

Après la redistribution des cartes chacun cherche un peu ses marques. L’adjoint à la culture, Michaël Delafosse, a réaffirmé lors de la présentation de la manifestation mardi, la fameuse « ambition d’excellence » de la politique culturelle montpelliéraine. Tout en assurant le maintien de son soutien aux libraires, la nouvelle orientation vise à favoriser la dimension littéraire de la manifestation et mieux mettre en avant le pays invité. Dans cette esprit, on a réduit les rencontres débats de moitié et demandé au tissu associatif de conformer ses propositions à la thématique allemande.

« Pasteur » littéraire !

Si les acteurs du livre invités ont observé le silence religieux de rigueur c’est que les sourires devaient être tout intérieurs. On se dit qu’Etienne Cuenant qui se voit en « pasteur  » de la littérature et prévoit une  » révolution numérique du livre sur 50 ans  » pourrait utilement se plonger dans l’essai sur l’accélération signé par l’auteur invité Hartmut Rosa. On peine à comprendre en quoi la réduction du choix des visiteurs concoure à l’objectif annoncé par Michaël Delafosse  » de partir à la découverte des publics « . Mais l’analyse des élucubrations qui circulent dans les conférences de presse serait le sujet d’un vrai roman… Et comme le disait, une figure respectée de la vie littéraire locale à la sortie :  » Le plus important est de préserver le libre accès des gens aux livres« .

De la diversité de la langue

La participation active de la Maison de Heidelberg au programme et aux rencontres a contribué à la cohérence de propositions autour de la langue allemande. Celle-ci concerne des auteurs autrichiens, suisses, tchèques, turcs, kurdes qui contribuent pleinement à la richesse de cette littérature méconnue en France.

Parmi les écrivains invités, on attend notamment Zoran Drvenkar auteur d’origine croate prix du meilleur thriller 2010 en Allemagne pour  » Sorry « , Katharina Hagena auteur du best-seller « Le goût des pépins de pomme« , le maître de l’autofiction suisse Paul Nizon, Christophe Hein, né en RDA en 1944, qui figure parmi les intellectuels les plus importants de sa génération. On peut encore citer Judith Herman, ou l’avocat Ferdinand von Schirach qui saisissent le lecteur par des récits courts.  » 25 étudiants allemands et 25 étudiants montpelliérains sont invités à animer le jumelage. Ils seront nos ambassadeurs interculturels « , se réjouit Hans Demes de La Maison de Heidelberg.

Ce foisonnement d’échanges en perspective devrait faire émerger quelques morceaux de vie et donner symboliquement le pendant aux déboires du couple franco-allemand enlisé dans ses spéculations financières. Cette voie de l’intelligence demeure la marque de fabrique de La Comédie du livre.

Billet : Jumelage : la littérature comme vecteur

Le choix de mettre la littérature de langue allemande à l’honneur correspond au 25e anniversaire du jumelage qui lie les villes de Montpellier et Heidelberg. Il renvoie aux échanges entre cultures qui apportent leur contribution à la construction des identités culturelles. L’image française de l’Allemagne n’est bien évidemment pas uniquement littéraire. Elle se développe aussi bien dans les cadres internationaux que nationaux et régionaux. Elle tient aux guerres, aux échanges commerciaux, universitaires, politiques,  à la construction européenne, et aux contacts personnels. La littérature a pourtant joué un rôle unificateur entre les deux pays. En France elle prend à contre-pied le cliché  qui enferme les Allemands dans l’image d’un peuple grossier et pesant.

L’histoire littéraire du XVIIIe évoque l’admiration que se portaient mutuellement Frédéric II de Prusse et Voltaire. Les deux  hommes se sont rencontrés et entretenaient une relation épistolaire suivie. L’auteur de Candide surnommait son ami  libre-penseur « le roi philosophe ». Un roi idéal en somme. Au XIXe, on peut souligner la fascination qu’exerça Wagner sur Baudelaire et Mallarmé.

On s’apprête à mesurer à l’occasion des multiples débats programmés à la Comédie du livre à quel point la littérature comme la vie d’un jumelage peuvent contribuer à ces migrations culturelles, et combien ces vecteurs de transitions reposant sur des valeurs humaines sont essentiels dans le monde d’aujourd’hui.

 

L’Heure du noir sur la « Com » !

On sait combien le noir envahit les bibliothèques. Les amateurs du genre ne seront pas en reste cette année. Du côté des auteurs allemands invités on vous conseille d’aller voir l’écrivain berlinois d’origine croate Zoran Drvenkar dont le premier roman traduit en français – Sorry (éditions Sonatine) – a été élu meilleur thriller de l’année 2010 en Allemagne. Sorry est le nom d’une agence spécialisée chargée de présenter des excuses réglementaires pour les entreprises qui licencient ou harcèlent leurs salariés. Autant dire que l’agence créée par quatre potes berlinois se trouve sur un marché porteur. Mais les ennuis commencent lorsqu’ils doivent s’excuser auprès d’une personne crucifiée…

Volker Kutscher fait aussi un tabac en Allemagne et pas seulement avec ses intrigues mises en scène dans le Berlin des années 30, un moment où l’Allemagne est au tournant de son histoire. Après Le poisson mouillé (seuil 2007) qui dressait le portrait politique et contradictoire du Berlin des années 20, la deuxième enquête du commissaire Rath, La mort muette (seuil 2010) se déroule cette fois dans le milieu du cinéma. En pleine guerre entre les protagonistes du cinéma muet et ceux du parlant, des actrices sont mystérieusement assassinées…

Les amateurs d’histoires courtes suivront avec attention les onze affaires criminelles que relate avec talent l’avocat pénaliste Ferdinand Von Schirach dans son recueil sobrement intitulé Crimes (Gallimard 2011).

A ne pas manquer aussi, le débat « Flics Stories » demain à 15h salle Pétrarque animé par Michel Gueorguieff, l’incorruptible président de Soleil Noir. En présence  des auteurs, Odile Barski la scénariste de Claude Chabrol,  pour Never mort (Le Masque 2011), Hélène Couturier pour Tu l’aimais quand tu m’as fait ? (Presse de la Cité) qui plonge le lecteur dans une enquête intime, traitée avec justesse. Claude Cances pour Histoire du 36 Quai des Orfèvres (Jacob-Duvernet) et Régis Descott pour L’année du rat (JC Lattès), thriller d’anticipation palpitant et angoissant qui nous conduit sur la trace des rongeurs.

Rencontre Z. Drvenkar aujourd’hui à 17h30 au Pavillon populaire et demain à 11h centre Rabelais. Rencontre Volker Kutscher demain à 15h au Centre Rabelais. Ferdinand Von Schirach aujourd’hui à 13h45 au Pavillon Populaire et demain  à 16h au Centre Rabelais. Et aussi la Table ronde quand le polar raconte l’histoire aujourd’hui à 17h salle Pétrarque.

 

Difficiles relations entre éditeurs et libraires  ?

Vie du livre et de la lecture. LR2L proposait un débat qui ne s’est pas tenu entre deux acteurs de la chaîne du livre.

Le quart d’heure montpelliérain passé d’un bon quart d’heure, il aura bien fallu se rendre à l’évidence. La proposition de débat entre libraires et éditeurs lancée par l’antenne régionale du livre et de la lecture allait prendre une autre forme. Celle d’une déclaration un peu convenue sur le travail mené en faveur du livre en région conjointement soutenue par la présidente de LR2L, Marie-Christine Chase, Fabrice Manuel en charge de la culture au Conseil régional, et la représentante de l’Etat Odile Nublat. La Comédie du Livre aura notamment été l’occasion de signer La Charte des manifestations littéraires. Un texte en élaboration depuis plusieurs années qui précise la place et le rôle de chacun des acteurs de la chaîne du livre en remettant les auteurs au centre du projet et en leur garantissant une juste rémunération. Cet aboutissement apparaît comme un gage de sérieux. S’efforçant de favoriser les échanges interprofessionnels, la nouvelle équipe de LR2L semble à l’écoute. Mais dans un climat de crise qui bouscule les modèles économiques, la confiance s’érode parfois entre les acteurs dont les intérêts ne sont pas toujours conciliables.

Les libraires régionaux, qui brillaient par leurs absences, seront bientôt recensés dans un nouvel annuaire publié par LR2L. « A l’heure où le secteur vit une totale mutation liée à la révolution numérique, chacun se replie un peu sur ses propres préoccupations. C’est humain, explique Adeline Barré qui œuvre avec Emmanuel Begou pour faciliter ce difficile passage. « Nous mettons actuellement l’accent sur les publications des maisons d’éditions afin que les ouvrages soient bien accompagnés et qu’ils arrivent jusqu’aux libraires. » Emmanuel Begou a en charge le travail avec les médiathèques et les bibliothèques : « Ces structures publiques sont des lieux de médiation vers les nouveaux supports. Avec l’arrivée du numérique, l’apport en recherche d’information est incontestable. Il faut former les usagers. Nous ne jouons pas l’opposition entre les pratiques d’hier et celles d’aujourd’hui. Ce qui est important c’est de véhiculer la pensée. » En voilà au moins une qui sera au goût de tout le monde.

 

Débat : Une fenêtre sur l’Afrique

Il ne sont pas de même facture les livres de l’historienne Catherine Coquery-Vidtovitch Petite histoire de l’Afrique, et de l’équipe franco-camerounaise composée de Manuel Domergue, Jacob Tatsitsa, et Thomas Deltombe auteurs de Kamerun, mais ils ont été publié simultanément (Editions La Découverte), et invitent tous deux à réajuster notre regard sur l’Afrique subsaharienne. L’occasion a donné lieu à un débat intéressant et suivi initié par la librairie Sauramps vendredi dans le cadre de la Comédie du Livre.

Voir la suite de l’article

Ecouter les géants

Incontournables. Christoph Hein et Paul Nizon, des auteurs hors normes.

Christoph Hein

L’Allemand Gunter Grass en 1999, l’Autrichienne Elfriede Jelinek en 2004 et la Roumaine Herta Müller en 2009 ont obtenu les derniers prix Nobel de littérature attribués à des écrivains de langue allemande. Aucun des membres de ce trio n’était disponible cette année pour répondre à l’invitation de La Comédie du livre. Chacun à leur manière, ces auteurs consacrés usent d’une puissance créatrice hors norme, d’un style en rupture qui rend compte de la part irrationnelle de l’histoire. Leurs origines soulignent, comme on peut le voir à Montpellier, que la littérature allemande ne se limite pas au pays de Goethe.

Claude Nizon

Parmi les auteurs présents cette année, deux pourraient entrer dans ce symbolique panthéon. Christoph Hein né en Saxe en 1944 dont les études furent perturbées par la construction du mur. L’écrivain commence sa carrière en temps que dramaturge et se voit reconnu dès la publication de ses premiers récits en 1980. Son dernier roman Paula T une femme allemande (Métailié 2010)  déroule la vie et le combat d’une femme et d’une artiste de l’Est. Une situation dépeinte dans un style sec comme le sont parfois les prises de paroles publiques sans concession de ce grand défenseur d’idées. Dans un tout autre genre le Suisse Paul Nizon, exilé à Paris, ne succombe pas non plus à la facilité. Il vient de publier Les Carnets du coursier (Actes Sud) et poursuit sa quête qui pousse sa recherche d’expression vers l’infini de lui-même. A (re) découvrir.

Voir : Rencontre avec Paul Nizon .

Sherko Fatah

Photo David Maugendre.

 

Un des auteurs de langue allemande à découvrir parmi les invités de la Comédie du Livre. Les lecteurs qui voulaient rencontrer Sherko Fatah vendredi peuvent le retrouver ce matin à 11h à l’Espace Martin Luther King.

Né en 1964 en Allemagne de l’Est d’un père kurde originaire du nord de l’Irak et d’une mère allemande, l’écrivain a fait de nombreux séjours en Irak. Son œuvre est imprégnée du thème de l’exil. Dans Le navire Obscur l’auteur retrace la vie d’un jeune kurde irakien enrôlé dans la guerre du côté des « Combattant de Dieu » alors que les bombardements s’intensifient sur son pays. Après avoir donné (ou perdu ?) de sa personne en suivant les barbus, Kerim décide de rejoindre son oncle en Allemagne. Au mépris du danger, avec une certaine innocence, il embarque clandestinement sur un cargo. Débute une traversée humiliante où Kerim éprouve le sentiment, commun à tous les clandestins, de perdre son identité. Lorsqu’il parvient en Allemagne de nouvelles surprises l’attendent. Voilà qu’on lui demande à nouveau d’imaginer des histoires pour s’en sortir…

Le parcours dessiné par Sherko Fatha regroupe en un destin le contenu de trois existences dans lesquelles son personnage progresse à tâtons et semble en même temps faire corps avec une force de vie déterminante. On ne sait vraiment vers où l’écriture sobre et puissante de Sherko Fatha nous conduit  mais elle nous maintient en éveil.

Le navire Obscur, éditions Métailié 2011, 23 euros.

 

« Ruth a dit : Promets-moi que tu ne feras jamais rien avec lui »

Judith Hermann."J'évoque le blanc qui reste" Photo Rédouane Anfoussi

Un critique allemand a dit de l’œuvre de Judith Hermann qu’elle dressait le portrait d’une génération en chassant ses fantômes. « Pour écrire, je m’inspire de mon vécu propre, précise-t-elle. Si cela devient le portrait d’une génération, pourquoi pas. Raconter une histoire, c’est un peu chasser des fantômes pour exprimer ce qui est difficilement décryptable. »

En 1998, son premier roman Maison d’été plus tard (Albin Michel 2001), connaît un énorme succès en Allemagne avant de devenir un best-seller mondial. Ce qui lui permet d’abandonner son travail de journaliste. Cinq ans plus tard, elle publie son  second recueil de nouvelles Rien que des fantômes. Hier, elle en à lu un extrait, dans le cadre des moments littéraires au Pavillon populaire.

« Ruth a dit : Promets-moi que tu ne feras jamais rien avec lui ». La première phrase de ce court récit pose d’emblée le cadre d’une relation entre les trois protagonistes de l’histoire. Deux amies dont l’une, Ruth, peine à se situer dans une histoire de cœur qu’elle débute avec Raoul. Le troisième personnage, miroir inversé de Ruth, c’est la narratrice qui apparaît au lecteur à travers ses observations. A la lecture, on entre en parfaite empathie avec ce personnage travaillé par l’indécision. « C’est plus intéressant d’écrire sur quelqu’un  qui cherche que sur des gens qui ont des certitudes. Le lecteur comprend dans les blancs », commente l’auteur. Le style léger et précis de Judith Hermann se nourrit des inattendus de la vie et d’une certaine inadéquation avec le monde.

Son prochain recueil de nouvelles à paraître chez Albin Michel en octobre prochain se situe sur la même tonalité que ses deux premiers livres. Judith Hermann aborde en cinq nouvelles l’expérience de l’adieu quand quelqu’un de proche disparaît. « Je parle de la mort. J’évoque le blanc qui reste. J’aimerais que mes lecteurs remplissent ce vide par leur propre expérience. » Un autre moment propice à l’instabilité qui comporte une luminosité particulière.

Rencontre avec Judith  Hermann dimanche à 16h, Centre Rabelais

 

Harmut Rosa : Le temps de l’argent

Débat. Le sociologue Harmut Rosa invité par la Fabrique de Philosophie
Cette 26e édition de la Comédie du livre a globalement tenu son pari d’exigence. Notamment ceux que s’était fixée l’organisation, de recentrer l’orientation sur la dimension littéraire et le pays invité. On peut néanmoins regretter que la teneur des autres débats ait manqué de consistance politique et économique, qui sont au cœur de notre quotidien. L’annulation de l’échange entre les représentants du Parti de Gauche et ceux du parti allemand Die Linke, comme le désistement de la philosophe Michela Marzano ont renforcé le déséquilibre. En la matière, l’exception est venue de la pensée critique Hartmut Rosa.

Le sociologue était invité à présenter son dernier ouvrage Accélération (éd. La Découverte) dans lequel il met le doigt sur la pression du temps imposée par notre vie moderne, qui est à l’origine d’un dysfonctionnement majeur de la société. « La dimension de la compétition dit-il, agit aujourd’hui plus lourdement sur nos vie que l’église a pu peser hier. Il faut courir plus vite, non pour aller plus loin, mais pour garder sa position. Au travail, il faut aller plus vite pour rester où on est. » Ces conditions de temps sont celles du système  néolibéral. « On nous donne l’impression de ne pas être à la hauteur, d’être toujours en retard. » Hartmut Rosa en tire des constats sociaux qu’il définit comme « un rétrécissement des espaces temporaires, » avec des incidences sur l’individu : « La réponse à la question qui êtes-vous est de plus en plus difficile à trouver. » Et des conséquences politiques, celles qui affectent la mémoire collective et la compréhension générale du monde. « On vit de plus en plus d’épisodes qui se cumulent sans que l’on ne puisse en tirer des leçons. » Cela participe, selon Rosa, au retrait des citoyens de la politique qui demande du temps pour être comprise.

 

Voir aussi : Rubrique Livre, La Comédie du livre 2010, rubrique Lecture, Une fenêtre sur l’Afrique, rubrique Allemagne,

C’est un des auteurs de langue allemande à découvrir parmi les invités de la Comédie du Livre. Les lecteurs qui voulaient rencontrer Sherko Fatah vendredi peuvent le retrouver ce matin à 11h à l’Espace Martin Luther King.

Né en 1964 en Allemagne de l’Est d’un père kurde originaire du nord de l’Irak et d’une mère allemande, l’écrivain a fait de nombreux séjours en Irak. Son œuvre est imprégnée du thème de l’exil. Dans Le navire Obscur l’auteur retrace la vie d’un jeune kurde irakien enrôlé dans la guerre du côté des « Combattant de Dieu » alors que les bombardements s’intensifient sur son pays. Après avoir donné (ou perdu ?) de sa personne en suivant les barbus, Kerim décide de rejoindre son oncle en Allemagne. Au mépris du danger, avec une certaine innocence, il embarque clandestinement sur un cargo. Débute une traversée humiliante où Kerim éprouve le sentiment, commun à tous les clandestins, de perdre son identité. Lorsqu’il parvient en Allemagne de nouvelles surprises l’attendent. Voilà qu’on lui demande à nouveau d’imaginer des histoires pour s’en sortir…

Le parcours dessiné par Sherko Fatha regroupe en un destin le contenu de trois existences dans lesquelles son personnage progresse à tâtons et semble en même temps faire corps avec une force de vie déterminante. On ne sait vraiment vers où l’écriture sobre et puissante de Sherko Fatha nous conduit mais elle nous maintient en éveil.

JMDH

y Le navire Obscur, éd Métailié 2011, 23 euros.

Europe en bref

Lancé à Madrid le 15 mai, un mouvement de protestation sociale surprend un pays en pleine campagne électorale. Le ras-le bol après trois ans de crise est bien réel. Et c’est en ligne, comme lors des révolutions tunisienne et égyptienne, que les jeunes Espagnols ont commencé à se rassembler. Le mouvement du « 15 M » (parce qu’il a démarré le 15 mai) prend le pays de court alors que se tiennent le 22 mai les élections municipales et régionales… La suite sur Rue 89

Schengen menacé par l’esprit de clocher

Schengen menacé par l'esprit de clocher
 

La lâcheté des pro-européens

Malgré le traité de Schengen, le Danemark effectue à nouveau des contrôles aux frontières avec l’Allemagne et la Suède. Il existe pourtant au Danemark beaucoup de partisans de l’idée européenne mais ils sont trop lâches, estime le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung : « Le Parti populaire a montré combien il était facile de détourner les valeurs européennes comme la libre circulation pour des magouilles de politique interne. Le gouvernement libéral-conservateur s’est empressé de concéder aux populistes une victoire de communication au détriment de l’Europe – afin de s’acheter leur clémence en vue d’une réforme des retraites. L’opposition ne s’est pas non plus opposée à ces contrôles – probablement pour éviter un débat désagréable. La plupart des partis danois sont pourtant pro-européens et ne songeraient jamais à remettre vraiment en cause la liberté de circulation. Mais ils ne veulent pas non plus défendre cet acquis. Le problème de l’UE, ce ne sont pas ses opposants comme le Parti populaire. Le problème, c’est la lâcheté de ses partisans. » (12.05.2011) Süddeutsche Zeitung – Allemagne

 

Apprendre de la Chine et de l’Inde

Le nouveau chef du FMI devrait être indien ou chinois afin que les Européens apprennent encore quelque chose, estime le quotidien de centre-gauche The Guardian : « Jusqu’à la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire la plus longue période de l’histoire, la Chine et l’Inde étaient de loin des puissances économiques bien plus importantes que n’importe quel pays d’Europe occidentale ou que les Etats-Unis. Leur croissance rapide ces dernières décennies montre seulement que l’économie mondiale retrouve son ordre habituel. La composition du FMI, les droits de vote et la direction devraient le refléter. Vu la croissance impressionnante des économies chinoise et indienne, nous ferions bien d’apprendre d’un nouveau chef du FMI indien ou chinois. » (17.05.2011) The Guardian – Royaume-Uni

 

Allemagne : Les contrôles favorisent le lobby nucléaire

D’après le rapport de la Commission allemande sur la sécurité nucléaire (RSK), aucune des 17 centrales nucléaires du pays ne satisfait aux exigences maximales. Le quotidien de gauche tageszeitung estime que ce rapport servira en premier lieu le lobby du nucléaire : « Les auteurs admettent eux-mêmes que le temps a manqué et que les données étaient insuffisantes pour analyser en détail quelle centrale comporte des risques, et dans quelle mesure. Ce qui ressort du rapport est tout aussi vague – rien de nouveau. On savait déjà depuis longtemps que la plupart des centrales nucléaires allemandes sont peu ou pas du tout préparées à surmonter des crashs aériens. Sur ce point, Fukushima n’a rien changé du tout. … Malgré tous les défauts, la RSK reconnaît aux centrales nucléaires du pays une ‘grande solidité’. Faut-il donc sortir du nucléaire aussi vite ? Le lobby du nucléaire risque d’exploiter à son avantage ce rapport bâclé. » (18.05.2011) die tageszeitung – Allemagne

Voir aussi : Rubrique Revue de presse, International, Manif de la jeunesse à Madrid, FMI, rubrique UE, Dangereux  plan d’austérité  grec,

Crise grecque : l’Europe libérale s’inquiète

Des experts de l’Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne sont arrivés mardi à Athènes pour examiner les comptes de la Grèce toujours sous la pression des marchés alors qu’un nouveau plan de sauvetage est envisagé.

La « troïka », comme les Grecs appellent ces experts de la Commission et de la Banque centrale européennes, ainsi que du FMI, doit évaluer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre du plan de redressement des finances grecques instauré il y a un an après une première crise grave, mais qui marque le pas et a aggravé la récession. Devant l’ampleur des difficultés rencontrées par le pays, dont la dette doit dépasser 150% du PIB en 2011, les Européens n’excluent pas un nouveau soutien au pays. D’autant plus que l’envolée des taux grecs sur les marchés d’obligations, au-dessus du taux prohibitif de 15%, présage pour le moment de l’incapacité d’Athènes à revenir sur les marchés en 2012, comme le gouvernement grec et les institutions internationales l’avaient initialement prévu.

Pour emprunter mardi 1,625 milliard d’euros à six mois, la Grèce a ainsi dû se soumettre mardi à un taux de 4,88%, en légère hausse par rapport à celui qu’elle avait obtenu lors de la dernière émission similaire d’obligations le 8 mars, à 4,75%. L’émission a toutefois été sursouscrite plus de trois fois. La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré mardi attendre « les résultats » de la mission de la troïka avant de tirer des conclusions sur l’éventualité d’un nouveau plan de sauvetage.Pour sa part, le Premier ministre grec, Georges Papandreou, s’est prévalu du « soutien d’une grande majorité des Grecs » pour faire part, au cours d’une rencontre avec le chef de l’Etat, Carolos Papoulias, de sa « détermination à poursuivre les grands changements » en chantier.

Les experts de l’UE, du FMI et de la BCE doivent rester à Athènes au moins une semaine et doivent s’entretenir entre autres à partir de mercredi avec les ministres des Finances, Georges Papaconstantinou, de la Santé, Andreas Loverdos, et de l’Emploi, Louka Katseli. Cette expertise, précédée d’une première mission technique d’experts la semaine dernière, intervient avant le versement début juin de la cinquième tranche du prêt accordé au pays en 2010 d’un montant total de 110 milliards d’euros.

Le quotidien financier grec Naftemporiki titrait ainsi mardi sur « l’option d’un nouveau prêt accompagné de nouvelles mesures » tandis qu’Eleftherotypia (gauche) parlait d' »un nouveau prêt de 50 à 60 milliards d’euros ». Le chef économiste de la BCE Jürgen Stark a estimé mardi que l’aide à la Grèce n’était « pas un puits sans fond » et que le pays « n’était pas insolvable », dans un entretien à une radio régionale allemande.

Quant à une restructuration de la dette souveraine grecque, le gouvernement grec ainsi que l’UE et la BCE, elle-même détentrice d’obligations publiques émises par Athènes, rejettent catégoriquement une telle éventualité. Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE, a indiqué dans un entretien paru mardi dans le journal italien La Stampa, qu’une telle opération ferait s’écrouler l’économie du pays et aurait un impact sur l’ensemble de la zone euro, y compris sur l’Allemagne. Cela n’a pas empêché l’agence de notation Standard & Poor’s d’abaisser à nouveau lundi la note de la Grèce, en invoquant, à la suite de la révision à la hausse du déficit public du pays et dans la perspective d’un nouveau soutien européen, le risque croissant d’une restructuration.

Déplorant la « cacophonie » prévalant actuellement à l’étranger sur le sort du pays, M. Papandreou a aussi appelé les Grecs à faire preuve de sang-froid face « aux nombreux scénarios ».

AFP (10/05/11)

Dans la presse européenne

Les ministres des Finances de plusieurs Etats membres de la zone euro ont tenu une réunion secrète vendredi 6 mai à Luxembourg pour évoquer l’assainissement du budget grec. Le pays pourrait nécessiter à l’avenir davantage d’aides financières de l’UE. Athènes ne pourra pas s’en sortir seule, estime la presse qui juge erronée une éventuelle exclusion du pays de l’Union monétaire.

Tiroler Tageszeitung – Autriche

Après la rencontre secrète des représentants des grands pays de la zone euro vendredi dernier, le quotidien Tiroler Tageszeitung critique la communication opaque de l’Union et estime que l’exclusion du pays de l’Union n’est pas une bonne idée : « Avec une telle politique d’information, les ragots fusent de toutes parts et il n’est guère étonnant que l’on évoque même une sortie de la Grèce de la zone euro. … Le fait est que la Grèce n’a jamais été prête à adhérer à l’Union financière et qu’elle n’est parvenue à introduire l’euro qu’au moyen de folles combines financières. Cela montre une fois de plus que les contrôles et les droits d’intervention sont insuffisants dans l’UE. Aujourd’hui, la Grèce est pratiquement en situation d’insolvabilité et ne pourra éviter la faillite qu’avec les milliards de l’UE. Le caractère légal d’une éventuelle exclusion de la zone euro est sujet à controverse. En pratique, cela reviendrait à un hara-kiri économique qui plongerait les Grecs dans un chaos encore plus grand. La confiance des marchés financiers est déjà proche de zéro actuellement. » (08.05.2011)

De Tijd – Belgique

Les discussions secrètes sur la crise de la dette de la Grèce montrent que le pays ne parviendra pas à surmonter seul la crise, estime le journal économique De Tijd : « Il est grand temps que Bruxelles et Francfort admettent que leur programme d’urgence pour la Grèce et l’Irlande ne résoudra pas le nœud du problème. L’Irlande et la Grèce n’ont pas un problème de liquidités, mais un problème de solvabilité. Dans les prochaines années, Athènes et Dublin ne pourront jamais soutirer suffisamment à leurs contribuables pour rembourser leurs dettes. Et dans un futur pas si lointain viendra certainement un moment où les citoyens grecs et irlandais en auront assez de ce travail de Sisyphe. … Un qualificatif qui résume aussi parfaitement le cœur du problème grec – et irlandais. … Une dette publique écrasante et une position concurrentielle catastrophique. … Les Grecs et les Irlandais ne parviendront jamais à résorber d’eux-mêmes leurs dettes publiques et bancaires. » (09.05.2011)

Die Welt – Allemagne

La crise de la dette de la Grèce et du Portugal coûtera beaucoup d’argent au contribuable européen et pourrait entraîner l’effondrement de l’euro, estime le quotidien conservateur Die Welt : « Il n’est pas donc pas étonnant qu’aucun politique responsable ne veuille risquer une telle chose. Mais cela ne durera pas éternellement. Si les Grecs et les Portugais ne maîtrisent pas leurs problèmes avec l’aide de l’UE, il n’y a que peu d’alternatives : soit les contribuables nord-européens, par crainte pour leur propre prospérité, proposent leurs milliards aux pays pauvres du sud, soit des mouvements comme les Vrais Finlandais font en sorte que l’UE ferme sa manne financière et contraignent ces Etats à sortir de l’UE. Ces deux alternatives coûteront des milliards aux contribuables européens. La politique européenne devra se montrer sage et patiente si elle veut surmonter cette crise. » (09.05.2011)

Il Sole 24 Ore – Italie

Par sa position ambiguë concernant le sauvetage de la Grèce, la chancelière allemande Angela Merkel augmente la pression sur le pays fortement endetté, estime le journal économique Il Sole 24 Ore : « L’Europe est une nouvelle fois l’otage de la politique intérieure allemande. … Les uns menacent de rejeter les aides de l’UE, les autres évoquent une restructuration de la dette. La chancelière allemande Angela Merkel mise sur l’ambivalence. … Cela jette des interrogations préoccupantes sur sa véritable opinion. … Les échéances électorales de cette année et les faiblesses de la majorité libérale-démocrate dans les sondages ne contribuent pas à clarifier les choses. … De nombreux politiques, dont Merkel, savent très bien que ni une restructuration de la dette ni une sortie de la Grèce de la zone euro ne sont des options indiquées. Mais en agitant la menace de telles éventualités, ils espèrent contraindre la Grèce à des efforts plus efficaces dans l’assainissement de son budget. » (08.05.2011)

Euro/topics

 

10 000 personnes dans la rue selon la police

 

Manifestation à Athène le 11 mai 2011

Des milliers de Grecs ont manifesté mercredi, jour de grève générale, contre les mesures d’austérité et les privatisations décidées par le gouvernement socialiste qui cherche à obtenir une nouvelle aide internationale afin d’éviter une restructuration de la dette grecque.

Environ 10.000 personnes selon la police ont battu le pavé à Athènes contre les sacrifices imposés au pays. Les deux compagnies grecques, Olympic Air et Aegean, ont annulé des vols. Les ferries vers les îles sont restés à quai, et les trains en gare. Pour la deuxième fois depuis le début de l’année, les syndicats – GSEE pour le privé, Adedy pour les fonctionnaires ainsi que le front syndical communiste Pame – protestaient contre un durcissement de la cure d’austérité, assorti d’une intensification des privatisations (50 milliards d’euros d’ici 2015), un plan qui est actuellement évalué et discuté avec les représentants des bailleurs de fonds du pays (zone euro et FMI), présents à Athènes.

« Les nouvelles mesures frappent unilatéralement les travailleurs et l’emploi et pas les possédants ni les banquiers, ni tous ceux qui ont fait la crise et en profitent » a déclaré à l’AFP Stathis Anestis, secrétaire général adjoint de la GSEE. « Après un an (d’aide internationale), nous sommes hélas dans une situation pire, le chômage a explosé, les salaires sont au plus bas niveau et le pire c’est qu’il n’y a aucune perspective d’issue, » a-t-il ajouté.

« On veut nous supprimer des acquis sociaux de plusieurs siècles » a renchéri Vangelis Papadoyannis, 46 ans, employé d’Intracom, une société de nouvelles technologies. « Dans mon entreprise, on a eu une vague de licenciements, une centaine en janvier, ils nous ont changé nos conditions de travail, ils nous ont baissé le salaire de 15% et ça continue (…) Ce prêt qui selon le gouvernement devait nous sauver, est allé aux banques », a-t-il regretté. « Non au bradage » indiquaient certaines banderoles critiquant le programme de privatisations qui prévoit d’ouvrir le capital des grands groupes publics (électricité, eau…) afin de réduire la dette, qui a explosé au dessus de 340 milliards d’euros et doit atteindre 152% du PIB d’ici la fin de l’année.

AFP 11/05/11

 

Voir aussi : Rubrique UE, rubrique Grèce, rubrique Finance,

Le mouvement des jeunes gagne l’Europe

La jeunesse espagnole continue à s'indigner

 

Les élections régionales et municipales n’ont pas mis fin aux protestations de dizaines de milliers d’Espagnols, jeunes pour la plupart, contre le chômage massif et les deux grands partis. Pour la presse, les problèmes des manifestants concernent toute la population et des mouvements semblables sont possibles dans d’autres pays européens.

La manifestation de dizaines de milliers d' »indignés » dimanche soir à Athènes et ailleurs en Grèce « montre l’angoisse du peuple devant la situation » de crise traversée par le pays, a jugé lundi le porte-parole du gouvernement, Georges Pétalotis. « Dans la mesure où il s’agit d’un rassemblement spontané (…), je crois que c’est un signe positif d’exprimer notre angoisse devant la situation », a affirmé M. Pétalotis sur la station de radio Flash. Plusieurs dizaines de milliers de personnes, selon la police, se sont rassemblées dimanche soir sur Syntagma, la place centrale d’Athènes, et dans d’autres villes du pays à l’appel paneuropéen des « indignés », qui ont manifesté dans plusieurs villes du continent, à l’instar de ceux réunis à Madrid, sur la place de la Puerta del Sol.
Pour sa part le ministre grec des Finances, Georges Papaconstantinou, a estimé lundi à la chaîne de télévision publique Net que « la majorité écrasante » des manifestants éprouvaient « des angoisses réelles » et « s’inquiétaient de leur avenir et de celui de leurs enfants ». Le vice-président du gouvernement et vétéran socialiste Théodore Pangalos s’en était pris aux « indignés » dans un entretien publié dimanche par un journal grec, qualifiant le mouvement de « mode des nouvelles technologies sans idéologie ».
« Même la mode des nouvelles technologies est une idéologie », a rétorqué M. Pétalotis sur la chaîne TV Antenna, rapportait lundi la presse grecque. M. Pétalotis a toutefois jugé que le seul refus « ne menait nulle part » et mis en garde contre « les mouvements qui ne reposent que sur l’émotion ou la colère ». « Ils offrent soit une sorte de défoulement sans résultat (…) soit ouvrent la voie à une prise du pouvoir par des méthodes antidémocratiques ».
Organisés via les réseaux sociaux, les « indignés » grecs ont installé un campement sur la place Syntagma, devant le Parlement, où depuis une semaine affluent tous les soirs des milliers de personnes protestant contre une vague de privatisations et de nouvelles mesures d’austérité que le gouvernement s’apprête à adopter sous la pression de ses créanciers, l’Union européenne et le Fonds monétaire international.
AFP 30/05/11

 

L’UE pousse les citoyens à protester

Le mouvement de protestation espagnol pourrait s’étendre à d’autres pays européens, estime le quotidien de centre-gauche libération : « La démocratie est née sur des places publiques. C’est-à-dire des espaces où, dans les cités antiques et les villes, les citoyens pouvaient se tenir assemblés pour débattre de questions qui dépassaient les individus et concernaient la communauté dans son ensemble. Les ‘Indignés’ de la Puerta del Sol rejouent à Madrid cette scène fondatrice. … Les ‘Indignés’ de la Puerta del Sol ne se font aucune illusion quant à leur prochaine évacuation par la police. Les tentes des manifestants et leurs cuisines en plein air risquent en effet de disparaître. On fera place nette. Mais la cause de ce mouvement spontané, inédit, elle, restera intacte. Et pourrait rapidement se trouver traduite dans de nombreuses langues européennes si les gouvernements de l’Union, de droite comme de gauche, n’ont à offrir à leurs citoyens que la perspective infinie de la rigueur économique. » (24.05.2011)

» article intégral (lien externe, français)

El Periódico de Catalunya – Espagne 

Des problèmes communs à tous

Le mouvement des indignés qui descendent sur les places d’Espagne pour protester depuis le 15 mai continuera à exister et à s’engager pour les changements sociaux même après les élections de dimanche dernier, estime le quotidien de centre-gauche El Periódico de Catalunya : « Aucun mouvement de jeunes n’a jusqu’à maintenant destitué un gouvernement ou renversé un système économique. Mais ils sont nombreux – à commencer par les Américains qui ont protesté contre la guerre du Vietnam jusqu’aux Islandais dernièrement – à avoir réussi à propager leur rage à une grande partie de la société. Cela a alors provoqué des changements politiques de grande ampleur. Les porte-parole du mouvement du 15 mai en ont fait leur objectif. Pour cette raison, ils ne mentionnent jamais dans leurs revendications les problèmes de la jeunesse mais toujours ceux de tous les citoyens. Leur action pacifique joue probablement également un rôle, car ils ne veulent effrayer personne. » (24.05.2011)



Süddeutsche Zeitung – Allemagne 

Les Espagnols doivent se mettre à la tâche

Les Espagnols mécontents veulent un nouveau système politique, mais ils doivent faire preuve d’initiative et mettre en œuvre chez eux les connaissances souvent acquises à l’étranger, demande le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung : « L’une des principales revendications du mouvement de protestation est d’autoriser pour les élections des listes ouvertes pour les candidats indépendants. De nombreuses banderoles à la Puerta del Sol prennent l’Islande pour modèle car du crash est né un mouvement politique actif. Mais avant d’en arriver là, les personnes insatisfaites préfèrent ne pas se rendre aux urnes ou donner leur voix à des partis régionaux – en période de crise son propre clocher est encore ce qu’il y a de plus proche. C’est une erreur, car c’est bien le régionalisme déviant qui, par sa prodigalité, a provoqué en grande partie le désastre financier espagnol. … Il existe depuis longtemps une nouvelle vague d’émigration vers les entreprises allemandes, italiennes, britanniques et françaises. Seuls ces émigrés ont le pouvoir de recréer leur pays en s’appuyant sur les connaissances acquises à l’étranger. » (24.05.2011)

Politiken – Danemark 

Merkel enterre l’Europe

Les jeunes Espagnols qui manifestent par milliers à Madrid doivent se préparer à de nombreuses années de chômage massif, estime le quotidien de centre-gauche Politiken, qui rend l’UE responsable de cette situation : « Les dirigeants européens ont prescrit une cure complètement inadaptée. Au lieu de mener une politique financière tournée expansive combinée à des réformes structurelles, Merkel et consorts veulent sortir de la crise en infligeant un remède de cheval aux pays en crise, ce qui élargit encore le fossé. La Banque centrale européenne n’a le regard fixé que sur l’inflation alors que c’est actuellement un moindre mal, comparé au développement du chômage massif. De plus, elle encourage l’augmentation des intérêts, ce qui ne fait qu’aggraver la situation de l’Espagne. » (24.05.2011)