Le public du Corum conquis par le concert inaugural Crédit Photo Marc Ginot
Depuis lundi les auditeurs du Festival ne savent plus où donner de l’oreille. De l’electro avec Tohu Bohu à la programmation jazz du domaine D’O en passant par les concerts symphoniques, les récitals et les Rencontres Pétrarque de France-Culture Montpellier et la Région célèbrent la richesse et la diversité de la programmation .
Double ouverture du festival au Corum lundi avec une dimension découverte à travers le récital de Béatrice Rana et une création symphonique composée pour ciel étoilé intitulé Les mille et une nuits sous la baguette de Michael Schonwandt dirigeant l’Orchestre national de Montpellier accompagné par Karine Deshayes et Lambert Wilson dans le rôle de récitant.
Forte de ses 23 ans, la pianiste Beatrice Rana débute le festival avec les Variations Goldberg élaborées par Jean-Sébastien Bach en 1741. Dès 18h, la grande salle Berlioz du Corum est quasiment pleine. Consacrée sur la scène internationale la jeune pianiste émergente s’attaque pour la première fois aux parcours redoutable des trente variations avec une tonicité régénérante. La technique parfaite de Béatrice Rana vient à bout des vertigineux croisements de mains qu’exigent l’interprétation composée à l’origine pour un clavecin à deux claviers. La pianiste italienne fait preuve d’une impressionnante maîtrise de l’oeuvre. Répondant aux nombreuses superpositions de formes, d’harmonies, et de rythmes. Mais la technique prend le dessus sur l’interprétation et la rigueur d’exécution s’exerce au détriment de la dimension spirituelle. Béatrice Rana offre cependant la démonstration d’une précoce maturité annonçant l’aube d’une brillante carrière.
Sous le signe de l’Orient
Le concert de 21h, Les Mille et une nuits, suit le fil naturel de la thématique de cette 32e édition, Le Voyage d’Orient proposé par Jean-Pierre Rousseau. Il s’agit moins de piocher au rayon exotique, où s’entassent les centaines de compositeurs européens de Mozart à Berlioz en passant par Debussy, Schönberg et Szymanowski… ayant cédé à cet appel pour modifier leur rapport au monde, que de considérer la musique comme un vecteur d’altérité qui élude la question des différences, religieuses, sociales et culturelle.
L’adaptation musicale des Mille et une nuits proposée en guise de grand concert d’ouverture a répondu joliment à cette volonté en associant, sur le modèle de Maurice Ravel, poèmes, voix et orchestre. L’orchestre national de Montpellier dirigé par Michael Schonwandt et leurs deux invités, la mezzo soprano Karine Deshayes, et l’acteur et comédien Lambert Wilson, ont interprété des extraits de la Shéhérazade de Maurice Ravel de celle de Rimski-Korsakov et d’Aladin composé par Carl Nielsen pour la pièce d’Adam Oehlenscläger.
L’ensemble s’affirme avec cohérence et respiration en résonance avec l’esprit d’ouverture du festival. Il éveille aussi la curiosité et capte l’attention comme le mouvement de Nielsen La place du marché où l’Orchestre se sépare pour occuper différents espaces de la salle et rendre compte de l’ambiance populaire du marché.
L’idée des Mille et une nuits était heureuse, elle s’est révélée captivante. Shéhérazade a encore de beaux jours devant elle, si elle occupe nos soirées de la sorte.
Sharon Eyal & Gai Behar OCD Love. Crédit Photo Ron Kedmi
La 36e édition s’est clôturée samedi avec le sentiment d’avoir fait de nombreuses rencontres artistiques qui disent le monde d’aujourd’hui. Les déclarations de Jean Paul Montanari attestent cependant d’un regard paradoxal qui pose la question d’une restructuration.
Il serait injuste de bouder notre plaisir, celui que nous ont transmis bon nombre de chorégraphes invités cette année en provenance des quatre coins du monde. La question des origines notamment méditerranéennes posée cette année, comme celle de la transition semble avoir hanté le directeur artistique.
La sidérante et très actuelle pièce OCD Love (première en France) de la Chorégraphe Sharon Eyal associée au compositeur et Dj Gai Behar s’inscrira dans la mouvance d’un art habité plutôt mondial, tandis que la levée de rideau du festival sur The Primate Trilogy de l’Américain Jacopo Godani, successeur de William Forsythe à la tête de la Compagnie de danse de Dresde-Francfort, résume le savoir-faire irréprochable de la danse américaine, juste en oubliant l’âme et la pensée.
Mais une fois encore le Festival Montpellier danse a résumé dans une longue prise de vue panoramique les horizons chorégraphiques du moment. Nous devons les grands temps de cette édition à la Sud africaine Robyn Orlin avec la présence écarlate du performer Albert Ibokwe Kholza, à la liberté que le chorégraphe burkinabé Salia Sanou exprime dans Du désir d’Horizons, au céleste Still Life de Dimitris Papaioannou et aux engagements indisciplinés de la Franco-Algérienne Nacera Belaza ou de l’Iranien Hooman Sharifi.
Avec 32 000 spectateurs et un taux de fréquentation de 89% l’institution artistique Montpellier Danse a répondu cette année à l’extension métropolitaine en assurant une présence dans quinze villes de la Métropole. « Que vous le vouliez ou pas, vous nous avez transmis le goût et l’intensité de l’art chorégraphique, résumera le vice-président en charge de la culture métropolitaine, Bernard Travier à l’attention de Jean-Paul Montanari qui annonce dans le rôle de Cassandre la disparition de la danse contemporaine.
Le Festival et son directeur prévoient pour l’année prochaine un retour au ballet romantique avec Gisèle par le ballet du Capitole ainsi que la présence du ballet de Lyon et d’Amsterdam. Gageons que le festival maintiendra son soutien à la création, Sharon Eyal et Marlène Freitas sont déjà dans les tablettes de 2017.
JEAN PAUL MONTANARI ET LE TROIS EN UN
S’il est attentif à l’évolution de l’art, le directeur de Montpellier Danse l’est aussi concernant l’évolution du secteur culturel montpelliérain. Aussi le dernier des Mohicans de l’ère culturelle frêchienne, qui constate une légère érosion de la fréquentation, a-t-il lancé l’idée non conventionnelle d’un regroupement des trois grands festivals de l’été, le sien, le Printemps des Comédiens et le Festival de Radio France.
Selon Jean-Paul Montanari, cette fusion qui pourrait également concerner le CDN dirigé par Rodrigo Garcia, serait une manière de renforcer la puissance culturelle de Montpellier face à Marseille, Aix, ou Avignon. Mais s’ils ne s’opposent pas à une meilleure communication, voire à trouver des synergies, les deux autres directeurs de festival concernés, Jean Varela pour le Printemps des Comédiens et Jean Pierre-Rousseau pour le festival de Radio France ne l’’entendent pas de cette oreille. Le public fidèle des différents événements non plus, car il a bien saisi que cette restructuration aboutirait nécessairement à une réduction de l’offre culturelle.
A l’heure où le Conseil Départemental et la Métropole se disputent la compétence culturelle, cette question est éminemment politique. Le président de la Métropole a déclaré que cette idée pouvait être creusée. La présidente de Région Carole Delga, premier partenaire financier du festival de Radio France, a souligné l’importance de conserver l’identité forte et lisible de chaque festival.
Montanari, dont le goût pour la provocation est connu s’amuse-t-il à vouloir redistribuer les cartes, ou joue-t-il le rôle de poisson pilote de Philippe Saurel ?
Jean-Pierre Rousseau à temps plein sur le festival qui ouvre lundi avec « Les mille et quelques nuits » Photo Marc Ginot
Jean-Pierre Rousseau a été nommé directeur de la Musique de Radio France par Mathieu Gallet. Il est aujourd’hui directeur du Festival de Radio France qui débute lundi à Montpellier.
Il a été directeur général de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, institution qu’il a profondément restructurée et tournée vers l’international. Jean-Pierre Rousseau a également été producteur responsable de la musique symphonique, à la Radio Suisse Romande.
Depuis votre nomination à la direction en 2014, vous avez assuré une transition l’année dernière qui offre à nouveau des perspectives au festival de Radio France. Aujourd’hui, les feux semblent au vert. Dans quel état d’esprit abordez vous cette nouvelle édition ?
J’entendais, il est vrai l’année dernière de façon pesante que ce serait sans doute le dernier festival, pour un certain nombre de causes comme la position de Radio France à l’égard du festival, la grève qui avait marqué la Maison ronde, les incertitudes liées à la grande région… Pour toutes ces raisons, nous devions réussir l’édition 2015, pas seulement pour les 30 ans, mais parce que c’était le meilleur plaidoyer pour pérenniser le festival. J’ai expliqué à mon équipe que nous étions en campagne, qu’il fallait motiver nos partenaires afin qu’ils nous épaulent. Avec le soutien du PDG Mathieu Gallet, nous avons rappelé à toutes les chaînes de Radio France que leur festival se déroule ici. La présidente de Région Carole Delga vient de le réaffirmer, c’est un festival emblématique pour le maillage du territoire et le large accès à la culture qu’il propose à tous, avec plus de 90% de manifestations gratuites. Nous avons conquis 120 000 auditeurs l’an passé. Je suis donc dans un état d’esprit serein, puisque le dernier CA qui s’est tenu en février à Paris confirme la convention cadre avec nos deux principaux partenaires jusqu’en 2019 voir en 2020, et à la fois conscient du travail de développement qu’il reste à mener.
Pourquoi avoir quitté vos fonctions de directeur de la Musique de Radio France ?
Historiquement la fonction de directeur de la Musique n’est pas liée à celle de la direction du festival, même si elle a pu être cumulée à certaines périodes. Mathieu Gallet m’a nommé à la direction de la Musique en me demandant de prendre aussi celle du festival, je ne sais pas comment j’aurais fait en cumulant les deux fonctions. C’est humainement impossible. Pour Radio France , je gérais 200 concerts dans l’année avec un budget de 60 millions. Pour le festival, je gère 200 concerts en trois semaines avec 3,9ME de budget, ce qui demande une implication complète. Je suis très heureux d’avoir fait ce choix.
Outre le maillage du territoire régional votre mission consiste aussi à hisser le festival au niveau des grands rendez-vous musicaux européens. Avez-vous des pistes ?
Je dispose d’une équipe qui fonctionne bien. J’ai aidé à répondre à un certain nombre de questions. De par la présence de Radio France, nous ne sommes pas un festival comme un autre. Au-delà des 120 000 auditeurs , combien en concernons nous par les ondes et la diffusion numérique ? Le Fantasio créé l’an passé a été demandé par 34 radios publiques dans le monde. Je pense que nous devons optimiser notre communication et mettre en place des outils qui valorisent le festival au-delà du territoire en démultipliant les capteurs de ce potentiel fugitif. Le fait que Radio France soit revenu en force sur le festival est à cet égard très positif.
Quelle est votre position sur la proposition émise par Jean-Paul Montanari de fusionner les trois grands festivals montpelliérains, Le Printemps des Comédiens, Montpellier Danse et Radio-France au sein d’une même entité pour gagner en visibilité internationale ?
Je comprends les raisons du directeur de Montpellier Danse. Ce n’est du reste pas une idée nouvelle. Quels seraient les avantages, les inconvénients et les conséquences d’une fusion ? Je partage l’idée qu’il faut mieux exploiter l’enchaînement de ces trois festivals, mais je ne suis pas convaincu qu’en matière de culture un chapeau unique serait plus vendeur. Pourquoi faire un seul festival ? Dans ma position , je peux me permettre de jouer les naïfs. Cela représente un risque sérieux pour que les partenaires diminuent leur contribution et je ne vois pas de gain pour le public.
Au final la balance penche plutôt du côté des inconvénients mais je rejoins l’idée de Jean-Paul Montanari pour unir nos forces.
Voyage d’Orient, la thématique 2016 du festival semble inscrire la musique comme un vecteur d’altérité…
Le choix de cette thématique s’est opéré avec Corinne Delafons en charge de la programmation avec qui je collabore très bien, nous sommes très complémentaires. Ce choix nous fait quitter le terrain rationnel. Il a pour vocation de proposer une invitation et de tracer des perspectives qui éclairent aussi bien les artistes que le public. Au départ il y avait une intuition et le constat que l’Orient pâtit d’une image catastrophique depuis la fin de la seconde guerre mondiale, avec l’embourbement du conflit israélo-palestinien, les révolutions arabes, Daesh… L’image de ces cultures qui nous ont tant fascinés jusqu’au début du XXe est devenue plutôt négative. Le choix de ce thème, permet de rappeler que l’Orient est aussi une immense source d’inspiration notamment musicale.
Comment avez-vous déployé la programmation autour de l’Orient ?
Nous proposons une exploration, partielle et subjective à l’instar de la soirée d’ouverture Mille et quelques nuits réunissant Lambert Wilson, Karine Deshayes, Michael Schønwandt et l’Orchestre national de Montpellier autour des secrets de Shéhérazade. Une création et une relecture des oeuvres de Nielsen,Rimski-Korsakov, et Ravel. On peut citer la chinoiserie d’ Offenbach, Ba-Ta-Clan, Des programmations thématiques au parfum oriental comme La route du thé ou Aimez-vous Brahms ? qui était fasciné par la liberté tsigane, tourneront en Région au même titre que des orchestres symphoniques qui sont programmés à Mende et Perpignan.
Il semble que l’offre pourtant très suivie des concerts gratuits de 12h30 et 18h30 soit en recul ?
Ces propositions autour de des jeunes solistes talentueux et de la musique de chambre sont maintenues. Il peut y avoir un effet d’optique notamment sur la première semaine où se cumule l’arrivée du Tour de France le 13 et le 14 juillet. Nous sommes aussi dans une nouvelle répartition territoriale à budget constant. Il faut néanmoins rappeler que 90% des concerts sont gratuits. C’est le cas notamment pour la musique électro avec Tohu Bohu, ainsi que toute la programmation Jazz au Domaine D’o . Ce principe de gratuité est réaffirmé.
Poursuivez vous l’exploration des oeuvres méconnues ?
Oui cela participe à l’identité du festival. On pourra voir cette année à Montpellier Marco Polo et la princesse de Chine, Iris de Mascagni. Et l’opéra Zoroastre de Rameau qui est rarement donné.
Recueilli par JMDH
Du 11/07 au 26/07. Informations : http://www.festivalradiofrancemontpellier.com
La grenouille avait raison de James Thierée Au Printemps des Comédiens
La trentième de tous les records, plus de 60 000 spectateurs, 90% de taux de remplissage… Mais demain ?
Eh bien voilà. Eteints les derniers projecteurs, baissé le rideau rouge de la Grenouille de James Thierrée, dissipées les ultimes acclamations. Et comme chaque année, à l’heure où se termine le Printemps des Comédiens, c’est dans un mélange de nostalgie et de satisfaction que l’équipe du festival veut remercier son public. Pour l’avoir suivi sur des pistes pas toujours balisées. Il a fallu cette année bien des listes d’attente, bien des prises d’assaut de la billetterie pour tenter de satisfaire un public venu en rangs plus serrés encore que de coutume.
Ne rien sacrifier de l’artistique
Car cette édition du 30e anniversaire est celle de tous les records. Jean Varela, le directeur artistique du Printemps, voulait «un acte fort» : « Revenir à une durée plus longue après des années de baisse. Ne rien sacrifier de nos ambitions artistiques et maintenir le festival dans ce qui est sa marque : un mélange de publics, familles, enfants, amateurs plus pointus, un mélange de genres : cirques, théâtre de texte, croisement des disciplines comme avec Triptyque…»
C’est peu dire que le pari est réussi : la fréquentation du festival atteint un chiffre jamais vu en trente ans. Plus de 60.000 spectateurs ! Un remplissage des lieux de spectacle qui dépasse 90%… Il est vrai que ce chiffre bénéficie de l’effet Zingaro qui, installé dans le domaine de Bayssan à Béziers, accueillera jusqu’au 10 juillet entre 20 et 25000 spectateurs. Mais Zingaro, c’est le Printemps. Une sorte de retour aux sources même, puisqu’aux temps héroïques, le festival promenait ses tréteaux dans tout le département. Une affirmation du Conseil départemental aussi : marquer, aujourd’hui en terre biterroise, que la culture est plus que jamais une nécessité.
Dosages subtils
« Voilà donc le rideau baissé. Et à cet instant, chaque année, le dernier mot nous était évident : à l’an prochain, disions-nous à notre public. A l’an prochain avec des grands noms de la scène (…) Pouvons-nous le dire cette année ? Hélas, nous n’en savons rien : le transfert des compétences entre Conseil départemental et Métropole plonge l’avenir du festival dans l’incertitude. Ce n’est pas le lieu de s’immiscer dans des discussions où la politique et les exigences budgétaires s’entremêlent.
Mais peut-être est-ce le moment de rappeler qu’un festival, même fort de 60 000 spectateurs, est une construction fragile. Que la culture, la joie du public, le bonheur d’être ensemble dans un lieu magnifique, tout cela est une alchimie dont les dosages sont subtils. Puissions en préserver la recette l’an prochain pour un nouveau sacre du Printemps.»
Comment après la réussite d’une programmation artistique si ambitieuse, et l’accomplissement d’une mission culturelle publique de cette ampleur, validée par le plus grand nombre, une équipe est-elle amenée à s’interroger de la sorte ? Désormais, il appartient sans doute à ce large public de questionner les représentants du peuple, pour connaître leurs véritables projets derrière leurs silences, leurs chiffres et leurs coups de menton…
Le Musée international des arts modestes met à l’honneur une des œuvres les plus originales du paysage audiovisuel français. Créés par Jacques Rouxel les Shadoks travaillent énormément pour porter sur le petit écran son goût pour l’absurde et sa fascination pour la machine.
C’est sous le signe de l’aventure artistique que s’ouvre la première grande expo consacrée aux Shadoks, à découvrir au Miam jusqu’au 6 novembre. Après Le manège enchanté, et Groland, Shadoks ! est la troisième exposition du Miam à faire incursion dans le monde de la télévision considéré à juste titre comme un digne support des arts modestes. C’est sans doute aussi la plus pertinente, tant l’idée de confier une fenêtre au cœur de la télévision d’Etat à un créateur s’est révélée féconde.
L’œuvre inclassable de Rouxel
Créateur de ces entêtants personnages, anthropomorphes mi-hommes mi-oiseaux Jacques Rouxel (1931 – 2004) est resté un auteur modeste et discret. D’une adolescence passée à New-York, il rapporte les leçons des comics américains ; tout en se revendiquant d’Alphonse Allais et d’Alfred Jarry, Rouxel affiche à la fois un goût pour l’absurde et une fascination pour les machines. Son entrée au Service recherche de l’ORTF dirigé alors par Pierre Schaeffer, père de la musique concrète et de la musique électroacoustique, va faire le reste.
Le 29 avril 1968 à 20h30, en prime time dirait-on aujourd’hui, les Shadoks atterrissent sur le petit écran. Le format est court, 2 mn qui propulse les téléspectateurs dans un autre monde. Débarrassée de tout le cérémonial habituel et notamment celui de la grand messe du JT de 20h les images diffusées ne sont pas du goût de tout le monde…
« Beaucoup de téléspectateurs outrés envoient des courriers à la chaîne. Certains critiques l’esthétique trouvant les personnages moches, d’autres s’en prennent à l’esprit débridé qui annonce Hara Kiri et Charlie Hebdo, indique le commissaire de l’exposition Norbert Duffort qui a travaillé six mois à la préparation de l’événement. Enfant de l’Oulipo, Jacques Rouxel, était un type assez secret. Un peu comme Brassens, il se méfiait des médias. A l’époque, l’émergence des Shadoks, qui représentent une contre autorité au sein du projet de la télévision d’Etat fait polémique. Mais Rouxel sera soutenu par Malraux qui défend l’initiative et les expériences originales susceptibles de répondre à des besoins nouveaux et dépasser les cloisonnements des administrations à travers le champ culturel. Schaeffer, le patron de l’ORTF pousse dans le même sens. »
Si la visite de l’exposition du Miam démontre que les Shadoks n’ont pas pris une ride, elle ouvre aussi sur une question : Un projet aussi critique et avant-gardiste – non dénué de bon sens et de connotations politiques comme dans le message : « Pour qu’il y ait le moins de mécontents possibles il faut toujours taper sur les mêmes » – trouverait-il une place aujourd’hui en prime-time dans les grilles de France-Télévision ? La réponse est non…
Les événements de mai 68 vont couper court à la diffusion des Shadoks qui s’interrompt avec la grève de l’ORTF qui dénonce la manipulation de l’opinion publique. Jacques Rouxel n’y participe pas parce qu’il n’est pas titulaire. En 1974 les Shadoks sont de retour et connaissent un succès croissant lors des trois premières saisons. En janvier 2000 Canal + lance la série 4 qui s’avérera peu concluante.
Un des intérêts de l’expo du Miam réside dans les documents originaux notamment les celluloïds qui révèlent l’influence exercée par le mouvement abstrait sur l’œuvre de Jacques Rouxel. La confrontation avec des œuvres d’artistes contemporains souligne quant à elle, que l’empreinte de sa conscience malicieuse du monde peut être renouvelée.